ARTICLE  2 BIS (NOUVEAU) : INDEXATION DE LA PRIME POUR L'EMPLOI SUR LA REVALORISATION ANNUELLE DU BARÈME DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU 18 NOVEMBRE 2011)

Mme la présidente. L'amendement n° I-112, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le IV de l'article 200 sexies du code général des impôts, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV. bis. - Les montants prévus aux I, II, III et IV sont actualisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondis à la dizaine d'euros la plus proche. »

II. - Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû au titre de l'année 2011.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Lors de la loi de finances pour 2008, le Gouvernement avait proposé une mesure d'indexation de la prime pour l'emploi, la PPE, en fonction de l'inflation sur l'année 2007. En 2008, l'inflation fut forte - 2,8 % en moyenne -, mais, pour 2009, 2010 et 2011, le barème de la PPE a été gelé. Cela signifie que le salaire de référence pour en bénéficier et le montant attribué ne progressent plus.

Alors que 9,1 millions de foyers bénéficiaient de la PPE en 2005, ils n'étaient plus que 7,7 millions en 2010. De même, alors que le montant moyen de PPE distribué était de 502 euros en 2008, il n'a été que de 470 euros en 2010. Il n'est pas acceptable que le nombre de bénéficiaires de la PPE diminue en même temps que le montant de prime perçu, alors que la situation de l'emploi s'aggrave.

Or cette prime constitue une réelle incitation à la reprise d'un emploi : elle représente un outil de soutien à l'emploi et au pouvoir d'achat pour les faibles revenus.

Compte tenu du coût total de la prime, qui s'est élevé à 3,6 milliards d'euros l'an dernier, le coût d'une mesure d'indexation devrait être bien moindre que celui de la mesure visant les heures supplémentaires dans le cadre du paquet fiscal, soit 4 milliards d'euros. Contrairement à cette destruction d'emplois opérée sur fonds publics, la mesure ici proposée permettrait de soutenir le pouvoir d'achat, tout en incitant à la reprise d'emploi.

Il convient donc d'indexer automatiquement les seuils et les barèmes de la prime pour l'emploi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les auteurs de cet amendement souhaitent réintroduire une revalorisation annuelle de la prime pour l'emploi suivant la même évolution que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Il a donc bien sa place en première partie.

En gelant la prime pour l'emploi, le Gouvernement a réalisé une économie substantielle, qui ne touche pas les foyers les plus aisés.

Depuis l'introduction du RSA, la PPE a, il est vrai, perdu en lisibilité. Elle s'est quelque peu écartée de son objectif originel, qui était de soutenir le retour à l'emploi. Néanmoins, il s'agit d'une mesure de soutien aux populations les plus modestes.

Je suis favorable au dégel de cette prime pour l'emploi,...

M. Roger Karoutchi. On ne sait même pas ce qu'on veut en faire !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. ... parce que, au moment où elle a été gelée, le Gouvernement dégelait, si j'ose dire, l'indexation du barème de l'ISF. Ce serait une mesure de justice par rapport à ce qui a été fait pour l'impôt sur la fortune.

J'émets donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Outre que le coût de cet amendement est de 275 millions d'euros - mais ce n'est pas le problème financier qui nous arrête -, nous avons, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, créé un dispositif beaucoup plus puissant de réinsertion par le travail, le revenu de solidarité active, ou RSA, qui coûte au budget de l'État 2 milliards d'euros.

Néanmoins, nous n'avons pas souhaité retirer le bénéfice de la PPE aux salariés les plus modestes, pour la bonne et simple raison qu'il n'y avait pas recoupement total des deux publics. À l'évidence, le RSA a vocation à se substituer progressivement à la PPE parce que c'est un outil beaucoup plus puissant, nettement plus proche du terrain et qui correspond beaucoup mieux à l'accompagnement de salariés sur la voie de la réinsertion, notamment dans son volet complémentaire, le RSA « activité ».

Nous souhaitons geler le barème de la PPE, et ce n'est pas inéquitable puisque nous gelons aussi celui de l'impôt sur le revenu pour les ménages plus aisés qui acquittent cet impôt.

M. François Marc. Et le barème de l'ISF ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ainsi que le barème de l'ISF ; monsieur Marc, vous avez fait bien de me le faire remarquer !

