V. RAPPORT SENAT N° 111 (2010-2011)

Commentaire : le présent article apporte plusieurs rectifications au dispositif de gel des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle pour l'année 2011.

I. LE DROIT EXISTANT

La réforme de la taxe professionnelle, mise en oeuvre par la loi de finances pour 2010 1 ( * ) , a prévu de geler le fonctionnement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) à compter de 2010 , dans l'attente de la mise en place d'un nouveau dispositif, prévu initialement pour entrer en application en 2011.

A. LE FONCTIONNEMENT DES FDPTP AVANT LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

Avant la réforme de la taxe professionnelle, les FDPTP, régis par les articles 1648 A et 1648 AA du code général des impôts (CGI), étaient alimentés par deux types de ressources :

- l'écrêtement des bases excédentaires : lorsque, dans une commune, les bases d'imposition d'un établissement divisées par le nombre d'habitants excédaient deux fois la moyenne des bases de taxe professionnelle par habitant au niveau national, il était prélevé au profit des FDPTP un prélèvement égal au produit des bases excédentaires par le taux en vigueur dans la commune ;

- un prélèvement sur les ressources des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) : lorsqu'une commune auparavant écrêtée à raison d'un établissement exceptionnel situé sur son territoire avait adhéré à un EPCI à taxe professionnelle unique.

En 2007, les FDPTP ont reçu 579 millions d'euros au titre de l'écrêtement et 194 millions d'euros au titre des prélèvements. Ils bénéficient par ailleurs, comme les collectivités, de certaines compensations d'exonérations de taxe professionnelle, pour 142 millions d'euros en 2007 soit, au total, 915 millions d'euros d'après les dernières données disponibles.

Les reversements des ressources des FDPTP étaient opérés en faveur de trois types de collectivités :

- tout d'abord, les collectivités écrêtées bénéficiaient d'un « retour prioritaire » sur les ressources du fonds ;

- d'autre part, les communes dites « concernées » , c'est-à-dire celles situées à proximité de l'établissement exceptionnel écrêté ou accueillant ses salariés et subissant donc un préjudice du fait de cet établissement ;

- enfin, les communes ou EPCI dits « défavorisés » par la faiblesse de leur potentiel fiscal ou l'importance de leur charge. Une grande liberté était laissée à chaque conseil général pour la répartition de cette part.

B. LE GEL DES FDPTP EN 2010

La réforme de la taxe professionnelle a prévu de « geler » le fonctionnement des FDPTP en 2010.

Ainsi, le montant de la compensation-relais versée à chaque collectivité en lieu et place de la taxe professionnelle a été calculé net des écrêtements et prélèvements opérés en 2009 au profit des FDPTP, ce qui est logique puisque les collectivités écrêtées ou prélevées ne bénéficiaient pas de ce produit.

Par ailleurs, les retours prioritaires et les reversements aux communes concernées ont été figés , en 2010, par rapport à leurs montants de 2009 et intégrés au montant de la compensation-relais.

Le solde des ressources de chaque FDPTP, correspondant aux reversements aux communes défavorisées en 2009, a été garanti par la réforme et a continué, en 2010, à être réparti par chaque conseil général selon les modalités antérieurement prévues.

Enfin, le dispositif prévu par la loi de finances pour 2010 précisait qu'en région Ile-de-France, les FDPTP versent en 2010 aux deux fonds de compensation des nuisances aéroportuaires (FNCA) de Paris-Charles-de-Gaulle et de Paris-Orly une attribution d'un montant égal à celui qu'ils avaient versé en 2009 en application de l'article 1648 AC du CGI.

L'objectif de ce gel des FDPTP était de laisser le temps à la réforme de se mettre en place afin d'élaborer de nouveaux dispositifs de péréquation financés par des ressources fiscales nouvelles, la taxe professionnelle ayant disparu.

C. LE DISPOSITIF PRÉVU À COMPTER DE L'ANNÉE 2011

1. Le principe d'un nouvel outil de péréquation intercommunale

L'article 76 de la loi de finances pour 2010, autrement appelé « clause de revoyure » de la réforme de la taxe professionnelle, fixait au Gouvernement et au législateur un objectif ambitieux : mettre en place, avant le 31 juillet 2010, des mécanismes de péréquation fondés sur les écarts de potentiel financier et de charges entre les collectivités territoriales « afin de parvenir à un niveau de péréquation au moins équivalent à celui existant avant la présente loi de finances ». L'article 78 de la même loi prévoyait par ailleurs qu'à « compter de l'année 2011 sont mis en place, dans chaque département, en remplacement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, des systèmes de péréquation des ressources des communes et des établissements publics de coopération intercommunale permettant de corriger les inadéquations de la répartition ou de la croissance des ressources entre ces collectivités et établissements publics au regard de l'importance de leurs charges ou de la croissance de ces charges ».

