MM. Yvon Collin et Edmond Hervé, rapporteurs spéciaux

PREMIÈRE PARTIE : MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : M. YVON COLLIN)

CHAPITRE I. LA MISSION DANS SON CONTEXTE

La mission « Aide publique au développement » constitue la principale des missions budgétaires contribuant à la politique menée en faveur des pays en développement. Elle est dotée par le présent PLF de près de 4,578 milliards d'euros en AE et de plus de 3,336 milliards en CP , soit 46,9 % des CP du budget général comptabilisables en APD (7,114 milliards d'euros) mais seulement 35 % , en CP , des dépenses totales de l'APD française prévues pour 2011 (9,555 milliards d'euros).

Par rapport à la LFI pour 2010, cette dotation pour 2011 correspond à une hausse des AE de près de 59 % , les CP étant quasi-constants .

L'objectif final de la politique d'aide publique au développement (APD) consiste à réduire la pauvreté dans le monde , en favorisant le développement économique et humain des pays inscrits par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) comme récipiendaires de cette aide et, en particulier, en concourant à l'atteinte des «Objectifs du Millénaire pour le développement » des Nations-Unies, ainsi qu'à la protection des biens publics mondiaux, tout en visant à améliorer l'efficacité de l'aide ainsi apportée. Il s'agit aussi de contribuer, par ce canal, au rayonnement international de la France .

Les orientations, en la matière, sont fixées par le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID), dont le secrétariat se trouve conjointement assuré par la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM) du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), la direction générale du Trésor (DGT) du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (MINEFII) enfin le service des affaires internationales et du développement solidaire (SAIDS) du ministère chargé de l'immigration, qui est à présent le ministère chargé de l'intérieur 1 ( * ) .

La mission « Aide publique au développement », outil interministériel , traduit cette triple tutelle. Elle est en effet organisée en trois programmes, dont chacun correspond à l'un des ministères précités :

- le programme 110, « Aide économique et financière au développement », relève du ministère chargé de l'économie ;

- le programme 209, « Solidarité à l'égard des pays en développement », est piloté par le ministère chargé des affaires étrangères ;

- le programme 301, « Développement solidaire et migrations », se trouve placé sous la responsabilité du ministère chargé de l'immigration.

Cependant, l'APD française, qui depuis 2006 fait l'objet d'un « document de politique transversale » (DPT) annexé au PLF de chaque année 2 ( * ) , excède très largement le périmètre de cette mission . Celle-ci ne rend compte que d'une partie minoritaire un peu plus du tiers, selon les prévisions pour 2011 des moyens mis en oeuvre en ce domaine. En outre, par nature, les actions retracées par la mission doivent être appréciées dans leur contexte international.

I. LES GRANDES TENDANCES DE L'APD INTERNATIONALE ET FRANÇAISE

A. L'ÉVOLUTION INTERNATIONALE

1. Une aide globalement orientée à la hausse
a) Une croissance qui se poursuit malgré la crise (119,6 milliards de dollars d'APD en 2009, soit + 0,7 % en un an)

D'après les données publiées par l'OCDE en avril dernier, les apports nets (c'est-à-dire déduction faite des remboursements de prêts) d'aide publique au développement (APD), consentis par les Etats membres du comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE, ont augmenté en 2009, par rapport à 2008, de 0,7 % en termes réels. La crise économique et financière n'a donc pas entravé la poursuite de la progression d'APD enregistrée, au niveau international, ces dernières années (notamment en 2008, où la hausse s'était établie à 10,2 % en termes réels, après la baisse de 8,4 % constatée en 2007 3 ( * ) ). L'APD a augmenté de près de 30 %, en termes réels, entre 2004 et 2009 ; en pourcentage du revenu national brut (RNB) cumulé des Etats membres du CAD, elle est passée sur cette période de 0,26 % à 0,31 %.

Ces apports nets ont atteint, pour le dernier exercice clos, un montant total de 119,6 milliards de dollars , soit 0,31 % du RNB cumulé des membres du CAD. Cependant, les traitements de dettes (annulations et rééchelonnements) ont fortement diminué d'un exercice sur l'autre, de sorte que, hors allégements de dettes , l'APD nette des membres du CAD s'est accrue, en 2009, de 6,8 % en termes réels.

L' aide bilatérale nette , hors abandons de dettes et aide humanitaire , a augmenté de 8,5 % en termes réels. La plus grande part de cette hausse s'est réalisée sous la forme de nouveaux prêts (en augmentation de 20,6 % par rapport à 2008), mais les dons aussi ont augmenté (+ 4,6 % hors abandons de dettes). Les projets et programmes bilatéraux de développement suivent en effet, depuis quelques années, une tendance ascendante ; leur augmentation sensible entre 2007 et 2008, à hauteur de 12,5 % en valeur réelle, avait déjà été révélatrice d'une nette montée en puissance des programmes d'aide de base des donneurs du CAD, confirmée en 2009 comme l'illustre le graphique ci-après.

Ces apports bilatéraux se sont élevés, l'année dernière, à 27 milliards de dollars en faveur du continent africain , soit une progression de 3 % , en termes réels, par rapport à l'exercice précédent. Sur ce total, 24 milliards de dollars (89 %) ont bénéficié à la seule Afrique subsaharienne, soit 5,1 % de plus qu'en 2008.

APD nette émanant des Etats membres du CAD 4 ( * )

(en milliards de dollars constants 2008)

Source : OCDE

Parmi les principaux donneurs, en volume , les Etats-Unis conservent leur premier rang , avec un apport net d'APD s'élevant à 28,7 milliards de dollars en 2009, soit une progression, en termes réels, de 5,4 % par rapport à 2008. Le ratio APD/RNB américain est ainsi passé de 0,19 % à 0,20 % d'un exercice à l'autre. Notre pays, sur ce plan, occupe la seconde position 5 ( * ) , devant l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon .

On observe que l'APD nette cumulée des quinze Etats membres du CAD appartenant à l'Union européenne a légèrement diminué ( 0,2 %), représentant 67,1 milliards de dollars, soit 0,44 % de leur RNB cumulé, et 56 % de l'APD totale émanant des membres du CAD pour l'exercice. En revanche, l'apport des institutions de l'Union européenne (15 milliards de dollars) a augmenté de 4,4 %, principalement sous l'effet d'un renforcement des programmes de don.

En valeur , c'est à dire au regard du ratio APD/RNB, le classement des Etats contributeurs à l'APD mondiale s'avère très différent, comme le fait apparaître le second des deux graphiques suivants. À cet égard, les cinq principaux donneurs , en 2009, ont été, dans l'ordre, la Suède, la Norvège, le Luxembourg, le Danemark et les Pays-Bas . Ces pays sont les seuls qui, pour cet exercice, ont atteint et dépassé l'objectif, fixé par les Nations-Unies à l'échéance de 2015, d'une APD d'au moins 0,7 % du RNB ; les trois premiers (Suède, Norvège, Luxembourg) présentent même un rapport APD/RNB supérieur à 1 %. La France ne se classe ici qu'en onzième position . Les Etats-Unis se trouvent à la dix-neuvième, entre le Portugal et la Grèce...

Contribution à l'APD, en 2009, des Etats membres du CAD

I. Contribution en volume (apports nets, en milliards de dollars)

Source : OCDE

II. Contribution en valeur (apports nets, en % de RNB)

Source : OCDE

b) Une croissance continuée en 2010 (126 milliards de dollars d'APD prévus), sans que tous les donneurs honorent leurs engagements

En 2005, les pays développés se sont engagés à intensifier leur effort d'APD , d'abord au sommet du G8 qui s'est tenu à Gleneagles, puis lors du sommet du « Millénaire + 5 » des Nations-Unies, à New York. En vertu des engagements pris lors de ces sommets, et d'autres engagements souscrits par ailleurs, il s'agissait de porter l'aide de 80 milliards de dollars en 2004 à 130 milliards de dollars en 2010, aux prix constants de 2004. Quelques Etats ont revu leurs objectifs à la baisse, depuis, mais l'essentiel demeure. Cependant, selon les estimations de l'OCDE, la récente phase de dépression économique mondiale, en réduisant la valeur nominale des RNB, a ramené la valeur de ces engagements, pour 2010, à 126 milliards de dollars environ (aux prix constants de 2004) - ce qui implique un accroissement de l'aide, par rapport au niveau enregistré en 2004, à hauteur de 46 milliards de dollars (et non de 50 milliards comme initialement prévu).