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances . Au cours des années passées, il nous est arrivé de nous interroger sur l'adéquation de la PPE aux objectifs visés.

On se souvient que ce dispositif était né comme impôt négatif, qu'il s'agissait d'un levier pour favoriser le retour à l'emploi. Or, comme le rappelait Mme Pécresse, la mise en oeuvre progressive du RSA, ainsi que les modifications ayant affecté le dispositif même de la PPE, ont pour conséquence que des appréciations mitigées sont portées sur le tableau actuel.

En réalité, si nous avions accepté, voire souhaité que l'on fige le barème de la PPE, c'est parce que nous n'étions plus suffisamment convaincus de son efficacité. N'est-elle pas trop dispersée, trop largement répartie ? Ne devrait-elle pas, comme certaines études l'ont montré, être davantage concentrée sur certains segments sociaux, c'est-à-dire sur ceux qui ont le plus besoin d'être encouragés à revenir vers l'emploi ?

Ce sont là des questions qui n'ont pas vraiment été traitées. Il est clair qu'elles ne peuvent guère l'être au cours de la séquence 2011-2012, madame la ministre, mais il faudra le faire à l'avenir.

Réévaluer le barème de la prime pour l'emploi ne me paraît pas une bonne mesure, précisément parce que cette prime mérite sans doute d'être réétudiée, focalisée sur les bénéficiaires les plus légitimes et rendue plus efficace.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Lors de l'institution de la prime pour l'emploi, nous étions réservés. Nous le sommes toujours, après son application, car elle n'a pas du tout favorisé le retour à l'emploi, pas plus d'ailleurs que ne le permet le RSA en ce qui concerne les salariés.

En effet, en période de récession économique, il est encore plus difficile d'accompagner le retour à l'emploi, surtout quand le Gouvernement diminue les moyens de Pôle emploi. Nous sommes dans une période plus que complexe.

Aujourd'hui, la part de la PPE reçue par chaque personne est plus faible, de façon non négligeable, alors que la situation économique rend plus que fragile le pouvoir d'achat.

Nous voterons donc la proposition du groupe socialiste, mais en maintenant nos réserves sur ce type de solution, qui n'en est pas une et qui a d'ailleurs plutôt pour effet d'inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président de la commission des finances, permettez-moi de vous citer quelques chiffres : le nombre de bénéficiaires de la PPE n'a fait que diminuer depuis 2005, passant de 9 millions cette année-là à 6,7 millions en 2011. Il n'y a donc pas d'éparpillement.

Je ferai un parallèle, non sans une pointe de malignité, mais faute avouée...

M. Roger Karoutchi. Allons ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ainsi, l'économie que, en gelant la PPE, le Gouvernement a réalisée...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n'est pas le Gouvernement, c'est l'État !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C'est lui qui prend les mesures !

Mme Marie-France Beaufils. Ce sont les choix du Gouvernement !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cette économie, donc, est de 2 milliards d'euros, tandis que l'allégement de l'ISF intervenu il y a quelques mois représente 1,9 milliard d'euros. Si je voulais vraiment être désagréable, je dirais, chers collègues, que vous avez payé cet allégement avec la PPE ; je voulais en tout cas montrer que la droite et la gauche n'agissent pas forcément en faveur des mêmes personnes.

C'est pourquoi je soutiens cet amendement, auquel le groupe socialiste est attaché.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. À la suite des propos de Mme la ministre concernant la situation à laquelle nous souhaitons remédier, je voudrais insister sur un point : les inégalités ne cessent de s'accroître entre les travailleurs modestes et les travailleurs les mieux rémunérés.

Ainsi, sur les dix dernières années, le niveau de vie moyen des 10 % de salariés les plus pauvres a progressé de 13 % et celui des 10 % de salariés les plus aisés a augmenté de 27 %, soit plus du double.

Sans entrer dans le détail, aujourd'hui, le niveau de vie des salariés modestes progresse sensiblement moins vite que celui des salariés les plus aisés.

Dans ces conditions, est-il anormal de vouloir que la PPE, versée aux plus modestes, puisse être revalorisée d'une façon modérée, à hauteur de l'inflation ?

Il n'est pas du tout injuste de procéder ainsi : quand on a conscience de l'écart, voire du fossé qui se creuse entre les salariés, quand on sait que, pour les plus modestes de ces derniers, la réalité est de plus en plus dure, on trouve cet amendement totalement justifié. Par conséquent, je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-112.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Procaccia. Mon intervention se fonde sur l'article 33 du règlement.

