VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 1ER DÉCEMBRE 2010

Mme Marie-Agnès Labarre. - Nous ne saurions nous opposer à cet article 78, certes coûteux pour l'État mais utile. Vous affichez votre volonté de faire de notre éducation et notre recherche notre salut. Hélas, vous mélangez AE et CP pour afficher des chiffres qui ne trompent personne. Vous limitez les crédits des enseignants et chercheurs « qui ne trouvent jamais » dit le Président de la République. L'État n'a plus d'argent, depuis que les riches ne paient plus d'impôt.

A nouveau, vous soumettez la recherche publique aux grands groupes industriels.

Le grand emprunt est une belle supercherie ! Le CIR échappe au rabot fiscal. A qui profite-t-il ? Pas aux universités mais aux consultants en placements financiers à fort rendement et sans risques. Consultez donc le site Paradisfiscal.fr ! Cela ne s'invente pas !

En coupant les ailes de la recherche publique, on s'interdit d'orienter l'avenir. Les priorités du Gouvernement sont celles des financiers, qui soumettent l'intérêt général aux intérêts à court terme. Lorsque la puissance publique démissionne, lorsqu'elle brade les outils de la recherche, c'est le marché qui est aux commandes. Seule la puissance publique a la légitimité pour concilier innovation et défense de l'intérêt général.

M. le président. - Amendement n°II-152, présenté par M. Plancade, au nom de la commission de la culture.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. - L'article 78 réforme le dispositif d'exonération de cotisations sociales accordées aux jeunes entreprises innovantes (JEI) créé par la loi de finances pour 2004 : il prévoit un plafonnement des exonérations sur les hauts salaires et un mécanisme de sortie progressive du dispositif. L'entreprise concernée bénéficierait du même taux d'exonération de la première à la quatrième année, puis ce taux serait progressivement réduit au cours des quatre années suivantes avant son extinction.

Le coût de ce dispositif a augmenté ces dernières années, mais l'on se saurait s'en plaindre. En outre, les entreprises concernées n'ont guère bénéficié du CIR. A quoi s'ajoute la baisse des crédits d'intervention d'Oséo.

La commission en demande la suppression.

M. le président. - Amendement identique n°II-285, présenté par Mme Hermange.

M. Philippe Dominati. - Il a été défendu.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Depuis l'institution du régime des jeunes entreprises innovantes, le CIR a été créé ; c'est un puissant levier. La commission est défavorable à la suppression de l'article, dont le dispositif est équilibré.

M. Éric Besson, ministre. - De nombreuses jeunes entreprises innovantes s'interrogent. Je veux les rassurer. Depuis l'instauration de ce régime en 2004, le CIR est devenu très avantageux pour les entreprises ; son taux a été porté à 30 % des dépenses de recherche, avec un taux majoré pour les entreprises qui l'utilisent pour la première fois. Les PME figurent parmi ses principaux bénéficiaires.

Les efforts devront être partagés par tous. L'article 78 organise une sortie progressive du dispositif. Au demeurant, celles-ci profiteront pendant leurs quatre premières années d'exonérations sociales ; par la suite, les cotisations pourront être réintégrées dans l'assiette des dépenses éligibles au CIR. Retrait ou rejet.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. - La commission de la culture se préoccupe de l'emploi. Au printemps, nous avons constaté avec consternation que de jeunes entreprises françaises avaient quitté la France pour Montréal. Préférant les voir prospérer chez nous, je voterai les amendements de suppression.

M. Daniel Raoul. - L'innovation est une aventure risquée. L'article 78 plafonne les exonérations sur les hauts salaires. Tout le monde se plaint de la fuite des cerveaux, notamment des docteurs attirés par les laboratoires américains. Avec cet article, nous accélérerions le mouvement. J'ajoute que les entreprises ont besoin de stabilité.

Monsieur le président de la commission des finances, allez plutôt voir du côté des abus du CIR et de l'optimisation fiscale à laquelle se livrent les grands groupes !

L'innovation, c'est la survie de l'industrie. L'article 78 lui porte un mauvais coup.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. - Avec M. Dominati, j'ai été battu en commission des finances. Je pensais donc ne pas participer au vote, mais un scrutin public a été demandé. Dans ces conditions, je fais comme le président Arthuis la semaine dernière et voterai contre le point de vue de la commission. La semaine dernière, vous avez dégagé 200 millions ; il est question ici de 50 millions. La marge de manoeuvre existe donc -grâce à vous, monsieur le président de la commission des finances ! (Sourires)

Monsieur le ministre, une entreprise est particulièrement fragile entre trois et cinq ans d'activité. C'est à ce moment que vous l'étranglez !

