II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 37

Observations et décision de la Commission :

Le présent article organise l'abondement, en 2011, des dotations de péréquations communales : la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation de développement urbain (DDU).

I.- DANS UN CONTEXTE GÉNÉRAL DIFFICILE DE RÉPARTITION DE LA DGF, LE GOUVERNEMENT PROPOSE UNE AUGMENTATION VOLONTARISTE DES DOTATIONS DE PÉRÉQUATION COMMUNALES

Le Rapporteur spécial souligne qu'il serait artificiel de distinguer le présent article au sein de l'ensemble des mesures du projet de loi de finances concernant les concours de l'État aux collectivités territoriales. Au contraire, il conviendrait de lire comme un ensemble cohérent , tant les mesures prévues aux articles 18 à 27 dans la première partie du présent projet que celles prévues aux articles 80, 81 et 86, mais aussi la fixation de la norme d'évolution des concours de l'État par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2011-2014.

A.- LES CONTRAINTES PESANT SUR LA DGF EN 2011 APPELLENT DES MESURES LÉGISLATIVES

Ainsi, le présent article est une des conséquences des contraintes qui pèseront, en 2011, sur la répartition de la DGF, qui résultent pour partie du gel en valeur indispensable des concours de l'État aux collectivités territoriales et pour une autre partie des règles automatiques d'évolution des composantes de la DGF.

1.- Les chiffres clés des concours financiers dans le projet de loi de finances

Comme le Rapporteur général l'a exposé dans les deux premiers tomes du rapport sur le présent projet de loi de finances 1 ( * ) , le gel en valeur du périmètre global des dotations aux collectivités territoriales conduit à ce que toute augmentation d'une ligne entraîne la minoration à due concurrence d'une ou plusieurs autres lignes.

Dans ce contexte, le Gouvernement propose, dans le présent projet de loi de finances, les arbitrages suivants :

PÉRIMÈTRE GLOBAL

(en millions d'euros)

Valeur en 2011 du périmètre global gelé

50 426

0 %

Baisse des variables d'ajustement proposée (art. 23)

- 160

- 11,22 %

Hausse de la DGF ainsi permise (art. 19)

+ 86

+ 0,2 %

Hausse des compensations d'exonérations de TH

+ 74

+ 5,5 %

La DGF augmenterait donc de 86 millions d'euros en 2011. Au terme d'une mécanique de rebasages multiples 2 ( * ) , cette augmentation sera in fine de 88 millions d'euros.

2.- L'impossible jeu des règles législatives en vigueur

Cependant, comme l'a rappelé le Rapporteur spécial dans son commentaire sous l'article 80 du présent projet de loi de finances, l'existence d'une masse financière disponible pour les dotations de péréquation ne suffit pas à garantir son adéquate affectation.

Trois éléments doivent ainsi être relevés :

- La progression de la DGF est tout d'abord ventilée entre les trois échelons de collectivités territoriales en vertu de l'article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales. Il en résulterait que le bloc communal capterait l'essentiel de l'abondement de 86 millions d'euros, alors même que c'est sur la DGF des communes que seront réalisées les économies les plus importantes. Dans un tel schéma, les départements bénéficieraient d'un abondement minime, insuffisant à couvrir les contraintes nées du recensement ( cf . article 80) et a fortiori les besoins en matière de péréquation.

- Le droit en vigueur prévoit, en outre, que le Comité des finances locales (CFL) répartit en premier lieu les dotations forfaitaires de chacun des échelons, puis constate le solde d'augmentation disponible pour les dotations de péréquation. Avec un tel procédé, il n'est pas rare que le CFL choisisse de protéger les dotations forfaitaires, qui ont un caractère plus universel, au détriment des dotations de péréquation.

- Enfin, comme l'a précédemment rappelé le Rapporteur spécial ( cf . article 80), en l'absence de mesures législatives particulières, le coût du recensement et des transformations d'intercommunalités absorberait plus que l'abondement de 86 millions d'euros prévu par le présent projet de loi de finances.

Face à un tel risque que les dotations de péréquation connaissent un recul au sein de la DGF, le Gouvernement a décidé de légiférer pour faire prévaloir ses priorités.

B.- UNE SOLUTION AMBITIEUSE MAIS DIFFICILEMENT SOUTENABLE

Les articles 80 et 81 organisent un fléchage des abondements et des économies de la DGF vers la péréquation, mais posent une question de principe sur la compétence du CFL en matière de répartition de cette dotation.

1.- Des dotations forfaitaires bloquées ou minorées afin de ménager la progression de la péréquation

Les articles 80 et 81 du projet de loi de finances s'articulent totalement entre eux, afin de tirer parti de l'abondement proposé en première partie du projet de loi de finances, de le compléter de certaines économies internes à la DGF et d'affecter l'ensemble de ces moyens supplémentaires à la péréquation.

Ainsi, l'article 80 prévoit le gel des dotations de base ou forfaitaires des communes et des départements. Celle des régions diminuerait de 6 millions d'euros. La dotation d'intercommunalité serait, pour sa part, gelée. En outre, l'article 80 prévoit également de minorer le complément de garantie des communes et la compensation « part salaires » des communes et des EPCI ( 13 ) .