Pour les membres du CAD appartenant à l'Union européenne, 2010 représente une année « charnière » car, en 2005, ils se sont engagés à consacrer, cette année là, 0,56 % de leur RNB cumulé à des apports nets d'APD et, chacun, au moins 0,51 % de son RNB . Cette année constitue également l'étape de « mi-parcours » sur la trajectoire fixée, en 2005, par les Nations-Unies, pour atteindre en 2015 l'objectif d'un niveau d'APD de 0,7 % du RNB.

Au vu des propositions budgétaires des Etats et des estimations de leur RNB, l'OCDE évalue le volume d'APD globale, en 2010, à 108 milliards en dollars constants de 2004, soit 28 milliards de plus qu'en 2004. Par rapport aux engagements pris en 2005, le déficit d'aide s'élèverait ainsi à 18 milliards en dollars constants de 2004, compte tenu de la contraction des RNB.

Néanmoins, le ratio APD/RNB, sur la période 2004-2010, devrait avoir cru de 0,26 % à 0,32 % et, dans le même temps, l'aide devrait avoir progressé d'environ 36 % en termes réels. C'est le plus fort accroissement de l'APD, en volume, jamais enregistré sur une telle période ; et, contrairement à ce qu'on a observé entre 2005 et 2007, cette évolution ne s'explique pas par une envolée des allégements de dettes. Aux prix de 2009, les estimations font ressortir les apports d'APD prévus pour 2010 à 126 milliards de dollars , soit environ 6 milliards de plus qu'en 2009.

L'Afrique, cependant, sur les 25 milliards de dollars supplémentaires projetés lors du sommet précité de Gleneagles, ne recevra vraisemblablement pas plus de 11 milliards, essentiellement du fait de certains Etats européens, dont une grande part de l'APD va à ce continent et qui n'atteindront pas leurs ambitieux objectifs en la matière.

En effet, en 2010, tous les Etats membres à la fois du CAD et de l'Union européenne ne pourront consacrer un minimum de 0,51 % de leur RNB à leurs apports nets d'APD . Le Royaume-Uni y parviendrait , avec un niveau d'APD nette estimé à 0,6 % de son RNB - ainsi que la Suède (qui continue d'afficher le rapport APD/RNB le plus élevé du monde : 1,01 %), le Luxembourg (1 %), le Danemark (0,83 %), les Pays-Bas (0,8 %), la Belgique (0,7 %), la Finlande (0,56 %), l'Irlande (0,52 %) et l'Espagne (0,51 %). Mais ce ne devrait pas être le cas de l'Allemagne , qui consentirait une APD nette limitée à 0,4 %  de son RNB , ni de la France , pour laquelle l'estimation ressort à hauteur de 0,5 % du RNB dans le DPT joint au présent PLF - non plus que de l'Autriche (0,37 %), du Portugal (0,34 %), de la Grèce (0,21 %) ou de l'Italie (0,20 %).

Pourtant, cette aide apparaît indispensable en vue de contrer les effets que la crise continue de faire peser sur le développement des pays à faible revenu . Pour mémoire, les échanges mondiaux ont connu en 2008 leur plus forte contraction depuis l'année 1929, et les prix des produits de base, notamment ceux qu'exportent les pays à faible revenu, ont été durablement orientés à la baisse. Ces cours, actuellement, sont à nouveau en hausse, et les projections indiquent que la crise ne devrait pas avoir d'impact structurel, mais l'investissement direct étranger et les autres apports privés ont fléchi dans les pays en développement, une chute des envois de fonds des travailleurs à l'étranger a été constatée en 2009, et la vulnérabilité au risque de surendettement des Etats en cause s'est aggravée. Une contraction de l'APD constituerait une menace importante pour ces pays : elle risquerait de réduire à néant certains des progrès déjà accomplis sur la voie difficile de la réalisation des « Objectifs du Millénaire pour le développement ».

2. L'état d'avancement contrasté des Objectifs du Millénaire pour le développement

Les huit Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) adoptés dans le cadre des Nations-Unies, en 2000 6 ( * ) , en vue de résultats pour 2015, constituent un facteur important de mobilisation internationale et, en particulier, contribuent à structurer l'APD française. À cinq ans de l'échéance fixée, le sommet des Nations-Unies qui s'est tenu les 20 et 22 septembre derniers, à New-York, a été l'occasion de dresser un bilan contrasté, voire mitigé, de la mise en oeuvre de ces objectifs très ambitieux , pourtant confirmés par la communauté internationale. Le tableau ci-après en donne une synthèse.

La crise économique mondiale, survenue en 2008 dans les pays développés et frappant pleinement les pays en développement en 2009, n'a pas été propice aux avancées en la matière. Au contraire, dans ce contexte, les progrès réalisés ces dernières années en termes de réduction de la pauvreté ont été effacés. L'atteinte des OMD en 2015 sera assurément fonction de la détermination des chefs d'Etat et de gouvernements à oeuvrer pour une mondialisation plus juste et équilibrée, s'inscrivant dans une perspective de développement durable.

Votre rapporteur spécial rejoint les préconisations récemment formulées par le Conseil économique, social et environnemental 7 ( * ) pour estimer que les trois priorités, à cet égard, sont le renforcement de l'effort global d'APD grâce à l'identification de nouvelles ressources de financement , un souci accru en faveur de la cohérence et de l'efficacité de cette aide , et la poursuite du processus de réforme de la gouvernance internationale qu'assurent, notamment, les grandes institutions économiques et financières intergouvernementales. Il convient d'observer que la France s'attache en effet à promouvoir ces orientations dans les différentes enceintes internationales.

Etat d'avancement des Objectifs du Millénaire pour le développement 8 ( * )

OMD 1

« Eradiquer l'extrême pauvreté et la faim »

En 2005, 1,4 milliard de personnes vivaient avec moins de 1,25 dollar par jour , soit environ un quart de la population des pays en développement, contre 42 % en 1990. Avant la crise économique mondiale survenue en 2008, la pauvreté avait diminué en gravité dans presque toutes les régions du monde. Cependant, selon les estimations de la Banque mondiale, du fait de la crise, 50 millions de personnes de plus que dans un scénario hors crise ont stagné dans une pauvreté extrême en 2009 ; elles seront 64 millions d'ici la fin 2010 , principalement en Afrique subsaharienne et en Asie de l'Est et du Sud-Est. Un nombre croissant de travailleurs se retrouvent dans une pauvreté extrême avec leurs familles : on estime que cette situation concernait en moyenne, en 2009, 31 % des personnes vivant dans les pays en développement, mais 64 % pour l'Afrique subsaharienne et 51 % pour l'Asie du Sud, contre respectivement 26 %, 58 % et 44 % en 2008. Par ailleurs, la proportion d'habitants dénutris est passée de 20 % en 1990-1992 à 16 % en 2005-2007 , dernière période pour laquelle on dispose de données certaines. Mais, depuis 2000-2002, les progrès sont en perte de vitesse . La hausse des prix des denrées alimentaires en 2008 et la crise financière de 2009 ont sans doute aggravé la situation : il y avait peut-être jusqu'à 915 millions d'individus dénutris en 2008 et ils pourraient avoir dépassé le milliard en 2009 .