En adoptant, le 28 juin 2010, une résolution relative à la mise en oeuvre de la contribution économique territoriale 2 ( * ) proposée par notre collègue Gérard Longuet, le Sénat a pris acte des difficultés, étant donnée l'ampleur de la réforme, pour adopter ce dispositif législatif dans les délais initialement prévus. Il a donc formulé le souhait « que les précisions et les adaptations législatives prévues par l'article 76 soient reportées à l'automne 2010, en vue de leur adoption avant la fin de l'année, afin de laisser le temps nécessaire à l'analyse de ces données, à l'élaboration des dispositifs techniques et à la concertation, dans l'esprit des clauses de rendez-vous ».

2. Un mécanisme conservatoire

A titre conservatoire, la loi de finances pour 2010 avait prévu, à compter de l'année 2011, de prolonger le gel des FDPTP décidé pour l'année 2010 selon les modalités suivantes.

Les communes qui bénéficiaient de retours prioritaires et les communes « concernées » se voient garantir le montant des reversements dont elles bénéficiaient en provenance des FDPTP par le mécanisme de compensation à l'euro près. La dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et le fonds de garantie individuelle des ressources (FNGIR) leur fourniront une compensation égale aux montants perçus à ce titre en 2009.

En revanche, les communes qui avaient bénéficié en 2009 de reversements en tant que communes « défavorisées » ne se voient pas garantir cette ressource par la DCRTP et le FNGIR. Les montants équivalents sont garantis aux FDPTP par le mécanisme de la garantie à l'euro près de la réforme de la taxe professionnelle. Les FDPTP subsistent donc, pourvus des seules ressources antérieurement affectées aux communes défavorisées, et les modalités de redistribution de leurs fonds, par les conseils généraux, continuent de fonctionner comme en 2009. Le montant global garanti aux FDPTP chaque année à compter de 2011 est évalué, par le présent projet de loi de finances, à 419 millions d'euros , soit un peu moins de la moitié de leurs ressources de 2007.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article propose une nouvelle rédaction pour l'article 1648 A du code général des impôts afin :

- d'une part, de supprimer toutes les dispositions qui n'avaient vocation à s'appliquer qu'en 2010, de manière transitoire ;

- d'autre part, de confirmer l'application, en 2011, du régime conservatoire prévu par la loi de finances pour 2010.

Les FDPTP percevront donc, en 2011, une dotation égale à la somme des versements effectués en 2009 par les FDPTP au profit des communes défavorisées. Cette dotation sera répartie par les conseils généraux selon les mêmes modalités qu'actuellement, au profit des communes et EPCI défavorisés par la faiblesse de leur potentiel fiscal ou l'importance de leurs charges.

Le VI du présent article supprime, par coordination, le dispositif conservatoire qui avait été prévu par l'article 78 de la loi de finances pour 2010 et qui devient inutile puisque repris au sein de l'article 1648 A du CGI.

Le II du présent article prévoit par ailleurs le versement d'une dotation de l'Etat, en 2011, aux FCNA des communes riveraines des aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et de Paris-Orly. Cette dotation sera égale à la somme des reversements opérés à leur profit par les FDPTP en 2010. Il prolonge donc également la contribution des FDPTP aux FCNA en la transformant en une dotation de l'Etat.

Le III propose de corriger un oubli rédactionnel au sein de l'article 78 de la loi de finances pour 2010.

Enfin, les IV à VI du présent article proposent de supprimer les compensations d'exonérations de taxe professionnelle que l'Etat versait aux FDPTP et qui s'élevaient, comme indiqué ci-avant, à 142 millions d'euros en 2007. Ils n'ont aucun impact sur les compensations d'exonérations versées aux collectivités territoriales qui, pour leur part, continuent d'être versées dans les conditions actuelles.

Le IV supprime donc le bénéfice de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), instaurée par l'article 6 de la loi de finances pour 1987 3 ( * ) pour compenser divers allègements de taxe professionnelle (plafonnement des taux communaux, réduction de la fraction imposable sur les salaires, abattement général de 16 % des bases et réduction pour embauche et investissement).

Le V supprime le versement aux FDPTP des compensations d'exonérations de taxe professionnelle applicables dans les zones de revitalisation rurale, les zones de rénovation urbaine, les zones franches urbaines et en Corse.

Le VI du présent article supprime la compensation dont bénéficiaient les FDPTP au titre de la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle mise en oeuvre par la loi de finances pour 1999 4 ( * ) .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, quatre amendements rédactionnels proposés par sa commission des finances.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. UNE PROLONGATION NÉCESSAIRE DU GEL DES FDPTP

L'ampleur de la réforme de la taxe professionnelle mise en oeuvre par la loi de finances pour 2010 nécessitera probablement de procéder à de nombreux ajustements dans les prochaines années. Une des leçons que l'on peut tirer de cette réforme, dont l'élaboration a été extrêmement rapide, est qu'il est préférable, pour bien réformer, de se laisser le temps de disposer de l'ensemble des éléments permettant d'évaluer précisément les conséquences des modifications envisagées.