ÉVOLUTION DES CONTRAINTES ET DES MARGES AU SEIN DE LA DGF EN 2011

(en millions d'euros)

Ressources

Emplois

Abondement global (art. 19)

+ 86

Coût du recensement au sein des dotations forfaitaires des communes et des départements

+ 73

Coût des transformations des intercommunalités

+ 89

Écrêtement du complément de garantie communal (art. 80)

- 150

Écrêtement de la compensation « part salaires » des communes et EPCI (art. 80)

- 98

Baisse de la dotation forfaitaire des régions

- 6

TOTAL

+ 86

- 92

Au total, entre l'abondement consenti pour majorer la DGF en 2011 et les économies internes proposées par l'article 80, il serait donc possible d'allouer :

86 + 92 = 178 millions d'euros,

en faveur des dotations de péréquation de chacun des échelons de collectivités territoriales sur un total de 41 178 millions d'euros.

2.- Une répartition préemptée par la loi, qui pose la question du rôle du Comité des finances locales

Précisément, le présent article vise à affecter l'essentiel de cette somme aux dotations de péréquation communales. Le Rapporteur spécial se doit de préciser les raisons pour lesquelles cet article ne traite nullement des dotations de péréquation départementales et régionales.

En effet, l'article 19 du présent projet de loi de finances a remplacé le mécanisme d'indexation de la DGF par une inscription, en valeur, des montants de la DGF de chacun des échelons de collectivités territoriales. Dès lors, les montants affectés à la péréquation se déduisent logiquement de l'application combinée des articles 19 et 80 :

- pour les départements, l'article 19 prévoit une augmentation de 67 millions d'euros. Compte tenu du gel du montant unitaire de la dotation forfaitaire, prévu par l'article 80, celle-ci augmentera seulement à concurrence de la croissance démographique prise en compte, c'est-à-dire de 33 millions d'euros. Dès lors, 34 millions d'euros resteront disponibles pour majorer la dotation de péréquation urbaine (DPU) et la dotation de fonctionnement minimale (DFM) en 2011. Le Rapporteur spécial souligne l'exceptionnel effort en faveur de la péréquation départementale que constituerait une telle majoration. À titre de comparaison, il rappelle que la DPU et la DFM ont bénéficié d'une augmentation globale de 3,3 millions d'euros seulement en 2010 !

- pour les régions, l'article 19 prévoit la reconduction de la même DGF qu'en 2010. Dès lors, la minoration de leur dotation forfaitaire prévue par l'article 80, de 6 millions d'euros en 2011, sera redéployée intégralement au profit de leur dotation de péréquation (+ 3,4 %).

Le Rapporteur spécial relève cependant que l'ensemble de ces mesures conduit à transférer très largement la mission de répartir la DGF au législateur, au détriment du CFL qui l'exerçait jusqu'à présent.

RÈGLES DE RÉPARTITION DE LA DGF

Qui est compétent ?

Droit en vigueur

Droit résultant du PLF

Fixation du montant global de la DGF

loi de finances

loi de finances

Fixation du montant de chaque échelon

mathématique

loi de finances

Fixation de la croissance des dotations de base, forfaitaire ou d'intercommunalité

CFL

loi de finances

Communes

Fixation des compensations part salaires et complément de garantie

CFL

loi de finances

Fixation de la croissance des dotations de péréquation

CFL

loi de finances

Allocation de cette croissance entre la DSU, la DSR et la DNP

CFL

loi de finances

Répartition au sein de la DSU

loi de finances

loi de finances

Répartition au sein de la DSR

CFL

loi de finances

Départements

Fixation de la croissance des dotations de péréquation

CFL

loi de finances

Répartition entre DPU et DFM

CFL

CFL

Régions

Répartition entre forfaitaire et péréquation

CFL

loi de finances

Il redoute à cet égard que le présent projet de loi de finances marque un virage politique. Alors que jusqu'ici la répartition de la DGF relevait de décisions paritaires prises par l'État et les élus locaux réunis au sein du Comité des finances locales, elle relèvera à l'avenir essentiellement de la compétence du législateur .

II.- LA MESURE PROPOSÉE : UN EFFORT VOLONTARISTE EN 2011 EN FAVEUR DE LA PÉRÉQUATION COMMUNALE

Le présent article prévoit les majorations des dotations de péréquation communales, et fixe certaines règles de répartition.

A.- LA DSU

1.- Augmentation de la masse en 2011

L'alinéa 3 du présent article prévoit que la DSU bénéficiera d'une majoration de 77 millions d'euros en 2011, soit une augmentation plus lourde de 10 % qu'en 2010. Le Rapporteur spécial indique que cette dotation captera donc 43 % des marges dégagées au sein du périmètre des concours, parmi lesquels elle sera indubitablement le plus dynamique. En effet, la DSU augmentera de 6,2 % en 2011 (contre + 6,02 % en 2010).