Je m'adresse aux représentants ici présents de la majorité, en particulier du groupe socialiste. Chers collègues, à réclamer ainsi des scrutins publics sur chacun des amendements, de qui vous moquez-vous : des sénateurs UMP, et uniquement d'eux, ou aussi des sénateurs communistes qui vous soutiennent, ainsi que des sénateurs qui votent en toute indépendance, quel que soit leur groupe ?

Madame la rapporteure générale, je pense qu'il faudrait que vous vous posiez des questions sur la stratégie de votre groupe, qui consacre toutes ses troupes et toute son énergie, quitte à les épuiser, à l'examen, jusqu'à trois ou cinq heures du matin, de propositions de loi dont la moitié des Français se moquent éperdument,...

M. Jean-Marc Todeschini. C'est vous qui le dites !

Mme Catherine Procaccia. ... mais qui semble considérer que vos propositions sur le projet de loi de finances sont moins importantes. Quant à nous, il n'est pas certain que votre stratégie nous épuise !

Cette semaine, vous avez débattu jusqu'à cinq heures du matin d'une proposition de loi qui devait être examinée en quatre heures ; la semaine dernière, vous avez consacré dix ou onze heures à l'examen d'une autre proposition de loi. Siéger des jours et des nuits entières sur des éléments moins importants que le budget ne semble pas vous déranger !

Alors que vous êtes en train de nous donner des indications très claires sur les orientations que prendrait la fiscalité dans l'hypothèse où les socialistes s'empareraient du pouvoir, je me rends compte que cela ne paraît pas important à la majorité sénatoriale, ce qui me désole.

Pour ma part, j'aimerais que l'on respecte un peu plus les règles. Nous sommes vendredi ; il est prévu que le Sénat siège également demain samedi. Jusqu'à présent, notre assemblée a toujours siégé le vendredi, le samedi et le lundi pour l'examen du PLF, mais nous avancions à un rythme normal ! Est-ce à dire que, désormais, nous allons dépasser les délais et travailler jusqu'à trois heures du matin,...

M. Roger Karoutchi. Voire le dimanche !

Mme Catherine Procaccia. ... tout simplement parce que vous n'êtes que vingt sénateurs présents et que vous ne mobilisez pas les absents ?

Vous avez critiqué la formule « travailler plus pour gagner plus ». Une chose est sûre : le personnel du Sénat contraint au travail de nuit va, par votre faute, travailler plus pour être payé autant !

Mme la présidente. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Procaccia.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame Procaccia, vos propos me surprennent : j'ai plutôt l'impression que c'est vous qui retardez les débats ! (Tout à fait ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Je vous rassure, nous respecterons les délais d'examen de la loi de finances, qui sont d'ailleurs constitutionnels.

Mme Catherine Procaccia. À quelles conditions ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Comme d'habitude, nous n'échapperons pas à l'obligation de siéger le samedi, voire, comme cela nous est déjà arrivé, le dimanche.

Comme vous, je déplore que la loi de finances n'attire pas les foules (M. Philippe Dallier approuve.) et qu'il y ait parfois plus de monde dans l'hémicycle pour des sujets pas forcément mineurs, mais dont on peut relativiser l'importance, notamment par rapport à la situation financière que connaît la France.

Toutefois, ne m'attribuez pas des mérites que je n'ai pas. Je ne suis que la modeste rapporteure générale de votre commission des finances (Sourires.) , et cette fonction suffit à remplir mes jours comme mes nuits ! (M. Roger Karoutchi s'esclaffe.)

Mme la présidente. Je mets donc aux voix l'amendement n° I-112.

Je rappelle que j'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.

L'avis de la commission est favorable, et celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 50 :

Nombre de votants

316

Nombre de suffrages exprimés

316

Majorité absolue des suffrages exprimés

159

Pour l'adoption

176

Contre

140

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 2.

II. TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

Article 2 bis (nouveau)

I. - Après le IV de l'article 200 sexies du code général des impôts, il est inséré un IV bis ainsi rédigé :

« IV. bis. - Les montants prévus aux I, II, III et IV sont actualisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondis à la dizaine d'euros la plus proche. »

II. - Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû au titre de l'année 2011.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.