ARTICLE 94 : EXPÉRIMENTATION D'UN CONTRAT D'ACCOMPAGNEMENT RENFORCÉ (CAR) AU PROFIT DE PERSONNES EN SITUATION PRÉCAIRE

I. TEXTE DU PROJET DE LOI

I. - A titre expérimental, d'anciens titulaires de contrats à durée déterminée ou de contrats de travail temporaire, dont le dernier emploi est localisé dans les bassins d'emploi de Douai, Montbéliard, Mulhouse, Les Mureaux-Poissy, Saint-Dié et de la Vallée de l'Arve, peuvent bénéficier d'un contrat d'accompagnement renforcé.

II. - Les dispositions des articles 4, 5, 8 et des trois derniers alinéas de l'article 9 de l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006 relative à l'expérimentation du contrat de transition professionnelle s'appliquent au contrat d'accompagnement renforcé, sous réserve des dispositions suivantes :

1° Ce contrat est conclu entre l'ancien salarié et la filiale de l'Association pour la formation professionnelle des adultes dans les bassins de Montbéliard et de Saint-Dié et avec l'institution publique mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail dans les bassins de Douai, Mulhouse, Les Mureaux-Poissy et de la Vallée de l'Arve ;

2° Peuvent être accompagnées les personnes réunissant l'ensemble des conditions suivantes :

a) Avoir occupé, en dernier lieu, un emploi relevant d'une qualification inférieure ou égale ou niveau IV ;

b) Avoir acquis un droit minimum de six mois à l'assurance chômage ;

c) Avoir été titulaire d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire pendant au moins quatre mois au cours des douze derniers mois ;

d) Répondre à des conditions d'ancienneté d'inscription auprès de l'institution publique mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail.

3° Pendant la durée du contrat d'accompagnement renforcé, les bénéficiaires n'ont pas le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Ils perçoivent l'allocation d'aide au retour à l'emploi ainsi que les aides prévues dans les conditions définies par la convention d'assurance chômage.

III. - Le contrat d'accompagnement renforcé est proposé avant le 22 juin 2011.

IV. - Avant le 1 er juin 2011, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation prévue au présent article et proposant les suites à lui donner. Ce rapport est soumis au préalable pour avis aux partenaires sociaux gestionnaires de l'organisme mentionné à l'article L. 5427-1 du code du travail.

II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 45

Observations et décision de la Commission :

Cet article crée, à titre expérimental, un nouveau dispositif d'accompagnement des demandeurs d'emploi dans les bassins en reconversion : le contrat d'accompagnement renforcé, inspiré du contrat de transition professionnelle.

I.- LE CONTRAT DE TRANSITION PROFESSIONNELLE N'ÉTAIT PAS OUVERT AUX ANCIENS TITULAIRES DE CDD OU DE CONTRATS D'INTÉRIM BÉNÉFICIANT DES ALLOCATIONS CHÔMAGE

Le contrat de transition professionnelle (CTP) a été instauré par l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006, à titre expérimental. Cette expérimentation a été prolongée jusqu'au 1 er décembre 2010 par la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

? Le CTP s'adresse aux salariés dont le licenciement économique est envisagé dans une entreprise non soumise à l'obligation de proposer un congé de reclassement. Dans les entreprises concernées, l'obligation faite à l'employeur de proposer un contrat de transition professionnelle se substitue à l'obligation de proposer une convention de reclassement personnalisé (CRP).

D'une durée maximale de 12 mois, ce contrat a pour objet le suivi d' un parcours de transition professionnelle pouvant comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail au sein d'entreprises ou d'organismes publics. Au titre de l'accompagnement renforcé, le Rapporteur spécial relève que le CTP permet de mobiliser un référent interne ou sous-traitant pour 30 bénéficiaires, contre 1 pour 150 à 200 dans le cadre du suivi des demandeurs d'emploi de droit commun.

Pendant la durée de ce contrat, et en dehors des périodes durant lesquelles il exerce une activité rémunérée, le titulaire du CTP perçoit une « allocation de transition professionnelle » égale à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des 12 mois précédant la conclusion du CTP.

LISTE DES BASSINS ÉLIGIBLES AU CTP

Bassins CTP

Publication

Charleville-Mézières (08)

Décret n° 2006-440

Montbéliard (25)

Arrêté n° NOR SOCF0610921A

Morlaix (29)

Saint-Dié-des-Vosges (88)

Toulon (83)

Valenciennes (59)

Vitré (35)

Le Havre (76)

Décret n° 2009-111

Niort (79)

Arrêté n° NOR ECED0900998A

Arrêté n° NOR ECED0901002A

Calais (62)

Décret n° 2009-236

Châteauroux (36)

Arrêté n° NOR ECED0904075A

Châtellerault (86)

Douai (59)

l'Étang de Berre

Mulhouse (68)

Auxerre (89)

Décret n° 2009-607

Dreux (28)

Arrêté n° NOR ECED0911842A

Les Mureaux-Poissy (78)

Rectif n° NOR ECED0912702A

Saint-Quentin (02)

Arrêté n° NOR ECED0911831A

Vallée de l'Arve (74)

