ARTICLE 40 A (DEVENU ARTICLE 74 DE LA LOI DE FINANCES POUR 2012)
REVALORISATION LIMITÉE À 1 % DES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE (2ÈME SÉANCE DU LUNDI 14 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel avant l'article 40

M. le président. L'amendement n° 784 présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l'article 40, insérer l'article suivant :

Par dérogation aux dispositions du septième alinéa de l'article L. 351-3 du code de la construction et de l'habitation ainsi qu'aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 542-5 du code de la sécurité sociale et du troisième alinéa de l'article L. 831-4 du même code, les paramètres de calcul de l'aide personnalisée au logement et ceux des allocations logement sont revalorisés de 1 % pour l'année 2012.

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Cet amendement vise à mettre en oeuvre l'une des mesures les plus symboliques du plan d'équilibre des finances publiques, annoncé par le Premier ministre le 7 novembre 2011 afin de ne pas dépenser plus de richesses que nous n'en créons.

En l'espèce, nous souhaitons revaloriser forfaitairement de 1 % les barèmes des aides personnelles au logement - allocation de logement familiale, allocation de logement sociale et aide personnalisée au logement. En 2012, cette mesure permettra d'économiser 160 millions d'euros, dont 88 millions pour les dépenses de l'État. Les aides seront revalorisés en fonction de la croissance et non plus en fonction de l'inflation.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l'avis de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement qui vise à modifier les modalités d'indexation de différentes allocations et à les indexer sur la croissance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Jeudi dernier, en fin de séance, nous examinions les crédits de la mission « Ville et logement ». Le groupe socialiste querellait les conditions dans lesquelles le Gouvernement a élaboré ce budget. En effet, nous affirmions que sa stratégie revenait à s'en prendre directement aux plus modestes d'entre nos concitoyens. Vous constaterez d'ailleurs que ce même gouvernement prend beaucoup plus de précautions lorsqu'il envisage de supprimer les bénéfices du dispositif Scellier que lorsqu'il s'agit de plafonner à 1 % la revalorisation de l'aide personnalisée au logement. Là, c'est une autre affaire !

Quelle est la réalité du dispositif d'aide personnalisée au logement ? Plus de six millions de nos concitoyens reçoivent cette aide dont la progression été ces dernières années très inférieure à l'augmentation des loyers. En conséquence, le taux d'effort en matière de logement, qui mesure bien la charge que représente pour le ménage le coût du loyer, a progressé tant pour les salariés que pour ceux qui bénéficient de minima sociaux.

Aujourd'hui, la moyenne de l'augmentation annuelle des loyers dépasse 3 % pour le logement social, et 5 à 6 % pour le secteur privé. La charge du logement dans le secteur privé peut aller jusqu'à 45 ou 47 % du revenu des ménages. L'effort pour le logement devient extrêmement lourd pour les familles. Nous en sommes au point où il obère leurs possibilités de se soigner ou de consacrer un budget à l'éducation des enfants, aux loisirs ou à la culture.

Madame la ministre, vous sembliez protester quand je contestais, au nom de mon groupe, le fait que vous entamiez la capacité des locataires à payer leur loyer. Les mesures que vous prenez se traduiront pourtant par une augmentation des procédures d'expulsion, et elles ont déjà progressé l'an dernier. Elles se traduiront par un plus grand nombre d'expulsions exécutées, et celles-ci ont également déjà progressé.

Ceux qui seront expulsés parce qu'ils n'auront pas pu payer leur loyer deviendront bénéficiaires en priorité du droit au logement au titre de la loi DALO. Lorsque l'on sait que le coût de l'application du DALO sera supérieur pour l'État aux économies réalisées par le plafonnement de l'aide au logement, on comprend que nous marchons sur la tête. Admettez-le !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, il faut conclure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous dénonçons la manoeuvre du Gouvernement. Nous avions demandé que l'aide personnalisée au logement soit priorisée ; elle ne l'est pas. Les masques sont tombés : c'est bien au détriment des plus modestes que le Gouvernement entend faire des économies dans le budget pour l'année 2012.

