ARTICLE 6 BIS B: DISPOSITIF « ANTI-ABUS » DANS LES RÉGIMES MÈRE-FILLE ET D'INTÉGRATION FISCALE

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 19 NOVEMBRE 2010

Séance du vendredi 19 novembre 2010

Article additionnel après l'article 6

Mme la présidente. L'amendement n° I-6, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article 212 du même code est complété par un 3 ainsi rédigé :

« 3. Pour l'application du 1, sont assimilés à des intérêts servis à une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l'article 39, les intérêts qui rémunèrent des sommes laissées ou mises à disposition dont le remboursement est garanti par une sûreté accordée par une entreprise liée au débiteur, ou par une entreprise dont l'engagement est garanti par une sûreté accordée par une entreprise liée au débiteur. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voici le deuxième amendement de la série « anti-abus » relative à l'impôt sur les sociétés.

Nous avons effleuré ce sujet tout à l'heure avec M. le secrétaire d'État : il s'agit de prévenir le contournement du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation des groupes, qui, dans son état actuel, ne limite la déduction des bénéfices qu'aux seuls intérêts versés à des sociétés du groupe.

Or il arrive que l'on puisse substituer à un prêt intragroupe un emprunt qui est souscrit auprès d'une banque extérieure mais garanti par une société du groupe. Les intérêts versés par l'emprunteur au sein de ce dernier échappent alors aux limites de déduction.

Notre proposition s'inspire d'un régime qui existe, notamment, aux États-Unis. Nous suggérons d'étendre le périmètre des emprunts couverts par le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation aux prêts consentis hors du groupe, mais garantis ou cautionnés par une société appartenant à ce dernier, quelle que soit la nature juridique de la sûreté - personnelle ou réelle - dont il s'agit.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-455, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° I-6

I. - Alinéa 3

Après le mot :

rémunèrent

insérer les mots :

la part

II. - Après l'alinéa 3

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

« Les sommes laissées ou mises à disposition dont le remboursement est garanti par une sûreté réelle sont retenues pour un montant égal à la valeur du bien à la date où la sûreté a été constituée sur lui ou pour un montant égal à sa valeur estimée à cette même date, en cas de bien futur.

« Ces dispositions ne sont pas applicables aux sommes laissées ou mises à disposition :

« 1° à raison d'obligations émises dans le cadre d'une offre au public au sens de l'article L. 411-1 du code monétaire et financier ;

« 2° en cas de remboursement garanti par le nantissement des titres du débiteur ;

« 3° à la suite du remboursement d'une dette préalable, rendu obligatoire par la prise de contrôle du débiteur, dans la limite du capital remboursé. »

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du 3 du II de l'article 212 s'appliquent aux exercices clos à compter du 1 er janvier 2011.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, comme vous l'avez très justement rappelé, les dispositions de l'amendement n° I-6 que vous avez déposé, et je vous en remercie d'ailleurs, doivent mettre fin aux pratiques abusives actuelles. Celles-ci, que vous avez bien décrites, consistent à contourner le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation en assimilant tout simplement aux prêts intragroupe visés par ce mécanisme des prêts externes qui sont garantis par des entreprises liées.

Si j'ai bien compris, votre proposition vise des garanties qui peuvent prendre diverses formes, mais seulement celles qui ont pour objet le remboursement de ces prêts.

Économiquement, les prêts s'apparentent en effet à des prêts intragroupe ; le Gouvernement partage pleinement votre volonté de les faire désormais tout simplement entrer dans le champ de ce dispositif. Toutefois, monsieur le rapporteur général, si nous vous suivons tout à fait sur ce point, quelques aménagements pourraient être apportés à cette mesure anti-abus, me semble-t-il. Tel est l'objet de ce sous-amendement.

En premier lieu, il conviendrait de recentrer le dispositif sur son objectif et donc d'exclure du champ de cette mesure les financements purement externes qui sont, d'une part, les émissions d'obligations publiques et, d'autre part, les dettes renégociées à l'occasion d'un changement de contrôle du groupe.

Par ailleurs, les prêts externes garantis par un nantissement de titres de l'entreprise emprunteuse devraient également être exclus dès lors que la sûreté conduit à une situation identique à celle d'un prêt accordé moyennant le gage ou l'hypothèque des actifs de l'entreprise emprunteuse elle-même.

En second lieu, pour clarifier la mesure, il nous semblerait préférable, d'une part, de figer la valeur garantie dans le cadre d'une sûreté réelle à la valeur du bien à la date de l'octroi de cette sûreté, afin d'éviter toute difficulté ultérieure de valorisation, et, d'autre part, d'indiquer qu'en cas de prêt partiellement garanti seule la partie garantie du prêt entre dans le champ de la mesure anti-abus.

En troisième lieu, et enfin, si vous en étiez d'accord, monsieur le rapporteur général, nous pourrions fixer l'entrée en vigueur de la mesure aux exercices clos à compter du 1 er janvier 2011.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'ensemble de ces adaptations sont reprises dans le sous-amendement que je soumets à l'attention de votre assemblée.

Le sous-amendement n° I-447, présenté par M. Jégou, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3 de l'amendement n° I-6

Après le mot :

sûreté

Rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

portant sur des liquidités ou des instruments de trésorerie accordée par une entreprise liée au débiteur, ou par une entreprise dont l'engagement est garanti telle par une sûreté accordée par une entreprise liée au débiteur, à concurrence du rapport entre la valeur, à la date d'octroi de la sûreté, des biens donnés en garantie et des sommes laissées ou mises à disposition. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque la sûreté accordée par une entreprise liée trouve son origine dans un emprunt contracté directement ou indirectement par cette même entreprise auprès du débiteur et financé par les sommes laissées ou mises à disposition visées dans la première phrase.

II. - Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du 3 s'appliquent aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2011. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le secrétaire d'État, en vous écoutant défendre votre sous-amendement, je vérifiais qu'il était bien quasiment identique à celui que j'ai déposé. En effet, ma proposition tend à recentrer le dispositif proposé, à viser les sûretés portant sur des actifs liquides - liquidités en caisse, parts d'OPCVM, c'est-à-dire d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières, monétaires - qui auraient pu donner lieu à un prêt appelé dans le jargon financier « back to back », enfin à calibrer la contamination du prêt bancaire en fonction du montant octroyé en garantie.

Par ailleurs, le présent sous-amendement a pour objet de créer une exception à l'application des limitations de l'article 212-II. Il s'agit du cas où les sommes mises à disposition du débiteur par un tiers sont en totalité ou en partie prêtées de nouveau par le débiteur à une société du groupe, qui consent dans ce cadre des sûretés au bénéfice, éventuellement direct, de ce tiers, et à hauteur du montant emprunté auprès du débiteur.

Enfin, la date du 1 er janvier 2011 est elle aussi ciblée au travers de ce texte.

Sans outrepasser ma condition, je coprésente donc ce sous-amendement avec vous, monsieur le secrétaire d'État. (Sourires.)

Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-463, présenté par MM. du Luart et P. Dominati, est ainsi libellé :

A. - Alinéa 3 de l'amendement n° I-6

I. - Après les mots :

garanti par une sûreté

Insérer les mots :

portant sur des liquidités ou des instruments de trésorerie

II. - Après les mots :

dont l'engagement est garanti par une

insérer le mot :

telle

III. - Compléter la fin de cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :

, à concurrence du rapport entre la valeur, à la date d'octroi de la sûreté, des biens donnés en garantie et des sommes laissées ou mises à disposition. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque la sûreté accordée par une entreprise liée trouve son origine dans un emprunt contracté directement ou indirectement par cette même entreprise auprès du débiteur et financé par les sommes laissées ou mises à disposition visées dans la première phrase

B. -  Compléter cet amendement par un paragraphe  ainsi rédigé :

... -  Les dispositions du 3 du II de l'article 212 du code général des impôts s'appliquent aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2011. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Roland du Luart et moi-même partagions les mêmes craintes que M. Jégou. C'est pourquoi nous avons déposé ce sous-amendement.

Toutefois, et sous réserve d'une vérification de sa rédaction, le sous-amendement du Gouvernement répond à nos préoccupations.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n os I-455, I-447 et I-463 ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je fais confiance au Gouvernement, surtout sur un tel sujet et compte tenu du travail qui a été effectué en amont avec les services de Bercy. Les quelques rectifications que vise à apporter le sous-amendement n° I-455 sont utiles et tiennent compte de la concertation à laquelle il semble avoir été procédé avec certaines organisations d'entreprise.

Quant aux sous-amendements n os I-447 et I-463, ils sont analogues à celui du Gouvernement. Je pense que leurs auteurs pourront se rallier à ce dernier texte, sur lequel - à titre personnel, puisque la commission ne s'est pas formellement prononcée, et sous votre contrôle, monsieur le président de la commission - je crois pouvoir émettre un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les sous-amendements n os I-447 et I--463 ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme l'ont très justement souligné MM. Jean-Jacques Jégou et Philippe Dominati, ces sous-amendements ont à peu près le même objet.

Si les auteurs de ces propositions ne trouvent pas infamant de se rallier au sous-amendement du Gouvernement, je les invite à le faire.

Mme la présidente. Monsieur Jégou, le sous-amendement n° I-447 est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. Monsieur Dominati, qu'en est-il du sous-amendement n° I-463 ?

M. Philippe Dominati. Je le retire également, madame la présidente.

Mme la présidente. Les sous-amendements n os I-447 et I-463 sont retirés.

Je mets aux voix le sous-amendement n° I-455.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-6, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.