III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011)

à l'initiative conjointe de nos collègues députés Henri Emmanuelli et Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances. Il tend à créer une annexe aux projets de loi de finances initiale, dans laquelle sera présenté un bilan annuel des contrôles effectués par l'administration fiscale sur les filiales détenues à l'étranger par des entreprises françaises.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE NOUVELLE ANNEXE AUX PROJETS DE LOI DE FINANCES INITIALE POUR RENDRE COMPTE DES CONTRÔLES FISCAUX RÉALISÉS SUR LES FILIALES À L'ÉTRANGER

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale , avec l' avis favorable du Gouvernement , à l' initiative conjointe de nos collègues députés Henri Emmanuelli et plusieurs de ses collègues, ainsi que les membre du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, d'une part, et Gilles Carrez , rapporteur général , au nom de la commission des finances, d'autre part.

Il tend à créer une nouvelle annexe aux projets de loi de finances initiale , dans laquelle se trouvera présenté un bilan annuel des contrôles des filiales à l'étranger qui bénéficient d'un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A du code général des impôts 1 ( * ) (CGI), effectués par l'administration fiscale sur le fondement de l'article 209 B de ce code.

Il convient de rappeler que ce dernier article, en synthèse, assujettit à l' impôt sur les sociétés les bénéfices ou revenus des entreprises ou autres entités juridiques établies ou constituées hors de France et soumises à un régime fiscal privilégié au sens précité, détenues directement ou indirectement (à plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote en principe 2 ( * ) ) par une personne morale établie en France et elle-même passible de l'impôt sur les sociétés 3 ( * ) .

B. UN BILAN DÉTAILLÉ

Le présent article prévoit dans le détail les informations qui devront obligatoirement figurer dans l'annexe qu'il tend à créer. Ce sont :

- 1° le nombre de contrôles pratiqués par l'administration fiscale sur le fondement de l'article 209 B précité du CGI ;

- 2° le montant des assiettes d'impôt sur les sociétés recouvrées à cette occasion ;

- 3° le nombre d'entreprises concernées ;

- 4° la liste des pays à fiscalité privilégiée, au sens précité, en cause.

Ces informations devront être décomposées pour chacune des catégories suivantes de contrôle , visant les filiales à l'étranger, le nombre d'occurrences dans l'année de chaque type de contrôle devant également être indiqué :

- en premier lieu, les demandes d'assistance administrative internationale . L'annexe devra préciser le nombre de demandes, en la matière, qui ont effectivement abouti, « afin d'actualiser annuellement la liste nationale des territoires non coopératifs », dont les critères sont fixés par l'article 238-0 A du CGI 4 ( * ) ;

- en deuxième lieu, le recours aux dispositions du CGI relatives au régime d'imposition des entreprises d'après le bénéfice réel (article 57), aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France (article 123 bis ) et à la détermination du bénéfice imposable (articles 209 B, 212 et 238 A), ainsi qu'aux demandes d'informations et de documents prévues, dans le cadre des vérifications des comptabilités , par l'article L. 13 B du livre des procédures fiscales ;

- en troisième lieu, les dossiers traités par la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale , créée au sein du ministère chargé de l'intérieur par le décret n° 2010-1318 du 4 novembre 2010 et relevant de la direction centrale de la police judiciaire. Une décomposition par « profil » de ces dossier est, en outre, requise ;

- enfin, les demandes de documentation, procédures d'accord préalable et contrôles pour manipulation concernant les « prix de transfert » (prix des transactions entre sociétés d'un même groupe, résidentes d'Etats différents).

II. UN UTILE OUTIL DE SUIVI OFFERT AU PARLEMENT

Le présent article constitue une initiative heureuse , en vue de porter à l'information du Parlement , de manière systématique et régulière, l'ampleur et les résultats des contrôles effectués par l'administration fiscale sur les filiales détenues à l'étranger par des entreprises françaises. En particulier, l'annexe au projet de loi de finances de l'année qu'il est ainsi proposé de mettre en place devrait permettre de mesurer , d'une façon tangible, la réalité des progrès accomplis dans le domaine de la coopération fiscale internationale , tels qu'ils pourront résulter des nombreux accords d'échange de renseignements récemment conclus par la France avec des Etats ou territoires réputés, jusqu'alors, « non coopératifs » 5 ( * ) .

Du reste, votre rapporteur général souligne que, dans la mesure notamment où aucune donnée à caractère nominatif n'est ici exigée pour la future annexe, la nécessaire confidentialité des renseignements économiques et fiscaux intéressant chaque entreprise se trouvera pleinement préservée .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Selon cet article, « les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ».

* 2 Ce taux est abaissé à 5 % dans le cas où plus de 50 % des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l'entité étrangère sont détenus par des entreprises établies en France agissant de concert si cette entité se trouve cotée sur un marché réglementé, ou sont détenus par des entreprises elles-mêmes placées directement ou indirectement dans une situation de contrôle ou de dépendance (au sens de l'article 57 du CGI) à l'égard d'une personne morale établie en France.

* 3 Aux termes exprès de l'article, néanmoins, cette règle ne s'applique pas dans l'hypothèse où l'entité étrangère est établie ou constituée dans un Etat membre de l'Union européenne et que sa détention dans les conditions susmentionnées par une personne morale établie en France « ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française ».

* 4 Disposition introduite par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009. Sont ainsi considérés comme « non coopératifs » « les Etats et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l'échange d'informations en matière fiscale a fait l'objet d'un examen par l' [OCDE] et qui, à cette date, n'ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'échange de tout renseignement nécessaire à l'application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze Etats ou territoires une telle convention ».

* 5 Depuis le début de l'année 2010, quelque 26 conventions ou clauses d'échange de renseignements en matière fiscale, suivant le « standard » défini par l'OCDE en ce domaine, ont été soumis au Parlement pour autorisation de ratification. Votre rapporteur général renvoie aux rapports correspondants de notre collègue Adrien Gouteyron : n° 215 (2009-2010), concernant Malte ; n° 620 (2009-2010), concernant les Bermudes, le Liechtenstein, Guernesey, les Bahamas, les Îles Caïmans, l'Île de Man, Jersey, les Îles Turques et Caïques, Gibraltar, Saint-Marin, l'Andorre et les Îles Vierges britanniques ; n° 705 (2009-2010) visant le Luxembourg, la Belgique, Bahreïn, la Malaisie et Singapour ; n° 724 (2009-2010) relatif à la Suisse ; n° 10 (2010-2011) concernant Grenade, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Saint-Christophe-et-Niévès, le Vanuatu et l'Uruguay ; et n° 32 (2010-2011) pour Antigua-et-Barbuda.