M. le président. Chers collègues, je rappelle que le règlement prévoit que les orateurs qui s'expriment sur les amendements ont la parole pour deux minutes. Certes, le sujet est important mais je prie les orateurs de s'en tenir à ce temps de parole.

M. Henri Emmanuelli. Ce n'est tout de même pas n'importe quel amendement !

M. le président. C'est précisément la raison, monsieur Emmanuelli, pour laquelle nous entendrons plus de deux orateurs. Réglementairement, nous ne pouvons toutefois pas donner la parole à dix orateurs pour cinq minutes.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson . Lors du débat sur la loi de finances initiale, nous avions demandé au Gouvernement de consentir un effort supplémentaire de 10 milliards d'euros. Ce montant correspondait à une chute d'un point entre les prévisions révisées et les informations dont nous disposions à l'époque. Depuis, ce recul correspond plutôt à 1,3 ou 1,4 point, soit 12 ou 13 milliards d'euros de perte.

Nous avons demandé au Gouvernement des économies justes. Nous sommes d'accord avec la plupart des mesures qu'il a proposées, à l'exception d'une seule, qui fait l'objet de l'amendement que nous examinons. En effet, aujourd'hui, en raison de la crise, de nombreuses familles sont confrontées à de graves difficultés.

Nous avons donc indiqué au Gouvernement que nous avions des solutions alternatives pour aller plus loin que la recette d'un milliard sur l'impôt sur les sociétés. Nous proposions de jouer non pas seulement sur le taux mais aussi sur l'assiette. Le rapporteur général nous avait fait à cet égard d'excellentes suggestions autour de trois pistes permettant d'élargir l'assiette de l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises.

Nous pensons que la présente mesure ne va pas dans la bonne direction, madame la ministre. Comme nous sommes des gens responsables, nous proposerons une solution alternative pour des sommes beaucoup plus importantes que les 400 millions escomptés après cette première recette de 160 millions.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement, Gilles Carrez vient de le rappeler, n'a été examiné par personne. De plus, il n'a pas sa place dans le cadre de la discussion des articles non rattachés, lesquels portent sur des dispositions qui ne s'appliqueront qu'en 2013, car il est d'application immédiate et prendra effet dès 2012.

Autrement dit, dès l'année prochaine, les aides personnelles au logement vont baisser. Pour parler très clairement, vous faites payer aux personnes modestes qui reçoivent une aide pour assumer la charge du logement de leur famille le prix de vos dépenses depuis 2007.

Il y a quelques mois seulement, alors que la crise était déjà là, alors que l'euro allait déjà très mal, alors que la dette avait déjà explosé, vous allégiez de près de 2 milliards l'impôt sur la fortune, dans le cadre d'une loi de finances rectificative ; aujourd'hui, vous vous apprêtez à en faire payer le prix aux bénéficiaires de l'aide au logement, c'est-à-dire aux plus modestes. C'est proprement incroyable de nous présenter de cette manière la facture de vos choix politiques, surtout quand on voit sur qui elle va peser !

Les articles que nous allons examiner par la suite portent la trace de vos orientations politiques. L'article 40 propose ainsi de prolonger jusqu'en 2015 le dispositif Scellier, extrêmement coûteux pour les finances publiques et totalement inefficace en matière de production de logements sociaux et de logements aidés.

Vous voulez faire payer aux personnes modestes, dès 2012, les factures que vous ne parvenez pas à assumer alors qu'elles découlent de vos choix politiques. Nous voyons bien ici la marque de votre inconséquence, malheureusement pour ceux qui la subissent !

Cette mesure aura de surcroît pour conséquence de déprimer encore davantage le pouvoir d'achat de ces personnes modestes. Et vous les connaissez, madame Pécresse, car en Île-de-France il y en a un certain nombre. Elles vont aller encore plus mal et elles devront être prises en charge par l'aide des collectivités territoriales, ce que vous vous gardez bien de dire.

Enfin, vous osez parler de revalorisation alors que vous diminuez l'aide au logement !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, de notre règlement et concerne très directement le déroulement de la séance.

Notre groupe a déposé des amendements visant la suppression de niches fiscales, comme nous le faisons régulièrement depuis des années, convaincus que nous sommes de la pertinence de tels amendements.

