ARTICLE 68 TER A : AMÉLIORATION DU DOCUMENT DE POLITIQUE TRANSVERSALE RELATIF À LA POLITIQUE FRANÇAISE EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 4 DÉCEMBRE 2010

Article additionnel après l'article 68 bis

M. le président. L'amendement n° II-166, présenté par MM. Cambon et Vantomme, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

I. - Après l'article 68 bis , insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 19 e alinéa de l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :

« - une présentation détaillée de l'évolution à titre rétrospectif sur les cinq dernières années et de façon prévisionnelle pour la durée de la programmation triennale des finances publiques :

« a. de l'effort français d'aide publique au développement en proportion du revenu national brut comparé avec celui des autres États membres du Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et de développement économiques ;

« b. de la répartition entre les principaux instruments de coopération des crédits consacrés à l'aide au développement tels qu'ils sont présentés dans les documents budgétaires et de l'aide publique au développement qui en résulte, permettant d'identifier les moyens financiers respectivement affectés à l'aide multilatérale, communautaire et bilatérale, à l'aide bilatérale qui fait l'objet d'une programmation, ainsi qu'aux subventions, dons, annulations de dettes et prêts ;

« c. de la répartition de ces instruments par secteurs, par zones d'intervention de la coopération française et par catégories de pays selon leur revenu ;

« d. du montant net et brut des prêts ;

« - un récapitulatif des engagements internationaux de la France en matière d'aide publique au développement et un état des lieux de leur mise en oeuvre ; ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé : « Aide publique au développement »

La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Tout au long du débat qui a eu lieu vendredi sur les crédits de l'aide au développement, nous avons entendu un certain nombre d'interrogations sur les principaux équilibres qui définissent les crédits de cette politique.

Le premier équilibre, bien sûr, est celui qui permet de mieux identifier l'aide bilatérale et l'aide multilatérale.

Le deuxième équilibre consiste à mieux cerner l'aide bilatérale programmable et l'aide bilatérale non programmable. En effet, un certain nombre de dépenses constatées a posteriori de façon comptable, par exemple les écolages, ne font pas l'objet d'un pilotage par les pouvoirs publics. Il convient, par conséquent, pour que le Parlement les contrôle de manière plus précise, de les séparer des dépenses en dons et en prêts, qui font, elles, l'objet d'une programmation.

Un troisième équilibre, que nous connaissons bien aussi, permet de mieux comprendre la part des dons et les prêts qui sont consentis.

C'est la combinaison de l'ensemble de ces critères qui doit permettre au Parlement d'avoir une vision d'ensemble plus précise de la politique d'aide au développement.

C'est pourquoi, au nom de la commission des affaires étrangères, qui l'a voté à l'unanimité, nous vous proposons cet amendement ayant pour objet de préciser les informations d'ordre financier que devrait contenir cet important document de politique transversale annexé chaque année au projet de loi de finances.

Cet amendement, qui ne coûte rien aux finances publiques, contribue en revanche à la transparence du budget de la coopération, élément de la « redevabilité » sur laquelle la France s'est engagée dans la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide au développement.

J'ai cru comprendre que cet amendement adopté à l'unanimité par la commission des affaires étrangères avait également reçu le soutien de la commission des finances, qui nous aide à percevoir avec beaucoup plus d'acuité encore la répartition entre les différentes dépenses.

Nous sommes un certain nombre à penser qu'il faut habituer les services de Bercy à vivre davantage dans la transparence ; c'est un élément de la maturité du débat démocratique. Si l'on ne parvient pas à honorer certains engagements, notamment en matière d'aide au développement - on sait, par exemple, que l'objectif de 0,7% du revenu nationale brut est très difficile à tenir -, il ne faut pas se voiler la face, il est au contraire indispensable de s'expliquer. La politique de l'autruche mène d'autant moins loin que, dans ce domaine, on finit par tout déclarer à l'OCDE et, finalement, tout se sait !

C'est l'honneur du Parlement que d'exercer sa mission de contrôle et d'évaluation. Nous devons donc nous en donner les moyens.

Tel est le sens de cet amendement, qui a fait l'objet d'un très large consensus au sein des commissions qui ont eu à l'examiner.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je confirme le soutien de la commission des finances à cette excellente initiative de nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement ne partage pas cet avis.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quelle déception ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, ministre. Je connais le travail que M. Christian Cambon fait dans ce domaine. Sa compétence est reconnue, tout comme est reconnu son engagement dans l'aide au développement.

Personnellement, je suis très sensible à l'argument de la bonne foi et de la transparence, mais le document de politique transversale n'a pas vocation à reprendre l'ensemble de ces éléments - là est le problème ! -, il est logiquement centré autour de la loi de finances et des moyens financiers mobilisés par l'État.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On trouve mieux avec Wikileaks !

