ARTICLE 79 : RECONDUCTION ET MAJORATION DU MONTANT DE LA DOTATION SPÉCIALE DE CONSTRUCTION ET D'ÉQUIPEMENT DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES (DSCEES) DE MAYOTTE

I. TEXTE DU PROJET DE LOI

L'article L. 2572-65 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, l'année : « 2011 » est remplacée par l'année : « 2013 » ;

2° La deuxième phrase du deuxième alinéa est remplacée par la phrase suivante : « La dotation est indexée chaque année sur le taux d'évolution du nombre d'élèves scolarisés dans les écoles préélémentaires et élémentaires constaté entre l'antépénultième et la pénultième année précédant l'année de son versement. »

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En 2011, le montant de la dotation, calculé comme indiqué à l'alinéa précédent, fait l'objet d'une majoration de 5 millions d'euros qui évolue, à compter de 2012, selon le même taux d'évolution que celui prévu à cet alinéa. »

II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 37

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de reconduire pour deux ans le versement de la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires (DSCEES) en doublant son montant. D'autre part, il vise à améliorer les règles d'indexation annuelle de cette dotation dans un souci de prévisibilité pour les communes de Mayotte qui en bénéficient.

I.- LES BESOINS EN ÉQUIPEMENT SCOLAIRE DE MAYOTTE IMPOSENT LA PROROGATION DE LA DSCEES

A.- UNE DOTATION MISE EN PLACE EN 2003 A TITRE PROVISOIRE

L'article 67 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable à Mayotte. En outre, l'article 68 de la même loi prévoyait l'application à Mayotte, à compter du 1 er janvier 2007, des dispositions du code général des impôts et du code des douanes.

En attendant la mise en place d'une fiscalité locale adaptée, l'État a donc entrepris d'assurer à Mayotte un niveau de ressources suffisant pour financer ses projets d'investissements dans le domaine des équipements scolaires.

À cet effet, l'article 6 de l'ordonnance n° 2002-1450 du 12 décembre 2002 relative à la modernisation du régime communal, à la coopération intercommunale, aux conditions d'exercice des mandats locaux à Mayotte et modifiant le code général des collectivités territoriales (CGCT) instaure une dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires de Mayotte pour les années 2003 à 2007. Cette ordonnance a été ratifiée par la loi de programme pour l'outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003. Le dispositif est désormais codifié à l'article L. 2572-65 du CGCT.

Cet article prévoit le versement par l'État d'une dotation d'un montant de 3,5 millions d'euros en 2003 indexée annuellement, à compter de 2004, sur l'évolution du nombre d'élèves des écoles élémentaires et préélémentaires. La dotation est répartie dans les communes par arrêté du préfet au prorata du nombre d'élèves scolarisés dans chacune d'elles.

En outre, lorsque la commune délègue la compétence de construction et d'entretien des établissements scolaires à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou à un syndicat mixte qui ne comprend que des collectivités territoriales, le produit de la dotation est reversé à cet EPCI par la commune. En pratique, les communes de Mayotte ont en effet délégué cette compétence au syndicat mixte d'investissement pour l'aménagement de Mayotte (SMIAM).

Contrairement à ce qui était prévu en 2001, le code général des impôts n'a pas été étendu à Mayotte depuis 2007. D'après le Gouvernement, cette lacune résulte des nombreuses particularités locales de l'île qui rendent le travail technique d'adaptation du droit fiscal difficile. Pendant cette période, les communes ne disposent toujours pas des ressources suffisantes pour compenser l'extinction prévue de cette dotation.

Par conséquent, une première prorogation pour l'année 2008 a été prévue par l'article 105 de la loi de finances pour 2008 n° 2007-1822 du 24 décembre 2007. Par la suite, une deuxième prorogation pour les années 2009 à 2011 a été votée dans le cadre de l'article 158 de la loi de finances pour 2009 n° 2008-1425 du 27 décembre 2008.

