Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale

III. UNE POLITIQUE ENCORE EN CHANTIER

Comme l'a souligné avec constance votre rapporteure spéciale au gré de ses précédents rapports, une politique immobilière digne de ce nom ne peut se borner à la réalisation de ventes patrimoniales , serait-ce dans les meilleures conditions possibles pour les intérêts financiers de l'Etat. Les cessions ne doivent pas constituer un objectif « final », mais seulement l'un des vecteurs d'une gestion cohérente ; le but véritable est la rationalisation des coûts et des implantations . L'état récent du marché immobilier, qui a empêché la réalisation de certaines ventes en 2008 et en 2009, a opportunément mis en relief cette exigence.

Par rapport aux observations portées à l'occasion de l'examen du PLF pour 2010 31 ( * ) , la situation globale n'a que peu changé. Des progrès ont été réalisés, depuis la rénovation de la politique immobilière de l'Etat lancée en 2004-2005, mais les chantiers qui demeurent sont encore majeurs . La doctrine de la gestion immobilière de l'Etat reste en cours de constitution, ses instruments sont élaborés au « fil de l'eau ». Il faut souligner le caractère essentiel que revêt ici la volonté politique , réitérée sur le moyen voire le long terme, tant peuvent se révéler prégnantes les réticences au changement.

Votre rapporteure spéciale, ci-après, dresse en synthèse un état des lieux actualisé des avancées récentes et des perspectives à court terme, en ce qui concerne d'abord les mesures qui participent de la « refondation » de cette gestion, celles qui tendent à élargir son périmètre d'application ensuite.

A. UNE « REFONDATION » DE LA GESTION IMMOBILIÈRE DE L'ETAT À MENER À BIEN

Trois mesures sont constitutives d'une véritable « refondation » - une consolidation à partir de bases plus solides - de la gestion, par l'Etat, de son patrimoine immobilier. Chacune, actuellement, attend encore de produire son plein effet.

1. L'amélioration de l'inventaire et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'Etat : un travail toujours actif

Pour assurer une gestion efficace, la connaissance exhaustive du patrimoine en cause est primordiale. Or, dans son rapport de certification des comptes de l'Etat pour 2009, la Cour des comptes a maintenu la réserve substantielle qu'elle avait déjà formulée pour les exercices précédents - 2006, 2007 et 2008 - quant à la qualité de l'inventaire et de la valorisation du parc immobilier .

Comme indiqué plus haut, le patrimoine immobilier a été inscrit dans le bilan de l'Etat, au 31 décembre 2009, pour une valeur de 60,4 milliards d'euros, contre 62,4 milliards d'euro fin 2008 . Sur ce montant, le parc valorisé par France Domaine - qui exclut certains biens spécifiques, les routes et les bâtiments pénitentiaires notamment - représente 48,76 milliards d'euros, contre 53,92 milliards fin 2008. Cette révision à la baisse répercute celle des prix du marché immobilier constatée en 2009, prise en compte lors des évaluations réalisées par les services locaux du Domaine ou, à défaut, lors de l'actualisation. Il convient de noter que cette dernière procédure est actuellement appliquée à 60 % environ du parc immobilier contrôlé par l'Etat et réalisée par l'application de coefficients d'évolution des prix pour chaque département (un pour le bâti et un autre pour le non bâti).

Patrimoine immobilier de l'Etat au 31 décembre 2009

(en millions d'euros)

Administrations

Valeur du parc immobilier

Part du total

Affaires étrangères

5 262,18

8,71 %

Agriculture

529,04

0,88 %

Budget - Economie

5 501,28

9,11 %

Culture

1 741,72

2,88 %

Défense

16 580,24

27,45 %

Ecologie - Equipement (dont BACEA)

3 516,88

5,82 %

Education nationale - Enseignement supérieur

1 579,36

2,61 %

Intérieur - Immigration (dont Gendarmerie)