Observons d'ailleurs que le Gouvernement s'est inspiré de certains d'entre eux dans la période récente, qu'il s'agisse de la suppression du dispositif dit du bénéfice mondial consolidé ou de celle du dispositif Scellier, que notre assemblée devrait adopter dans les prochaines heures, conformément à ce que nous recommandons depuis des années.

Curieusement, cette fois-ci, la commission des finances a jugé opportun d'opposer à nos amendements l'article 40 de la Constitution, au motif que nous avions oublié de préciser dans nombre d'entre eux que leurs dispositions prendraient effet au 1 er janvier 2013. Il est d'usage dans cette maison que les services avertissent les députés de ces oublis ou de ces erreurs bénignes. La commission a préféré censurer ces amendements pour que la discussion au fond n'ait pas lieu.

Nous ne pouvons que le déplorer, monsieur le président.

Article additionnel avant l'article 40 (suite)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous sommes profondément choqués par cette méthode. Le Gouvernement vient d'élaborer un nouveau projet de loi de finances rectificative dont nous allons discuter dans quelques semaines, et que fait-il dans le présent projet de loi de finances ? Il intègre des amendements qui correspondent à ce nouveau texte.

Nous en sommes à la discussion des articles non rattachés. En principe, nous devons discuter de mesures qui n'ont pas d'effet sur l'équilibre des finances publiques pour 2012. Or ce n'est pas le cas de celle-ci.

C'est une véritable caricature. Votre projet de loi de finances rectificative, nous le savons bien, consiste à désindexer de multiples prestations, dont les aides au logement, pour les indexer sur la croissance, ce qui est absolument ridicule.

M. Christian Eckert. En effet !

M. Pierre-Alain Muet. Les allocations doivent être indexées sur l'inflation. Si ce n'est pas le cas, cela revient à les diminuer.

M. Christian Eckert . Evidemment !

M. Pierre-Alain Muet . Arguer que vous indexez la prestation sur le taux de 1 % de croissance retenu dans le projet de loi de finances rectificative pour dire que vous ne la diminuez pas est profondément scandaleux !

Ceux qui suivent ce débat jugeront. Nous voyons bien que, pour le Gouvernement, il y a deux poids, deux mesures : lorsqu'il s'agit de faire des cadeaux fiscaux, comme au mois de juin et au mois de juillet, vous pouvez trouver 1,8 milliard pour les plus fortunés ; lorsqu'il s'agit de prendre des mesures de réduction du déficit, vous tapez comme toujours sur les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . J'aimerais apporter des précisions puisque certains de mes collègues s'interrogent sur la place de cet amendement dans l'examen des articles non rattachés.

M. Nicolas Perruchot. En effet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général . En fait, cet amendement ne vise que les dépenses liées à l'aide au logement qui relèvent du budget de l'État et non celles qui relèvent des comptes sociaux. Il a pour corollaire un amendement que nous examinerons par la suite et qui consistera à diminuer les crédits correspondants à l'aide au logement dans le budget de l'État. Il a donc tout à fait sa place ici.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je suis étonné par les propos que vient de tenir notre rapporteur général, en qui j'ai habituellement grande confiance.

Il m'apparaît important de préciser que l'augmentation du budget du logement, adopté la semaine dernière, a été motivée exclusivement par le fait qu'il fallait tenir compte des besoins attachés à la ligne de l'aide au logement, les 50 millions supplémentaires étant, nous a-t-on expliqué, rendus nécessaires par une augmentation du nombre de bénéficiaires de l'APL.

Le présent amendement entraîne une réduction de cette ligne et implique, monsieur le rapporteur général, une baisse des prestations versées aux particuliers. Il y a en effet plus de bénéficiaires de l'APL en 2010 qu'il n'y en avait 2009 et, chers collègues, il est certain qu'il y en aura plus en 2012 qu'en 2011.

Ainsi nos compatriotes connaîtront une baisse de leur aide au logement non seulement par rapport à ce qu'ils auraient dû percevoir en l'absence de ce nouveau dispositif, mais également par rapport à ce qu'ils ont reçu l'année dernière.

Je rappelle que la seule obligation que le Gouvernement devait respecter était d'augmenter les sommes prévues pour les APL puisqu'il est tenu à leur versement.

Enfin, je précise que la participation de l'État au financement des APL ne représente plus que 46 % du montant total, plus de la moitié des prestations étant financée par les comptes sociaux.

Nous sommes bien confrontés à une baisse effective des prestations.

M. Philippe Vigier. C'est vrai !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Le montant total de l'APL s'obtient par multiplication du montant unitaire par le nombre total des ayants droit. Ce que modifie l'amendement du Gouvernement, c'est l'indexation du montant unitaire, laquelle portera sur la croissance et non plus sur les prix, soit 1 %.

En revanche, l'assiette des APL varie en fonction du nombre des ayants droit : à la hausse si leur nombre augmente ; à la baisse, s'il diminue. De ce point de vue, rien n'est modifié. Seule l'indexation change.

Mme Sandrine Mazetier. L'exposé des motifs de l'amendement évoque 88 millions d'euros de crédits en moins !

M. le président. La parole est à Mme la ministre

Mme Valérie Pécresse, ministre. À ce stade du débat, j'aimerais répondre à quelques questions, notamment à celle de savoir si nous anticipons une hausse du nombre des bénéficiaires en 2012. Je peux vous répondre que non, monsieur Le Bouillonnec. S'il y a eu une hausse des bénéficiaires l'année dernière, c'est que les revenus pris en compte pour le calcul de la prestation étaient ceux, en forte diminution, de personnes frappées par la crise en 2009.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le fascicule budgétaire consacré au budget du logement évoquait bien l'augmentation du nombre des bénéficiaires !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce que nous anticipons, en revanche, c'est une hausse des prestations limitée à une progression de 1 %.

Je ne laisserai pas dire sur vos bancs, car c'est un abus de langage, que les allocations de logement vont baisser en valeur.

Mme Sandrine Mazetier. Lisez donc l'exposé des motifs de votre amendement !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Regardez les pays qui nous entourent. En Allemagne, que M. Muet se plaît tant à citer en exemple, notamment au sujet du chômage partiel, les prestations sociales ont connu quatre années de gel total et deux années de sous-indexation par rapport à l'inflation, soit six années durant lesquelles les dépenses sociales n'ont pas progressé au rythme des prix mais de la richesse créée, ou n'ont pas progressé du tout en valeur.

Il me paraît utile de préciser que les minima sociaux, les revenus de remplacement, les retraites ne seront pas affectés. Ils évolueront au même rythme que les prix. En revanche, les dépenses sociales, qui sont des dépenses de redistribution, des dépenses supplémentaires, progresseront, elles, au rythme de la croissance, soit de 1 %.

Le budget qui leur est consacré est en augmentation alors que toutes les autres dépenses de l'État sont gelées en valeur.

Je ne peux pas vous laisser dire des choses qui ne sont pas totalement exactes sur la progression de ces dépenses.

M. Henri Emmanuelli. Nous dirons ce que nous voudrons !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Elles ne seront pas gelées, elles ne seront pas diminuées en valeur.

M. Christian Eckert. Les Français comprendront lorsqu'ils recevront leurs prestations.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Madame Pécresse, vous venez de dire que les dépenses de l'État, si elles n'augmentent pas pour les autres postes, sont en hausse pour celui-ci. Or, dans l'exposé des motifs de votre amendement, vous indiquez : « La sous-indexation des barèmes des aides personnelles au logement permettra de réaliser des économies significatives. Pour l'ensemble des aides personnelles au logement, l'économie serait de l'ordre de 160 millions d'euros ». « Elle se répartira en une diminution des dépenses de l'État de 88 millions d'euros et des dépenses de la branche famille de la sécurité sociale de 72 millions d'euros. ».

Comme vient de le rappeler Jean-Yves Le Bouillonnec, vous expliquiez la semaine dernière que le budget que l'État consacre au logement augmentait pour 2012 de 50 millions, eh bien, cette augmentation, vous venez brutalement de l'annuler par cet amendement. Elle se fond dans la diminution de 160 millions : la diminution totale sera de110 millions.

