VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 23 NOVEMBRE 2010

Séance du mercredi 25 novembre 2010

Article 21

M. le président. L'amendement n° I-172, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que les deux précédents. L'article 21 prévoit le gel en 2011 des dotations d'investissement perçues par les collectivités territoriales.

Ainsi les dotations permettant aux départements et aux régions de financer leurs investissements, respectivement dans les collèges et les lycées, seront-elles gelées en 2011.

La reconduction des sommes allouées en 2010 au titre des dotations d'investissement représentera une perte de 22 millions d'euros environ en 2011. Facteur aggravant, certaines de ces dotations subissent le même sort depuis 2009 - il s'agit donc du troisième budget consécutif ! -, date à partir de laquelle elles n'ont plus évolué.

Conjuguées à une baisse des ressources fiscales et budgétaires locales, les conséquences de telles mesures se font d'ores et déjà sentir sur le niveau d'investissement des collectivités locales. Je le rappelle, la note de conjoncture qui a été publiée la semaine dernière par Dexia Crédit Local annonce un recul de 2,1 % des investissements publics locaux en 2010.

Cette chute devrait se poursuivre en 2011, puisque le projet de loi de finances prévoit une diminution de 3,1 % du montant du FCTVA pour l'année prochaine.

Nous l'avons déjà indiqué à plusieurs reprises, mais nous ne nous lassons pas de répéter cette vérité : ajoutée à la hausse de la fiscalité pesant sur les ménages et à la fin des aides à la consommation, la baisse de l'investissement public, auquel les collectivités territoriales participent à plus de 70 %, privera notre pays de toute capacité à de rebond pour sortir de la crise !

Dès lors, il ne faudra pas vous étonner si l'hypothèse de croissance sur laquelle vous tablez pour élaborer votre budget, c'est-à-dire 2 %, ne se vérifie malheureusement pas l'année prochaine !

Or vous savez bien que, sans croissance, nous ne pouvons pas espérer une amélioration de la situation de l'emploi, pas plus qu'un retour à l'équilibre des comptes publics.

Par conséquent, à l'instar de ce que nous disions précédemment à propos de la DGF, nous ne pouvons pas accepter le gel des dotations d'investissement et l'asphyxie programmée de l'action des collectivités locales.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons la suppression de cet article, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous poursuivons la même discussion et, selon la même philosophie, nous sommes confrontés aux mêmes contraintes, qui conduisent la commission à émettre un avis fermement défavorable sur cet amendement.

Mme Nicole Bricq. Fermement ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme Mme Bricq l'a indiqué elle-même, cet amendement s'inscrit dans la même logique que ses précédents les amendements.

Tout comme la commission, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. L'obstination dont font preuve tant M. le rapporteur général que M. le secrétaire d'État en voulant une nouvelle fois aligner l'action des collectivités territoriales sur ce que fait l'État relève manifestement d'un parti pris - je dirais même d'une « fixette » - idéologique.

Comme vient de le souligner notre collègue Nicole Bricq, dès lors que l'on obère les capacités d'investissement des départements, on diminue d'autant leurs possibilités, par exemple, de construire des collèges.

Le raisonnement idéologique du Gouvernement perd toute pertinence lorsqu'il est confronté à une approche démographique. En effet, l'augmentation de population que connaissent encore quelques départements induit la construction de collèges. Comment peut-on nier une telle évidence ?

Monsieur le secrétaire d'État, votre approche relève, je le répète, d'un parti pris idéologique. Vous voulez à toute force appliquer à l'échelon local ce que vous vous acharnez à faire à l'échelon national. Avec la révision générale des politiques publiques, la RGPP, vous souhaitez non seulement réduire les personnels, mais également restreindre les services publics locaux.

Mais, et chacun peut le comprendre, les conséquences de telles décisions sont beaucoup plus lourdes en matière d'éducation nationale que dans d'autres secteurs.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. En refusant une nouvelle fois de faire évoluer la dotation d'investissement, le Gouvernement semble indiquer que les coûts des investissements des collectivités territoriales n'évoluent pas.

Or, comme vient de le rappeler notre collègue, tous les travaux engagés par les départements - je pense notamment à la construction des collèges - subissent directement l'inflation.