Rectif n° NOR ECED0912702A

Hagetmau (40)

Décret n° 2009-854

Arrêté n° NOR ECED0915738A

Thiers (63)

Décret n° 2009-1 163

Saint-Etienne/Yssingeaux/nord Ardèche(42/43/07)

Arrêté n° NOR ECED0921976A

Marne Moyenne (51/52)

Briey (54) et Bassin houiller (57)

Colmar (67)

Décret n° NOR ECED1006105D

Orange / Carpentras (84)

Arrêté n° NOR ECED1006932A

Saint Brieuc / Loudéac (22)

Vallée de la Maurienne (73)

Fumel (47)

Décret n° 2010-504

Saint-Claude (39)

Décret n° 2010-826

Saint-Nazaire (44)

Arrêté n° NOR ECED1016047A

Il a été mis en place par une filiale de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dénommée Transitio et spécialement créée à cet effet dans sept bassins d'emplois (Charleville-Mézières, Montbéliard, Morlaix, Saint-Dié, Toulon, Valenciennes, Vitré) à compter de 2006. La loi de finances pour 2009 l'a étendu à 18 nouveaux bassins d'emploi dans lesquels Pôle emploi est chargé de sa mise en oeuvre. La loi du 24 novembre 2009 l'a encore étendue à 15 bassins supplémentaires.

Le nombre total de bassins d'emploi rendus éligibles au CTP était de trente-deux au 1 er juillet 2010.

? Au bout de quatre années d'expérimentation, le bilan du CTP paraît très encourageant. Une enquête réalisée par Pôle emploi sur les titulaires entrés dans le dispositif au cours de 6 premiers mois de 2009 indique que près de 50 % d'entre eux sont en emploi durable (de plus de 6 mois) ou en formation un an plus tard. Si on fait masse de l'ensemble des titulaires en emploi, quelle qu'en soit la durée, et en formation, ce chiffre s'élève à 60 %, ce qui est appréciable compte tenu de la dureté de la crise et de la grande fragilité des bassins sélectionnés pour bénéficier du CTP.

Sur les sites Transitio, en 2009, le taux d'acceptation du CTP est de 81,7 %. 1 776 périodes de travail ont été effectuées par des bénéficiaires du CTP. Les périodes travaillées permettent de conserver l'employabilité et la motivation des bénéficiaires du CTP. En outre, ceux-ci peuvent expérimenter des postes ou des métiers nouveaux, sans prendre le risque de quitter le CTP. Enfin, le mode de recrutement de nombreux employeurs fait du CDD une sorte de pré-période d'essai, qui peut déboucher sur une embauche, donc une sortie durable du CTP.

Années

Adhésions individuelles

Stock

Dépenses État (P103 uniquement)

2008 (7 bassins)

1 908

1 487

6,69 M€

2009 (25 bassins)

17 465

14 954

24,20 M€

2010 (1 er juillet, 32 bassins)

7 652

15 034

28,12 M€

Plus de 75 % des adhérents au CTP ont pu bénéficier d'une formation.

Le Rapporteur spécial souligne surtout que les bénéficiaires pour lesquelles le CTP est arrivé à échéance en 2009, dans les bassins gérés par Transitio, connaissent un taux de retour à l'emploi durable en CDI, CDD ou CTT de plus de 6 mois, création ou reprise d'entreprise de 48,1 %, en diminution par rapport aux résultats précédemment constatés, du fait de la crise économique.

? L'employeur contribue au financement de l'allocation de transition professionnelle (ATP) versée aux bénéficiaires en s'acquittant, auprès de l'institution d'assurance chômage compétente, du paiement d'une somme correspondant à deux mois de salaire de l'intéressé. L'Unedic finance l'ATP à hauteur de l'ARE qu'il aurait perçu dans le cadre de l'assurance chômage.

Par ailleurs, pour tout bénéficiaire d'un CTP, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, l'employeur verse une participation au financement des prestations d'accompagnement et des aides au reclassement personnalisé. Cette participation financière est égale à une somme équivalente au montant de l'allocation de formation correspondant aux heures acquises par le salarié au titre du droit individuel à la formation (DIF) et n'ayant pas donné lieu à utilisation.

L'État participe au financement des dépenses liées aux mesures d'accompagnement par reversement à Pôle Emploi d'un forfait de 900 euros. L'Unedic participe pour un montant équivalent.

Sur les bassins gérés par Transitio, l'État verse une subvention permettant d'équilibrer les dépenses d'allocation et d'accompagnement et les recettes issues des employeurs et de l'Unedic.

Le Rapporteur spécial rappelle que la contribution financière de l'État à la mise en oeuvre du CTP s'élèvera, en 2011, à 56,73 millions d'euros inscrits sur le programme n° 103 de la mission Travail et emploi ; pour onze mois compte tenu de l'extinction prévue du dispositif au 1 er décembre.

