V. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011) ANNEXE 24

Commentaire : le présent article vise à préciser les règles d'évolution applicables en 2011 aux principales dotations de péréquation communale.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LA DOTATION DE SOLIDARITÉ URBAINE ET DE COHÉSION SOCIALE

1. Le régime initial

La dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU-CS) est l'une des composantes de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes, destinée à garantir une péréquation entre collectivités territoriales.

Elle a été instituée par la loi n° 91-429 du 13 mai 1991 d'orientation pour la ville, afin d'aider les communes confrontées à une insuffisance de leurs ressources au regard de leurs charges élevées.

En application de l'article 135 de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 (« Plan de cohésion sociale »), la DSU a bénéficié entre 2005 à 2009 d'un abondement supplémentaire, dont le montant était fixé à 120 millions d'euros par an, sous réserve que la DGF des communes et des EPCI augmente d'au moins 500 millions d'euros.

Synthèse des montants versés au titre de la DSU depuis 2004

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Montant

635

759,6

879,6

999,6

1.093,8

1.163,7

Evolution

+ 3,3 %

+ 19,6 %

+ 15,8 %

+13,64 %

+ 9,4 %

+ 6,4 %

Source : DGCL

La trop grande souplesse des conditions d'éligibilité à la DSU, favorisant le saupoudrage, et l'inadéquation de ses critères d'attribution au regard des objectifs poursuivis, ont été à l'origine d'une réflexion sur la reforme de cette dotation, à laquelle a particulièrement contribué le comité des finances locales.

2. L'ajustement des lois de finances pour 2009 et 2010

Destinée à concentrer les moyens sur des communes les plus défavorisées, la réforme de la DSU votée en loi de finances pour 2009 a consisté à allouer la progression de 70 millions d'euros de la dotation, dite « DSU cible » , aux 150 premières communes de 10 000 habitants et plus et aux 20 premières communes de 5 000 à 9 999 habitants, classées suivant un indice synthétique de ressources et de charges.

Le Gouvernement ayant renoncé à proposer une réforme plus aboutie de la DSU-CS en 2009 qui se serait appuyée sur la remise à plat de la géographie prioritaire de la ville, la loi de finances pour 2010 a gelé pour 2010 les modalités de répartition de la DSU, telles qu'elles avaient été fixées par la loi de finances pour 2009 .

Les attributions versées aux communes en 2009 ont ainsi été reconduites en 2010 et majorées du taux de croissance de la DSU.

B. LA DOTATION DE SOLIDARITÉ RURALE

Deuxième volet de la réforme de la DGF du 31 décembre 1993, la dotation de solidarité rurale (DSR) est une dotation de péréquation réservée aux communes de petite taille. Elle est attribuée pour tenir compte d'une part des charges que supportent les communes rurales pour maintenir un niveau de services suffisant et d'autre part de l'insuffisance de leurs ressources fiscales. L'article L. 2334-20 du code général des collectivités territoriales dispose que cette dotation comporte une fraction dite « bourgs-centres » et une fraction de « péréquation ».

La population prise en compte pour l'éligibilité et le calcul de la DSR est la population DGF. Par ailleurs, il n'est pas attribué de DSR dans les départements de la petite couronne parisienne (Hauts de Seine, Seine-Saint-Denis, Val de Marne).

La fraction « Bourgs-centres » bénéficie aux communes supportant des charges de centralité. Elle représente plus de 315 millions d'euros pour l'année 2010 en métropole. Sont éligibles à la fraction « bourgs-centres », les communes de moins de 10 000 habitants, chefs lieux de canton, ou regroupant au moins 15 % de la population du canton ainsi que les communes chefs lieux d'arrondissement de 10 000 à 20 000 habitants. 4 097 communes, regroupant une population de 10 920 303 habitants, ont bénéficié de cette fraction en 2010.

La fraction « péréquation » représente plus de 444 millions d'euros en 2010. Elle est attribuée aux communes de moins de 10 000 habitants dont le potentiel financier par habitant (Pfi) est inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant des communes appartenant à la même strate démographique. En 2010, le nombre de communes éligibles à la DSR péréquation s'est établi à 34 369 contre 34 399 en 2009, regroupant une population de 32 717 549 habitants.