10 384,66

17,19 %

Justice

11 956,96

19,7 %

Logement

2,50

0,01 %

Premier ministre

927,54

1,54 %

Santé - Sport

62,15

0,10 %

Travail

873,95

1,45 %

Assemblée nationale

560,84

0,93 %

Sénat

207,58

0,34 %

Autres

723,81

1,20 %

Total

60 410,76

100,00 %

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

En la matière, le service France Domaine a travaillé en 2010 dans deux directions : d'une part, l'amélioration et la sécurisation des modalités de valorisation du parc immobilier de l'Etat ; d'autre part, la stabilisation du module immobilier du système d'information « CHORUS » , déployé depuis avril 2009 sur l'ensemble du territoire national, pour l'ensemble des ministères, et reprenant les anciennes applications du Tableau général des propriétés de l'Etat (TGPE). Plusieurs actions ont été entreprises à ce titre :

- la refonte de la liste des pièces justificatives devant être produites dans les différents cas de mise à jour de l'inventaire ;

- la création d'un groupe de travail sur les modalités de détermination des coefficients départementaux d'évolution des prix de l'immobilier ;

- la modélisation dans l'application immobilière de CHORUS des routes et établissements pénitentiaires.

Il a également été tenu compte des difficultés d'appropriation de cette application par les agents. En vue de prévenir le risque d'une mise en oeuvre hétérogène des procédures, la note de campagne d'évaluation pour l'année 2010, diffusée en juillet dernier, revient largement sur la nouvelle organisation, et les dispositifs d'accompagnement (dont la formation du personnel encadrant) et de contrôle (avec la mise en place d'une cellule ad hoc par France Domaine) ont été renforcés.

Enfin, dans le but de fiabiliser les données, France Domaine entend lancer un marché d'assistance pour analyser la situation, identifier les anomalies et les actions à mener par chaque acteur, déterminer une stratégie en fonction des priorités qui seront définies, et suivre les corrections dont la mise en oeuvre est prévue pour s'étaler sur plusieurs années.

L'efficacité de l'ensemble de ces efforts devra être appréciée à l'aune des observations de la Cour de comptes dans son rapport de certification des comptes de l'Etat pour 2010.

2. La substitution de « conventions d'utilisation » au régime de l'affectation : une mise en place difficile

Un des principaux obstacles à la mise en oeuvre d'une gestion efficace du patrimoine immobilier de l'Etat semble résider dans la persistance de l' habitude des administrations à se comporter en « quasi-propriétaires » , bien qu'elles ne soient qu'affectataires des immeubles qu'elles occupent. Pour porter remède à cette situation, conformément aux orientations du conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 12 décembre 2007, le décret n° 2008-1248 du 1 er décembre 2008 relatif à l'utilisation des immeubles domaniaux par l'Etat et ses établissements publics, précisé par deux circulaires du Premier ministre en date du 16 janvier 2009 (l'une adressée aux ministre, l'autre aux préfets), a procédé à l' abrogation des régimes de l'affectation aux services de l'Etat et de l'attribution à titre de dotation au profit des établissements publics, pour leur substituer un régime, nouveau, de « conventions d'utilisation » .

Par ces conventions, l'Etat, en tant que propriétaire, peut mettre à la disposition des administrations des immeubles domaniaux. Conclue pour une durée déterminée, conçue sur le modèle des baux privés mais prenant en compte les contraintes inhérentes aux missions de service public, chaque convention doit formaliser les engagements pris de part et d'autre . Elle fixe des objectifs de performance immobilière, sert de support aux loyers budgétaires et à la mise en oeuvre de la politique d'entretien des bâtiments de l'Etat, et doit permettre de s'assurer, à échéances régulières, de l'utilisation rationnelle des surfaces de bureaux.

Juridiquement, le service France Domaine est tenu d'avoir conclu l'ensemble des conventions d'ici la fin 2013 , la priorité étant donnée aux immeubles de bureaux ; les arrêtés d'affectation et de remise en dotation continuent de produire leurs effets dans l'intervalle. Le nombre de biens soumis à convention est estimé à 60 000 . Pour atteindre l'objectif fixé pour 2013, des sous-objectifs ont été arrêtés, comme suit :

- fin 2010 : 3 000 conventions signées ;

- fin 2011 : 15 000 (soit 25 % de la cible) ;

- fin 2012 : 40 000 (soit 67 % de la cible) ;

- fin 2013 : 60 000 (100 %).