OMD 2

« Assurer l'éducation primaire pour tous »

La scolarisation dans l'enseignement primaire s'avère en hausse continue dans le monde, au point d'atteindre 89 % dans les pays en développement . Mais elle ne progresse pas à un rythme suffisant pour garantir que tous les enfants, garçons et filles, termineront un cycle primaire complet d'ici 2015. En particulier, pour atteindre cet objectif, tous les enfants ayant l'âge d'entrer à l'école primaire devraient avoir été scolarisés fin 2009 à peu près. Or, dans la moitié des pays d'Afrique subsaharienne où des statistiques sont disponibles, au moins un quart des enfants en âge d'être scolarisés dans le cycle primaire ne l'étaient pas en 2008 .

OMD 3

« Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes »

En 2008, en moyenne, on comptait dans les pays en développement 96 filles pour 100 garçons dans le cycle scolaire primaire et 95 filles pour 100 garçons dans le cycle secondaire , alors qu'en 1999 ces rapports étaient respectivement de 91 à 100 et de 88 à 100. Toutefois, la parité des sexes, dans les deux cycles, reste hors de portée pour beaucoup de régions , notamment l'Afrique subsaharienne et l'Asie de l'Ouest. Pour l'enseignement supérieur, la moyenne est de 97 filles pour 100 garçons mais, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, les filles scolarisées à ce niveau ne sont, respectivement, que 67 et 76 pour 100 garçons. De même, en Asie du Sud, en Afrique du Nord et en Asie de l'Ouest, seuls 20 % des individus employés dans les secteurs non agricoles sont des femmes . Par ailleurs, la proportion de femmes parlementaires dans le monde a atteint son niveau le plus élevé en 2010 (19 %, soit un accroissement de 67 % depuis 1995). On notera que seuls neuf des 151 chefs d'Etat élus et onze des 192 chefs de gouvernement sont de sexe féminin.

OMD 4

« Réduire la mortalité infantile »

Entre 1990 et 2008, le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, dans les pays en développement, a baissé de 28 % , passant de 100 décès pour 1 000 naissances vivantes à 72 pour 1 000. Les plus grands progrès ont eu lieu en Afrique du Nord, en Asie de l'Est, en Asie de l'Ouest, en Amérique latine et dans les Caraïbes. En dépit de circonstances difficiles, le Bangladesh, la Bolivie, l'Erythrée, le Laos, la Mongolie et le Népal ont vu leur taux de mortalité des moins de cinq ans réduit de 4,5 % ou plus par an ; l'Ethiopie, le Malawi, le Mozambique et le Niger enregistrent une réduction de plus de 100 pour 1 000 naissances vivantes depuis 1990. Néanmoins , et bien que la plupart des décès infantiles soient évitables ou traitables, seule une dizaine des 67 pays présentant des taux de mortalité infantile élevés (définis comme au moins 40 décès pour 1 000 naissances vivantes) sont sur la bonne voie pour atteindre la cible d'une réduction des deux tiers, entre 1990 et 2015, du taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans. En Afrique subsaharienne, en 2008, un enfant sur sept mourait avant son cinquième anniversaire ; en Afrique centrale et de l'Ouest, il s'agissait d'un enfant sur six (169 décès pour 1 000 naissances vivantes).

OMD 5

« Améliorer la santé maternelle »

La proportion de femmes des pays en développement ayant accouché en présence de personnel qualifié est passée de 53 % en 1990 à 63 % en 2008 . Toutes les régions ont fait des progrès, mais ceux-ci ont été spectaculaires en Afrique du Nord et en Asie du Sud-Est (accroissement, respectivement, de 74 % et de 63 %). Cependant, en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, encore moins de la moitié des femmes qui accouchent donnent naissance en présence de personnel soignant qualifié . Sur ce plan, l'écart historique entre zones rurales et zones urbaines tend, en moyenne, à se réduire, mais l'inégalité persiste dans les dernières régions citées.

OMD 6

« Combattre le VIH, le paludisme et d'autres maladies »

La propagation du VIH dans le monde semble avoir atteint un plateau en 1996 (3,5 millions de nouvelles infections, contre 2,7 millions en 2008), la mortalité liée au sida a atteint un pic en 2004 (2,2 millions de décès, contre 2 millions en 2008), et l'épidémie est stabilisée dans la plupart des régions , la prévalence restant toutefois en hausse en Europe de l'Est et dans certaines régions d'Asie. L'Afrique subsaharienne s'avère la région la plus durement touchée : elle concentrait 72 % de l'ensemble des nouvelles infections en 2008 . Cette année là, environ 17,5 millions d'enfants (moins de 18 ans) ont perdu au moins un de leurs parents à cause du sida ; la plupart d'entre eux (14,1 millions) vivait en Afrique subsaharienne. Dans le même temps, 42 % des 8,8 millions d'individus qui en avaient besoin dans les pays à bas et moyen revenu ont reçu un traitement pour le VIH ; c'était un progrès par rapport à 2007 (33 %), mais 5,5 millions de personnes restaient sans accès aux médicaments qu'elles requéraient. Par ailleurs, on estime que la moitié de la population mondiale se trouve exposée au paludisme ; quelque 243 millions de cas auraient causé près de 863 000 décès en 2008, dont 767 000 (89 %) en Afrique . Enfin, après le VIH, la tuberculose entraîne le plus de morts au niveau mondial : en 2008, l'incidence était de 139 cas pour 100 000 habitants (après un pic atteint en 2004, à hauteur de 143 cas pour 100 000 habitants), et 1,8 millions d'individus en sont morts, dont la moitié vivaient avec le VIH.

OMD 7

« Assurer un environnement durable »

Au niveau mondial, la déforestation, principalement la conversion de forêts tropicales en terres agricoles, connaît un ralentissement : de 2000 à 2010, environ 13 millions d'hectares de forêt ont été perdus chaque année, contre 16 millions par an sur la période 1990-2000 . Les programmes de plantation d'arbres menés dans plusieurs pays, ajoutés à l'expansion naturelle des forêts dans certaines régions, ont produit annuellement plus de 7 millions d'hectares nouveaux de forêts, de sorte que la perte nette de zones forestières, entre 2000 et 2010, a été limitée à 5,2 millions d'hectares par an, contre 8,3 millions d'hectares par an de 1990 à 2000 . En revanche, en 2007, 30 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO 2 ) ont été émises, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à l'année précédente et de 35 % par rapport au niveau de 1990 . Les émissions par habitant sont les plus élevées dans les régions développées : en moyenne, environ 12 tonnes de CO 2 par personne en 2007, contre 3 tonnes par personne dans les régions en développement et 0,9 tonne en Afrique subsaharienne (valeur régionale la plus basse). Depuis 1990, les émissions par unité de production économique ont diminué de plus de 26 % dans les pays développées et d'environ 11 % dans ceux en développement.

Source : Nations-Unies, rapport sur les Objectifs du Millénaire pour le développement, mai 2010

B. L'ÉVOLUTION FRANÇAISE

1. Le maintien d'un niveau important d'APD (9 milliards d'euros en 2009)
a) Une aide en progression en 2009 et 2010 mais prévue en repli pour 2011

L'APD française peut être appréhendée au travers de quatre « cercles concentriques » : la mission « Aide publique au développement », les crédits de l'ensemble des missions budgétaires concourant à l'aide au développement (à la fois dans et hors le budget général), les crédits publics (qui incluent la coopération décentralisée), enfin les montants notifiés au CAD.

Sur la base de ces derniers, comme on l'a vu ci-dessus déjà en évoquant l'évolution internationale, la France s'est hissée en 2009 à la deuxième place des Etats contributeurs les plus importants par le volume de leur APD , après les Etats-Unis et avant, dans l'ordre, l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon, alors qu'elle occupait la quatrième place en 2008. L'APD versée par notre pays l'année dernière s'est en effet élevée à 9,048 milliards d'euros , équivalant à environ 10,5 % de l'APD totale émanant des membres du CAD pour l'exercice. Ce montant d'aide représente une augmentation de 19,6 % par rapport à 2008 (la France avait alors versé 7,563 milliards d'euros d'APD), soit une hausse plus de deux fois supérieure à celle qu'ont réalisée les membres du CAD dans leur ensemble, hors allègements de dettes. Il résulte d'une progression des prêts bilatéraux et des contributions aux organisations multilatérales à la fois.

