III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011) ANNEXE 18

Commentaire : le présent article prévoit d'autoriser la cession à titre gratuit de terrains du domaine privé de l'Etat en outre-mer pour la construction de logements sociaux ou l'aménagement d'équipements collectifs.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN DISPOSITIF DE DROIT COMMUN, APPLICABLE DANS LES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

L'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) prévoit que l'Etat peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale lorsque ces terrains sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social .

La différence entre la valeur vénale et le prix de cession ne peut dépasser un plafond , fixé par décret en Conseil d'Etat, égal à 35 % du produit de la valeur vénale du terrain .

B. UN DISPOSITIF SPÉCIFIQUE À LA GUYANE

Par ailleurs, l'article 48 de la loi pour le développement économique des outre-mer 1 ( * ) (LODEOM), a prévu l'extension à l'ensemble des collectivités territoriales de Guyane et à leurs groupements de la possibilité de bénéficier de concessions et de cessions à titre gratuit des immeubles domaniaux de l'Etat, en application de l'article L. 5142-1 du CGPPP, dans le but de faciliter les opérations d'aménagement mises en oeuvre par ces collectivités ainsi que par l'établissement public d'aménagement de la Guyane (EPAG).

Cet article dispose ainsi que les immeubles du domaine privé de l'Etat peuvent faire l'objet :

- de concessions gratuites aux collectivités territoriales lorsque celles-ci les affectent à l'aménagement d'équipement collectifs , à la construction de logements à vocation très sociale ou à des services et usages publics ;

- de cessions gratuites aux titulaires des concessions mentionnées ci-dessus ;

- de cessions gratuites aux communes ou à un établissement public foncier en vue de la constitution de réserves foncières . Dans le cas d'une cession à un établissement public foncier, la commune sur le territoire de laquelle se trouve l'immeuble cédé doit donner son accord préalablement à cette cession.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement , modifié par deux sous-amendements de notre collègue député Claude Bartolone, rapporteur spécial de la mission « Outre-mer », acceptés par le Gouvernement .

L'amendement du Gouvernement visait à créer un article additionnel ouvrant à l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer les possibilités déjà offertes en Guyane de bénéficier de cessions à titre gratuit de terrains du domaine privé de l'Etat .

Le présent article est composé de cinq parties proposant chacune un dispositif quasiment identique applicable respectivement dans les départements d'outre-mer, à l'exception de la Guyane ( 2° du I ), à Saint-Pierre-et-Miquelon ( 5° du I ), à Mayotte ( 6° du I ), à Saint-Martin et Saint-Barthélemy ( II ) et, enfin, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ( III ).

Ce dispositif prévoit que l'Etat peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale par application d'une décote qui est égale à 100 % de cette valeur vénale. Le terrain est donc cédé à titre gratuit. Les conditions pour en bénéficier sont les suivantes :

- soit le terrain est utilisé pour la réalisation de programmes de construction comportant essentiellement des logements, dont 30 % au moins sont réalisés en logements locatifs sociaux . Alors, le dispositif précise que l'avantage financier est exclusivement et en totalité répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux ;

- soit le terrain est destiné à l'aménagement d'équipements collectifs .

Dans les deux cas, il est prévu qu'en cas de non-réalisation du programme dans un délai de cinq ans à compter de l'aliénation, d'une part, la vente est résolue sans indemnité pour l'acquéreur et, d'autre part, l'acquéreur doit verser à l'Etat des indemnités dont le montant est contractuellement fixé.

Enfin, un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du dispositif.

Par ailleurs, le 1° du I prévoit, par coordination, de supprimer la disposition de l'article L. 3211-7 du CGPPP qui prévoyait les modalités spécifiques d'application dans les départements d'outre-mer du dispositif actuel d'aliénation de terrains du domaine privé de l'Etat pour un prix inférieur à leur valeur vénale.

Les 3° et 4° du I disposent que l'article L. 3211-7 précité cessera également de s'appliquer à Saint-Pierre-et-Miquelon.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances a souligné, en 2008, dans son rapport d'information sur le logement en outre-mer 2 ( * ) , les difficultés particulières résultant, en outre-mer, des faibles ressources foncières disponibles pour la construction de nouveaux logements, notamment de logements sociaux .

Le dispositif proposé par le présent article va dans le sens préconisé par votre commission des finances, en proposant de nouveaux outils ayant pour objectif de faciliter la construction de logements sociaux et la réalisation d'opérations d'aménagement, en étendant à l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer les possibilités déjà ouvertes en Guyane de cession à titre gratuit des immeubles domaniaux de l'Etat.

Par ailleurs, le Comité interministériel de l'outre-mer (CIOM) , présidé par le Président de la République et réuni le 6 novembre 2009 pour conclure les Etats généraux de l'outre-mer, avait pris la décision de « mettre gratuitement à disposition des établissements publics fonciers les terrains nus [que l'Etat] n'utilise pas. Cette disposition figurera dans le projet de loi de finances pour 2011 » 3 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur plusieurs points qui pourront utilement être éclaircis en séance publique :

- qui seront les cessionnaires de ces terrains ? Pourront-t-ils être des promoteurs immobiliers qui bénéficieront ainsi de cessions à titre gratuit à la seule condition que le programme immobilier qu'ils mettent en place comporte « essentiellement » des logements, dont 30 % au moins de logements locatifs sociaux ?

- pourquoi figer le niveau de la décote à 100 % de la valeur du terrain ? Pourquoi ne pas prévoir une modulation, qui pourrait s'avérer plus adaptée à certaines situations ?

Sous réserves des précisions qui seront données par le Gouvernement en séance publique, votre commission des finances est favorable au dispositif proposé par le présent article du projet de loi.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

* 2 Rapport d'information n° 355 (2007-2008), « Des ambitions aux réalisations : retour sur deux ans de politique du logement en outre-mer », Henri Torre, fait au nom de la commission des finances.

* 3 Ministère chargé de l'outre-mer, « Les 137 mesures du Conseil interministériel de l'outre-mer 7 mois après ».