D'après les informations transmises à votre rapporteure spéciale, au 30 juin 2010 seules 225 conventions d'occupation avaient été signées, sur 1 201 projets envoyés aux administrations occupantes , dont, en ce qui concerne les services centraux, deux conventions avec le ministère de la culture et deux avec celui de la justice. En effet, après que le déploiement du dispositif eut été retardé, en 2009, du fait du délai de publication du modèle de convention et de l'engagement d'autres chantiers en parallèle, la mise en place rencontre à présent des difficultés liées à la collecte auprès des occupants des renseignements nécessaires à l'établissement des conventions (quelque 2 652 demandes ont été formulées par les services locaux du Domaine), et se heurte à la réticence des services ministériels, qui souhaiteraient bénéficier d'adaptations.

De toute évidence, face à certaines situations d'inertie, le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat devra rappeler les administrations à leur devoir d'appliquer le décret du 1 er décembre 2008.

3. La mutualisation de l'emploi des produits de cessions immobilières : une règle à généraliser

Un facteur important du maintien de réflexes de « quasi-propriétaire » dont peuvent témoigner les ministères réside dans le régime d'intéressement aux cessions immobilières qui a été aménagé, par le Gouvernement, afin de les inciter à la réalisation de ces ventes. Les ministères, en effet, bénéficient d'un droit de « retour » , sur le produit des cessions dont ils ont l'initiative, en vue de financer les opérations de relogement de leurs services ou des dépenses immobilières d'investissement.

Fixé en 2004, en principe, à hauteur de 85 % des recettes constatées, le taux de ce « retour » a été abaissé, par les circulaires précitées du Premier ministre du 16 janvier 2009, à 65 % afin de dégager, à compter de 2009, une réserve interministérielle de crédits à hauteur de 20 % . Cette mutualisation est destinée à fournir la capacité de financer des projets, cohérents avec la stratégie de gestion performante du patrimoine immobilier de l'Etat, que les ministères, individuellement, ne trouveraient pas les moyens de soutenir - notamment les ministères qui, ne disposant pas d'un vaste parc immobilier, ne peuvent procéder à un niveau de cessions suffisant pour dégager les crédits nécessaires à ces opérations. Cependant, en ce qui concerne les services déconcentrés compris dans le champ d'application de la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE , qui a donné lieu à la mise en place de directions régionales et départementales interministérielles 32 ( * ) ), 85 % des produits sont mutualisés 33 ( * ) .

Il convient de rappeler ici que les 15 % de produits restant sont affectés au désendettement de l'Etat , conformément aux dispositions législatives en vigueur 34 ( * ) . Par dérogation, les produits de cession du ministère de la défense et des biens situés à l'étranger, exonérés de contribution au désendettement, ne sont pas non plus assujettis à la règle de mutualisation : ces produits sont intégralement reversés aux ministères cédants.

La mutualisation partielle des ressources issues des cessions immobilières de l'Etat a constitué un « premier pas » dans la bonne direction, qui est celle de la reconnaissance d'un « Etat propriétaire » unique. La mesure reste encore très limitée, puisqu'elle ne concerne ni les cessions du ministère de la défense ni celles d'immeubles situés à l'étranger et que, lorsqu'elle s'exerce, ce n'est, sauf le cas de la RéATE, qu'à hauteur de 20 % des produits. Cependant, l'intensification de la contribution au désendettement de l'Etat des recettes de cessions immobilières, annoncée par le Gouvernement ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, imposera nécessairement, du moins en ce qui concerne le régime de droit commun, la révision du dispositif.

Pour votre rapporteure spéciale, c'est l'occasion de mettre fin à des mécanismes d'intéressement aux cessions qui ne se justifiaient, à titre d'incitation des ministères à vendre, que dans les premiers temps de la rationalisation du patrimoine immobilier de l'Etat. En effet, la consécration de « l'Etat propriétaire » passe par la mutualisation interministérielle complète des recettes patrimoniales de celui-ci . Cette mesure permettra seule au service France Domaine de piloter les opérations immobilières de ministères qui, aujourd'hui, au-delà des contrôles de conformité aux critères de performance auxquels ils sont assujettis, se révèlent pratiquement souverains sur des budgets d'investissement établis à partir des produits de « leurs » cessions. Votre rapporteure spéciale souligne que la mutualisation intégrale qu'elle préconise ainsi ne doit pas être exploitée aux fins d'économies qui mettraient en cause le bon fonctionnement des services, mais bien dans le but de mener convenablement les opérations immobilières qui s'imposent.

Le cas échéant, l'intéressement des ministères à la rationalisation des moyens immobiliers mis à leur disposition doit désormais changer de niveau, et ne plus s'opérer sur le plan des cessions mais sur celui des conditions de leur occupation , par des mesures incitatives à une gestion optimale 35 ( * ) .

B. L'ÉLARGISSEMENT À POURSUIVRE DU CHAMP D'APPLICATION DE CETTE GESTION RÉNOVÉE

La politique immobilière de l'Etat, en cours de rénovation depuis une demi-dizaine d'années, s'est constituée à partir d'un champ d'application restreint, du point de vue institutionnel, aux administrations centrales et, du point de vue opérationnel, à la rationalisation du patrimoine. Le dépassement de cette double limite est en cours, depuis environ deux ans : l'élargissement se fait, d'un côté, au bénéfice de l'ensemble des services déconcentrés et des opérateurs de l'Etat et, de l'autre côté, en faveur de l'entretien des bâtiments et de la gestion des baux.

1. L'extension institutionnelle
a) Les services déconcentrés

Le dispositif des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) , documents qui décrivent les diagnostics et orientations stratégiques de chaque ministère, effectif pour les administrations centrales, a été mis en oeuvre pour les services déconcentrés , en 2008 dans 25 départements « pilotes », comprenant dix des plus grandes agglomérations (soit un parc de plus de 3 300 bâtiments) et en 2009 pour l'ensemble du territoire .

La réalisation de ces SPSI se fait en deux étapes : d'abord une phase de diagnostic, qui vise à établir un état des lieux complet des bâtiments et des conditions de leur occupation, puis une phase d'élaboration de la stratégie d'évolution du parc immobilier, souvent à partir de plusieurs scénarios. D'après les informations transmises à votre rapporteure spéciale, la généralisation devrait être achevée avant la fin de l'année 2010 : au 25 juillet 2010, France Domaine avait déjà recensé un projet de SPSI pour 96 départements et, à ce jour, près de la moitié de ces documents a été présentée et en partie validée par les comités administratifs régionaux, placés sous l'autorité des préfets (représentants locaux de « l'Etat propriétaire »).

Dans le cadre de la RéATE, les schémas ont commencé à traduire sur le plan immobilier la création des nouvelles directions régionales et départementales interministérielles. Ils doivent en outre faire apparaître les axes de rationalisation de l'occupation des surfaces, l'optimisation économique et l'amélioration environnementale.

L'impact immobilier de la réforme de l'administration territoriale de l'Etat

Fin août 2010, les projets immobiliers inscrits dans le cadre de la RéATE des administrations déconcentrées de 90 départements avaient fait l'objet d'une validation par le Secrétariat général du Gouvernement. Un premier bilan laisse attendre des opérations ainsi prévues :

- la diminution d'un tiers du nombre de sites occupés, qui serait à terme de 1 394 immeubles contre 2 146 aujourd'hui ;

- la diminution d'environ 297 000 m2 de surface utile nette (SUN) occupée par l'Etat, soit environ 500 000 m² de surface utile brute ;

- la baisse du ratio moyen d'occupation par poste de travail, passant de 18,1 m² à 15,3 m² de SUN ;

- une économie de loyers de près de 10 millions d'euros.

Ces chiffres devront être actualisés après la validation, programmée entre la fin de l'année 2010 et le début de 2011, des projets encore en cours d'examen pour les administrations de six départements (Alpes-de-Haute-Provence, Gard, Landes, Loir-et-Cher, Paris et Pyrénées-Orientales).

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

De la même manière, les loyers budgétaires , après une expérimentation en 2006 pour trois ministères (économie et finances, affaires étrangères, justice) et leur application en 2007 à toutes les administrations centrales, ont été étendus en 2008 aux services déconcentrés présents dans 29 départements incluant les dix agglomérations principales puis, en 2009, à l'ensemble du territoire métropolitain, enfin en 2010 à la totalité des immeubles domaniaux de bureaux, y compris les immeubles situés outre-mer et à l'étranger . Cette généralisation tend notamment à introduire un raisonnement économique pour les administrations, en les amenant à prendre en compte le coût de leur occupation immobilière et, le cas échéant, à envisager les arbitrages d'implantation opportuns.