Toutefois, comme on l'a également indiqué plus haut, ce résultat, correspondant à 0,46 % du RNB français (contre 0,39 % en 2008), ne place notre pays qu'à la onzième place des donateurs du point de vue de la richesse nationale (ratio APD/RNB). Sur ce plan, la France est classée, dans l'ordre, derrière la Suède, la Norvège, le Luxembourg, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, la Finlande, l'Irlande, le Royaume-Uni et la Suisse, mais devant l'Espagne , l'Allemagne et le Canada.

On semble loin de pouvoir traduire en actes l' engagement de consacrer à l'APD , à l'horizon de 2015 , 0,7 % du RNB français , pourtant encore rappelé par le Président de la République, fin 2008, à Doha, lors de la Conférence sur le financement du développement.

Certes, comme le fait apparaître le tableau ci-dessous reproduit, les annulations de dettes mais aussi l'effort consenti à l'aide à projets devraient permettre une nouvelle progression de l'APD française en 2010 : notre pays devrait avoir versé, à ce titre, un total de 9,765 milliards d'euros en fin d'exercice, soit 7,9 % de plus qu'en 2009 et 0,5 % du RNB . Toutefois, pour 2011 , la prévision associée au présent PLF s'avère orientée à la baisse : la France ne devrait plus consentir que 9,555 milliards d'euros en faveur des pays en développement, soit  2,2 % par rapport à la prévision pour 2010 et seulement 0,47 % du RNB estimé. Une nouvelle croissance de notre APD est anticipée pour 2012 (plus de 10 milliards d'euros), mais les projections pour 2013 varient de 9,1 milliards d'euros à 10,9 milliards, en fonction du niveau des annulations de dettes qui seront alors accordées.

De manière générale, en effet, la réalisation de ces estimations reste très aléatoire , car elle dépend pour une partie substantielle du calendrier des traitements de dettes pratiqués dans le cadre du Club de Paris au bénéfice des pays éligibles à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (« Initiative PPTE »), lui-même soumis à de multiples incertitudes 9 ( * ) .

Evolution de l'APD française

(en millions d'euros)

(1) La baisse de ces activités en 2011 résulte principalement de l'hypothèse de la sortie de Mayotte du périmètre de l'APD, Mayotte devenant un département français.

(2) En 2013, la fourchette est liée aux hypothèses retenues pour le calendrier d'atteinte du « point d'achèvement » de l'Initiative PPTE par les pays éligibles.

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF pour 2011

b) Une aide dont la part bilatérale programmable s'avère minoritaire
(1) L'importance de l'aide multilatérale et des dépenses non programmables

L'APD nette réalisée par la France en 2009 se décompose à hauteur de près 56 % en aide bilatérale (5 milliards d'euros) et pour un peu plus de 44 % en aide multilatérale et européenne (4 milliards d'euros).

On peut observer une tendance à la hausse de la part de l'aide française passant par les canaux communautaires et multilatéraux : la part de l'aide multilatérale (y compris communautaire) dans l'APD de notre pays ne représentait que 25 % en 2006 et 41 % en 2008. Cette progression s'explique notamment par les contributions de la France :

- d'une part, aux instruments de l'Union européenne : progression de 35 % entre 2006 (1,544 milliards d'euros) et 2009 (2,083 milliards) ; et notamment aux instruments relevant du budget de l'Union Européenne : progression de 22 % entre 2008 (975 millions d'euros) et 2009 (1 246 millions) ;

- d'autre part, à la Banque mondiale ( via l'Association internationale de développement, AID) : progression de 28 % entre 2006 (333 millions d'euros) et 2009 (428 millions) ;

- enfin, à la facilité du FMI en faveur des pays les plus pauvres (28 millions d'euros en 2008, 586 millions en 2009) et au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (225 millions d'euros en 2006, 300 millions en 2009).

Au reste, l'aide multilatérale française s'avère très fortement concentrée : alors que les contributions éligibles à l'APD concernaient en 2009, au total, quelque 68 organisations ou fonds spécialisés, les six premiers instruments bénéficiaires en ont reçu, à eux seuls, environ 91 %, et les dix premiers 94 %.

Evolution des contributions internationales de la France

(CP, en millions d'euros)

Organisations

2006

Part du total

2007

Part du total

2008

Part du total

2009

Union européenne

Dont FED

Dont budget communautaire (quote-part de l'APD)

1 544

663

881

72 %

1 575

698

877

59 %

1 753

777

975

57 %

2 083

837

1 246

Institutions financières internationales

Dont Banque Mondiale

Dont Banques régionales de développement

Dont FAD

121

363

165

119

6 %

554

395

159

123

21 %

576

379

169

122

19 %

1742

Fonds mondiaux et autres agences multilatérales

308

14 %

389

15 %

558

18 %

Nations-Unies

163

8 %

172

5 %

190

6 %

179

Total de l'aide multilatérale

2 136

100 %

2 648

100 %

3 083

100 %

4 004

Source : ministère des affaires étrangères et européennes

Ce niveau élevé de l'aide multilatérale et, par ailleurs, celui des annulations et refinancements de dettes (un milliard d'euros en 2009, soit plus de 11 % du total de l'APD française) se réalise au détriment de l'aide bilatérale « de terrain » (aide aux projets, coopération technique). Du reste, si on ne tient compte que de la partie dite « programmable » de l'aide bilatérale , la part dédiée au multilatéral représente plus de la moitié de l'APD française , soit un rapport de proportion inverse à celui que permet d'établir la prise en compte de la partie « non programmable » de l'aide bilatérale (c'est-à-dire les dépenses constatées ex post ).

Certes, les dépenses multilatérales sont difficiles à réduire au profit du canal bilatéral : la France se trouve contrainte par ses engagements, en général pluriannuels, et les contributions obligatoires s'avèrent très importantes (supérieures à 80 % du total de l'aide multilatérale en comptant les engagements européens, les versements obligatoires auprès des organisations multilatérales et les engagements pris auprès des institutions financières internationales, supérieures à 85 % si on inclut le Fonds mondial de lutte contre le sida).

Toutefois, il en va du rayonnement international de notre pays , car grâce à son aide bilatérale la France est visible à l'étranger, et d'abord auprès des populations bénéficiaires ; dans la masse de l'aide multilatérale, son rôle passe souvent inaperçu. Il est donc heureux qu'un rééquilibrage soit prévu en faveur du bilatéralisme , la part de ce canal de l'aide (dépenses non programmables incluses) devant croître jusqu'à 64 % d'ici à 2012 .

(2) L'existence de dépenses non programmables dont la comptabilisation en APD reste discutable

La partie non programmable de l'APD bilatérale française comprend en particulier les traitements de dettes des pays pauvres, mais aussi certaines dépenses dont la comptabilisation en APD est critiquable :

- l'aide versée à Mayotte et à Wallis-et-Futuna , qui ne correspond pas à l'acception commune de l'aide au développement, visant normalement les Etats étrangers ( 474 millions d'euros au total en 2009, dont 390 millions pour Mayotte) ;

- les frais d' écolage des étudiants étrangers en France , retracés par le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ( 669 millions d'euros en 2009) ;

- enfin, l' aide aux réfugiés originaires des pays en développement dont rend compte le programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » (soit 80 % de l'aide versée à l'ensemble des réfugiés en 2009 10 ( * ) , représentant un montant de 272 millions d'euros ).

Deux progrès , en la matière, ont été enregistrés : d'une part, l'aide en faveur de Mayotte (plus de 300 millions d'euros prévus pour 2011) ne devrait plus être comptabilisée, l'année prochaine, dans la mesure où l'île deviendra un département ; d'autre part, les frais relatif à l' écolage , depuis 2008, sont décomptés au titre de l'APD dans la limite des frais relatifs aux étudiants ressortissants de pays en développement .

