M. Michel Sergent, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

• Le transfert du programme de soutien de la présente mission au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pose un problème de principe, ce choix d'un programme de soutien unique relevant davantage d'une vision administrative que de la logique qui a présidé à la mise en place de missions par la loi organique relative aux lois de finances ( LOLF ). En outre, ce transfert vide la mission d'une grande partie de sa substance (la moitié de ses crédits et la totalité de ses emplois).

• Les dépenses fiscales dont l'objet principal contribue à la mission, et qui lui sont rattachées à ce titre, représentent un montant très significatif : 1 596 millions d'euros, soit 3,8 fois les crédits de paiement de la mission . L'efficacité de ces dépenses doit être évaluée, notamment les réductions d'impôts au titre des dons.

• Considéré de manière globale, l'effort financier de l'Etat en faveur du sport diminue de 3 % , ce qui est difficile pour la plupart des acteurs mais n'apparaît pas complètement anormal en période de restriction budgétaire.

• Aucune fraction des économies réalisées du fait de la suppression du droit à l'image collective (DIC) ne se retrouve dans le budget 2011 pour financer d'autres actions , alors même que de nouveaux besoins sont apparus, comme le financement de la part de l'Etat dans la construction ou la rénovation de stades de football aptes à accueillir l'Euro 2016, dont la France a obtenu l'organisation.

• Le Gouvernement devra préciser, lors du débat en séance publique, le niveau de la dette de l'Etat à l'égard de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) au titre du DIC à la fin 2010.

• Confier au CNDS le financement de la part de l'Etat au plan de construction ou de rénovation de stades de football aptes à accueillir l'Euro 2016 s'apparente à une opération de débudgétisation. Afin de poser clairement le problème, votre rapporteur spécial propose un amendement symbolique abondant de 2 millions d'euros les crédits du programme afin de contribuer au financement de cette opération.

• La baisse des crédits affectés à la pénalité à verser par l'Etat au consortium gestionnaire du Stade de France au titre de l'absence de club résident, qui passe de 7,5 millions d'euros à 5 millions d'euros, devra être expliquée lors de la séance publique.

• L'évolution des crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative » poursuit l'ambition affichée depuis un an , ce que traduit la nouvelle augmentation substantielle de ses crédits (+ 10 % à périmètre constant).

• Au vu du rythme de démarrage du service civique, la pertinence des crédits demandés à ce titre pose cependant problème . En conséquence, une fraction modique des crédits affectés, en 2011, à l'Agence pour le service civique (ASC), fournira le gage de l'amendement destiné à poser le principe du financement des stades de l'Euro 2016 .

• A moyen terme, l'objectif d'intégrer 10 % d'une classe d'âge, soit 75 000 jeunes, ne paraît pas réaliste et ne trouve, en tout cas, aucune traduction dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 .

• Il est nécessaire de préciser ce que deviendront les expérimentations menées sous l'égide du Fonds d'expérimentations jeunesse (FEJ) .

• La nouvelle coupe effectuée dans les crédits inscrits au titre des postes du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (FONJEP) et des projets éducatifs locaux risque de mettre en difficulté des actions très utiles pour la vie associative locale.

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2010.

A cette date, votre rapporteur spécial avait reçu 67 % des réponses attendues concernant la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

I. PRÉSENTATION DE LA MISSION

A. UNE MISSION RÉDUITE À LA PORTION CONGRUE

1. La suppression du programme de soutien

Le changement le plus conséquent du présent projet de loi de finances concerne la suppression du programme 210 « Conduite et pilotage de la politique du sport, de la jeunesse et de la vie associative » .

En effet, ce programme est fusionné au sein du programme 124, figurant dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et y prend l'appellation « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative ».

Dans sa réponse au questionnaire budgétaire, le Gouvernement justifie cette évolution en expliquant que cette mutualisation de moyens au sein d'un programme-support unique aux ministères sociaux vise avant tout à une gestion plus économe dans un contexte budgétaire fortement contraint et permet également une simplification des procédures ainsi qu'une meilleure utilisation des ressources humaines. Il ajoute que les moyens budgétaires en personnels affectés à la politique du sport et à celle de la jeunesse et de la vie associative seront clairement identifiés au sein d'actions distinctes.

Votre rapporteur spécial prend acte de ces explications et ne souhaite pas anticiper ce que pourront en dire nos collègues Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Néanmoins, il tient à formuler deux remarques au sujet de cet important transfert :

- d'une part, sur le plan des principes, cette construction d'un programme de soutien unique relève davantage d'une vision administrative et de respect des périmètres ministériels (pouvant d'ailleurs être remis en cause à l'occasion d'un changement de gouvernement) que de la logique de mission propre à la loi organique relative aux lois de finances ( LOLF ) ;

- d'autre part, sur un plan pratique, ce changement aboutit à vider la mission d'une grande partie de sa substance , plus précisément de la moitié de ses crédits et de la totalité de ses emplois .

Dans un tel format, la pertinence même du maintien de la mission , qui représente pourtant une véritable politique publique et possède donc sa légitimité, est posée .

2. La structuration en programmes

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » ne conserve donc plus que deux programmes :

- le programme 219 : « Sport » ;

- et le programme 163 : « Jeunesse et vie associative ».

Par rapport à la maquette de l'année dernière, les quelques changements à signaler concernent le libellé des actions du programme 163 . Ainsi :

- l'action 1 « Développement de la vie associative et promotion de l'engagement citoyen » s'intitulera désormais « Développement de la vie associative » ;

- l'action 2 « Promotion des actions et expérimentations en faveur de la jeunesse » s'intitulera « Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire » ;

- quant à l'action 3 « Promotion des actions en faveur de l'éducation populaire et des métiers de l'animation », elle portera le libellé « Actions particulières en direction de la jeunesse ».

