V. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011)

Commentaire : le présent article modifie le fonctionnement du fonds départemental de péréquation des droits d'enregistrement créé par la loi de finances pour 2010.

I. LE DROIT EXISTANT

Le point 4.5. de l'article 78 de la loi de finances pour 2010 1 ( * ) a prévu la mise en place d'un fonds départemental de péréquation des droits d'enregistrement .

A. LES DMTO : UNE RECETTE FISCALE DE PREMIÈRE IMPORTANCE POUR LES DÉPARTEMENTS ET INÉGALEMENT RÉPARTIE

En application de l'article 1594 A du code général des impôts (CGI), les départements perçoivent les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) suivants :

- les droits d'enregistrement ou la taxe de publicité foncière exigibles sur les mutations à titre onéreux d'immeubles ou de droits immobiliers ;

- la taxe de publicité foncière perçue lors des inscriptions d'hypothèques, décisions judiciaires, actes ou attestations de transmission par décès.

Ces ressources représentent une part importante des ressources fiscales des départements puisqu'elles se sont régulièrement élevées à plus du cinquième de ces ressources, comme l'indique le tableau ci-dessous.

Part des DMTO dans les recettes fiscales des départements

(en milliards d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009*

Impôts et taxes

30,8

33,1

35,0

36,6

37,6

Droits de mutation

6,7

7,6

7,9

7,3

5,4

Evolution par rapport à l'année précédente

+ 13,2 %

+ 5,2 %

- 8,6 %

- 26,4 %

Part des droits de mutation dans les ressources fiscales

21,8 %

23 %

22,6 %

19,9 %

14,4 %

Source : rapport de l'observatoire des finances locales - les finances des collectivités locales en 2010
* : estimations

Le second enseignement de ce tableau est la grande volatilité des ressources résultant pour les départements des DMTO . Ainsi, si elles ont crû de 13,2 % entre les années 2005 et 2006, la baisse a été de 8,6 % de 2007 à 2008 et les prévisions font état d'une diminution de 26,4 % entre les années 2008 et 2009.

En effet, le produit résultant des DMTO résulte, d'une part, du nombre de transactions immobilières dans le département au cours d'une année et, d'autre part, du niveau des prix immobiliers, deux facteurs qui connaissent également une grande variabilité.

Enfin, le montant des DMTO par habitant est très inégal selon les départements. Ainsi, pour l'année 2008, il s'est élevé à 299 euros dans les Alpes-Maritimes, 280 euros à Paris, 253 euros dans les Hauts-de-Seine contre 29 euros en Guyane, 41 euros en Martinique, 45 euros en Guadeloupe et 48 euros en Haute-Marne.

B. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE DANS LE CADRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2010

Le principe de la création de ce fonds avait été introduit au projet de loi de finances pour 2010 par un amendement de nos collègues députés Marc Laffineur et Charles de Courson, avec les avis favorables de la commission des finances de l'Assemblée nationale et du Gouvernement.

Les ressources du fonds devaient être constituées , chaque année, par la moitié de la hausse du produit départemental des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) excédant, le cas échéant, deux fois le taux d'inflation prévisionnelle associé à la loi de finances de l'année. Dans ce cas, le département concerné subissait un prélèvement « réparti sur les douze versements des produits de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation complémentaire de l'année suivante ».

Les ressources du fonds seraient redistribuées , chaque année, entre les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à la moyenne des potentiels financiers par habitant de l'ensemble des départements, au prorata de l'écart avec cette moyenne.

Les DMTO concernés sont ceux visés à l'article 1594 A du CGI.

C. LA MODIFICATION APPORTÉE PAR LE SÉNAT

La commission des finances du Sénat avait estimé, dans son rapport 2 ( * ) sur le projet de loi de finances pour 2010, que l'analyse des effets du dispositif proposé par l'Assemblée nationale devait être approfondie, même si son principe était vertueux.

Elle relevait ainsi, à l'étude des premières simulations qui avaient pu être fournies par la direction générale des collectivités locales, deux effets pervers :

- d'une part, le dispositif proposé prévoyait de rendre contributeurs non les départements « riches » en DMTO mais ceux dont la croissance des DMTO est la plus élevée . La commission relevait ainsi que, « par exemple, en 2008, si ce fonds avait existé, les deux seuls départements contributeurs auraient été la Guyane, à hauteur de 188 000 euros et La Réunion, à hauteur de 856 000 euros » ;

- d'autre part, elle indiquait que le dispositif « entraînerait une grande variabilité des ressources du fonds », résultant directement de celle de la ressource fiscale sur laquelle porte le fonds, les DMTO étant une recette très volatile.