C. LA DOTATION DE DÉVELOPPEMENT URBAIN

Instituée par l'article 172 de la loi de finances pour 2009, la dotation de développement urbain (DDU) complète pour les communes urbaines la palette des dotations de péréquation réparties par le comité des finances locales.

En 2009 et en 2010, la DDU s'est élevée à 50 millions d'euros , de façon à compléter l'abondement annuel supplémentaire de la dotation de solidarité urbaine (70 millions d'euros), afin d'assurer le respect des engagements fixés par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005.

Le décret n° 2009-637 du 8 juin 2009 a défini trois conditions cumulatives d'éligibilité à la DDU :

- être éligibles à la DSU ;

- avoir une proportion de population habitant en zone urbaine sensible supérieure à 20 % de la population totale de la commune ;

- faire partie du périmètre d'intervention de l'ANRU au titre du programme national de rénovation urbaine qui est consacré à la mise en oeuvre de conventions pluriannuelles.

Les communes ainsi sélectionnées sont ensuite classées dans l'ordre décroissant d'un indice synthétique de ressources et de charges prenant en compte le potentiel financier, le nombre de bénéficiaires d'aides au logement et le revenu moyen par habitant.

La dotation est versée aux 100 premières communes du classement.

Déconcentrée au niveau des préfectures, l'attribution des crédits de la DDU fait l'objet d'une contractualisation entre les communes éligibles, ou l'EPCI à fiscalité propre dont elles sont membres, s'il est doté de la compétence politique de la ville, et le représentant de l'Etat dans le département.

Les crédits sont répartis au niveau local sur la base de projets structurants répondant aux objectifs prioritaires fixés par le Gouvernement, après avis du Conseil national des villes. En 2010, ces priorités sont le renforcement de la mixité sociale, l'accès à la connaissance, à la culture et aux nouvelles technologies, l'accès à l'emploi et à la sécurité des habitants des quartiers populaires.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA PROGRESSION GARANTIE DES DOTATIONS DE PÉRÉQUATION, DSU ET DSR

Le présent article prévoit une augmentation de la masse mise en répartition , au titre de la DSU-CS , de 77 millions d'euros, soit + 6,23 % par rapport au montant mis en distribution en 2010 qui s'élevait à 1 169 122 758 euros, après prélèvement de la quote-part réservée aux communes des départements et collectivités d'outre-mer.

A titre dérogatoire, la DSU-CS avait progressé de 70 millions d'euros entre 2008 et 2009 et entre 2009 et 2010.

Le présent article pour 2011 prévoit également, pour 2011, un accroissement de la DSR de 50 millions d'euros , soit + 6,23 % par rapport au montant mis en répartition en 2010, qui s'est établi à 802 292 109 euros (dont 760 272 796 euros répartis en métropole).

Cette augmentation est identique en pourcentage à celle prévue pour la DSU-CS. Elle serait destinée intégralement à la fraction « péréquation » afin d'accentuer l'effort consenti en faveur des petites communes rurales. Ces mesures permettraient ainsi une hausse de 11,2 % des attributions au titre de la fraction péréquation des communes éligibles.

B. LA PROROGATION DU DISPOSITIF DE « DSU CIBLE »

Le présent article propose la prorogation en 2011 des modalités de répartition de la DSU en vigueur.

Une reconduction du mécanisme dit de « DSU cible » doit permettre, à titre transitoire, de concentrer pour une année supplémentaire l'essentiel de la progression de la dotation sur les communes les plus défavorisées.

Par conséquent, la répartition 2011 reposera sur un mécanisme à trois niveaux :

- les communes éligibles en 2011 et déjà éligibles en 2010 percevront une attribution égale à celle de 2010 ;

- les communes classées, en fonction de l'indice synthétique de ressources et de charges, dans la première moitié de la strate des communes de 10 000 habitants et plus, bénéficieront d'une dotation égale à celle de 2010 majorée de 1,5 % ;

- les 250 premières communes de la catégorie des communes de 10 000 habitants et plus et les 20 premières communes de la strate des communes de 5 000 à 9 999 habitants bénéficieront, en plus de leur attribution de droit commun, d'une « DSU cible ». Alimentée par la progression entre 2010 et 2011 du montant total de DSU alloué aux communes de métropole, cette « DSU cible » est répartie entre les deux catégories démographiques au prorata de leur population dans le total des communes bénéficiaires.

C. LA RECONDUCTION DE LA DDU

Enfin, le paragraphe II du présent article propose de maintenir à 50 millions d'euros le montant de la DDU pour 2011.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A l'initiative de Marc Laffineur, rapporteur spécial et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant à ne pas imposer, par la loi, l'affectation de la totalité de la croissance de la dotation de solidarité rurale (DSR) à la seule fraction « péréquation » de cette dotation.

Elle a également adopté, dans les mêmes conditions, deux amendements rédactionnels.

Enfin, à l'initiative de notre collègue député Arnaud Richard, elle a adopté avec l'avis de sagesse du Gouvernement, et l'avis personnel favorable du rapporteur spécial, un amendement tendant à augmenter de vingt à trente 3 ( * ) le nombre de communes éligibles à la DSU-CS, dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants , qui bénéficieraient du dispositif de « DSU-cible » .

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur spécial se félicite de la priorité accordée aux dotations de péréquation communales dont le projet de loi de finances préserve l'efficacité dans le contexte d'un gel en volume des concours de l'Etat aux collectivités territoriales. La préservation de l'objectif de péréquation s'effectuera cependant au détriment des dotations de base dont la baisse pourra être significative pour certaines communes.

S'agissant de la DDU, il observe que le taux de consommation de la DDU s'est sensiblement amélioré après un démarrage difficile en 2009. Toutefois, le dispositif a apporté une complexité supplémentaire au sein de l'ensemble des soutiens aux communes urbaines visées par la politique de la ville. Un bilan des avantages et des limites du mécanisme de la DDU devrait donc être établi rapidement.

Il prend acte du report de la réforme de la DSU pour la seconde année consécutive et de l'engagement reformulé par le Gouvernement et le Premier ministre que l'année « 2012 se traduira par une refonte de la DSU rendue nécessaire par la révision de la géographie prioritaire et la prise en compte de la réforme de la fiscalité locale engagée par la création de la contribution économique territoriale (CET) et de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en lieu et place de la taxe professionnelle ».

S'agissant de la DSR , au-delà des mesures proposées par le présent article en vue de l'accroissement de la fraction péréquation de la DSR, un groupe de travail du comité des finances locales a été créé en 2009 afin de déterminer les aménagements souhaitables des règles de répartition des deux fractions de la DSR .

Différents scénarios ayant pour objectif de resserrer le nombre de bénéficiaires afin d'éviter le saupoudrage ont été examinés, dont l'hypothèse de la mise en place d'une DSR « Cible ».

Selon les informations données à votre rapporteur spécial, la réforme de la DSR pourrait faire prochainement l'objet d'un amendement du Gouvernement .

Il convient enfin de souligner que, comme pour l'article 80, le présent article aboutit à restreindre fortement le rôle du comité des finances locales dans la mesure où les règles d'évolution des dotations de péréquation sont inscrites directement dans la loi.

Votre commission souhaite, à cet égard, préserver également le rôle du CFL s'agissant de la répartition interne de l'évolution de la DSR entre la fraction « Bourgs-centres » et la fraction « péréquation ». Elle vous propose en ce sens un amendement confiant explicitement au comité des finances locales le soin de répartir la croissance de la DSR entre ses deux fractions « péréquation » et « Bourgs-centres ».

S'agissant des règles de répartition de l'augmentation de la DSU-CS , le dispositif adopté par l'Assemblée nationale établit un parallélisme entre la situation des communes de plus de 10 000 habitants, pour lesquelles cette augmentation est désormais ciblée sur 250 communes au lieu de 150, et la situation des communes de moins de 10 000 habitants pour lesquelles la cible serait élargie à 30 communes au lieu de 20.

Toutefois, comme l'a souligné le secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales, ce dispositif tend à modifier, encore une fois, un mécanisme dont le caractère transitoire est admis dans l'attente d'une réforme d'ampleur.

Considérant pour ce motif que la modification intervenue est inopportune, votre commission vous propose un amendement de retour à la situation stabilisée en 2010 .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 3 Soit le tiers des communes éligibles dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants.