ARTICLE 76 BIS : COUPLAGE DE LA DURÉE DES CONTRATS D'OBJECTIFS DES ORGANISMES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC AVEC LA DURÉE DU MANDAT DE LEURS PRÉSIDENTS

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 5 DÉCEMBRE 2010

Article additionnel après l'article 76

Mme la présidente. L'amendement n° II-53, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Après l'article 76, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».

La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Cet amendement vise simplement à mettre fin au déphasage préjudiciable entre la signature des contrats d'objectifs et de moyens, les COM, des organismes de l'audiovisuel public et le mandat de leur président et à renforcer la crédibilité des présidents désignés, en imposant la signature d'un COM au début du mandat des présidents de l'audiovisuel public.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Cet amendement nous renvoie au débat entre faculté et obligation. En l'occurrence, il s'agit d'opter pour l'obligation, en éliminant toute souplesse.

Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Madame le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-53 est-il maintenu ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Oui, madame la présidente.

Je voudrais vous donner un exemple qui illustre l'importance de cet amendement.

Cette semaine, la commission de la culture devra émettre un avis sur un avenant au contrat d'objectifs et de moyens d'Arte. Or nous savons que l'actuel président, M. Jérôme Clément, va quitter ses fonctions et qu'une nouvelle présidente va prendre ses fonctions dans quelques semaines. Je trouve très regrettable que ce ne soit pas elle qui ait participé à l'élaboration du COM, même si le professionnalisme de M. Clément ne fait évidemment aucun doute.

En outre, des impulsions peuvent être recadrées et des priorités peuvent être redéfinies à l'occasion de la prise de fonctions d'un nouveau président. Je pense par exemple au « média global » de France Télévisions. Le nouveau président a envie de prendre une nouvelle direction et de « mettre le paquet » sur cet aspect. Il conviendrait donc qu'il puisse lui-même prévoir son contrat d'objectifs et de moyens.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Monsieur le ministre, je pense que nous avons vraiment besoin de clarté. La proposition de notre collègue va, me semble-t-il, dans ce sens.

C'est la raison pour laquelle je souhaite l'adoption de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. J'entends bien les arguments de M. le président et de Mme le rapporteur pour avis de la commission de la culture, qui sont très attachés à une telle proposition.

Peut-être pourrions-nous trouver une solution intermédiaire, en précisant que la signature d'un nouveau contrat est à la demande du président. Ce serait mieux que d'en faire une obligation légale.

D'ailleurs, nous en avons un exemple avec l'Institut national de l'audiovisuel, dont l'ancien président-directeur général, M. Hoog, avait sollicité un nouveau contrat.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si nous ne parvenions pas à trouver une rédaction satisfaisante dans l'immédiat, peut-être pourrions-nous veiller à faire en sorte que la commission mixte paritaire adopte un texte conforme à la teneur de nos échanges, en prenant bonne note de l'accord de M. le formule pour une formule qui maintiendrait, si je puis m'exprimer ainsi, un choix optionnel.

En attendant, nous pouvons peut-être adopter l'amendement de la commission de la culture, tout en sachant que cela ne débouchera pas sur la forme définitive du texte, puisque nous opèrerons la modification suggérée par le ministre.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. Je me rallie à la proposition de M. le rapporteur général de la commission des finances.

Sachez toutefois, monsieur le ministre, que le président de France Télévisions sollicitera immédiatement un ajustement du COM à la durée de son mandat, puisqu'il a manifesté un très vif intérêt à la proposition que nous avions émise avec notre collègue Claude Belot.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, une telle disposition, qui vise à rendre obligatoire ce qui était auparavant facultatif, à savoir l'adoption d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens à chaque nouveau changement de président de France Télévisions, n'est pas mauvaise en soi.

Toutefois, c'est, me semble-t-il, se leurrer que de prétendre résoudre la question de la « crédibilité » du président de France Télévisions par cette mesure, comme cela est affirmé dans l'objet de l'amendement. Cela ne vient pas remettre en cause les qualités de tel ou tel président de France Télévisions. Mais je voudrais apporter quelques éléments d'éclairage sur la situation.

La Cour des comptes elle-même constate en ces termes l'effacement des organes de France Télévisions : « Le véritable pouvoir d'orientation appartient donc dans les faits au Gouvernement, y compris dans l'intervalle de deux Contrats d'objectifs et de moyens. Chaque conseil d'administration est en effet précédé par l'élaboration d'une note détaillée [...] soumise au cabinet du Premier ministre et à celui du ministre chargé de la communication, qui comporte fréquemment des demandes d'instructions. »

Les conditions dans lesquelles cette réforme a été menée doivent nous inciter à redoubler de vigilance. Ainsi, le 11 février 2010, le Conseil d'État a annulé pour « incompétence » le système de suppression pure et simple de la publicité entre vingt heures et six heures tel qu'il avait été mis en place par l'exécutif.

Que l'on se rappelle également de la lettre d'instruction adressée au conseil d'administration de France Télévisions par Christine Albanel, alors ministre de la culture et de la communication, ordonnant la suppression de la publicité à France Télévisions avant le vote de la loi par le Sénat, bafouant les droits du Parlement et suivant la seule volonté du Président de la République.

Le président de France Télévisions peut alors bien se défendre d'un quelconque lien avec l'exécutif dans l'exercice de ces missions.

Le plus grave est que, quelle que soit la réalité même de l'indépendance du président, le mode de nomination choisi en 2009 a nécessairement une incidence sur sa neutralité politique et entache de soupçons la moindre de ses actions.

Pour atteindre l'objectif qu'ils se fixent, les auteurs de cet amendement nous proposent donc un bien faible remède face à de si grands maux. Cette seule mesure ne pourrait à elle seule résoudre la question de l'indépendance de France Télévisions.

Une seule mesure est valable. Il faut refuser la désignation du président de France Télévisions par l'Élysée et permettre son élection par le conseil d'administration du groupe de télévisions publiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Et pourquoi pas au suffrage universel ?

Mme Marie-France Beaufils. Sans cela, toute autre mesure relève de l'illusion.

Je voudrais réagir aux propos de M. le président de la commission de la culture tout à l'heure.

Nos positions se fondent sur le fait que, jusqu'à présent, aucune mesure pérenne de financement n'a été mise en place pour permettre à France Télévisions de fonctionner dans de bonnes conditions. Les dispositions qui ont été adoptées l'ont surtout été pour que la télévision privée, en particulier TF1, puisse récupérer la manne financière des recettes publicitaires qui étaient précédemment perçues par France Télévisions.

Nous voterons donc contre cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-53.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 76.