A l'initiative de sa commission des finances, le Sénat avait donc modifié le dispositif proposé par l'Assemblée nationale pour prévoir que seuls pourraient être contributeurs les départements disposant d'un produit de DMTO supérieur au produit moyen par habitant des DMTO de l'ensemble des départements . Cela évitait ainsi que les départements dont le produit des DMTO par habitant serait faible soient contributeurs au fonds.

D. LE DISPOSITIF ADOPTÉ EN COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Enfin, la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi de finances pour 2010 avait adopté une position de compromis , en prévoyant que les prélèvements ne seraient opérés que si le montant des DMTO par habitant d'un « département est supérieur à 75 % de la moyenne nationale du montant par habitant » des DMTO .

Cette solution devait permettre à la fois de ne pas pénaliser les départements les moins riches en DMTO et de continuer à procurer au fonds les recettes nécessaires à son fonctionnement.

Deux écueils demeuraient toutefois : il n'avait pas été remédié à l'instabilité des ressources du fonds d'une année sur l'autre et aucune simulation fiable n'avait pu être réalisée dans les délais d'examen très brefs du projet de loi de finances.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de modifier le mécanisme adopté dans la loi de finances pour 2010. A cette fin, son II supprime le dispositif prévu à l'article 78 de cette loi de finances pour l'intégrer au code général des collectivités territoriales (CGCT) dans un article L. 3335-2 nouveau, au sein du chapitre V « Avances et emprunts » du titre III « Recettes » du livre III « Finance du département » de la troisième partie du code.

A. UNE ENTRÉE EN VIGUEUR MAINTENUE EN 2011

Le dispositif actuel, adopté en loi de finances pour 2010, ne précise pas sa date d'entrée en vigueur. Il devait donc commencer à s'appliquer au 1 er janvier 2010, de sorte que les premiers prélèvements et reversements aient lieu à compter de l'année 2011.

Le présent article modifie le dispositif mais conserve le principe de premiers prélèvements et reversements qui interviendront dès l'année 2011 .

B. UN « LISSAGE » SUR CINQ ANS DES RECETTES SERVANT DE RÉFÉRENCE AU PRÉLÈVEMENT

1. Le principe du « lissage »

Le présent article propose par ailleurs de modifier le dispositif actuel en prévoyant de prendre en compte la croissance annuelle des DMTO non par rapport au montant des recettes de l'année précédente mais par rapport à la moyenne des recettes de DMTO du département au titre des cinq années précédentes .

Ainsi, le II proposé pour l'article L. 3335-2 du CGCT prévoit que le fonds serait alimenté par la moitié de la hausse du produit départemental des DMTO par rapport au produit moyen des cinq années précédentes , excédant deux fois le taux d'inflation prévisionnelle associé à la loi de finances de l'année.

En outre, le présent article maintient, pour procéder au prélèvement, la condition que le montant par habitant des DMTO du département soit supérieur à 75 % de la moyenne nationale par habitant .

Le graphique ci-dessous illustre le prélèvement qui serait opéré par le présent dispositif dans le cas :

- d'un montant de DMTO égal à 100 en moyenne entre 2006 et 2010 pour un département ;

- d'un produit de DMTO qui s'élèverait pour ce département à 110 en 2011 (soit une croissance de + 10 % par rapport à la moyenne 2006 et 2010) ;

- d'une inflation prévisionnelle annexée au projet de loi de finances pour 2011 égale à 2 % (donc un montant de DMTO qui serait égal à 104 s'il croissait au rythme de deux fois l'inflation prévisionnelle) ;

- d'un département dont le produit des DMTO par habitant serait supérieur à 75 % de la moyenne de ce produit pour l'ensemble des départements.

Le prélèvement opéré, égal à la moitié de la hausse des DMTO par rapport au produit moyen des cinq années précédentes, excédant deux fois le taux d'inflation prévisionnelle, serait de la moitié de la différence entre 110 et 104, donc de 3.

Illustration du prélèvement opéré par le présent dispositif

Source : commission des finances

2. L'application aux années 2006 à 2010

La loi de finances pour 2010 , dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, a transféré aux départements les DMTO jusqu'alors perçus par l'Etat en application de l'article 678 bis du CGI . Les droits transférés correspondent à la taxe additionnelle, d'un taux de 0,1 % ou 0,2 %, portant sur les opérations donnant lieu à perception d'un droit d'enregistrement ou d'une taxe de publicité foncière au profit des départements.