En outre, au terme de l'évolution organisée en ce sens ces dernières années 36 ( * ) , les loyers budgétaires sont désormais indexés sur les prix du marché locatif des activités tertiaires . Ainsi, la LFI pour 2010 a prévu près de 1,13 milliard d'euros de crédits pour ces loyers, contre 675 millions en 2009 : cette dotation a constitué la dernière mesure d'accroissement du périmètre des crédits de fonctionnement des administrations au titre des loyers budgétaires, compte tenu des nouveaux immeubles soumis au dispositif cette année. Pour 2011 , le présent PLF maintient le même montant, assorti d'une indexation de 2,7 % .

Le cas particulier des immeubles de l'Etat situés à l'étranger :
la lente avancée vers une agence de gestion ad hoc

Le comité de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 4 avril 2008 a décidé la mise en place d'une « agence de gestion des immeubles publics à l'étranger » (AGIME), établissement destiné à améliorer et rationaliser la gestion du parc immobilier de l'Etat situé à l'étranger, pour l'ensemble des ministères utilisateurs. Ce parc a été évalué à environ 4 milliards d'euros et représente le dixième des biens immobiliers utilisés par l'Etat.

Au cours de l'année 2009, un groupe de travail « préfigurateur », associant le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, a proposé une expérimentation sur quelques pays. Il a également proposé de retenir le principe d'une mise à disposition des biens de l'Etat à la future agence sur le fondement d'un bail emphytéotique.

L'AGIME relèvera de la catégorie des établissements publics concourant à l'action extérieure de l'Etat, créée par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat. Elle doit être créée par un décret en Conseil d'Etat qui en précisera les missions et les modalités d'organisation et de fonctionnement. L'élaboration de ce décret est en cours.

Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

b) Les opérateurs

Les opérateurs de l'Etat ont été intégrés à sa politique immobilière à partir de 2009 et d'une manière encore « balbutiante ». Les conditions dans lesquelles l'ancien immeuble de l'Imprimerie nationale a été cédé, en 2003, avant d'être racheté par l'Etat, dans des conditions peu profitables, en 2007 37 ( * ) , avaient en effet montré la nécessité de cette prise en compte, sur le modèle du plafonnement annuel en LFI, à compter de 2009, des autorisations d'emplois des opérateurs 38 ( * ) . Votre rapporteure spéciale appuie les mesures prises en la matière, qui tendent à mettre en oeuvre une politique immobilière globale de l'Etat .

Lancé dès 2006, ce chantier n'avait pas rencontré la mobilisation souhaitable. De fait, fin décembre 2008, le ministre chargé du budget a rappelé les quelque 643 opérateurs de l'Etat au sens de la LOLF 39 ( * ) à leur devoir de procéder au recensement du parc immobilier qu'ils occupaient, en vue de produire un inventaire physique de ce parc au 31 mars 2009 et un SPSI pour la fin du premier semestre 2010.

En ce qui concerne l'inventaire, un premier bilan a conduit au décompte d' environ 4 millions de mètres carrés de bureaux et 11 millions d'hectares de terrains . L'analyse révèle que ce parc, du point de vue du nombre d'actifs, appartient majoritairement à l'Etat. Le recensement se poursuit actuellement , tant pour les organismes qui ont reçu la qualification d'opérateur de l'Etat en 2010 que pour ceux dont l'inventaire requiert des précisions et un travail de fiabilisation technique et juridique. En février 2010, le parc immobilier de 543 opérateurs métropolitains a été évalué, pour un montant de 42 milliards d'euros . Une nouvelle campagne d'évaluation visera, fin 2010, les opérateurs situés outre-mer et à l'étranger , ainsi que ceux qui ont été nouvellement identifiés comme tels en 2010 ; les résultats sont attendus pour la fin du premier semestre 2011.

En ce qui concerne les SPSI, seuls 45 % des projets escomptés des opérateurs pour le 30 juin 2010 sont parvenus, à ce jour, au service France Domaine . Des relances ont été engagées auprès des organismes retardataires. Chaque projet doit faire l'objet d'un avis de France Domaine et du ministère de tutelle avant d'être soumis, pour approbation, au conseil d'administration de l'opérateur.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d'introduire des loyers, à compter du 1 er janvier 2012, pour les biens immobiliers appartenant à l'Etat qui sont occupés par ses opérateurs , selon des modalités à définir.