Alors que Mme Pécresse vient d'obtenir des crédits majeurs pour la recherche, vous diminuez les moyens mis à la disposition des entreprises. Je ne sais comment se passera le scrutin public, ni ce que décidera le groupe UMP, mais j'ai préparé un amendement de repli. Dans un article additionnel, je proposerai de supprimer l'allégement fiscal, soit une économie de dépense fiscale de 20 millions d'euros, en maintenant l'exonération de charges sociales -c'est-à-dire en faisant en sorte que la parole de l'État, que le Gouvernement renie, soit respectée.

A la demande du Gouvernement, les amendements identiques n os II-52 et II-285 rectifié bis sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants

321

Nombre de suffrages exprimés

297

Majorité absolue des suffrages exprimés

149

Pour l'adoption

146

Contre

151

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. - Amendement n°II-286 rectifié bis , présenté par Mme Hermange, M. P. Dominati, Mlle Joissains, Mme Dumas, MM. du Luart, Milon et Lefèvre, Mme Bruguière, M. Revet, Mmes Lamure et Des Esgaulx et M. Chatillon.

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du V, les mots : « au plus jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'entreprise » sont remplacés par les mots : « à taux plein jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'établissement » ;

2° Après la première phrase du V, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Elle est ensuite applicable à un taux de 75 % jusqu'au dernier jour de la huitième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 50 % jusqu'au dernier jour de la neuvième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 30 % jusqu'au dernier jour de la dixième année suivant celle de la création de l'établissement et à un taux de 10 % jusqu'au dernier jour de la onzième année suivant celle de la création de l'établissement. » ;

3° Après le V, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - L'exonération prévue au I est applicable :

« - aux entreprises crées entre le 1 er janvier 2004 et le 31 décembre 2017 ;

« - aux entreprises existantes à la date du 1er janvier 2004, dès lors qu'elles ont moins de douze ans à cette date. »

II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Philippe Dominati. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°II-243 rectifié, présenté par M. Adnot et Mme Des Esgaulx.

Rédiger ainsi cet article :

Après le VII de l'article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ...- En cas de changement de contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, d'une société ayant le statut de jeune entreprise innovante ou ayant perdu ce statut depuis moins de quatre ans, la société rembourse à l'État l'ensemble des avantages financiers dont elle a bénéficié au titre de l'application du présent article. »

Amendement n°II-232 rectifié, présenté par MM. Adnot, du Luart, Retailleau et J.L. Dupont et Mme Des Esgaulx.

I. - Alinéa 2

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

six

II. - Alinéa 3

Après les mots :

sont remplacés par les mots et

rédiger la fin de cet alinéa :

deux phrases ainsi rédigées : « à taux plein jusqu'au dernier jour de la quatrième année suivant celle de la création de l'établissement. Elle est ensuite applicable à un taux de 80 % jusqu'au dernier jour de la cinquième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 60 % jusqu'au dernier jour de la sixième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 30 % jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'établissement. Ces dispositions sont applicables pour les entreprises créées après le 1 er janvier 2011.»

Amendement n°II-233 rectifié, présenté par MM. Adnot, du Luart, Retailleau et J.L. Dupont et Mme Des Esgaulx.

I. - Alinéa 2

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

six

II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé

...° Il est ajouté un X ainsi rédigé :

« X. - Ces dispositions sont applicables pour les entreprises créées après le 1 er janvier 2011. »

M. Philippe Adnot. - L'amendement n°II-243 sera sans doute considéré comme un texte d'appel : je le retire. Les deux autres sont de repli et assouplissent le dispositif.

L'amendement n°II-243 rectifié est retiré.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - L'amendement n°II-286 rectifié bis est inacceptable, sauf à vouloir aggraver le déficit public. L'amendement n°II-232 rectifié ne permet pas de mieux maîtriser la dépense publique. Nous sollicitons l'avis du Gouvernement mais nous ne sommes pas favorables. Enfin, l'amendement n°II-233 rectifié assouplit le dispositif. Sauf avis très favorable du Gouvernement, la commission est très réservée.

L'amendement n°II-286 rectifié bis est retiré.

M. Éric Besson, ministre. - Le Gouvernement est défavorable aux amendements qui subsistent pour les raisons exposées par le président de la commission des finances.

M. Philippe Adnot. - Je vais retirer l'amendement n°II-233 rectifié, bien qu'il tende simplement à respecter la parole de l'État. Y a-t-il une demande de scrutin public sur mon article additionnel ?

M. le président. - Oui, ainsi que sur l'article 78.

M. Philippe Adnot. - Dans ces conditions, je maintiens l'amendement n°II-232 rectifié. Je déplore la conception que se fait le Gouvernement de la parole donnée.

L'amendement n°II-233 rectifié est retiré.

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°II-232 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants

309

Nombre de suffrages exprimés

297

Majorité absolue des suffrages exprimés

149

Pour l'adoption

147

Contre

150

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du Gouvernement, l'article 78 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants

336

Nombre de suffrages exprimés

318

Majorité absolue des suffrages exprimés

160

Pour l'adoption

179

Contre

139

Le Sénat a adopté.