II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 3805 (2011-2012) ANNEXE 46

Observations et décision de la Commission :

Les zones franches urbaines (ZFU) visent à favoriser l'installation d'entreprises par un dispositif d'exonérations fiscales et sociales. Le dispositif des ZFU a été mis en place en trois vagues successives : le 1 er janvier 1997, une première génération de 44 zones franches (dont 38 en métropole) a été créée ; le 1er janvier 2004, 41 nouveaux quartiers bénéficiaient du dispositif ; enfin, 15 nouvelles ZFU dites de « troisième génération » (dont 14 en métropole), ont été créées à compter du 1 er août 2006.

Elles sont donc, aujourd'hui, au nombre de 100 (dont 93 en métropole).

I.- LE BILAN DES ZONES FRANCHES URBAINES

Le dispositif des ZFU a favorisé la création et le développement des entreprises dans des quartiers d'habitat social, dont la revitalisation économique est essentielle pour la diversification de leurs fonctions, l'amélioration de la qualité de vie quotidienne de leurs habitants et leur accès à l'emploi. Les résultats les meilleurs sont enregistrés dans les zones franches urbaines où la mise en oeuvre du dispositif d'exonérations fiscales et sociales a été accompagnée, dès le départ et de manière constante, par une véritable politique coordonnée d'accueil et de soutien aux entreprises, s'appuyant sur des partenariats forts entre les communes concernées et leurs groupements, l'État et les acteurs du développement économique.

Le rapport annuel préparé par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) rend compte de l'évolution des zones franches urbaines. Le dernier est paru en décembre 2010.

Toutes ZFU confondues, on comptait, au 1 er janvier 2010, 61 568 établissements, dont 32 066 établissements dans les ZFU de 1 ère génération, 22 952 dans celles de 2 ème génération et 6 550 dans celles de 3 ème génération. Par rapport à 2009, le nombre d'établissements en activité a augmenté de 9,1 %, avec des différences marquées selon la génération de la ZFU : les ZFU de 2 ème génération ont vu leur nombre d'établissements en activité croître de 12,6 %, celles de 3 ème génération de 10,7 % tandis que celles de 1 ère génération n'ont enregistré qu'une augmentation de 6,4 %.

On trouve d'abord en ZFU des établissements intervenant dans le commerce de détail hors automobiles et motocycles, dans les travaux de construction spécialisée, la santé humaine, l'hébergement médico-social ou encore dans les activités scientifiques et techniques. Par rapport aux unités urbaines de référence, les ZFU sont nettement surreprésentées en établissements de travaux de construction spécialisée et en établissements dans le domaine des activités pour la santé humaine, l'hébergement médico-social. À l'inverse, les secteurs des activités scientifiques et techniques, d'information et de communication, de l'hébergement et de restauration, ou de transports et d'entreposages sont nettement sous-représentés en ZFU par rapport aux unités urbaines environnantes. Ces différences de structure reflètent à la fois les différences de besoins et de potentiels économiques qui peuvent exister sur certains secteurs d'activité entre ZFU et zones environnantes mais également les différences de main-d'oeuvre immédiatement disponible à proximité de chaque établissement : les populations ont tendance à être moins qualifiées en ZFU qu'à l'extérieur et auront davantage de chance d'occuper un emploi dans certains secteurs d'activités tels que la construction.

Les ZFU de 3 ème génération présentent quelques spécificités par rapport aux autres ZFU du fait de la présence atypique du centre ancien de Toulon, qui modifie certainement la structure même des établissements présents. Le secteur du commerce de détail est ainsi bien plus important dans ces ZFU que dans les autres et la surreprésentation par rapport à leurs unités urbaines de référence est plus marquée. Parallèlement, le secteur de la construction, plus précisément des travaux de construction spécialisée, est clairement sous-représenté par rapport aux autres ZFU, mais toujours surreprésenté par rapport à leurs unités urbaines de référence.