Cependant, le problème de principe demeure , d'autant qu' à l'inverse, certaines dépenses publiques qui concourent effectivement au développement ne sont pas comptabilisables en APD selon les normes du CAD, notamment la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale (OSI), les mécanismes de garantie, la sécurisation de l'aide alimentaire et une part de la coopération militaire et de défense. À cet égard, votre rapporteur spécial rejoint les propositions de notre collègue député Henriette Martinez pour une plus juste prise en compte de l'effort national d'aide au développement 11 ( * ) .

c) Une aide majoritairement versée en faveur de l'Afrique et de pays à revenu intermédiaire

L' Afrique reste le continent premier bénéficiaire de l'APD bilatérale française , tous instruments confondus, dont elle a représenté 58 % en 2009. L' Afrique sub-saharienne , à elle seule, a alors été destinataire de 49 % de cette aide. Il s'agit là d'un accroissement de la part relative des efforts mis en oeuvre pour soutenir cette région du monde, après les reculs successivement constatés en 2007 et en 2008, comme le fait apparaître le tableau ci-dessous.

Toutefois, il convient de noter que l'Afrique subsaharienne, en 2006, concentrait 57 % de l'aide bilatérale de notre pays. Depuis lors, un net rééquilibrage s'est produit en faveur de l'Asie : en 2009, l'Extrême-Orient a recueilli 11 % de l'aide bilatérale.

Répartition géographique de l'APD bilatérale française

(en % de l'APD totale)

Afrique subsaharienne

Afrique du nord

Moyen-Orient

Europe

Extrême-Orient

Asie du sud

Amérique latine

Océanie

Non spécifié

2006

57 %

9 %

12 %

4 %

6 %

1 %

4 %

1 %

6 %

2007

46 %

10 %

16 %

4 %

5 %

3 %

6 %

2 %

8 %

2008

42 %

10 %

12 %

7 %

8 %

3 %

3 %

2 %

13 %

2009

49 %

9 %

5 %

4 %

11 %

3 %

3 %

2 %

14 %

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF pour 2011 et DPT antérieurs

En moyenne, les pays qui bénéficient de la majeure part de cette aide sont des pays à revenu intermédiaire .

APD bilatérale de la France par groupe de pays bénéficiaires

(en millions d'euros)

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF pour 2011

Cependant, votre rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence de certaines de ces interventions sous le label « aide au développement », dès lors que, par les montants engagés, la Chine et la Turquie ont respectivement occupé, en 2009, le deuxième et le cinquième rangs parmi les pays bénéficiaires de notre aide bilatérale.

Principaux bénéficiaires de l'APD bilatérale française en 2009

(en millions d'euros)

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF pour 2011

2. Les ressources de l'effort d'APD prévues pour 2011 (9,5 milliards d'euros)

Comme on l'a indiqué ci-dessus, l'APD française devrait atteindre 9,555 milliards d'euros en 2011 . Ce montant est la somme des versements de l'Etat assurés à partir du budget général et en dehors de celui-ci, de la coopération décentralisée mise en oeuvre par les collectivités territoriales , d'autres contributions d'organismes publics, parmi lesquelles l' Agence française de développement (AFD) à partir de ses ressources propres 12 ( * ) , enfin du produit attendu de la taxe de solidarité sur les billets d'avion .

Le tableau ci-après présente cette décomposition, en synthèse, pour les estimations des années 2010 à 2013. Toutefois, votre rapporteur spécial souligne que les décalages avec l'exécution peuvent être importants , eu égard aux aléas qui affectent, notamment, les annulations de dettes et les dépenses non programmables.

Estimations de l'APD française (2010-2013)

(CP, en millions d'euros)

(1) Pour mémoire, en 2011, la départementalisation prévue pour Mayotte doit contribuer à une baisse de plus de 300 millions d'euros sur cette ligne.

(2) Pour 2011, le présent PLF prévoit le transfert d'une partie des crédits du programme 209 de la mission « Aide publique au développement » au programme 185 de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

(3) Y compris prêts PAS, prêts FMI et prêts Banque Mondiale-climat.

(4) Effets nets des refinancements sur les programmes 851, 852 et 853 de la mission « Prêts à des Etats étrangers ».

(5) La fourchette est liée aux hypothèses retenues pour le calendrier d'atteinte du « point d'achèvement » de l'Initiative PPTE par les pays éligibles.

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF pour 2010

a) Les ressources budgétaires

Le document de politique transversale (DPT) « Politique française en faveur du développement » joint au présent PLF fait apparaître que principalement quatorze programmes et sept missions du budget général , dont les trois programmes de la mission « Aide publique au développement », sont appelés à concourir, en 2011, à cette politique. L'effort global du budget général représente 7,114 milliards d'euros , en CP, soit 74,4 % des apports de la France en APD estimés pour l'année.

La mission « Aide publique au développement », pour sa part, correspond à 46,9 % de ces crédits budgétaires et 35 % des dépenses totales d'APD. On notera que la mission « Recherche et enseignement supérieur », avec une prévision de 965,6 millions d'euros en faveur de cette aide (dont 669 millions au titre de l'écolage des étudiants en France ressortissants des pays en développement 13 ( * ) ), en représente 13,6 %.

Dépenses du budget général comptabilisables en APD

(CP, en millions d'euros)

2010

2011

Mission

Programme

LFI

Estimation APD*

APD/CP

PLF

Estimation APD*

APD/CP

« Aide publique au développement »

110 « Aide économique et financière au développement »

1 186,81

2 690,89

226,7 %

1 171,14

2 920,96

249,4 %

209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » (format PLF 2011)

2 119,87

2 317,88

109,3 %

2 134,96

2 132,76

99,9 %

301 « Développement solidaire et migrations »

34,80

32,87

94,5 %

30,00

28,00

93,3 %

« Action extérieure de l'Etat »

105 « Action de la France en Europe et dans le monde »

1 702,07

136,84

8 %

1 814,42

145,75

8 %

185 « Rayonnement culturel et scientifique » (format PLF 2011 : « Diplomatie culturelle et d'influence »)

769,62

105,40

13,7 %

757,62

278,75

36,8 %

« Défense »

et

« Sécurité »

144 « Environnement et prospective de la politique de défense » et 178 « Préparation des forces armées »

23 231,28

26,86

0,1 %

23 713,35

30,08

0,1 %

152 « Gendarmerie nationale »

7 633,80

46,35

6 %

7 731,22

46,67

6 %

« Immigration, asile et intégration »

303 « Immigration et asile »

478,06

271,94

56,9 %

488,63

238,54

48,8 %

« Outre-mer »

Divers

417,26

85,26

« Recherche et enseignement supérieur »

150 « Formations supérieures et recherche universitaire »

12 145,38

625,10

5,1 %

12 270,04

625,10

5,1 %

172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaires »

5 169,55

8,93

0,2 %

5 132,33

8,93

0,2 %

187 « Recherches dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources »

1 238,61

331,80

26,8 %

1 245,06

331,55

26,6 %

231 « Vie étudiante »

2 014,33

39,96

2,0 %

2 083,90

39,90

1,9 %

Autres dépenses du budget général

117 « Charge de la dette et trésorerie de l'Etat » (mission « Engagements financiers de l'Etat »)

42 450,00

63,24

0,1 %

45 382,00

62,51

0,1 %

Divers (recherche, enseignement, agriculture, santé, écologie, sport, culture)

8,91

8,63

Total

7 124,16

7 114,09

* Pour la mission « Aide publique au développement », l'estimation intègre les ressources extrabudgétaires de l'AFD.

Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF pour 2011

b) Les opérations de prêts et de traitements de dettes
(1) Les prêts

Les prêts concessionnels français accordés au titre de l'APD relèvent de quatre catégories distinctes.

