M. Bertrand Auban, rapporteur spécial

II. LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS

1. La répartition par programmes et actions

Les crédits de l'ensemble de la mission connaîtront une progression de 5,3 % entre 2010 (5,72 milliards d'euros) et 2011 (6,03 milliards d'euros) .

Les régimes constitutifs de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont répartis entre trois programmes :

- Programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » ;

- Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » ;

- Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers ».

Les régimes concernés, qui connaissent des situations démographiques déséquilibrées, représentaient au total près de 860 000 pensionnés ou allocataires en 2008. En 2010, ce nombre sera compris entre 790 000 et 800 000, en fonction du rythme d'extinction de certains régimes.

En 2011, les déséquilibres seront accentués par une évolution défavorable des transferts de compensation démographique 8 ( * ) , notamment pour le régime des mines. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a, en effet, prévu l' extinction en 2012 de la compensation spécifique entre régimes spéciaux . Il en résulte dès lors une diminution progressive des ressources perçues à ce titre par les caisses de retraite qui doit être comblée par la hausse des subventions d'équilibre de l'Etat. Le tableau de répartition des crédits par programme et action, présenté ci-dessous, permet de constater les variations les plus significatives de crédits.

Répartition des crédits par programme et action (régimes sociaux et de retraite)

(en euros)

Intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement

Exécution 2009

Ouvertes en LFI pour 2010

Demandées pour 2011

Variation 2010/2011

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

3 633 215 542

3 824 250 000

3 880 180 000

1,5%

Régime de retraite du personnel de la SNCF

2 969 379 211

3 120 600 000

3 192 250 000

2,3%

Régime de retraite du personnel de la RATP

501 000 000

526 700 000

526 730 000

0,0%

Autres régimes 9 ( * )

162 836 331

176 950 000

161 200 000

-8,9%

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

739 999 228

792 500 000

797 278 279

0,6%

Pensions de retraite des marins

739 999 228

782 999 000

789 328 279

0,8%

Action sanitaire et sociale des marins

-

9 501 000

7 950 000

-16,3%

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

714 363 963

1 110 050 000

1 353 490 000

21,9%

Versements au Fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

587 500 000

971 600 000

1 209 000 000

24,4%

Régime de retraite de la SEITA

121 636 000

132 380 000

139 420 000

5,3%

Caisse des retraites de l'imprimerie nationale

60 723

70 000

70 000

0,0%

Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer

4 564 000

5 200 000

4 400 000

-15,4%

Versements liés à la liquidation de l'ORTF

603 240

800 000

600 000

-25,0%

Total

5 087 578 733

5 726 800 000

6 030 948 279

5,3%

Source : d'après le rapport annuel de performances pour 2010 et le projet annuel de performances pour 2011

Hormis la réduction mécanique des besoins de financement des régimes en extinction démographique, les régimes spéciaux les plus importants s'inscrivent dans la stabilité (SNCF, RATP, marins) à l'exception de la caisse des mines, pour laquelle la subvention de l'Etat progresse de près de 25 %, et dans une moindre mesure le régime de retraite de la SEITA (+ 5,3 %), pour les motifs expliqués plus haut.

2. La justification des crédits demandés

Depuis le projet de loi de finances pour 2009, à la demande de votre rapporteur spécial, les subventions d'équilibre versées aux caisses autonomes de la SNCF et de la RATP sont désormais clairement identifiées au sein du programme n° 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ».

La présentation budgétaire des crédits est ainsi dorénavant individualisée pour chaque régime spécial. Elle permet de relever les particularités propres à chacun d'entre eux :

- la progression contenue des dotations aux caisses autonomes de retraite de la SNCF et de la RATP est due à la stabilité de leur structure démographique à court terme, alors que l'établissement national des invalides de la marine (ENIM) devra mobiliser 4,9 millions d'euros (sur une réserve de trésorerie de 59 millions d'euros au 31 décembre 2009) pour contenir le recours au financement de l'Etat ;

- l'augmentation très sensible, de 25 %, du versement au fonds de retraite des mines est provoquée par la diminution de 638 millions d'euros des ressources perçues au titre de la compensation inter régimes que l'Etat doit compenser intégralement.

Votre rapporteur spécial constate que cette hausse intervient dans un contexte où la caisse des mines a revu très nettement à la baisse ses objectifs de cession de patrimoine. Pour 2011, les produits de cession sont évalués à 75 millions d'euros, soit une réduction de moitié par rapport à 2010.

Objectifs de cession du patrimoine immobilier de la caisse des mines

(en millions d'euros)

Année

2008

2009

2010

Montant estimatif des cessions

170

420

140

Source : réponses au questionnaire budgétaire

On se souvient qu'il avait été demandé à la caisse des mines d'optimiser la valorisation de son patrimoine immobilier afin de permettre la baisse de la subvention de l'Etat 10 ( * ) et que les subventions 2008, 2009 et 2010 avaient été calculées en tenant compte des cessions immobilières engagées par le régime des mines selon des objectifs particulièrement ambitieux 11 ( * ) :

Votre rapporteur spécial observe que le contrecoup conjugué du tarissement des recettes immobilières et de la compensation spécifique montre que la solidarité nationale manifestée à travers le financement de l'Etat est indispensable, les mobilisations de réserves ou de patrimoine ne pouvant être que des solutions ponctuelles

L'équilibre de ces régimes repose donc en tout état de cause très largement sur le budget général.