Le présent article tend de fait à pérenniser un dispositif conçu pour être provisoire en prorogeant à nouveau de deux années la DSCEES. Compte tenu de l'augmentation du nombre d'élèves scolarisés à Mayotte, le montant de la dotation a augmenté mécaniquement pour atteindre 4,88 millions d'euros en 2010.

ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA DSCEES EN LOI DE FINANCES INITIALE

(en milliers d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

3 500

3 675

3 858

4 051

4 205

4 415

4 582

4 882

Source : DGCL.

Cette dotation est versée à partir du programme 122 Concours spécifiques et administration de la mission Relations avec les collectivités territoriales .

B.- LES BESOINS DE L'ÎLE EN MATIÈRE D'INFRASTRUCTURES SCOLAIRES RENDENT NÉCESSAIRE CETTE ANNÉE UN SUPPLÉMENT DE DOTATION

Outre la prorogation de la dotation pour deux années supplémentaires, le 3° présent article prévoit que la dotation fait l'objet d'une majoration de 5 millions d'euros à compter de l'année 2011. L'article prévoit par ailleurs que cette dotation est maintenue pendant les années suivantes, les modalités d'indexation étant les mêmes que la dotation initiale ( 10 ) .

Compte tenu du fait que le Gouvernement a prévu de maintenir le taux d'évolution prévisible du nombre d'élèves scolarisés dans les écoles préélémentaires et élémentaires à son niveau de 2009 - soit 5,78% -, l'évolution de la DSCEES sera la suivante :

PROJECTION DU MONTANT TOTAL DE LA DSCEES

(en euros)

2011

2012

2013

Évolution du montant de base de la DSCEES

5 195 433

5 495 729

5 813 383

Évolution de l'abondement supplémentaire prévu par le présent article

5 000 000

5 289 000

5 594 704

TOTAL

10 195 433

10 784 729

11 408 087

Source : DGCL

Ce dispositif conduit par conséquent à plus que doubler le montant de la dotation initiale, en la faisant passer pour l'année 2011 de 4,9 à 10,2 millions d'euros.

Le Rapporteur spécial a été particulièrement attentif à vérifier la justification d'une augmentation aussi importante d'une dotation prévue pour être transitoire.

Selon les informations fournies par le Gouvernement, le taux de croissance de la population scolaire - c'est-à-dire des enfants scolarisés dans les écoles préélémentaires et élémentaires - demeure particulièrement dynamique (+ 5,78% entre octobre 2008 et octobre 2009), ce qui justifie une mise à niveau des équipements.

En outre, une telle augmentation a été explicitement prévue par le comité interministériel à l'outre-mer du 6 novembre 2009, en accord avec les orientations de l'annexe 2 du contrat de projet État-Mayotte 2008-2014 prévoyant le versement d'un complément budgétaire d'au moins 4 millions d'euros. Cette annexe 2 prévoit par ailleurs explicitement qu'en matière de constructions scolaires, « l'État s'engage à poursuivre ses efforts afin d'accompagner les évolutions démographiques de Mayotte, et à inscrire dans les prochaines lois de finances les crédits nécessaires au financement de la convention en cours ».

Cette annexe précise que, dans ce cadre, le ministère de l'Éducation nationale apportera un financement de 19 millions d'euros pour poursuivre les actions entreprises pour la réalisation des établissements de second degré. Ces crédits permettront notamment le lancement des travaux au lycée de Chirongui (d'une capacité de 1 200 élèves) et des collèges de Mamoudzou (1 000 élèves) et Boueni (900 élèves).

Pour sa part, le secrétariat d'État à l'outre-mer apportera 4 millions d'euros, en plus de la dotation spéciale de construction d'équipements des établissements scolaires versée aux communes pour la réalisation de classes du premier degré.