2. L'extension opérationnelle
a) L'entretien des bâtiments

La LFI pour 2009 a créé un programme « Entretien des bâtiments de l'Etat » (n° 309), dont l'objet est de retracer les dépenses d'entretien « lourd » : celles qui, dans le droit civil, seraient à la charge du propriétaire, par opposition au locataire (électricité, chauffage, ventilation, réseau d'eau, appareils élévateurs, sécurité incendie... - y compris la remise en état et en conformité, notamment dans le cadre des objectifs du « Grenelle de l'environnement » en son volet « Etat exemplaire 40 ( * ) »). Rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et placé sous la responsabilité du chef du service France Domaine, ce programme constitue le premier support budgétaire de suivi centralisé d'un autre aspect de la gestion immobilière de l'Etat que les cessions, dont l'affectation des produits est retracée par la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

Pour mémoire, un tel outil constituait une demande récurrente de la part de votre commission des finances, afin de retracer sur une seule ligne budgétaire, plus clairement que dans les divers programmes ministériels, la charge d'entretien incombant à l'Etat en tant que propriétaire . Il tend d'ailleurs utilement à « sanctuariser » des crédits pour l'entretien nécessaire, parfois urgent, que les ministères, sans cette contrainte, auraient pu être tentés de différer.

Le programme se trouve en principe alimenté par des crédits soustraits aux programmes supportant une charge de loyers budgétaires, pour chaque ministère en proportion du montant de loyers dont il est redevable. La contribution a ainsi été fixée à 12 % des loyers dans la LFI pour 2009 , soit au total 76,9 millions d'euros en AE et CP, mais ces crédits ont été abondés par la LFR du 4 février 2009, dans le cadre du plan de relance de l'économie , à hauteur de 245,4 millions d'euros en AE et de 193,7 millions en CP. Cependant, sur le total de ces crédits, seuls 233,7 millions d'euros en AE et 109,2 millions en CP ont été consommés par l'exécution , soit 72 % des AE et 56 % des CP. La mise en oeuvre déconcentrée du programme explique sans doute l'essentiel de cette sous-consommation , les services ayant dû se familiariser avec le nouveau dispositif et, sur le fond, lancer la réalisation des audits énergétiques requis au titre du « Grenelle de l'environnement », ainsi que d'audits « bâtimentaires » et relatifs à l'accessibilité.

La dotation du programme a été portée à 16 % des loyers budgétaires en LFI pour 2010, soit 169 millions d'euros en AE et CP ; elle est fixée par le présent PLF à hauteur de 20 % de ces loyers prévus pour 2011, soit 215 millions d'euros en AE et CP. Il convient toutefois de souligner que ces crédits demeurent très insuffisants pour couvrir les besoins réels en travaux d'entretien lourd que l'Etat devra assumer dans les prochaines années , compte tenu notamment des besoins identifiés à l'occasion des audits précités (dont l'achèvement est prévu début 2011). L'enjeu pour les finances publiques est d'optimiser les coûts en orientant la dépense vers l'entretien préventif , alors que les administrations limitent aujourd'hui leurs dépenses, pour l'essentiel, à l'entretien « curatif ».

Par ailleurs, la mesure des performances du programme, déclinée en trois objectifs, se borne à trois indicateurs d'activité . En outre, les modalités de calcul de ces derniers, pour 2009, a rendu incertaines les réalisations du programme lors de sa première année d'existence 41 ( * ) . C'est sous cette réserve qu'ils sont présentés dans le tableau ci-après ; votre rapporteure spéciale espère que la fiabilisation nécessaire aura été assurée pour l'exercice en cours.