B. LA PRÉSENTATION DU FINANCEMENT DES RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE MÉRITERAIT D'ÊTRE EXHAUSTIVE

En dépit des réels progrès réalisés dans la présentation du projet annuel de performances, votre rapporteur spécial rappelle que la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne comprend pas l'ensemble des crédits de l'État affectés au financement des régimes spéciaux de retraite .

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes pour 2009, il avait relevé une observation de la Cour des comptes sur des flux manquants, de l'ordre de 780 millions d'euros en 2010, non répertoriés dans le « jaune » budgétaire consacré au « Bilan des relations financières entre l'Etat et la protection sociale ». La Cour recommandait que cette masse « très significative » de crédits soit mieux identifiée et soit, le cas échéant, intégrée à la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

A l'instar de la transparence opérée par le CAS Pensions dans la gestion des retraites de fonctionnaires de l'Etat, la présentation du financement des régimes sociaux et de retraite mériterait d'être exhaustive . Ainsi, d'après les informations recueillies auprès de la direction du budget, trois régimes spéciaux de retraite dont l'équilibre est financé par l'Etat sont rattachés à d'autres missions budgétaires : le régime des agents français des offices d'électricité et du gaz d'Algérie, du Maroc et de Tunisie (14,99 millions d'euros), ainsi que les caisses de retraite de la Comédie française et de l'Opéra de Paris (16,85 millions d'euros) 12 ( * ) .

Par ailleurs, le programme 174 « Energie, climat et après mines » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durable » finance des prestations sociales et de retraites décidées dans le cadre de la gestion de l'après crise des charbonnages de France, des mines de fer ou des ardoisières d'Angers pour un montant de 658,12 millions d'euros.

Au total, votre rapporteur spécial a identifié 689,96 millions d'euros de crédits de régimes sociaux et de retraites financés par l'Etat en dehors de la présente mission.

Ces dépenses sont du reste répertoriées assez précisément dans leurs missions de rattachement, mais la logique de lisibilité des dépenses de pensions voudraient qu'elles ne soient pas « noyées » au milieu de dotations de fonctionnement et d'investissement. Aussi, le tableau ci-dessous présente-t-il, dans un souci de transparence, les quatre régimes pour lesquels une réflexion pourrait être menée afin, le cas échéant, d'inscrire dès 2012 leur financement au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Régimes sociaux ou de retraite financés par le budget de l'Etat
en dehors de la mission « Régime sociaux et de retraite »

(en millions d'euros)

Régimes sociaux ou de retraite

Montant de la subvention
de l'Etat

Mission de rattachement

Retraites de la Comédie française et de l'Opéra de Paris

16,85

Culture

Retraites des électriciens et gaziers d'Algérie, du Maroc et de Tunisie

14,99

Ecologie, développement et aménagement durables

Régime social de l'après mine 13 ( * )

658,12

Ecologie, développement et aménagement durables

Total

689,96

Sources : projet annuels de performances 2011 des missions « Culture » et « Ecologie, développement et aménagement durables »


* 8 Mécanisme de solidarité entre régimes, mis en place en 1974 (compensation généralisée) et complété en 1984 (compensation spécifique vieillesse entre les seuls régimes spéciaux) visant à compenser entre régimes les écarts de nature essentiellement démographique.

* 9 Il s'agit des congés de fin d'activité et des compléments de retraite dans le secteur du transport routier ainsi que des pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'Outre-mer.

* 10 Lors de son audition par votre commission des finances, le 3 juillet 2008, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement des comptes pour 2007, Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a mis en lumière la faible valorisation du patrimoine de la caisse des mines. A titre d'exemple, il a indiqué que le loyer perçu pour l'hôtel « Prince de Galles » s'élevait à quelques millions d'euros seulement et a souhaité que les ventes régulières de patrimoine effectuées par la caisse des mines tendent vers un objectif de cession de 70 millions d'euros par an.

* 11 En 2006, le patrimoine de la caisse des mines était évalué à plus de 600 millions d'euros. Dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, le Gouvernement estimait ce patrimoine à un milliard d'euros. En 2008, l'hôtel Prince de Galle a été cédé pour un montant de 141 millions d'euros.

* 12 Les caisses de retraite de l'Opéra de Paris et de la Comédie française regroupent 2 151 cotisants pour 2 006 pensionnés.

* 13 Ces prestations sociales et de retraite sont gérées par l'agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), pour un montant de 632,3 millions d'euros, et par la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), pour un montant de 25,82 millions d'euros. Ces sommes sont financées par l'Etat, à partir des crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».