IV. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 5 DÉCEMBRE 2010

Article 57 ter (nouveau)

« Art. 57 ter . - Le II de l'article 197 du même code est ainsi rétabli :

« II. - À compter du 1 er janvier 2011, les pensions de retraite déjà liquidées et les droits acquis des élus locaux qui, avant l'entrée en vigueur de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, bénéficiaient de régimes de retraite à adhésion facultative sont considérés au regard de l'impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et des prélèvements sociaux comme des traitements et salaires. »

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.

M. Bernard Vera. Le débat sur la prétendue réforme des retraites a conduit à la mise en question de quelques-unes des niches sociales dont notre système de prélèvements est rempli, niches dont la portée est variable et qui ont un impact sur le rendement des cotisations d'assurance vieillesse.

Avec les articles 57 ter et 57 quater , nous constatons, sans grande surprise, que des niches qui concernent des populations et des montants relativement faibles sont remises en cause alors que, dans le même temps, les coûteuses exonérations de cotisations portant sur les heures supplémentaires ou le dispositif de ristourne dégressive sur les bas salaires perdurent. Nous pourrions d'ailleurs également envisager un relèvement de cotisations, notamment patronales, car cela fait quelques années qu'une telle augmentation n'a pas eu lieu.

Quoi qu'il en soit, avec les articles 57 ter et 57 quater , on revient sur le traitement fiscal des pensions versées aux anciens élus locaux et à leurs ayants droit, dans le cadre de systèmes de couverture personnelle facultatifs qui existaient parfois avant que la loi de 1992 ne mette en place de véritables dispositifs de prévoyance pour les élus locaux. Dans les systèmes antérieurs à la loi de 1992, les contributions des élus étaient assises sur le montant de leurs indemnités de fonction, qui - je le rappelle -n'avaient pas, par nature, le caractère d'un salaire.

Cette situation a d'ailleurs été établie par une décision du tribunal administratif de Paris en 1978. L'indemnité de fonction était versée aux élus pour l'accomplissement de leur mandat, celui-ci pouvant occasionner une interruption de leur activité professionnelle précédente, sans garantie de pouvoir la reprendre au terme de l'exercice de leurs fonctions.

Nombre d'élus, issus du monde du travail, ayant interrompu leur activité professionnelle, se retrouvaient avec une indemnité sur laquelle, en prévision de la retraite, ils ne pouvaient que souscrire une couverture complémentaire et volontaire, tous les compteurs étant provisoirement arrêtés.

Les choses ont évidemment changé depuis 1992, puisque le statut des élus, notamment au regard des droits à pension et de la reprise éventuelle des activités professionnelles, a fort heureusement évolué.

Il nous semble cependant qu'il y a quelque difficulté à assimiler la situation des droits à pension constitués antérieurement à la loi de 1992 à celle qui en est issue. Il est donc particulièrement délicat de procéder, comme le font les articles 57 ter et 57 quater , à l'intégration dans l'assiette de l'impôt sur le revenu des droits constitués avant 1992, qu'ils occasionnent aujourd'hui le versement d'une pension ou d'une réversion au profit d'un ayant droit.

Cela fait dix-huit ans que le régime de retraite des élus locaux a pris un caractère général et obligatoire et que les choses ont été ainsi fixées, dans le cadre de la loi relative aux conditions d'exercice des mandats locaux.

Après cette loi, la retraite des élus locaux découlait de l'adhésion des élus au régime général de la sécurité sociale, par des cotisations assises sur les indemnités de fonction, et de leur rattachement à l'IRCANTEC, l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques, en matière de retraite complémentaire.

La loi n'a pas transformé les systèmes facultatifs précédents en systèmes ordinaires et l'assimilation-réversion est donc extrêmement discutable, d'autant que les montants en jeu ne sont pas nécessairement très élevés. On peut donc fort bien laisser, au risque de s'exposer à une rétroactivité mettant en question la validité des articles 57 ter et 57 quater , s'éteindre doucement les dispositifs antérieurs de pension des élus locaux qui ne concernent qu'un nombre relativement faible d'anciens élus ou ayants droit. Ne prenons donc pas le risque d'adopter une disposition rétroactive !