De ce point de vue, la prolongation du gel des FDPTP en 2011 paraît inévitable . En effet, on ne connaît pas encore avec certitude quels seront les montants de chacune des nouvelles impositions créées en 2010 pour se substituer à la taxe professionnelle. On sait avec encore moins de précision quelle sera l'évolution, à moyen terme, du produit de ces impositions. Par ailleurs, les transferts de fiscalité entre l'Etat et les collectivités territoriales et entre catégories de collectivités territoriales doivent se mettre en place pour la première fois en 2011.

Dans ce contexte, il paraît illusoire de bâtir dès maintenant un dispositif de péréquation intercommunale pour se substituer aux anciens FDPTP . Tout au plus peut-on fixer des objectifs et des orientations pour cette péréquation intercommunale qui devra s'appliquer à compter de 2012, comme le propose l'article 63 du présent projet de loi de finances 5 ( * ) . Ce n'est qu'au vu des éléments qui seront disponibles lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2012, que nous saurons s'il est possible, dans des conditions satisfaisantes, de mettre en place ce nouveau dispositif.

Cette nécessité de prendre le temps de la réflexion ne présente d'ailleurs pas d'inconvénients majeurs à court terme .

D'une part, le dispositif proposé par le présent article garantit aux collectivités territoriales les montants des reversements aux communes concernées ainsi que ceux dont elles bénéficiaient au titre des reversements prioritaires. Les reversements prioritaires constituaient en réalité, pour les collectivités territoriales qui en bénéficiaient, une atténuation du prélèvement opéré au profit des FDPTP. Il est donc logique qu'elles continuent à en bénéficier. Les reversements aux communes concernées, liés en général à la présence de salariés des établissements exceptionnels, étaient quant à eux relativement rigides à court terme.

D'autre part, le présent article garantit que les conseils généraux continueront de disposer du pouvoir de redistribution du produit des FDPTP affecté aux communes défavorisées, les reversements effectués à ce titre au profit de chaque commune ou EPCI pouvant être modifiés d'une année sur l'autre, comme auparavant.

Le principal inconvénient du dispositif est qu'il fige le montant affecté à la péréquation intercommunale , tout comme le mécanisme de compensation à l'euro près de la réforme fige les compensations versées aux collectivités territoriales.

B. L'ARRÊT LOGIQUE DU VERSEMENT DES COMPENSATIONS D'EXONÉRATIONS AUX FDPTP

Le présent article garantit aux FDPTP les montants qu'ils reversaient antérieurement au titre des communes défavorisées. Le dispositif de réforme de la taxe professionnelle, via la compensation à l'euro près, garantit par ailleurs aux communes et EPCI les montants reversés au titre des communes concernées et les reversements prioritaires. Il en résulte que l'ensemble des anciennes ressources des FDPTP sont compensées par le nouveau dispositif résultant de la réforme de la taxe professionnelle , y compris celles qui résultaient de compensations d'exonérations de taxe professionnelle versées par l'Etat aux FDPTP.

Par conséquent, les dispositions législatives prévoyant les anciennes compensations d'exonérations de taxe professionnelle, versées aux FDPTP pour compenser les pertes qu'ils subissaient du fait de nouveaux allègements de fiscalité locale, n'ont plus d'utilité . Poursuivre leur versement aux FDPTP conduirait en réalité à verser deux fois ces compensations. L'arrêt du versement des compensations d'exonérations visées par le présent article est donc opportun 6 ( * ) .

C. GARANTIR LES CONTRIBUTIONS AUX FCNA

Enfin, le présent article est bienvenu en ce qu'il permet de sécuriser le financement des fonds de compensation des nuisances aéroportuaires des aéroports de Roissy et d'Orly , alors que le dispositif adopté en loi de finances pour 2010 avait omis de traiter cette question.

Les FCNA recevront, en 2011, dans les mêmes conditions que les collectivités territoriales et les FDPTP, des dotations qui seront figées au niveau des montants antérieurement perçus par eux.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009.

* 2 Résolution n° 136 (2009-2010).

* 3 Loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986.

* 4 Loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998.

* 5 Il est renvoyé, pour le commentaire de cet article, au tome III du présent rapport.

* 6 Le cas des compensations d'exonérations versées aux FDPTP en 2010 et non visées par le présent article est traité par l'article 23 du présent projet de loi, qui tire les conséquences, sur les compensations d'exonérations, de la réforme de la taxe professionnelle adoptée dans la loi de finances pour 2010.