II.- LE CONTRAT D'ACCOMPAGNEMENT RENFORCÉ (CAR) PRÉSENTE DES APPORTS DE NATURE À RENFORCER LA SÉCURISATION DES PARCOURS OFFERTE PAR LE CTP MAIS DANS DES CONDITIONS D'INDEMNISATION MOINS FAVORABLES

Dans un contexte marqué par la crise économique et la dégradation qui en résulte pour l'emploi des titulaires de contrats courts, les partenaires sociaux ont demandé à l'État de mettre en place, à titre expérimental, un accompagnement, dans les conditions du CTP, pour les anciens titulaires de contrats à durée déterminée et des contrats de travail temporaire.

Cette demande a été formulée dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 8 juillet 2009 sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l'emploi (article 16). Elle a ensuite donné lieu à des discussions approfondies entre l'État et les partenaires sociaux, qui ont abouti à la fin du printemps 2010 1 ( * ) .

Le contrat d'accompagnement renforcé (CAR) fera l'objet d'une expérimentation, comme le CTP en 2006. Le champ géographique de celle-ci est fixé par l' alinéa 1 (I) à six bassins d'emploi : Douai, Montbéliard, Mulhouse, Les Mureaux-Poissy, Saint-Dié et la Vallée de l'Arve. Tous sont des bassins en reconversion, déjà éligibles au CTP.

Dans ce cadre, ce nouveau contrat se caractérisera par :

? un champ d'application plus large : alors que le CTP ne bénéficie qu'aux personnes licenciées pour motif économique, le CAR est ouvert (alinéa 7, c. du 3° du II) assez largement aux anciens titulaires de contrats à durée déterminée (CDD) et de contrats de travail temporaire, dès lors qu'ils ont été titulaires de ce type de contrat pendant au moins quatre mois au cours de l'année écoulée.

Cependant, pour bénéficier du CAR, ces demandeurs d'emploi doivent satisfaire à trois conditions préalables :

- avoir occupé en dernier lieu un emploi peu qualifié (niveau inférieur ou égale à IV) en application de l' alinéa 5 (a. du 2° du II) ;

- avoir cotisé un minimum de six mois à l'assurance-chômage, comme le prévoit l' alinéa 6 (b. du 2° du II) ;

- plus généralement, satisfaire aux conditions d'inscription fixées par Pôle emploi ( alinéa 8, d. du 2° du II) .

? un accompagnement renforcé équivalent, mis en oeuvre par les mêmes structures que le CTP (alinéa 3, 1° du II) : Celui-ci reposera sur un suivi individuel du bénéficiaire par l'intermédiaire d'un référent propre destiné à l'accompagner dans tous les niveaux de son projet professionnel avec au moins un entretien par semaine. Le CAR pourra comprendre des périodes de travail courtes, sous forme de contrat à durée déterminée conclu en application de l'article L. 1142-3 du code du travail pour une durée de neuf mois maximum chez plusieurs employeurs, dans des entreprises privées ou des organismes publics. Il permettra également de développer des parcours de formation et de reconversion adaptés au profil des bénéficiaires (grâce à une formation longue ou une validation des acquis de l'expérience, VAE).

? La durée (fixée à douze mois), la date d'effet, les conditions à respecter par le bénéficiaire et l'obligation de financement de l'employeur sont fixées dans les mêmes conditions que pour le CTP , comme le prévoit le renvoi opéré par l'alinéa 2 (II) aux articles 4, 5, 8 et aux trois derniers alinéas de l'article 9 de l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006.

? Le régime d'indemnisation financière, en revanche, est moins favorable. Dans le cadre de la CRP et du CTP, le bénéficiaire perçoit au minimum 80 % de son ancien salaire brut pendant une durée de 12 mois maximum, soit de fait quasiment l'intégralité de son salaire net antérieur compte tenu de la quasi absence de prélèvements sociaux sur l'allocation. Aux termes de l'alinéa 9 (3° du II), l'indemnisation des bénéficiaires du CAR aura lieu dans les conditions définies par la convention d'assurance chômage.

L' alinéa 10 du présent article limite la durée d'ouverture du dispositif au 22 juin 2011. En l'absence de disposition contraire, le dispositif sera ouvert dès la publication de la présente loi de finances, c'est-à-dire à partir de la toute fin du mois de décembre.

Enfin, l' alinéa 11 prévoit la remise d'un rapport d'évaluation au Parlement avant le 1 er juin 2011. Bien qu'excessivement court, ce délai permettra au Gouvernement de solliciter, le cas échéant, une reconduction du dispositif.

Selon les informations communiquées au Rapporteur spécial, le coût de cette expérimentation est estimé à 21,6 millions d'euros, répartis à parts égales entre l'État et l'Unedic (10,8 millions d'euros pour chaque financeur). Aucune dépense n'interviendra après 2011, car le coût est intégralement supporté par les financeurs lors de l'entrée des bénéficiaires dans le dispositif.

*

* *

La Commission adopte l'article 94 sans modification .


* 1 Aux termes de l'article 16 de l'accord national interprofessionnel du 8 juillet 2009, « les parties signataires demandent aux pouvoirs publics d'ouvrir, à titre expérimental, l'accès, dans les bassins d'emploi éligibles au CTP, aux anciens titulaires de CDD ou de contrats d'intérim bénéficiant des allocations du régime d'assurance chômage, au dispositif d'accompagnement du CTP. ».