Il résulte de ce transfert que, pour pouvoir comparer de manière pertinente les recettes de DMTO à compter de 2011 aux recettes des années précédentes, il est nécessaire d'ajouter, à ces recettes, pour chaque année considérée (2006 à 2010), les droits perçus par l'Etat la même année en application de l'article 678 bis précité .

C'est l'objet du dernier alinéa du I proposé pour l'article L. 3335-2 du CGCT, qui garantit ainsi que le dispositif sera opérationnel dès l'année 2011.

3. Un lissage qui réduit fortement le montant redistribué en 2011

L'année 2009 ayant été une année de forte chute du produit des DMTO, l'application en 2011 du dispositif voté en loi de finances pour 2010 , qui prenait pour base la comparaison entre le produit des DMTO des années 2009 et 2010, aurait conduit à une péréquation de grande ampleur : 703 millions d'euros seraient ainsi prélevés et redistribués.

Le système de lissage proposé par le projet de loi initial , en diluant la prise en compte de l'année 2009 au sein de cinq années de référence, réduit mécaniquement le montant qui transiterait par le fonds de péréquation, qui ne s'élèverait plus qu'à 163 millions d'euros .

C. DES MODALITÉS DE RÉPARTITION AJUSTÉES

Le dispositif adopté en loi de finances pour 2010 redistribuait les montants du fonds au profit des départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à la moyenne, au prorata de cet écart.

Le III proposé pour l'article L. 3335-2 du CGCT conserve ce critère en y ajoutant la prise en compte de la population de chaque département. Ainsi, les ressources seraient réparties au profit des mêmes départements mais « au prorata du rapport entre le potentiel financier par habitant de l'ensemble des départements et le potentiel financier par habitant du département multiplié par la population du département ». La multiplication de l'écart avec le potentiel financier moyen par la population du département vise à rééquilibrer le dispositif en faveur des départements urbains .

Les IV et V proposés pour l'article L. 3335-2 du CGCT apportent enfin des précisions utiles. D'une part, la population à prendre en compte pour l'application du dispositif est celle calculée en application de l'article L. 3334-2 du CGCT, c'est-à-dire celle qui résulte du recensement et sert entre autres à la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF). D'autre part, un décret en Conseil d'Etat devra fixer les modalités d'application de l'article L. 3335-2 du CGCT.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Les débats à l'Assemblée nationale ont porté sur l'alternative entre , d'une part, des modifications proposées par sa commission des finances, à l'initiative de notre collègue député Marc Laffineur , et, d'autre part, un amendement proposé par le Gouvernement en séance publique.

La première solution a finalement été adoptée, au détriment de la proposition du Gouvernement qui a été déposée trop tard pour avoir pu faire l'objet d'un examen par la commission des finances .

A. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES À L'INITIATIVE DE LA COMMISSION DES FINANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements proposés par sa commission des finances , dont un amendement rédactionnel.

Le premier amendement propose de lisser non plus sur une moyenne de 5 ans mais sur une moyenne de 2 ans la référence servant de base au calcul de la contribution . L'effet des années exceptionnelles telles que, par exemple, la chute de DMTO de l'année 2009, serait donc dilué mais moins que dans le projet de loi de finances initiale. Ainsi, cette modification conduirait à prélever au profit du fonds de péréquation, en 2011, 348 millions d'euros (contre 703 millions d'euros dans le système actuellement applicable et 163 millions d'euros dans le système proposé par le projet de loi de finances initial).

Le second amendement vise à trouver un compromis entre le texte initial et le texte proposé par le Gouvernement concernant la répartition des ressources au profit des départements urbains et ruraux . La commission des finances de l'Assemblée nationale a ainsi proposé, sans modifier le critère d'éligibilité aux reversements du fonds, que :

- un tiers des montants soit réparti au prorata du rapport entre la population du département et celle de l'ensemble des départements bénéficiaires de reversements ;

- deux tiers des montants soient répartis au prorata du rapport entre le potentiel financier par habitant du département et celui de l'ensemble des départements.

Enfin, le troisième amendement propose une correction de référence . Le fonds de péréquation est alimenté par la moitié de la croissance des DMTO excédant le double de l'inflation. Le dispositif proposé prévoit de comparer la croissance des DMTO en année n avec l'inflation prévisionnelle annexé au projet de loi de finances pour l'année n+1. La commission des finances a jugé que cette comparaison n'avait guère de sens et qu'il était préférable de comparer la croissance des DMTO au cours d'une année à l'inflation prévisionnelle associée à cette même année.

B. L'AMENDEMENT PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT ET REJETÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le Gouvernement a proposé en séance publique , à l'Assemblée nationale, un amendement qui n'avait pas été examiné par sa commission des finances et qui a finalement été retiré par Eric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, la solution proposée par la commission des finances de l'Assemblée nationale ayant eu la préférence des députés.

Cet amendement proposait plusieurs modifications de grande ampleur au dispositif figurant dans le projet de loi de finances initial.

D'une part, il instaurait, à la place du prélèvement actuel, un double prélèvement sur stock et sur flux .

1. Un prélèvement sur le stock

Le premier prélèvement, sur stock , s'appliquait aux départements dont le montant des DMTO par habitant est supérieur à 0,75 fois le montant moyen des DMTO par habitant. La fraction des DMTO par habitant dépassant cette limite faisait l'objet d'un prélèvement en fonction de taux progressifs, selon un système de tranches progressives s'apparentant aux prélèvements au titre de l'impôt sur le revenu. Ainsi :

- tous les départements contributeurs seraient prélevés d'un montant égal à 10 % de la fraction supérieure à 0,75 fois et inférieure ou égale à une fois le montant par habitant de l'ensemble des départements, multiplié par la population du département ;

- puis, pour les départements dont le montant par habitant des droits est supérieur à une fois le montant par habitant de l'ensemble des départements, un prélèvement additionnel égal à 12 % de la fraction du montant par habitant des droits du département supérieure à une fois et inférieure ou égale à deux fois le montant par habitant de l'ensemble des départements, multiplié par la population du département serait réalisé ;

- enfin, pour les départements dont le montant par habitant des droits est supérieur à deux fois le montant par habitant des droits de l'ensemble des départements, un second prélèvement additionnel égal à 15 % de la différence entre le montant par habitant des droits du département et deux fois le montant par habitant de l'ensemble des départements, multiplié par la population du département est réalisé.

2. Un prélèvement sur le flux

Le second prélèvement, sur flux, reprenait le prélèvement sur flux du dispositif actuel avec trois années de référence , au lieu de cinq dans le dispositif initialement proposé et de deux dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.

Chacun des deux prélèvements serait plafonné à 5 % du montant des DMTO par habitant .

3. Les modalités de répartition

S'agissant de la répartition, le mécanisme proposé visait, comme le troisième amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale, à équilibrer la répartition entre les départements ruraux et urbains en répartissant :

- la moitié des ressources du fonds selon le potentiel financier par habitant ;

- l'autre moitié des ressources selon le potentiel financier par habitant multiplié par la population du département .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LA NÉCESSITÉ DE LISSER LES ÉVOLUTIONS CONJONCTURELLES DES DROITS D'ENREGISTREMENT

Les évolutions erratiques du marché immobilier peuvent entraîner de fortes variations des recettes de DMTO pour un département d'une année sur l'autre. S'ajoute à cette instabilité le fait que de fortes disparités peuvent avoir lieu, au niveau national, entre des départements particulièrement dynamiques et d'autres qui le sont moins.

C'est d'ailleurs l'effet pervers que la commission des finances avait relevé lors de l'examen du dispositif adopté par l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010. Elle pointait notamment l'extrême variabilité du caractère contributif ou bénéficiaire des départements au regard de ce fonds.

De ce point de vue, la modification proposée par le présent article, qui consiste à comparer chaque année le montant des DMTO non pas à leur montant l'année précédente, mais à une moyenne sur plusieurs années, est la bienvenue .

Elle résulte directement du constat que la mise en oeuvre, en 2011, du premier exercice du fonds de péréquation sur les DMTO aurait été fondée sur la comparaison des recettes de l'année 2010 avec celles de l'année 2009. Or, le niveau extrêmement bas des DMTO en 2009 et la reprise du marché immobilier conduira inévitablement à une forte hausse du produit entre les deux années. Sans modification du dispositif adopté en loi de finances pour 2010, la première année d'exercice du fonds, en 2011, aurait entraîné un prélèvement de plus de 700 millions d'euros à son profit , soit une redistribution de plus de 11 % de la recette de DMTO prévue.

B. LES EFFETS PERVERS D'UN PRÉLÈVEMENT SUR FLUX S'AGISSANT D'UNE RESSOURCE AUSSI VOLATILE QUE LES DMTO

Toutefois, d'après les informations recueillies par votre rapporteur général, le dispositif résultant des délibérations de l'Assemblée nationale reste excessivement sujet à variations. En effet, la direction générale des collectivités locales (DGCL) avait initialement effectué des simulations sur la base des ressources de DMTO des premiers mois de l'année 2010 dont les données étaient disponibles. Or, au fur et à mesure de l'intégration aux simulations des nouveaux mois pour lesquels les données des DMTO devenaient disponibles, le résultat des simulations variait sensiblement. L'intégration du mois d'octobre 2010 dans les projections de recettes de DMTO sur l'année 2010 fait ainsi passer le produit affecté au fonds en 2011 de 347 millions d'euros à 433 millions d'euros. Cela révèle que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale est instable et qu'il est impossible de déterminer avec certitude quel sera le montant effectivement prélevé en application de ce dispositif.

De ce point de vue, l'amendement proposé par le Gouvernement présentait l'avantage de lisser davantage les évolutions du fond d'une année sur l'autre. Il aurait également permis de garantir une certaine stabilité aux ressources du fonds et aux départements. Ainsi, l'intégration aux simulations des données du mois d'octobre 2010 fait varier les montants du fonds dans une moindre mesure : ils passeraient de 322 millions d'euros à 382 millions d'euros.

En effet, le dispositif de prélèvement sur stock proposé par l'amendement du Gouvernement permet d'éviter certains effets pervers . Il empêche, par exemple, que le département des Alpes-Maritimes puisse ne faire l'objet d'aucun prélèvement - parce que sa croissance de DMTO est faible et même si c'est le premier département français en termes de DMTO par habitant - alors qu'un autre département, plus « pauvre » en DMTO, se verrait prélever plusieurs millions d'euros sur la croissance de ses ressources. Il permet également de stabiliser en volume, indépendamment de l'évolution des flux de DMTO, une partie des ressources du fonds .

Comme l'avait relevé votre commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, une péréquation sur le seul flux conduit ainsi à prélever de la richesse chez des départements potentiellement « pauvres » en DMTO par habitant mais dont la croissance des DMTO est importante alors que les départements les plus « riches » en DMTO par habitant ne subiraient aucun prélèvement et ne seraient pas concernés par la péréquation.

B. PRIVILÉGIER LA PRUDENCE DANS LA MISE EN PLACE DE CE NOUVEL OUTIL DE PÉRÉQUATION

Votre rapporteur général souhaite insister sur le fait que la péréquation horizontale des ressources fiscales des collectivités territoriales est, en réalité, une grande nouveauté .

Les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), qui seront réformés en 2012, ne mettaient en place qu'une péréquation limitée, d'une part, aux établissements dits « exceptionnels », c'est-à-dire dont les bases de taxe professionnelle étaient particulièrement élevées et, d'autre part, au périmètre du département, voire, dans certains cas, de quelques départements. Cette péréquation horizontale visait en pratique à répartir au profit des communes et intercommunalités proches d'un établissement exceptionnel les ressources fiscales résultant de cet établissement. Elle s'inscrivait dans une logique de proximité et donc de territorialisation entre les collectivités territoriales et les contribuables locaux.

La logique qui sous-tend le dispositif proposé par le présent article, tout comme celle des dispositifs de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) proposés par l'article 62 du présent projet de loi de finances, est très différente. Elle prélève et répartit une ressource au niveau national, en poursuivant un objectif louable d'égalisation des ressources fiscales. Ce mécanisme, à la différence de celui des FDPTP, ne peut être directement appréhendé par les collectivités territoriales . Ce ne sont pas les ressources d'un établissement, bien identifié, que l'on prélève mais bien l'accroissement d'une ressource fiscale globale. Et ce n'est pas le conseil général qui, au niveau local, décidera de la répartition des ressources entre des communes et des intercommunalités de son département. La répartition du fonds de péréquation des DMTO ne sera donc pas directement visible pour les collectivités et bénéficiera de manière indifférenciée aux départements dont le potentiel fiscal est le moins élevé.

Votre rapporteur général estime qu' il est préférable, dans un premier temps et comme cela avait été fait pour les FDPTP, de mettre en place un mécanisme qui portera peut-être sur des montants relativement peu élevés mais qui garantira son acceptabilité à la fois par les départements et par les populations . Il serait dommage qu'en raison d'une trop grande ambition initiale, le dispositif ne soit rejeté dans son ensemble.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur général vous propose un amendement pour que le dispositif de péréquation des DMTO fonctionne de manière plus stable et plus juste. Le dispositif proposé reprend celui prévu par le Gouvernement dans l'amendement qu'il a déposé à l'Assemblée nationale.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 1 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

* 2 Rapport n° 101 (2009-2010) - tome II - fascicule 1, loi de finances pour 2010, Philippe Marini, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances.