V. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article propose de recentrer la réduction d'impôt « Scellier » en diminuant son taux à 16 % et en poursuivant le « verdissement » du dispositif. Dans sa rédaction initiale, il visait également à proroger son application jusqu'au 31 décembre 2015

I. LE DROIT EXISTANT

La réduction d'impôt sur le revenu au titre de l'investissement locatif dite « Scellier », codifiée sous l'article 199 septvicies du code général des impôts (CGI), a été créée dans le cadre du plan de relance de l'économie (loi de finances rectificative pour 2008), en vue de remplacer les dispositifs « Robien » et « Borloo ».

Elle a fait l'objet depuis sa création d'une évolution vers la prise en compte de contraintes environnementales et d'une atténuation du niveau des avantages.

Les deux premières années, le « Scellier », dans sa version « classique », ouvrait droit à une réduction d'impôt de 25 % du prix du logement neuf acquis ou construit, dans la limite de 300 000 euros, en contrepartie de l'engagement de location du bien sous plafond de loyers pendant une durée minimale de neuf ans.

En 2011, les investisseurs peuvent encore bénéficier d'une réduction d'impôt de 22 %, si le logement acquis ou construit est labellisé « bâtiment basse consommation, BBC 2005 », et de 13 % pour les autres logements ; ces taux sont diminués de 4 points à compter de 2012, soit 18 %, si le logement acquis ou construit est labellisé « bâtiment basse consommation, BBC 2005 », et de 9 % pour les autres logements.

En outre, la loi de finances initiale pour 2011 a appliqué la réduction homothétique de l'avantage en impôt procuré par certains avantages fiscaux à l'impôt sur le revenu (« rabot ») au régime « Scellier ».

Le coût du « Scellier » est particulièrement élevé :

- au bénéfice de l'investisseur , puisque la dépense publique associée représente, par opération, 31 000 € en 2011 contre 16 000 € dans le cadre du dispositif précédent dit « Robien » alors même que ce dispositif procure à l'investisseur une rentabilité parfois importante, de l'ordre de 6 à 10 % ;

- pour l'Etat , la dépense fiscale est estimée au total à 660 millions d'euros pour 2012, en forte progression. Elle est, en tout état de cause supérieure aux bénéfices mis en avant, liés au produit de TVA résultant des ventes.

Coût du « Scellier » sous ses trois formes

(en millions d'euros)

Chiffrage 2012

Chiffrage 2011

Chiffrage pour 2012

« Scellier » classique

90

270

430

« Scellier » social sous conditions de loyer plus strictes et conditions de ressources du locataire

45

135

220

« Scellier » en zone de revitalisation rurale (ZRR)

10

10

10

Total

145

415

660

Source : Fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2012

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le dispositif « Scellier » a été créé initialement pour la période du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2012.

Le présent article, dans sa rédaction initiale , visait à proroger de trois années supplémentaires, soit jusqu'au 31 décembre 2015, cette dépense fiscale, sous la réserve de quelques aménagements :

- un nouveau recentrage de l'avantage fiscal en abaissant le taux de la réduction d'impôt à 16 % (hors « rabot général ») et en instaurant des plafonds de prix par mètre carré modulés par zone à compter de 2012 ;

- en achevant le « verdissement » du dispositif pour le réserver exclusivement aux logements bénéficiant du label « BBC » ou, pour les logements rénovés, d'un label attestant d'un certain niveau de performance énergétique ;

- en adaptant le champ des logements éligibles afin de permettre l'application de la réduction d'impôt pour les opérations de reconstitution de l'offre en centres villes tendus et la « reconstruction de la ville sur la ville » ;

- enfin, en précisant, s'agissant des souscriptions de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), que les campagnes de souscription ne peuvent pas, à l'instar des autres dispositifs similaires (« Robien SCPI » ou « Malraux SCPI »), excéder une période de douze mois.

Ces aménagements devaient apporter une diminution de dépense fiscale estimée à 17 millions d'euros en 2013 et 16 millions en 2014. En sens inverse, la prolongation de la mesure entraîne un coût supplémentaire de 42 millions en 2015. Soit, au total encore, une perte fiscale nette pour l'Etat.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté au présent article :

- huit amendements du Gouvernement dont l'objet est de objet de supprimer la prorogation du dispositif « Scellier Métropole » initialement prévue, qui permettait l'application de l'avantage jusqu'au 31 décembre 2015. Ces amendements suppriment également par anticipation à compter du 31 décembre 2012 le dispositif « Scellier Outre-mer » , mis en place par l'article 39 de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), qui permettait, sous certaines conditions, l'application de cet avantage jusqu'au 31 décembre 2017. Ils visent ainsi, à ce que l'ensemble du dispositif « Scellier », métropolitain et ultramarin, s'éteigne à compter du 1 er janvier 2013 ;

- quatre amendements de notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général, tendant à :

apporter une amélioration rédactionnelle ;

porter de 24 à 30 mois le délai d'achèvement des logements 1 ( * ) s'agissant des investissements acquis en l'état futur d'achèvement ou de ceux que le contribuable fait construire ;

prévoir une période de transition assurant aux contribuables ayant pris l'engagement de réaliser un investissement immobilier avant le 31 décembre 2011 de bénéficier du taux de réduction applicable au titre de cette même année ;

abaisser les taux applicables aux investissements outre-mer dans la même proportion que ce qui est proposé dans le cadre du « Scellier » classique (soit de 31 % à 29 %) afin de maintenir une cohérence entre ces deux dispositifs.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Dans son rapport sur les prélèvements obligatoires 2 ( * ) présenté en octobre dernier, votre rapporteure générale avait qualifié le dispositif « Scellier » de « produit à risque pour l'investisseur , compte tenu de son inadaptation à la demande locative, et de mauvaise affaire pour l'Etat qui ne tire pas les bénéfices escomptés de son effort financier ».

Elle considérait que ce produit de défiscalisation immobilière avait amplifié les défauts attribués aux niches précédentes :

- un coût important pour l'Etat (650 millions d'euros pour 2012 selon l'estimation figurant dans le fascicule « voies et moyens » annexé au projet de loi de finances) et un coût macro économique évalué par le ministère chargé du logement à 3,9 milliards d'euros par génération dans l'hypothèse de 80 000 logements annuels pour l'année 2010 ;

- un avantage disproportionné pour l'investisseur par rapport aux conditions qui lui étaient posées. Il a pu atteindre, pour la version dite « sociale » du « Scellier », 42 % du coût total du logement, en contrepartie d'un engagement de location de 15 ans ;

- des « loyers de sortie » proches voire parfois au-delà des prix du marché , et très supérieurs aux loyers du logement social ;

- un zonage sur les marchés immobiliers tendus à la fois très contestable , compte tenu de nombreuses possibilités de dérogations discrétionnaires, et peu efficace.

On ajoutera que ce dispositif, bien mal calibré , a eu des effets néfastes sur les autres secteurs du marché de la construction y compris dans certains départements celui du logement locatif social , en mobilisant à son profit l'épargne des investisseurs et les capacités de production des constructeurs.

Alors que les ventes de logements locatifs neufs du parc privé 3 ( * ) étaient tombées à 35 000 en 2008 du fait de l'essoufflement du dispositif « Robien », la création du dispositif « Scellier » a contribué à une forte reprise des ventes en 2009. D'après la Fédération des promoteurs-constructeurs, 68 000 logements auraient été vendus à l'aide du dispositif d'investissement locatif à ce titre en 2009 et 77 500 en 2010.

Votre rapporteure générale, au regard de ce bilan, se félicite que le Gouvernement ait, enfin, renoncé à défendre une niche fiscale aussi contestable et qu'il ait abandonné son projet initial de prolongation sur trois ans du « Scellier ».

Il en est de même pour la version ultra-marine du mécanisme, dont les effets positifs n'ont jamais pu être prouvés, l'administration ne disposant même pas d'une estimation en la matière.

Toutefois, si la fin programmée du « Scellier » est une bonne chose en raison de ses défauts, il conviendra d'être attentif aux effets de la suppression de tout dispositif d'aide fiscale à l'investissement immobilier locatif sur la construction neuve et l'offre locative.

Dans une étude publiée en novembre 2011, le commissariat général au développement durable rappelle qu'au cours des « quinze dernières années, environ un million de logements neufs destinés à la location ont été acquis dans le cadre d'un dispositif de défiscalisation. Cela représente 20 % de la construction neuve de logements et 80 % de la construction neuve de logements locatifs privés de la période . »

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Ce délai est une condition de l'obtention de l'avantage fiscal.

* 2 Prélèvements obligatoires 2007-2012 : un quinquennat d'incohérences et d'injustices, Rapport d'information de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances n° 64 (2011-2012) - 26 octobre 2011

* 3 Il n'y a plus depuis le dispositif Méhaignerie-Quilès entré en vigueur en 1986, d'investissement locatif dans le parc privé sans aide fiscale.