II.- EN ATTENDANT LA RÉFORME DE LA FISCALITÉ LOCALE, UNE ADAPTATION DU MODE D'INDEXATION DE LA DOTATION EST NÉCESSAIRE

A.- LA PERSPECTIVE D'UNE FISCALITÉ LOCALE ADAPTÉE REPOUSSÉE MALGRÉ LA DÉPARTEMENTALISATION DE L'ÎLE

Fin 2008, lorsque la seconde prorogation du dispositif a été soumise à l'examen de l'Assemblée nationale, le Gouvernement estimait que les travaux d'adaptation du droit fiscal aux particularités locales de Mayotte s'échelonneraient jusqu'en 2011. Ces travaux comprennent notamment le développement d'une valorisation exhaustive du foncier permettant ensuite une émission des rôles pour les impôts fonciers et la généralisation d'une comptabilité commerciale dans le cadre de la transposition de la taxe professionnelle.

Dans le cadre du présent dispositif, le Gouvernement estime pourtant que cette adaptation ne sera possible qu'en 2013 en vue d'une mise en oeuvre en 2014. Cette adaptation est rendue d'autant plus nécessaire que le statut de Mayotte a évolué vers la départementalisation du fait de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l'évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte.

Rappelons en effet que, conformément à l'accord sur l'avenir de Mayotte, document politique d'orientation signé par le Gouvernement et les représentants de la collectivité le 27 janvier 2000, l'île fut érigée en « collectivité départementale » par la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte. Si cette loi revêtait une portée symbolique indéniable et s'accompagnait d'une extension du droit commun dans de nombreuses matières, cette transformation demeurait toutefois sans effet sur le régime constitutionnel de Mayotte. Sur ce dernier plan, l'impression d'une stagnation, voire d'un recul, a pu être renforcée par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 qui, en supprimant la catégorie des collectivités territoriales à statut particulier, dont relevait également Saint-Pierre-et-Miquelon, a conduit à ranger Mayotte dans celle des collectivités d'outre-mer (COM), aux côtés des anciens territoires d'outre-mer (TOM), pour lesquels prédominaient l'autonomie institutionnelle et la spécialité législative.

La rénovation du statut de Mayotte, par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer , a été l'occasion d'amorcer un important changement dans la mesure où le statut de Mayotte a de nouveau été rapproché de celui de Saint-Pierre-et-Miquelon, de nombreuses dispositions du droit commun des départements étant étendues au fonctionnement de ses institutions.

L'application présumée du droit commun applicable en métropole y est devenu la règle en vertu du principe d'assimilation législative qui prévaut dans les départements d'Outre-mer ; par ailleurs la spécialité législative est devenue une exception cantonnée à des matières telles que la fiscalité, l'urbanisme, l'aménagement rural, le droit social ou la législation des étrangers. Le législateur avait alors prévu que, « dans la foulée » de son renouvellement en 2008, l'assemblée délibérante de cette collectivité pourrait demander par une résolution l'obtention d'un nouveau statut et une « accession au régime de département et région d'outre-mer défini à l'article 73 de la Constitution »- ce qu'a fait, à l'unanimité, le conseil général de Mayotte dès le 18 avril 2008.

Avec un taux d'approbation supérieur à 95 %, le résultat très net de la consultation tenue à ce sujet le 29 mars 2009 à Mayotte a confirmé la volonté des habitants de l'île d'accéder au statut de département. La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 prévoit donc que Mayotte accède dès 2011, c'est-à-dire au prochain renouvellement du conseil général de Mayotte, au régime statutaire et législatif défini par l'article 73 de la Constitution, applicable aux départements et régions d'outre-mer (DOM-ROM).

Le statut de cette collectivité devra également être rénové, sans qu'il soit nécessaire de créer sur le même territoire à la fois un DOM et une ROM, ce qui serait inutilement coûteux et peu rationnel. Plutôt que de reproduire un modèle de région monodépartementale souvent contesté dans les actuels DOM-ROM, il est prévu de créer à Mayotte une collectivité unique, qui sera symboliquement dénommée « département de Mayotte », exerçant tant les compétences des ROM que celles des DOM.

Dans cette perspective, il incombe au Gouvernement de mener un important travail permettant de préciser les modalités de mise en oeuvre de cette départementalisation. En réponse à une question posée par notre collègue M. Abdoulatifou Aly le 22 juin 2010, Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, indiquait que ce travail avançait « à un rythme satisfaisant, conforme aux engagements du pacte pour la départementalisation tel qu'il a été présenté à tous les élus avant l'organisation de la consultation ».

La ministre a par ailleurs affirmé que la départementalisation pourrait être opérée en mars 2011. Avant cette date, un projet de loi relative à l'organisation du fonctionnement du département de Mayotte doit encore être examiné. Présenté en Conseil des ministres en juillet 2010 et déposé au Sénat le 3 août 2010, ce projet de loi organique prévoit plusieurs dispositions importantes :

- il étend à Mayotte les dispositions du chapitre V du titre III du livre quatrième de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, relatives à l'habilitation des départements et régions d'outre-mer à intervenir dans le domaine de la loi en tirant les conséquences de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 ;

- il organise la consultation préalable obligatoire du conseil économique, social et culturel de Mayotte à tout projet de loi en vue de l'application de la loi à Mayotte.

Ces dispositions permettront à Mayotte d'adapter les lois et règlements aux contraintes et caractéristiques particulières locales et de fixer elle-même les règles dans un certain nombre de matières, comme par exemple les transports et la fiscalité.

B.- EN ATTENDANT CETTE RÉFORME, LES MODALITÉS D'INDEXATION DE LA DOTATION DOIVENT ÊTRE ADAPTÉES

Actuellement, la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2572-65 du CGCT prévoit que « la dotation évolue à compter de 2004 en fonction du nombre d'élèves scolarisés dans les écoles préélémentaires et élémentaires ».

Rappelons qu'à la suite des arbitrages rendus dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le projet de loi de finances pour 2009 a prévu le transfert de cinq dotations (dont la DSCEEC) de la mission Outre-mer (programme 123) vers la mission Relations avec les collectivités territoriales (programme 122).

La conséquence de ce transfert a été qu'à compter de 2009 le calcul du montant de la dotation est effectué au vu d'un taux prévisionnel qui correspond au taux définitif de l'avant-dernière année, sachant que ce montant est ensuite ajusté en loi de finances rectificative sur la base du taux réel d'évolution du nombre d'élèves des écoles élémentaires et préélémentaires constaté par le vice-rectorat de Mayotte.

ÉVOLUTION DE LA DOTATION ENTRE 2003 ET 2010

(en milliers d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Montant

LFI

LFI

LFI

LFI

LFI

LFI

LFI

LFR

LFI

LFR

3 500

3 675

3 858

4 051

4 205

4 415

4 582

4 643

4 882

4 911

Taux d'évolution

-

5 %

5 %

5 %

3,7%

5 %

Prévisionnel

Définitif

Prévisionnel

Définitif

3, 786 %

5, 16 %

5, 16 %

5, 78 %

Source : DGCL.

Ce dispositif est à la fois source de complexité budgétaire et d'insécurité juridique pour les communes bénéficiaires, qui ne connaissent que tardivement, au cours de l'exercice budgétaire, le montant réellement disponible. Ce manque de prévisibilité nuit par conséquent à la consommation des crédits.

Le 2° du présent article vise donc à maintenir le principe de cette évolution de la dotation en fonction du nombre d'élèves scolariser, mais tend à en sécuriser le montant dès la loi de finances initiale en prenant en compte le taux d'évolution constaté entre l'avant-dernière et la dernière année précédent celle du versement de la dotation.

*

* *

Sur l'avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission adopte l'article 79 sans modification.