Performances du programme « Entretien des bâtiments de l'Etat »

(en %)

Indicateurs

2009 (réalisation)

2010 (prévision actualisée)

2011

(prévision)

1.1. Pourcentage des dépenses affectées à des opérations préventives

22

25

30

2.1. Pourcentage de réalisation des contrôles réglementaires

30

40

60

3.1. Pourcentage des bâtiments de bureaux de l'Etat ayant fait l'objet d'un audit énergétique

47

100

100

Source : PAP de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » annexé au PLF pour 2011

b) La gestion des baux

Votre rapporteure spéciale, au premier semestre 2009, a mené un contrôle sur pièces et sur place, en application de l'article 57 de la LOLF, sur la gestion par l'Etat des baux qu'il supporte, en Ile-de-France et en particulièrement dans Paris, pour des immeubles de bureaux. Ce contrôle a donné lieu à un rapport d'information 42 ( * ) , établissant notamment la méconnaissance par l'Etat de son parc locatif et le caractère coûteux de celui-ci (près de 190 millions d'euros par an en Ile-de-France), ainsi que la nécessité de mettre en place une gestion active en la matière.

Les dix recommandations principales de votre rapporteure spéciale
pour une meilleure gestion de « l'Etat locataire »

1 .- Mettre en place, au sein du service France Domaine, un véritable « tableau de bord » des baux supportés par l'Etat, rendant possible le réel pilotage d'une gestion fondée sur une doctrine de principe.

2 .- Renégocier de façon systématique les baux de l'Etat les plus coûteux, en mettant à profit les opportunités de marché actuelles selon un calendrier à définir précisément.

3 .- Développer le rôle d'appui et d'accompagnateur de France Domaine auprès des administrations occupant des immeubles pris à bail par l'Etat, en banalisant le recours à ses services et en systématisant ses impulsions en la matière.

4 .- Encadrer les décisions de prise à bail de l'Etat en exigeant une justification de ce choix au regard de la situation, pérenne ou provisoire, des administrations à loger et d'un arbitrage coûts/besoins suffisamment pesé, fondé sur des critères d'implantation et des conditions d'utilisation des immeubles.

5 .- Prévoir, le cas échéant, dans les baux souscrits par l'Etat, une clause de plafonnement de la réévaluation du loyer organisée selon une règle d'indexation.

6 .- Anticiper les fins de bail au moins 18 mois avant l'échéance, afin que l'Etat soit en mesure de choisir entre plusieurs options (renouvellement, modification des clauses, résiliation...).

7 .- Accentuer la prévision relative aux locations dans le cadre du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) de chaque ministère ou opérateur de l'Etat.

8 .- Intégrer les locations dans les compétences de la future agence foncière chargée de la gestion des biens de l'Etat situés à l'étranger.

9 .- Objectiver, par la voie règlementaire, les critères de saisine pour avis du Conseil de l'immobilier de l'Etat, afin d'éviter le soupçon d'instrumentalisation de l'institution.

10 .- Introduire une annexe « immobilière » aux projets de loi de finances initiale, destinée à informer le Parlement sur les acquisitions et les cessions immobilières, mais aussi les prises à bail de l'Etat les plus importantes.

Source : rapport d'information n° 510 (2008-2009)

Pour faire suite à ces observations, dès l'année dernière, le Gouvernement a fait valoir deux séries d'initiatives.


• D'une part, il s'agissait de mesures ponctuelles de réorganisation des conditions d'implantation locatives de certains services.

C'est ainsi notamment que, comme le notait déjà le rapport d'information de votre rapporteure spéciale, le bail pris pour la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT), le Conseil national consultatif d'éthique et le Haut Conseil à l'intégration a été abandonné au 31 décembre 2009, les deux premiers de ces services étant désormais logés dans des immeubles domaniaux occupés par les services du Premier ministre. De même, le bail du secrétariat d'Etat aux sports et celui des services du Médiateur de la République ont été renégociés dans le sens d'une économie pour l'Etat, par rapport à ce qui était initialement prévu pour l'année 2009, de 7,7 millions d'euros et 580 000 euros respectivement.

Il a également été précisé à votre rapporteure spéciale que le ministère de la Justice a proposé un regroupement de ses services centraux, vers un site unique à rechercher, en vue de résilier les baux actuellement supportés pour l'hébergement de ces services. En outre, une lettre du ministre chargé du budget a été adressée au président de la Cour de justice de la République , en vue de trouver une solution au coût excessif du bail de cette institution ; cette recommandation, toutefois, semble être restée sans suite à ce jour.


• D'autre part, des mesures « structurantes » ont été prises pour la gestion du parc locatif de l'Etat.