Encore une fois, ne désincarnons pas ce débat. Qui sera frappé ? L'aide au logement s'adresse à des personnes modestes, à des étudiants dont les familles peinent à payer les études. On parle ici de familles qui occupent un logement social ou un logement qui ouvre droit à l'aide personnalisée au logement. On ne parle pas de personnes touchées par l'ISF ! Entendons-nous bien là-dessus : qui paye cette facture immédiatement ? Ce sont les personnes modestes : CQFD.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Je voudrais juste demander une précision technique. Madame la ministre, vous nous indiquez que les allocations seront revalorisées en fonction de la croissance, mais le texte de l'amendement ne fait pas explicitement référence à la croissance, il évoque seulement une revalorisation de 1 %.

Il y a deux cas de figure. Si la croissance est finalement supérieure à 1 %, envisagez-vous d'augmenter les allocations rétroactivement par une disposition législative ? Si la croissance est inférieure à 1 %, envisagez-vous de réduire les prestations, par exemple en fin d'année ?

Avant de voter une revalorisation forfaitaire de 1 %, il serait bon que vous nous indiquiez quelles sont vos intentions dans l'hypothèse où la croissance est soit supérieure, soit inférieure à ce taux.

M. Pierre-Alain Muet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Cahuzac, afin d'assurer la sécurité et la fiabilité des données pour les personnes qui vont toucher ces aides, et qui doivent pouvoir prévoir leur budget à l'avance, nous avons choisi, forfaitairement, ce chiffre de 1 %, qui correspond exactement aux hypothèses de croissance que nous avons faites.

Évidemment, si le budget de l'État devenait brutalement excédentaire grâce à une croissance plus forte, que comme vous j'appelle de mes voeux, nous pourrions éventuellement faire un collectif budgétaire et redistribuer cette manne issue de la croissance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne voudrais pas prolonger exagérément le débat mais, madame la ministre, c'est une partie de bonneteau qui se joue ici, une supercherie.

La semaine dernière, votre collègue chargé du logement a dit, devant la commission élargie, que la hausse de son budget était liée à l'augmentation du nombre des bénéficiaires de l'APL. Nous savons qu'il y a déjà plusieurs dizaines de milliers de bénéficiaires supplémentaires ; nous savons aussi que cette augmentation est en train de s'accélérer. Cela veut dire que les bénéficiaires de l'APL seront plus nombreux l'année prochaine. Or l'État est tenu de leur verser cette allocation : c'est obligatoire dès que les revenus des gens sont inférieurs à des plafonds fixés par le dispositif.

Vous annoncez que l'allocation augmentera de 1 %. Mais M. le rapporteur général nous a expliqué qu'il y avait un problème pour inscrire au budget les 50 millions supplémentaires pour le logement. Je considère donc, pour ma part, qu'il y aura une baisse des allocations au logement de chacun des bénéficiaires, dès lors que l'augmentation de leur nombre rattrapera le plafonnement du budget. Je ne dis pas que c'est mathématique, parce que je ne suis pas un grand mathématicien, mais je ne pense pas que nous échapperons à cette situation !

Il y a là une vraie difficulté. Je me permets de rappeler à tout le monde, indépendamment de cette technique budgétaire qui sert à nous jouer une partie de bonneteau, les chiffres gouvernementaux sur l'augmentation des loyers en 2011 : au premier trimestre, augmentation de 1,60 % ; au deuxième trimestre, augmentation de 1,73 % ; au troisième trimestre, augmentation de 1,90 %. Cela, ce sont les chiffres actuels. Autrement dit, même s'il y a assez d'argent dans le budget de l'État, l'ensemble des bénéficiaires des APL seront moins aidés. Ils seront donc moins solvables.

(L'amendement n° 784 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. J'aurais souhaité pouvoir faire cette mise au point avant le début de la discussion des articles non rattachés, et je vous prie de m'excuser, monsieur le président, mes chers collègues, pour les quelques secondes de retard qui ne me l'ont pas permis.

Près de 22 % des amendements déposés ont effectivement été déclarés irrecevables. Les deux principaux motifs d'irrecevabilité tiennent à l'ignorance de règles que pourtant chaque parlementaire connaît bien.

D'une part, de nombreux amendements ont été déclarés contraires à l'article 40 de la Constitution car ils induisaient une perte de recettes non compensée. L'usage, cher M. Chassaigne, voulait en effet que la commission écrive elle-même ces gages ; cela s'est fait pendant les deux tiers de cette législature. J'avais moi-même décidé, comme mon prédécesseur Didier Migaud, de procéder de la sorte. Mais ensuite, en accord avec les services de la commission et les groupes parlementaires, il a été décidé de mettre fin à cette pratique, afin que chaque parlementaire qui dépose un amendement nécessitant un gage prenne la responsabilité de ce gage, et donc de la totalité de son amendement. Faute de gage, j'ai donc été contraint de déclarer irrecevables une série d'amendements proposant, notamment, des allègements de fiscalité pour des raisons liées à l'écologie.

D'autre part, je vous rappelle que le règlement confie non pas à la commission, mais bien à son président, le soin de faire appliquer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances. J'assume donc ce rôle sans tenter de diluer ma responsabilité et de la partager avec d'autres ; certes, ils l'accepteraient peut-être, mais cela ne correspondrait pas à la réalité du règlement.

Les amendements, à ce titre, doivent respecter la structure des deux parties de la loi de finances. Sont recevables, en seconde partie, pour l'examen des articles non rattachés, d'abord les amendements relatifs au contrôle fiscal et à l'information du Parlement sur les finances publiques ; ensuite les amendements relatifs à des impositions de toute nature dont le produit n'est pas affecté à l'État, et dès lors n'affecte pas les recettes de celui-ci ; enfin les amendements relatifs à des impositions de toute nature dont le produit est affecté à l'État, sous réserve que ces amendements n'aient pas d'effet sur l'équilibre du budget de l'État pour l'année à venir. En effet, la discussion sur les recettes de l'État a eu lieu en première partie, et cette discussion s'est terminée par le vote de l'article d'équilibre. Pour être recevable en seconde partie, un amendement relatif à la fiscalité d'État doit donc expressément prévoir une entrée en vigueur différée. Pour ce faire, il suffit aux auteurs de l'amendement de préciser que celui-ci entre en vigueur à compter du 1 er janvier de l'année n+2 - en l'espèce 2013 - et non de l'année suivante.

En l'absence d'une telle mention, j'ai été amené à déclarer irrecevables de nombreux amendements présentés par nos collègues de la gauche démocrate et républicaine, qui prévoyaient par exemple l'abrogation dès 2012 de la défiscalisation des heures supplémentaires ou du dispositif ISF-PME. Pour la même raison, un amendement du groupe socialiste qui proposait la création d'une contribution de solidarité nationale due par nos concitoyens expatriés n'a pas pu être retenu.

Il reste, mes chers collègues, que ces amendements-là ont déjà été examinés et débattus en première partie de la loi de finances. L'Assemblée a pu s'exprimer très clairement et se prononcer sur des amendements rigoureusement identiques : ils avaient toute leur place en première partie, mais ils ne l'avaient pas en seconde partie.

Si ces amendements ont été déclarés irrecevables, ce n'est donc pas une question d'opportunité, cher M. Chassaigne, mais bien pour respecter le règlement et, je le crois, sans brider en quoi que ce soit l'initiative parlementaire ou le débat puisque, je le répète, ils avaient été déposés sous une forme rigoureusement identique en première partie, et discutés comme le règlement le prévoit et comme notre assemblée en a l'habitude.

J'espère, mes chers collègues, que ces explications vous auront satisfaits. Encore une fois, ces décisions ne sont évidemment pas prises selon des considérations d'opportunité, mais sur le fondement du règlement, et c'est bien le président de la commission, par délégation du président de l'Assemblée nationale, qui exerce ces pouvoirs, et non pas un collège, ce qui diluerait cette responsabilité que j'assume pleinement, en espérant votre compréhension à toutes et tous.

http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120052.asp#P335_78325