Les prêts de la « Réserve pays émergents » (RPE) sont mis en place dans le cadre d'accords bilatéraux. Ils sont déboursés par l'intermédiaire d'un organisme payeur, agissant pour le compte de l'Etat, dans le cadre d'une convention avec le pays bénéficiaire. Les crédits budgétaires nécessaires sont imputés sur le programme 851 « Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure » de la mission correspondant au compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » ( 350 millions d'euros en CP pour 2011) 14 ( * ) .

Le décaissement d'un prêt « RPE » donne lieu à l'enregistrement d'une contribution à l'effort d'APD de la France à hauteur du montant du prêt gouvernemental déboursé. Réciproquement, tout remboursement du capital d'un prêt d'APD s'impute en déduction des déboursements à hauteur du montant remboursé. En raison de remboursements en capital supérieurs aux décaissements , l'impact de ce dispositif en termes d'APD est attendu négatif, de 136 millions d'euros en 2010 et 122 millions en 2011 ;

L' Agence française de développement (AFD) porte des prêts dont le financement est assuré par deux canaux complémentaires :

- d'une part, l'Agence lève des ressources sur les marchés financiers à des taux de marché (émissions obligataires, placements privés, etc.). Ces ressources font l'objet d'une bonification par l'Etat, afin que l'AFD puisse offrir aux pays partenaires des taux d'intérêt inférieurs à son propre coût de financement. Ce dispositif est retracé par l'action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide au développement » ( 167 millions d'euros en CP sont prévus, à ce titre, dans le présent PLF) 15 ( * ) ;

- d'autre part, l'Etat octroie à l'AFD des prêts à des conditions très concessionnelles , qui constituent pour l'Agence une ressource dite « à condition spéciale ». Les crédits nécessaires sont inscrits au sein du programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers » de la mission « Prêts à des Etats étrangers » ( 232 millions d'euros en CP pour 2011) 16 ( * ) .

L'impact de ces prêts, en termes d'APD, est positif à hauteur du montant déboursé lors du décaissement puis négatif, les années suivantes, à due concurrence des remboursements effectués par les pays bénéficiaires. L'impact annuel est égal à la variation de l'encours de prêts, sans qu'il y ait donc une correspondance directe avec les crédits des programmes 110 et 853 précités. Cet impact est évalué à 1,327 milliard d'euros pour 2010 et 1,691 milliard pour 2011 .

La France accorde occasionnellement, par l'intermédiaire de l'AFD, des prêts dits « d'ajustement structurel » (PAS) aux pays en développement. Ces prêts sont bonifiés par des crédits du programme 110 « Aide économique et financière au développement ».

Ainsi, dans le cadre de la conférence internationale sur le soutien au Liban de janvier 2007 (dite conférence « Paris III »), un prêt de 375 millions d'euros a été décidé pour soutenir ce pays dans la mise en oeuvre de son programme de réformes économiques. La première tranche a été décaissée en 2008 (150 millions d'euros), la deuxième tranche (30 millions) doit l'être en 2010, la troisième (95 millions) en 2011 et la quatrième et dernière (100 millions) en 2012. Aucun autre PAS n'a été engagé depuis, si l'on excepte des « prêts-relais » très brefs accordés à la Côte d'Ivoire en 2008 et 2009 et au Togo en 2008.

L'impact des PAS en termes d'APD, en 2008 , s'est élevé à 85 millions d'euros . Ce montant correspond au solde net positif du décaissement de la première tranche du prêt précité en faveur du Liban, déduction faite des remboursements reçus sur d'anciens PAS. Le DPT ne précise pas le résultat attendu pour 2010.

Des prêts de refinancement sont déboursés directement par l'Etat dans le cadre d'opérations de restructuration de dette. Les crédits budgétaires nécessaires au décaissement de ces prêts sont imputés sur le programme 852 « Prêts à des Etats étrangers en vue de la consolidation de dettes envers la France » de la mission « Prêts à des Etats étrangers » (le présent PLF prévoit, à ce titre, 156 millions d'euros ) 17 ( * ) .

En termes d'APD, l'impact de ces prêts dépend de trois facteurs :

- d'une part, pour un impact positif , le décaissement des prêts de refinancement ;

- d'autre part, pour un impact négatif , le remboursement par refinancement des prêts d'APD qui font l'objet de la restructuration d'endettement et le remboursement en capital, selon les échéances prévus, des prêts de refinancement eux-mêmes.

La somme de ces opérations devrait donner lieu à un effort d'APD à hauteur de 91 millions d'euros en 2010 et 148 millions en 2011 .

(2) Les annulations de dettes

Les annulations de créances non militaires et d'échéances d'intérêts de prêts pour le développement participent à l' effort d'APD à hauteur des montants annulés 18 ( * ) . L'impact, en la matière, est évalué à 1,264 milliard d'euros pour 2010 et 980 millions pour 2011 .

Il convient de préciser que, selon les procédures qui ont donné naissance aux créances en cause, celles-ci se trouvent gérées soit par la Banque de France pour le Trésor de l'Etat, soit par l' AFD , la Coface ou Natixis . Les remises de dettes, le cas échéant, entraînent l'indemnisation de ces trois derniers organismes.

L'impact sur les comptes publics nationaux des annulations de dettes en faveur des pays pauvres

L'annulation de créances de l'Etat donne lieu à des transports aux découverts du Trésor , qui sont hors budget mais se trouvent inscrits en loi de règlement des comptes et rapport de gestion de l'année. Cette annulation, comme celle de créances détenues par l'AFD ou par Natixis, constitue une dépense du point de vue de la comptabilité nationale et, par conséquent, dégrade le déficit public au sens du Traité de Maastricht. De 1989 jusqu'à la fin de l'année 2010, ce coût « maastrichtien » représente 8,817 milliards d'euros.

Une annulation de créances détenues par l'AFD ou par Natixis impose l' indemnisation de ces organismes. Celle-ci est supportée, pour l'AFD, par les programmes 110 « Aide économique et financière au développement » et 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » et, pour Natixis, par le programme 114 « Appels en garantie de l'Etat » de la mission « Engagements financiers de l'Etat » ; comme telle, elle joue sur le solde budgétaire .

Le coût, en la matière, s'avère toutefois délicat à reconstituer du fait de l' intervention de consolidations de dettes , dans le cadre d'accords en Club de Paris. Ces consolidations s'analysent en refinancements (remboursement d'un prêt ancien au moyen d'un prêt nouveau accordé aux conditions négociées en Club de Paris) ; elles sont retracées par le programme 852 « Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France » de la mission correspondant au compte de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers ». La dépense budgétaire afférente intervient lors de la consolidation, puis les remboursements de ces prêts, en principal ou en intérêts, viennent abonder le budget de l'Etat (ils sont imputés en recettes sur le compte « Prêts à des Etats étrangers » précité), sauf annulation de la créance consolidée par un accord ultérieur. De fait, il n'y a pas de lien direct entre annulations et coût budgétaire .

Selon une approche prudente, qui prend notamment en compte la totalité des dépenses passées du programme « Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France » bien qu'une partie des créances ainsi consolidées ait vocation à être honorée par les pays débiteurs, le coût budgétaire net total, qui intègre les indemnisations d'annulations et les consolidations de dettes, s'établit, de 1989 à 2010 inclus, à hauteur de 4,04 milliards d'euros.

Les annulations de créances garanties par la Coface restent sans effet direct sur le solde « maastrichtien » et ne suscitent aucune dépense budgétaire, car la Coface n'entre pas dans le périmètre des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale et les remises de dettes qu'elle consent ne lui sont pas indemnisées par l'Etat 19 ( * ) . En revanche, ces annulations comportent un coût budgétaire indirect , dans la mesure où elles impliquent une moindre recette future pour la Coface qui, toutes choses égales par ailleurs, représente in fine , pour l'Etat, une moindre capacité de prélèvemen t de dividendes sur cet établissement (recette non fiscale).