En premier lieu, il a été décidé de lancer une expérimentation dans une trentaine de départements , les plus significatifs en termes de prises à bail d'immeubles à usage de bureaux (les départements de la région Ile-de-France et les départements chefs lieux de région). Cette expérimentation tend à la confection d'un « tableau de bord » des baux en cause et à la définition d' orientations générales pour le suivi de ces derniers et leur négociation en tant que de besoin.

En deuxième lieu, un marché de renégociation des baux de l'Etat en Ile-de-France a été lancé, dont les cinq lots ont été attribués à cinq prestataires différents fin septembre 2009. L'opération doit permettre de réduire le montant des loyers acquittés par les administrations auprès du secteur privé. Toutes opérations confondues, aujourd'hui, le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat met en avant une économie globale de 36,5 millions d'euros par an .

En dernier lieu, des normes commencent à être fixées pour encadrer les baux qui seront contractés, dans l'avenir, par les services de l'Etat . Ainsi, en Ile-de-France, les loyers supportés par ce dernier ne pourront plus dépasser 400 euros/m² (hors taxes, hors charges). En ce qui concerne les autres agglomérations, il reviendra au CIE de donner son avis sur les propositions que devrait lui transmettre, d'ici la fin de l'année, le ministère chargé du budget.

Votre rapporteure spéciale approuve ces orientations. Cependant, elle se réserve de demander au Gouvernement, en 2011, un compte rendu de l'ensemble des mesures de suivi qu'il aura données à ses recommandations en faveur d'une meilleure gestion de « l'Etat locataire », et déplore que la réponse à la question qu'elle a formulée, sur ce sujet, en vue de l'examen du présent PLF, sur le fondement de l'article 49 de la LOLF, ne lui ait pas été communiquée à la date de la rédaction du présent rapport.


* 31 Cf . le rapport précité n° 101 (2009-2010), tome III, annexe 14.

* 32 Pour mémoire, les ministères de la défense et de la justice, ainsi que la DGFiP du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, engagés dans leurs propres réformes d'implantation territoriale (respectivement le nouveau plan de stationnement des forces militaires, la révision de la carte judiciaire et l'unification des réseaux des anciennes direction générale des impôts [DGI] et direction générale de la comptabilité publique [DGCP]), ne sont pas inclus dans le champ d'application de la RéATE. Sur l'impact immobilier attendu de celle-ci, voir l'encadré infra .

* 33 Par ailleurs, en 2009, la différence de taux de retour des produits qui existait, jusqu'alors, en fonction du caractère occupé ou inoccupé des immeubles vendus a été abandonnée.

* 34 Cf. supra , I.

* 35 Un récent projet de circulaire aux préfets du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, présenté au CIE, va dans ce sens en détaillant les mesures d'ajustement financier prévues, dès janvier 2009, par les circulaires précitées du Premier ministre en cas de carence des administrations dans l'optimisation de leur occupation domaniale. Ces mesures prendraient la forme d'une majoration de loyer budgétaire sans attribution de crédits de fonctionnement supplémentaires.

* 36 Voir les rappels du rapport précité n° 99 (2008-2009), tome III, annexe 12.

* 37 Cf . le rapport d'information n° 37 (2007-2008) de notre ancien collègue Paul Girod et de nos collègues Bernard Angels, Marie-France Beaufils et Adrien Gouteyron. On rappelle que l'Imprimerie nationale a cédé son immeuble au prix total de 93 millions d'euros (complément de prix inclus), alors que l'Etat l'a racheté au prix de 325 millions d'euros.

* 38 Article 64 de la LFI pour 2008.

* 39 Nombre retenu par l'annexe « Opérateurs de l'Etat » jointe au PLF pour 2010 ; ils étaient 655 dans la LFI pour 2009.

* 40 Réduction de 40 % de la consommation d'énergie des bâtiments de l'Etat à l'horizon de huit ans et réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 %.

* 41 Pour mémoire, les résultats enregistrés pour 2009 ont été analysés par votre rapporteure spéciale dans sa contribution au rapport précité n° 587 (2009-2010), tome II.

* 42 Rapport d'information n° 510 (2008-2009) : « "l'Etat locataire" : une gestion à bâtir ».