III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 OCTOBRE 2010

Troisième séance du vendredi 22 octobre 2010

Article 30

M. le président. « Art. 30. L'article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

1° Le 2° est complété par un d ainsi rédigé :

« d) Des versements opérés au profit du budget annexe «Contrôle et exploitation aériens» » ;

2° La seconde phrase du dernier alinéa du 2° est remplacée par des alinéas ainsi rédigés :

« La contribution au désendettement de l'État ne s'applique pas :

« - aux produits de cession des immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense, jusqu'au 31 décembre 2014 ;

« - aux produits de cession des immeubles domaniaux situés à l'étranger ;

« - aux produits de cession des biens affectés ou mis à disposition des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et des établissements publics administratifs visés au II de l'article L. 711-9 du code de l'éducation ayant demandé à bénéficier de la dévolution de leur patrimoine immobilier par une délibération de leur conseil d'administration ;

« - à la part des produits de cession de biens immobiliers appartenant à l'État affectés ou mis à disposition d'établissements publics exerçant des missions d'enseignement supérieur ou de recherche qui contribue au financement de projets immobiliers situés dans le périmètre de l'opération d'intérêt national définie par le décret n° 2009-248 du 3 mars 2009 ;

« - aux produits de cession de biens immeubles de l'État et des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l'État occupés par la direction générale de l'aviation civile. Ces produits de cession sont affectés au désendettement du budget annexe «Contrôle et exploitation aériens» ».

L'amendement n° 306 présenté par M. Sandrier, M. Brard, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Gremetz, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Dans l'exposé des motifs de cet article 30, le Gouvernement évoque « la priorité donnée à la dynamisation de la gestion du patrimoine immobilier des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche. »

Ce que le Gouvernement appelle une gestion dynamique, c'est en réalité une dilapidation accélérée du patrimoine immobilier. S'il y a un domaine dans lequel le Gouvernement excelle, c'est bien dans la manipulation des mots - dans tous les sens du terme « manipulation », d'ailleurs, et François Baroin n'est pas le dernier expert en la matière ! (Sourires.) Il est vrai que pour cela, il faut être cultivé, et que ce n'est pas une caractéristique de tous ceux qui dirigent l'État aujourd'hui ; mais ceci est un autre débat.

Cet article crée une dépense fiscale supplémentaire, malgré toutes les fanfaronnades du Gouvernement sur ce budget, qui serait celui du coup de rabot sur les niches fiscales ; nous arrivons en fin de discussion, et la preuve est maintenant établie : il n'en est rien.

Vous créez une incitation fiscale en direction des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche, visant à accélérer la vente de leurs biens immobiliers, et tout simplement parce que le Président de la République aimerait voir s'accélérer la réalisation de son projet pharaonique : le Grand Paris. Dans des temps plus reculés, le Grand Paris s'appelait autrement, on le sait bien !

Autrement dit, c'est un caprice du prince qui est à l'origine de cette nouvelle niche.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cela n'a absolument rien à voir avec le Grand Paris !

M. Jean-Pierre Brard. Parce que nous sommes en république, je vous demande d'adopter cet amendement de suppression.

Monsieur Chartier, vous qui êtes un courtisan, vous devriez relire La Fontaine. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Chartier. Vous avez dû fumer, monsieur Brard, ce n'est pas bon...

M. Jean-Pierre Brard. Allons, mes chers collègues, M. Chartier n'a pas besoin de béquilles ; il est trop grand ! Chacun le connaît, chacun l'a vu depuis le début du débat budgétaire : M. Chartier a une vocation de Saint-Bernard. Dès que le Gouvernement est en difficulté, même lorsqu'il a lui-même pris une autre position, il arrive ventre à terre pour défendre le Gouvernement ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget . Avis défavorable. Ce compte d'affectation spéciale pour la gestion du patrimoine immobilier est un élément de notre stratégie globale de réduction de nos dépenses ; de plus, les volumes de recettes ainsi acquis seront affectés au désendettement de notre pays. Ce dispositif a un sens dans une stratégie globale.

À titre de référence, nous prévoyons de vendre dans les deux années qui viennent environ 1 700 sites ; nous avons déjà cédé 500 000 mètres carrés. Cette politique s'inscrit aussi dans le cadre plus général de la révision générale des politiques publiques. Tout cela a donc sa pertinence.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Il est tard, et je ne veux pas engager maintenant un long débat sur la gestion immobilière de l'État. Mais enfin, au-delà de l'objectif d'engranger des recettes et la volonté de réduire la dette grâce à ces recettes, il reste des problèmes de gestion de l'immobilier de l'État - et ce sont des problèmes graves.

Tout d'abord, la logique de valorisation est absente. À force de vouloir tirer le maximum, on a des opérations qui sont bloquées, et l'on ne prend pas en compte les éventuelles valorisations futures qui pourraient naître, dans le cadre d'une répartition de cette valorisation entre l'État et les opérateurs qui en ont la charge. Chez les opérateurs de l'État, il y a des dizaines de milliers de mètres carrés qui ne sont pas utilisés, pas valorisés - nous en avons tous des exemples en tête. Ainsi, je me souviens d'un déplacement dans le Nord-Pas-de-Calais, dans les terres de notre collègue Baert : dans le domaine de Voies navigables de France, on voit bien que certains sites pourraient être valorisés si l'État donnait à VNF la liberté de les utiliser !

Il y a des dossiers bloqués : je pense à la dévolution du patrimoine immobilier aux universités. Nous attendons des textes dont la Direction générale de l'enseignement supérieur nous a dit pendant deux ans et demi qu'ils n'étaient pas nécessaires, mais dont on s'aperçoit aujourd'hui qu'ils le sont. Pour lancer les plans campus, nous en avons besoin !

Nous avons donc encore des marges de progrès considérables sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État ; les rapports de la Cour des comptes le confirment, de même que le travail perpétuel de la commission des finances sur cette question. Certes, les progrès ont été réels ; mais on peut encore progresser beaucoup, et dans la logique de fonctionnement du compte d'affectation spéciale, voilà l'un des sujets qu'il faudrait aborder.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Chacun aura écouté attentivement ce qu'a dit M. le ministre : notre dette est abyssale ; il faut vendre pour la combler. Mais la situation, c'est plutôt que notre dette est de plus en plus abyssale, et que notre patrimoine fond. Ceux qui viendront après vous, monsieur le ministre, trouveront les caisses vides et constateront que les bijoux de famille ont été largement dilapidés.

Vous savez bien que certaines opérations se sont caractérisées par une véritable gabegie : je pense à l'Imprimerie nationale et au centre de conférences internationales de l'avenue Kléber, et cela sans que personne ait eu, jusqu'à aujourd'hui, de comptes à rendre.

Rappelez-vous cette audition tenue à la commission des finances, il y a déjà un certain temps. Le haut fonctionnaire qui était là, à qui l'on demandait quelles leçons il tirait du gaspillage constaté, avait répondu : « la prochaine fois, il faudra faire appel à des gens plus compétents. » Ce qui est embêtant, c'est que cette personne n'en a tiré aucune conclusion pour elle-même.

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert.

M. Dominique Baert. Pour lever, monsieur le ministre, tous les soupçons de gaspillage et de dilapidation, je voudrais vous poser une question soulevée lors d'un débat que nous avons eu en commission des finances, en petit comité, je l'avoue. Selon certains, les rémunérations des agents en charge de ces cessions de patrimoine seraient liées au nombre des cessions, et pas seulement au volume des sommes encaissées.

S'ils sont rémunérés au nombre de cessions réalisées, il est évident que cela pourrait inciter à une forme de braderie. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Pardon par avance, monsieur le président, de prolonger ce débat : nous avons jusqu'ici été économes de notre temps de parole, et ce sujet de l'immobilier de l'État me semble absolument prioritaire.

Je le dis à François Baroin avec d'autant plus de liberté qu'il exerce depuis quelques mois la responsabilité du ministère du budget, alors que la commission des finances s'intéresse depuis plusieurs années à la question de l'immobilier de l'État - tant en France d'ailleurs qu'à l'étranger : lorsque j'étais rapporteur du budget de la mission « Action extérieure de l'État », je m'étais intéressé à quelques joyaux de l'immobilier de l'État à l'étranger.

Il est facile d'incriminer aujourd'hui France Domaine, ou ses prédécesseurs. Mais il y a deux séries de problèmes dont il faut prendre conscience.

Tout d'abord, les conditions de propriété dans lesquels l'État est propriétaire de ce que l'on appelle le domaine de l'État sont parfois complexes ; ainsi, il peut s'agir de legs, qui sont parfois précis, et la cession n'est pas toujours simple. Il faut en effet vérifier les conditions du legs, et le cas échéant penser à l'indemnisation des descendants du testateur. De telles opérations peuvent donc se révéler très compliquées, et il faut purger ces problèmes avant de passer à la cession.

En revanche, nombre de biens de l'État peuvent être cédés très rapidement, comme Michel Bouvard le faisait très justement remarquer. Sans doute le faible nombre d'experts immobiliers au sein de France Domaine provoque-t-il cette situation d'attente pour de nombreux biens mis en cession : c'est alors une plus-value qui n'est pas réalisée, et de surcroît des frais d'entretien du bâtiment qui s'accumulent, créant une perte supplémentaire - sachant que ces bâtiments sont souvent vides, ou destinés au stockage d'archives.

Bref, il est temps de passer à la vitesse supérieure : même si le fonctionnement minimal est assuré, les biens de l'État se délabrent et perdent donc de leur valeur.

Je ne sais pas quelle serait la méthode idoine ; je ne suis pas certain que France Domaine soit finalement la meilleure des solutions, et je ne suis pas certain non plus que cette solution réside dans les groupements. Peut-être la solution pour la cession de biens, en France comme à l'étranger, réside-t-elle dans une plus grande réactivité, dans le respect bien évidemment des fourches caudines du droit administratif.

En tout cas, eu égard à l'endettement abyssal de la France, cette situation, comme le disait très bien M. le ministre, n'est plus acceptable.

(L'amendement n° 306 n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 640 présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3, insérer l'alinéa suivant :

« 1° bis La première phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : «, porté à 20 % en 2012 et 25 % en 2013 ».

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget . Il s'agit de l'augmentation de la part des produits de cessions immobilières affectée au désendettement de l'État à compter de l'année 2012.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cet amendement est excellent.

(L'amendement n° 640 est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 124 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

À l'alinéa 8, substituer au mot :

« visés »,

le mot :

« mentionnés ».

L'amendement n° 125 présenté par M. Carrez, est ainsi libellé :

Après le mot :

« national »,

rédiger ainsi la fin de l'alinéa 9 :

« d'aménagement du Plateau de Saclay. ».

Ces deux amendements sont rédactionnels.

(Les amendements n° 124 et 125, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L'article 30, amendé, est adopté.)