Pour notre part, nous ne voterons donc pas ces articles.

M. le président. L'amendement n° II-396 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Pozzo di Borgo, Mme Dumas et MM. du Luart et Milon, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, je présenterai en même temps l'amendement n° II-397 rectifié. Notre collègue Bernard Vera a fort bien expliqué la problématique qui justifie, de ma part, le dépôt de ces deux amendements.

Le premier concerne l'ensemble des élus dans un certain nombre de collectivités territoriales. L'amendement n° II-397 rectifié vise plus particulièrement les élus de la Ville de Paris.

M. Vera vient de le souligner, le régime facultatif de retraite des élus a pris fin en 1992, date à laquelle le législateur a fiscalisé les indemnités des élus. Dès lors, un certain nombre de collectivités territoriales ont augmenté lesdites indemnités pour tenir compte de cette fiscalisation.

En ce qui concerne la Ville de Paris, les pensions perçues par les élus versées par les régimes facultatifs de retraite mis en place avant l'entrée en vigueur de la loi de 1992 touchent à peu près 150 personnes, dont un grand nombre de veuves, qui bénéficient de la réversion. M. Vera l'a également souligné, le montant de ces retraites est relativement faible. De plus, par la force des choses, ce régime est en voie d'extinction.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai déposé les amendements n° II-396 rectifié et II-397 rectifié, qui visent respectivement à supprimer les articles 57 ter et 57 quater . C'est une question d'équité ! Rappelez-vous en effet que, lorsque nous avons examiné le projet de loi portant réforme des retraites, il avait été convenu que ce texte ne viserait que les futurs retraités et en aucun cas ceux qui le sont déjà.

M. le rapporteur général propose un mécanisme extrêmement judicieux, plus modéré que celui de l'Assemblée nationale, qui vise à trouver un équilibre entre le texte adopté par les députés et la réalité de chacune de nos collectivités territoriales. Néanmoins, je préfère revenir au texte initial, que le Gouvernement avait défendu avec force devant l'Assemblée nationale. Le maire de Paris a d'ailleurs lui aussi réagi récemment sur cette question, tout comme l'avaient fait ses prédécesseurs.

Je le rappelle, pour la collectivité parisienne, ce dispositif concerne un peu moins de 150 personnes.

M. le président. L'amendement n° II-295, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Après l'article 80 undecies A du code général des impôts, il est inséré un article 80 undecies B ainsi rédigé :

« Art. 80 undecies B . - Les pensions de retraite versées par les régimes facultatifs de retraite des élus locaux mis en place avant l'entrée en vigueur de la loi n° 92-108 du 3 février 1992 relative aux conditions d'exercice des mandats locaux sont imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux rentes viagères constituées à titre onéreux. »

II. - Le I est applicable aux pensions de retraite perçues à compter du 1 er janvier 2011.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° II-396 rectifié.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances estime que les pensions de retraite versées aux élus locaux par des régimes facultatifs de retraite mis en place avant l'entrée en vigueur de la loi de 1992 doivent être fiscalisées. Cependant, la référence aux traitements et salaires retenue par l'Assemblée nationale n'est pas adéquate.

La commission des finances propose une référence qui semble économiquement plus pertinente, à savoir le régime des rentes viagères à titre onéreux. Par voie de conséquence, ces prestations seront soumises à la contribution sociale généralisée et aux prélèvements sociaux applicables aux revenus du patrimoine. En effet, le régime auquel obéissent ces compléments de revenu est très proche de celui de l'assurance.

Au bénéfice de ces explications, la commission demande à M. Dominati de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n os II-396 rectifié et II-295 ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° II-396 rectifié et favorable à l'amendement n° II-295.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° II-396 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-396 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° II-295.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 57 ter est ainsi rédigé.