Source : rapport de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, sur le présent PLF, tome II (commentaire de l'article 37)

c) La coopération décentralisée

La coopération décentralisée est essentiellement financée par les collectivités territoriales, sur leurs fonds propres . Le ministère chargé des affaires étrangères (MAEE) intervient pour des cofinancements , en fonction des priorités retenues (9,8  millions d'euros prévus pour 2011, sur le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » 20 ( * ) ).

Les flux d'APD en provenance des collectivités territoriales ont représenté 70 millions d'euros en 2009 21 ( * ) , contre 72 millions en 2008 mais 62 millions en 2007 et 54 millions en 2006. Ils sont anticipés comme croissant à hauteur de 74 millions d'euros en 2010 et 75 millions d'euros en 2011. Toutefois, votre rapporteur spécial observe que les effets de la réforme des compétences des collectivités territoriales sur la coopération décentralisée , activité d'ailleurs loin du « coeur de métier » des collectivités, sont difficilement évaluables .

Il convient ici de rappeler le rôle incitatif joué par la loi du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau, dite « loi Oudin », qui permet aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de financer, sur le budget des services publics de l'eau et de l'assainissement et dans la limite de 1 % de ce budget, des actions de coopération décentralisée, d'aide d'urgence ou de solidarité dans les domaines de l'eau et de l'assainissement.

d) La contribution de solidarité sur les billets d'avion

Les produits de la contribution de solidarité sur les billets d'avion (CSV), instituée de façon pionnière par notre pays en 2006, sont notifiés depuis 2008 au CAD de l'OCDE, au titre de l'APD française. De son entrée en vigueur (en juillet 2006) au 31 décembre 2009, cette taxe a rapporté 600,1 millions d'euros , dont 170 millions en 2009 22 ( * ) . Ce produit, géré par l'AFD, alimente le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) en vue de financer l'accès aux vaccins et médicaments dans les pays en développement : 10 % au plus à travers la Facilité financière internationale pour les vaccins (IFFIm) et 90 % au moins à travers la Facilité internationale d'achats de médicaments « Unitaid ».

Votre rapporteur spécial observe que la mise en oeuvre de ce financement innovant n'a emporté aucun impact négatif visible, ni sur le trafic aérien, ni sur le tourisme. En 2009, il était appliqué par cinq autres pays : le Chili, la Corée du Sud, Madagascar, Maurice et le Niger. La réussite du dispositif, dont il faut souhaiter l'extension, plaide pour la création de nouveaux mécanismes de financement alternatifs , tels que la contribution assise sur les transactions financières internationales que la France promeut aujourd'hui, au sein du G20 notamment (au taux de 0,005 %, soit 5 centimes sur 1 000 euros, en vue d'en affecter le produit, par exemple, au Fonds mondial de lutte contre le sida 23 ( * ) ).

3. Un dispositif en cours de rationalisation
a) La redéfinition des priorités

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le CICID du 5 juin 2009 a tracé les voies d'une rationalisation de l'APD française, au bénéfice de son efficience 24 ( * ) . À cet effet, un double objectif de concentration de l'aide , par rapport au champ qui était le sien jusqu'alors, a été fixé, au point de vue géographique d'une part et sur un plan sectoriel d'autre part, en vue d'offrir un soutien plus efficace aux pays et aux secteurs qui en ont le plus besoin.

(1) Un resserrement des priorités géographiques

Sous l'aspect de la géographie, il a été décidé que 60 % des ressources budgétaires mobilisées pour l'APD seraient ciblées sur l'Afrique subsaharienne , région du monde la moins avancée sur la voie des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) 25 ( * ) et dont on estime qu'elle comptera 1,8 milliard d'habitants à l'horizon 2050, et 20 % au bénéfice des pays du pourtour méditerranéen .

En outre, quatre catégories de pays éligibles à l'aide française ont été identifiées, des modes d'intervention adaptés étant associés à chacune de ces catégories :

- en premier lieu, en faveur des « pays pauvres prioritaires » dont une liste de quatorze États subsahariens a été arrêtée 26 ( * ) , il a été prévu que soit affectée la moitié des subventions destinées aux OMD, sous la forme de dons et de prêts très concessionnels ;

- en deuxième lieu, pour les pays à revenu intermédiaire , l'aide prendra la forme de prêts concessionnels et d'une assistance technique ;

- en troisième lieu, les pays émergents bénéficieront de prêts peu ou pas concessionnels 27 ( * ) . En effet, les financements ne constituent pas le besoin premier de ces pays, et l'investissement vaut donc surtout, ici, comme « point d'entrée » dans les politiques publiques locales et la promotion d'expertise et de technologie françaises ;

- enfin, pour les pays en crise ou en situation de sortie de crise, l'aide sera attribuée sous la forme de dons et de crédits humanitaires 28 ( * ) .

Ce resserrement des priorités géographiques de l'APD de notre pays devrait progressivement conduire à substituer à la « Zone de solidarité prioritaire » (ZSP) encore en vigueur 29 ( * ) la notion de « partenariats différenciés ». À l'avenir, en ce qui concerne les pays de la ZSP ne faisant pas partie des quatre catégories précitées, la France interviendra principalement par les canaux multilatéraux et européens et, au besoin, par des actions bilatérales dont le coût budgétaire devra rester limité.

(2) Une clarification des priorités sectorielles

En termes de secteurs aidés, le CICID a décidé que l'aide française serait désormais dirigée vers cinq secteurs prioritaires : la santé ; l'éducation et la formation professionnelle ; l'agriculture et la sécurité alimentaire ; le développement durable ; enfin, le soutien à la croissance.

On notera que ces secteurs recouvrent largement les OMD . Ils représentent le « coeur de cible » des interventions de l'APD aujourd'hui. Le Comité a par ailleurs rappelé l'objectif de promotion de la gouvernance démocratique, de l'Etat de droit et du respect des droits de l'homme.

b) Un nouveau document cadre

En vue de fournir un cadre d'ensemble aux évolutions ainsi tracées, le CICID du 5 juin 2009 avait demandé la réalisation d' un « document cadre » pour la politique de coopération au développement de la France , formalisant les objectifs et la stratégie à moyen terme en la matière et destiné à servir de référence unique pour l'ensemble des acteurs.

(1) Un processus d'élaboration associant le Parlement

Le document cadre a été élaboré tout au long de l'année 2010 . À cet effet, le ministère des affaires étrangères et européenne a organisé une concertation entre les administrations et la société civile, en particulier les ONG concernées. Le Parlement a été invité à participer à la réflexion, et le Sénat y a pris une large part, en particulier votre commission des finances . Pour mémoire :

- le 12 mai dernier, une « table ronde » a été organisée, conjointement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ce qui a permis d'entendre le point de vue de quatre « experts » de l'APD 30 ( * ) sur les orientations de la politique française en ce domaine ;

- le 26 mai, les deux commissions ont procédé à l' audition du ministre des affaires étrangères et européenne , qui a exposé les grandes lignes du document cadre alors en préparation ;

- le 9 juin, votre rapporteur spécial a présenté à la commission des finances une communication sur ce thème, suivie d'un débat. Les recommandations formulées à cette occasion, ainsi que le compte-rendu de la réunion, ont été adressés, par lettre de notre collègue Jean Arthuis en sa qualité de président de la commission, au ministre des affaires étrangères et européenne 31 ( * ) ;

- enfin, le 4 novembre, le Sénat a tenu un débat sur la politique de coopération et de développement de la France, qui s'est notamment appuyé sur le rapport d'information sur le projet de document cadre entre temps publié par nos collègues Christian Cambon et André Vantomme, rapporteurs pour avis de la mission « Aide publique au développement » 32 ( * ) , et auquel a pris part votre rapporteur spécial. Le document avait été mis en forme définitive, par le Gouvernement, la veille même de ce débat.

(2) Une « refondation » encore fragile

Sans revenir en détail, ici, sur le contenu de ce nouvel outil, votre rapporteur spécial tient à en souligner deux mérites fondamentaux.