2.- Maintien du gel des conditions de répartition

Les alinéas 4 à 7 du présent article reconduisent, en 2011, les conditions particulières de répartition de la DSU adoptées en 2008 et modifiés en 2009. Il n'est pas utile de rappeler en détail les motivations historiques de ces conditions de répartition, que le Rapporteur spécial a largement commentées dans ses rapports spéciaux sur les projets de loi de finances pour 2009 et pour 2010.

Les principes en sont les suivants :

- les communes perdant leur éligibilité à la DSU percevront une garantie de sortie ;

- les communes éligibles percevront toutes une dotation égale à celle de 2010 ;

- les communes situées dans la première moitié du classement de l'indice synthétique de la DSU bénéficieront d'une dotation croissant comme l'inflation prévisionnelle (+1,5 %) ;

- enfin, les 250 premières communes du même classement (et les 20 premières communes du classement des communes de 5 000 à 10 000 habitants) se partageront l'augmentation de 77 millions d'euros prévue au présent article (après financement des garanties de sortie et de l'indexation sur l'inflation pour la moitié des éligibles).

B.- LA DSR

1.- Augmentation de la masse en 2011

L'alinéa 3 du présent article prévoit que la DSR bénéficiera d'une majoration de 50 millions d'euros en 2011, soit une augmentation plus lourde de 10 % qu'en 2010 (+ 45 millions d'euros).

Cette augmentation permet de transcrire dans la loi un arbitrage constant du CFL depuis 2005, consistant à aligner le taux de progression de la DSR sur celui de la DSU. En effet, grâce au présent article, la DSR augmentera également de 6,2 % en 2011 (contre + 6,02 % en 2010).

2.- Vers un gel des conditions de répartition ?

Ce même alinéa propose également de consacrer l'intégralité de cette augmentation à la fraction dite « péréquation » de la DSR, ce qui reviendrait à geler la fraction dite « bourg-centre ». Il convient ici de rappeler que la fraction bourg-centre bénéficie essentiellement aux communes rurales (moins de 20 000 habitants, et hors agglomérations) qui sont chefs-lieux de canton. Cette fraction représente donc historiquement une forme de compensation des charges de centralité que supportent en général de telles communes au bénéfice du tissu rural environnant.

La fraction péréquation, née en 2005, est davantage articulée, comme son nom l'indique, autour d'un objectif de soutien aux communes rurales défavorisées par la faiblesse de leur potentiel fiscal.

Le fléchage proposé par le présent article est la reprise des conclusions convergentes d'un groupe de travail constitué au sein du CFL et des Assises des territoires ruraux organisées par le Gouvernement. Le Rapporteur spécial souligne qu'il ne règle cependant pas toutes les questions puisque les différents groupes de réflexion autour de la DSR sont tous convenus de l'excessif saupoudrage de la fraction péréquation et du fait que la fraction bourg-centre continue d'être dispersée sur des communes au potentiel fiscal très avantageux.

C.- LES AUTRES DOTATIONS DE PÉRÉQUATION COMMUNALES

1.- La quote-part « outre-mer »

Les communes des départements d'outre-mer perçoivent une quote-part DSU/DSR prélevée à la base sur la dotation d'aménagement. Ce prélèvement est calculé de telle sorte que la quote-part progresse depuis 2009 comme l'ensemble de la DGF des communes. L'alinéa 2 du présent article prolonge ce mécanisme en 2011.

2.- L'abondement de la DDU

L'alinéa 8 du présent article reconduit en 2011 un abondement de 50 millions d'euros au profit de la dotation de développement urbain (DDU). Le Rapporteur spécial rappelle que ce concours à l'investissement, servi sous forme de crédits budgétaires au terme d'une convention d'objectifs entre l'État et les communes éligibles, n'est pas une composante de la DGF. Destinée principalement aux communes cibles de la politique de la ville, il ne fait en revanche pas de doute qu'il s'agit d'une dotation péréquatrice. Ainsi, la DDU bénéficiera des mêmes sommes en 2011 qu'en 2009 et 2010.

3.- La question de la DNP

Enfin, le Rapporteur spécial indique qu'en 2011 la dotation nationale de péréquation (DNP) constituera en quelque sorte le « parent pauvre » de la péréquation communale. Cette dotation comporte des critères fortement péréquateurs, mais elle concerne près de 20 000 communes, ce qui nuit clairement à son efficacité.

Elle bénéficiera en 2011 du solde de l'augmentation de la DGF demeurant disponible après les abondements précités, soit entre 8 et 12 millions d'euros. Une telle somme devrait permettre de financer les attributions des communes nouvellement éligibles et les garanties de sortie de celles qui perdront leur éligibilité. Les attributions des communes éligibles devraient, par conséquent, demeurer stables en 2011.

*

* *

Suivant l'avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission adopte l'article 81 sans modification .


* 1 Rapport général n° 2857, Tomes 1 et 2.

* 2 Il s'agit d'une majoration liée à la récupération du trop-versé à la collectivité de Saint-Martin, et d'une minoration liée à la recentralisation des compétences sanitaires dans le département de la Saône-et-Loire. Ces effets ont été décrits par le Rapporteur général dans le tome 2 de son rapport sur le présent projet de loi de finances.