Ces hausses de prix non négligeables auront des conséquences sur l'activité et, de fait, sur la dynamique économiques des collectivités territoriales, dont les investissements seront moindres.

Dans ces conditions, à l'instar de notre collègue Nicole Bricq, je vois de moins en moins comment vos prévisions de croissance pourraient se vérifier l'an prochain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-172.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-342, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - À la fin de la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales, le taux : « 15,482 % » est remplacé par le taux : « 16,388 % ».

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement s'inscrit une nouvelle fois dans une logique de résolution des problèmes financiers auxquels les collectivités territoriales sont confrontées.

Je rappelle que le FCTVA a été créé pour compenser, en partie, la TVA supportée par les collectivités locales sur leurs investissements. J'emploie à dessein le verbe « compenser », car il s'agissait à l'origine d'un remboursement.

Il est calculé sur la part relative au taux normal de 0,196 % rapporté au prix TVA incluse, soit 16,388 %. Mais nous ne recevons que 15,482 % au titre du remboursement depuis 2003.

Jusqu'à l'an dernier, les collectivités locales assumaient 74 % des investissements publics. Toutefois, elles sont aujourd'hui contraintes de freiner leurs efforts, pourtant essentiels pour améliorer la vie de leurs habitants. Les investissements ont baissé de deux points depuis le début de l'année.

En 2009, l'effort consenti en matière d'équipement a stagné. Les dépenses d'équipement, qui s'élèvent à 39,8 milliards d'euros, ont subi une légère baisse de 0,6 % en 2009, contre 3,2 % en 2008. Le plan de relance avec remboursement anticipé de la TVA avait probablement contribué à redonner de la dynamique, mais celle-ci a été limitée, car, comme je l'ai précisé tout à l'heure, la part de remboursement du FCTVA a été plus faible que prévu sur l'année 2010.

En 2009, les collectivités locales ont eu à souffrir de la crise, qui les a fortement affectées. Les dépenses des départements et des régions en matière d'équipement ont connu une hausse modérée. Selon les budgets primitifs, le recul est de l'ordre de 2 % à 3 % en 2010.

Dans le cadre des orientations budgétaires actuelles, nous savons d'ores et déjà que les collectivités soutiendront malheureusement moins de projets l'année prochaine compte tenu de leurs capacités d'autofinancement en diminution.

Le recours à l'emprunt devrait progresser de 11,2 % dans les départements, ce qui est la suite logique des baisses de dotations et de subventions reçues, et de 8 % environ dans les régions.

L'emprunt et la fiscalité restent donc les seules ressources offrant quelques marges de manoeuvre aux collectivités pour assurer la réalisation des projets nécessaires à la vie des habitants. La suppression de la taxe professionnelle aura également des conséquences que nous ne pouvons pas mesurer aujourd'hui.

C'est pourquoi nous proposons de porter le taux de remboursement au titre du FCTVA à 16,386 %.

Vous invoquez de manière régulière le droit européen pour vous opposer à de telles demandes. Mais je rappelle que le Gouvernement s'est fréquemment dispensé de respecter un certain nombre d'obligations communautaires, en particulier dans la période la plus récente !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a deux objets.

D'une part, il vise à supprimer le dispositif prévu par l'article 21. La commission ne peut évidemment pas suivre le groupe CRC-SPG dans cette voie.

D'autre part, il tend à majorer les remboursements au titre du FCTVA. Nous ne pouvons pas non plus y souscrire.

Mes chers collègues, je rappelle que le mécanisme du FCTVA n'est aucunement en cause et qu'il demeure régi par un calcul spécifique.

Le dispositif du FCTVA continuera donc de s'appliquer selon les règles antérieures, en fonction des investissements réalisés par les collectivités dont il s'agit, le tout à l'intérieur d'une enveloppe globale dont nous connaissons les contraintes.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Madame Beaufils, par votre amendement, vous proposez de majorer le taux de compensation forfaitaire, en le portant de 15,482 % à 16,388 %. Le Gouvernement n'y est pas favorable.

En effet, une telle mesure conduirait l'État à compenser aux collectivités territoriales un produit de TVA dont il ne conserve pas la recette et qu'il est tenu de reverser au budget de l'Union européenne. Cela relèverait donc d'une logique tout à fait pénalisante pour l'État.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-342.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Je mets aux voix l'article 21.

(L'article 21 est adopté.)