3. Les autres changements de périmètre

Selon les éléments transmis par le Gouvernement, des modifications de périmètre sont opérées dans le cadre du présent projet de loi de finances entre le nouveau programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » et le programme 219 « Sport ».

Il s'agit, à l'instar de ce qui avait été opéré pour l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) en 2010, de conférer à l'école nationale de ski et d'alpinisme (ENSA) ainsi qu'à l'école nationale de voile et des sports nautiques (ENVSN) une autonomie de gestion nouvelle et une responsabilité supplémentaire par un transfert de leur masse salariale vers le programme 219, qui la reverse à chacun des deux établissements en l'intégrant à leur subvention pour charge de service public.

Ce transfert correspond à 168 emplois en équivalent temps plein travaillés (ETPT) dont 108 pour l'ENSA (6,1 millions d'euros) et 60 pour l'ENVS (3,4 millions d'euros).

En conséquence, les crédits de formation professionnelle continue des agents de ces écoles nationales, de l'INSEP et des CREPS, ainsi que les moyens relatifs aux frais de déplacement des personnels de direction sont également transférés selon la même procédure. Le total des crédits ainsi transférés entre le programme 124 et le programme 219 s'élève à 10,9 millions d'euros .

Enfin, une mesure de périmètre relative à la taxe sur les salaires des agents de l'ENSA et de l'ENVS a également été opérée en faveur du programme 219, à hauteur de 0,5 million d'euros pour 2011.

B. LES CRÉDITS, FONDS DE CONCOURS, DÉPENSES FISCALES ET PLAFONDS D'EMPLOIS DE LA MISSION

1. Les crédits (- 6,3 %), les fonds de concours et le Centre national pour le développement du sport (CNDS)

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une dotation pour la mission de 409,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 420,9 millions d'euros de crédits de paiement (CP) . A périmètre constant, les CP de la mission sont en baisse de 6,3 % par rapport à 2010 .

Ce pourcentage résulte de la conjonction de deux évolutions fortes et opposées, déjà constatée en 2010 : la diminution importante des crédits du programme « Sport » (- 19,1 %) et l'augmentation spectaculaire des crédits du programme « Jeunesse et vie associative » (+ 10 %) .

A ces chiffres, il convient d'ajouter 20,1 millions d'euros de fonds de concours, soit 4,8 % des crédits de paiement de la mission.

En outre et comme cela sera développé ci-après dans le cadre de l'analyse des crédits du programme « Sport », les documents annexés au projet de loi de finances indiquent que les ressources prévisionnelles (extra-budgétaires) de l'établissement public Centre national pour le développement du sport (CNDS) s'élèveront à 247,4 millions d'euros en 2011 contre 238,6 millions d'euros en 2010. Mais de nouvelles charges doivent peser sur cet opérateur, en particulier le financement de la part de l'Etat pour la construction ou la rénovation de grands stades de football dans la perspective de l'Euro 2016. Le Gouvernement vient d'annoncer le principe d'un prélèvement supplémentaire provisoire sur les mises enregistrées par la Française des jeux afin de boucler cette opération, sur laquelle votre rapporteur spécial reviendra dans le cadre de l'examen du programme « Sport ».

2. Les dépenses fiscales : 1 596 millions d'euros, soit 3,8 fois l'ensemble des crédits de paiement

Les dépenses fiscales dont l'objet principal contribue à la mission, et qui lui sont rattachées à ce titre, représentent un montant très significatif. Leur montant est évalué, pour 2011, à 1 596 millions d'euros, soit 3,8 fois l'ensemble des crédits de paiement de la mission .

De plus, ces dépenses fiscales étant presque intégralement affectées au programme « Jeunesse et vie associative », le déséquilibre entre crédits budgétaires et dépenses fiscales est particulièrement marqué au sein de ce programme, dont les crédits de paiement demandés, pour 2011, par le présent projet de loi de finances, s'élèvent à 212,4 millions d'euros.

Les dépenses fiscales (portant sur l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et l'impôt de solidarité sur la fortune) visant à favoriser les dons à certaines structures reconnues d'utilité publiques, comme des associations ou des fondations, ont un volume prépondérant. A elles trois, ces dépenses fiscales représentent un coût évalué à 1 480 millions d'euros en 2011.

Votre rapporteur spécial partage, à titre personnel, le point de vue exprimé par Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives, lors de son audition 1 ( * ) par vos commissions des finances et des affaires sociales, le 19 octobre 2010. Le ministre a expliqué qu'à l'heure où les aides de l'Etat aux associations tendent à se tarir ( cf. ci-après l'analyse du programme 163), le moment n'apparaissait pas opportun pour tarir la source des dons privés.

Pour autant, le poids-même de ces dépenses et le fait qu'elles échappent, cette année, au « rabot » de 10 % sur les niches fiscales, imposent une évaluation sérieuse de leur efficacité , au moins sur deux plans : d'une part, leur effet sur le comportement des donateurs et, d'autre part, la répartition des dons privés entre les associations, certaines structures, très médiatiques, pouvant capter une grande partie de cet avantage.

3. La mission ne compte plus d'emplois

Comme indiqué supra , du fait du transfert du programme 210 vers la mission « Solidarité, intégration et égalité des chances », la présente mission ne rémunérera directement aucun emploi en 2011 .

Pour rappel, le plafond d'effectifs pour 2010 est de 6 401 ETPT.


* 1 Voir le compte-rendu des commissions du Sénat du 23 octobre 2010.