Le premier est celui de son existence même : il est bon que notre pays se dote d'un document qui présente clairement sa doctrine d'APD , face aux défis d'un monde en mutation. Les pays du Sud connaissent des trajectoires de développement très diverses ; les économies sont devenues interdépendantes ; les risques en matière d'environnement, de santé ou de sécurité sont désormais globaux, à l'échelle de la planète. Dans ce nouveau contexte, complexe et mouvant, il est important que la France trace, nettement, les lignes qui guident ses actions de coopération.

Une autre qualité essentielle du nouveau document cadre tient à l' inflexion de la politique française d'aide au développement qu'il tend à cristalliser. Lors de son audition précitée, le ministre des affaires étrangères et européenne a même évoqué une « refondation ». En synthèse, il s'agit de mettre en oeuvre une APD qui ne relève plus de la charité, de la seule compassion, mais d' une stratégie géopolitique , dans laquelle on considère non seulement la nécessité de soulager la pauvreté, mais également les intérêts de la France dans le monde qu'il s'agisse d'enjeux économiques, migratoires ou de sécurité. Il est heureux que l'on replace ainsi l'APD de plain-pied au sein de la politique étrangère.

Pour autant, le document cadre présente deux limites majeures.

D'une part, comme votre rapporteur spécial l'a amplement détaillé lors de sa communication précitée du 9 juin dernier, ce document n'aborde que de façon très parcimonieuse les aspects financiers , le choix ayant été fait de dissocier l'exposé de la stratégie et la programmation des moyens budgétaires. Bien que compréhensible , cette organisation n'en nuit pas moins à la crédibilité des ambitions affichées par le document cadre, qui consistent à redéfinir l'APD française à partir des enjeux cruciaux que sont la stabilité et la promotion de l'Etat de droit, la croissance durable, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et la gestion des biens publics mondiaux. À cet égard, les estimations de l'effort global d'APD pour 2011, en repli par rapport à 2010 ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, ne sont pas très encourageantes.

D'autre part, le statut du document cadre reste indéterminé. Ce texte n'a pas de valeur juridique et le CICID n'a pas même été convoqué pour son adoption formelle. Dans ces conditions, et à ce stade, on peut douter de l'autorité politique qu'il revêtira , en pratique, pour les différents acteurs de l'aide au développement auxquels il est destiné. Votre rapporteur spécial s'en inquiète et , pour prévenir le risque du « voeu pieu » , invite le Gouvernement à donner à ce nouvel outil les formes appropriées d'adoption et de publicité officielle qu'il requiert.


* 1 Le changement de Gouvernement intervenu le 14 novembre 2010 a donné lieu, d'une part, à la transformation en MINEFII du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi (MEIE) préexistant et, d'autre part, à la suppression du ministère de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS).

* 2 Votre rapporteur spécial observe que le DPT annexé au présent PLF a été transmis au Parlement et rendu public de façon très tardive : le 8 novembre 2010 seulement.

* 3 Cette baisse de 2007 était essentiellement due à la fin de certaines opérations exceptionnelles d'allègements de dettes, en particulier au profit de l'Irak et du Nigeria.

* 4 La légende, en anglais, vise respectivement les projets, programmes et coopération technique bilatéraux pour le développement, l'APD multilatérale, l'aide humanitaire, enfin les dons nets au titre des remises de dettes.

* 5 L'effort national d'APD en 2009 fait l'objet de développements infra (B).

* 6 « Déclaration du Millénaire », résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations-Unies le 8 septembre 2000.

* 7 « Remobiliser autour des Objectifs du Millénaire pour le développement », avis présenté par M. Jacques Lemercier, juillet 2010.

* 8 Hors OMD n° 8, « Mettre en place un partenariat mondiale dans le développement » : les résultats, en ce domaine, sont développés supra , 1 .

* 9 Une présentation des différents traitements de dettes accordés par la France aux pays en développement se trouve dans la seconde partie du présent rapport (section I, II).

* 10 Proportion retenue en fonction du nombre de premières demandes émanant de ressortissants d'Etats entrant dans le champ de l'APD présentées, l'année dernière, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

* 11 Rapport sur l'APD française remis au Premier ministre le 31 juillet 2009.

* 12 Les ressources de l'AFD font l'objet de développements infra , chapitre II (section I, I).

* 13 Cf. supra , 1 (b).

* 14 Cf. infra , deuxième partie (section I, II).

* 15 Cf . infra , chapitre II (section I, II).

* 16 Cf . infra , deuxième partie (section I, II).

* 17 Cf . infra , deuxième partie (section I, II).

* 18 Comme déjà signalé, une présentation des différents traitements de dettes accordés par la France aux pays en développement se trouve dans la seconde partie du présent rapport (section I, II).

* 19 L'intervention de la Coface en matière d'APD fait l'objet de développements au sein du rapport d'information n° 95 (2008-2009) de nos collègues Jean-Pierre Fourcade et Edmond Hervé avec notre ancien collègue Michel Charasse, établi à la suite de l'enquête de la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur les procédures publiques gérées par la Coface.

* 20 Action n° 2 ; cf . infra , chapitre II (section II) .

* 21 Les données sont collectées par le MAEE au moyen d'une procédure de télédéclaration des collectivités territoriales, mise en place depuis 2006.

* 22 Créée par la LFR du 30 décembre 2005, la CSV constitue une taxe de 1 à 10 euros par billet sur les vols intérieurs et de 4 à 40 euros sur les vols internationaux, selon la classe du billet.

* 23 Les évaluations attribuent un potentiel considérable à un semblable mécanisme : une taxe sur les transactions sur produits dérivés aurait un produit annuel de l'ordre de 33 milliards d'euros pour les transactions de gré à gré, et jusqu'à 110 milliards dans le cas des transactions opérées sur les places boursières. De même, une taxe sur les opérations de change aurait, selon les sources, un rendement de 12 à 50 milliards d'euros par an.

* 24 Les décisions du CICID du 5 juin 2009 ont fait l'objet de développements approfondis de la part de notre ancien collègue Michel Charasse, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », à l'occasion de l'examen du PLF pour 2010. Cf . le rapport n° 101 (2008-2009), tome III, annexe 4.

* 25 Cf . supra , A.

* 26 Bénin, Burkina-Faso, Comores, Ghana, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.

* 27 On vise ici la Chine, l'Inde, l'Indonésie, les Philippines, le Brésil, le Mexique, la Colombie.

* 28 Sont ici visés le Proche et le Moyen-Orient, la région sahélo-saharienne, la République centrafricaine et la République démocratique du Congo, l'Afghanistan et le Pakistan, enfin Haïti.

* 29 La ZSP, telle que définie par le CICID du 20 juillet 2004, comprend actuellement 55 pays :  en Afrique du Nord : Algérie, Maroc, Tunisie ; en Afrique subsaharienne et dans l'Océan indien : Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, République Centrafricaine, Comores, Congo-Brazzaville, République Démocratique du Congo, Côte-d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Gambie, Guinée, Guinée-Bissao, Guinée Equatoriale, Kenya, Libéria, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigéria, Ouganda, Rwanda, Sao-Tome et Principe, Sénégal, Sierra Leone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Zimbabwe ; au Moyen-Orient : Liban, Territoires palestiniens, Yémen ; en Asie : Cambodge, Laos, Vietnam, et à titre provisoire, Afghanistan ; dans la Caraïbe : Cuba, Haïti, République Dominicaine, Suriname ; dans le Pacifique : Vanuatu.

* 30 François Bourguignon, directeur de Paris School of Economics, ancien chef économiste de la Banque mondiale, Serge Michaïlof, consultant international, enseignant à l'Institut d'études politiques de Paris, ancien directeur régional à la Banque mondiale, Jean-Michel Severino, inspecteur général des finances, ancien directeur général de l'AFD, et Jean-Louis Vielajus, président de Coordination Sud.

* 31 Lettre reproduite en annexe du présent rapport.

* 32 Rapport d'information n° 566 (2009-2010).