M. Patrick Ollier, ministre. À ce titre, les extensions que vous souhaitez systématiser doivent être analysées avec prudence. Comme vous l'indiquez, le document doit être cohérent avec l'horizon du budget triennal, ce qui est bien le cas. Toutefois, il ne peut raisonnablement aller au-delà de cet horizon. Il s'apparenterait alors plus à un document d'orientation stratégique qu'à un document budgétaire.

Monsieur le rapporteur général, par cet amendement, que je peux comprendre, M. Cambon contribue à changer la nature du document, qui, dès lors, n'est plus le même. Si on le suit, il devient un document d'orientation stratégique et n'est plus un document budgétaire. C'est tout l'enjeu !

Vous pouvez, bien sûr, me rétorquer que cela n'a aucune importance. Mais, très sincèrement, dans la logique de la cohérence de l'action du Gouvernement, nous souhaitons en rester au document budgétaire et non entrer dans la logique d'un document d'orientation stratégique.

De plus, le document actuel tient déjà compte des engagements pris en matière d'aide publique au développement par la France. En effet, il retranscrit l'ensemble des dépenses relatives à l'aide publique au développement, au-delà de la seule mission « Aide publique au développement » pour l'année en cours. Pour l'analyse rétrospective, il faut encore garder un horizon raisonnable, en raison des nombreux changements de périmètres et d'outils d'une année sur l'autre.

Voilà pourquoi, monsieur Cambon, je souhaite que vous retiriez cet amendement.

Ouvrir avec le Gouvernement une discussion constructive pour que, à la suite d'une volonté partenariale entre vous et nous, ce document change de nature l'année prochaine, pourquoi pas ? Mais ne le faisons pas brutalement, sans concertation, au détour d'un amendement dans la loi de finances, car vous transformeriez en document d'orientation stratégique un document qui doit rester budgétaire.

Entre le Gouvernement et la majorité, surtout avec vous, monsieur Cambon, il y a matière à travailler pour aller dans le bon sens. Acceptez de retirer aujourd'hui cet amendement et nous pourrons engager ce travail pour la prochaine loi de finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce n'est pas convaincant !

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement est-il maintenu ?

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Monsieur le ministre, j'entends bien vos explications et vous comprenez bien qu'en déposant cet amendement je n'ai nullement la volonté de gêner le Gouvernement.

Simplement, les parlementaires qui sont confrontés à ce difficile travail d'évaluation au quotidien de l'aide publique au développement - cela représente tout de même plusieurs milliards d'euros -, ...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voilà !

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. ... veulent seulement obtenir des renseignements. Je pense aux comparatifs zone à zone des dons et prêts que nous accordons, ou encore à des informations sur ce que nous dépensons des dépenses pour l'Asie, pour l'Afrique, à un moment où nous ne cessons de dire que l'Afrique subsaharienne doit être une priorité.

Monsieur le ministre, quand, de retour d'une mission au Mali - cette priorité des priorités, comme ne cessent de nous répéter les plus hautes autorités responsables de cette politique -, nous constatons que nous sommes dépassés par les Pays-Bas, le Canada, la Nouvelle-Zélande et bien d'autres pays encore, nous voyons bien qu'il existe des incohérences dans les chiffres qui nous sont soumis !

Par conséquent, cet amendement, au demeurant modeste, qui vise seulement à mieux apprécier et donc à mieux contrôler - ce en quoi nous aidons nos collègues de la commission des finances ! -, traduit simplement une revendication légitime du Parlement.

Comme il a été voté à l'unanimité par la commission des affaires étrangères,...

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances Eh oui !

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. ... je ne me sens pas le pouvoir de le retirer, d'autant moins à cette heure avancée du week-end...

Aussi, monsieur le président, je maintiens l'amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, en matière d'aide publique au développement, il y a vraiment des marges de progression très sensibles dans les présentations quelque peu mystérieuses des chiffres.

Mme Marie-France Beaufils. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut sortir de cette opacité, une opacité presque entretenue et qui fait naître des suspicions.

C'est bien le souci de transparence qui motive un tel amendement. Par conséquent, si, dans la forme, le Gouvernement ne peut pas accepter ce qui est ici demandé, cet amendement, qui sera, je pense, voté par le Sénat, doit être un appel solennel à parfaire la présentation des données relatives à l'aide publique au développement.

En le votant, monsieur le ministre, nous avons le sentiment d'aider le Gouvernement !

Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Escoffier. Je vais venir au secours de mes collègues et amis.

Hier, je suis intervenue dans le débat sur l'aide publique au développement et, soulignant l'imperfection de ce document, j'ai indiqué combien il me paraissait important aujourd'hui de lui redonner forme.

Notre administration, monsieur le ministre, pèche vraiment par son incapacité à évaluer. Or, aujourd'hui, on ne peut pas voter un budget si celui-ci n'est pas évalué.

Dans cet objectif, nous devons impérativement améliorer le document de politique transversale, qui non seulement sera le résultat du schéma stratégique, mais aussi permettra d'améliorer l'information du Parlement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-166.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 68 bis .