En 2009, le nombre d'emplois salariés est de plus de 307 000 dans l'ensemble des ZFU, soit une baisse de 1,1 % par rapport à 2008, en prenant en compte le nouveau champ des ZFU étendu en 2007. Toutefois cette diminution n'est pas homogène. Les ZFU de 1 ère et 3 ème génération enregistrent ainsi des nettes baisses du nombre de leurs salariés (- 2,7 % et - 8 %) tandis que les ZFU de 2ème génération bénéficient d'une hausse sensible (+ 3,1%). Il s'agit du contrecoup de la crise économique de l'année 2009. La baisse globale de l'emploi salarié constatée en serait donc la conséquence directe.

Le nombre d'établissements en activité bénéficiant d'exonérations de charges patronales en ZFU poursuit, en 2010, la diminution entamée deux ans plus tôt : avec 14 959 établissements bénéficiant de l'exonération de charges patronales, leur nombre retrouve son niveau d'avant 2006. De fait, le nombre total de salariés dans les établissements bénéficiant de l'exonération suit la même tendance : avec 86 885 salariés en 2010, leur nombre est comparable à celui de 2006. Cette baisse peut s'expliquer par la sortie d'un certain nombre d'établissements en activité du dispositif ZFU (ceux ayant survécu à neuf ans d'existence) non compensée par la création de nouveaux établissements et de nouvelles embauches. D'ailleurs, les embauches exonérées en ZFU continuent à très fortement diminuer en 2010 : avec 8 797 embauches (21 % de moins qu'en 2009), leur nombre est inférieur à la moitié de ce qu'il était en 2007.

La diminution du coût du dispositif se poursuit depuis 2008, le montant des exonérations était de 452 millions d'euros en 2010 , contre 519 millions d'euros en 2009. Cette baisse de 61 millions résulte surtout de la chute des montants liés aux exonérations de cotisations sociales patronales, par rapport à 2009, liée aux modifications du régime d'exonération de cotisations sociales en faveur des zones franches urbaines (ZFU) intervenu dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2009.

CoÛt du dispositif ZFU

(en millions d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Exonération d'impôt sur les bénéfices

130

170

100

135

180

200

195

Exonération de l'imposition forfaitaire annuelle

5

-

5

5

5

3

1

Exonération de taxe professionnelle

75

65

65

61

74

60

57

Exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties

15

10

11

9

15

9

9

Exonération de cotisations sociales patronales

280

281

291

337

318

247

190

Total brut ZFU

505

526

472

547

592

519

452

Source : DGFIP (exonérations fiscales) ACOSS (exonérations sociales).

L'évaluation du coût du dispositif en 2011 est de 200 millions d'euros au titre de l'exonération d'impôt sur les bénéfices, de 1 million pour l'IFA, de 31 millions d'euros pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de 20 millions d'euros pour la cotisation foncière et la taxe foncière et de 133 millions de dépense budgétaire au titre des exonérations sociales ; soit un total de 385 millions d'euros .

Dans un contexte où la situation économique et sociale des quartiers de la politique de la ville et notamment la situation de l'emploi dans les zones franches urbaines (ZFU) se dégrade, le groupe de travail mis en place en novembre 2010 et présidé par M. Éric Raoult a remis son rapport au ministre de la Ville le 13 juillet 2011. Il propose la prorogation du dispositif d'exonération pour une nouvelle période de trois ans sur les 100 ZFU existantes, et avec les mêmes clauses.

Le dispositif des ZFU s'est accompagné de flux de créations d'entreprises significatifs. Les travaux évaluatifs témoignent que les taux d'installation de nouveaux établissements ont été supérieurs comparativement aux unités urbaines de référence. De même l'impact sur la mixité fonctionnelle a été positif. Cependant en termes de créations d'emplois dans les quartiers de la politique de la ville, les résultats sont insuffisants, alors que la situation de l'emploi y est dégradée.

Aussi, le Gouvernement est favorable à la prolongation du dispositif à compter du 1 er janvier 2012 sur les mêmes 100 ZFU et les mêmes cibles d'entreprises, mais toutefois, sur une durée plus limitée cohérente avec la révision de la géographie prioritaire, prévue en 2014.

De plus, il souhaite limiter le coût du dispositif en faisant dépendre le bénéfice de l'exonération fiscale de la condition que l'entreprise ait bénéficié de l'exonération sociale, ce qui a deux conséquences, compte tenu du fait qu'actuellement, le champ d'application de l'exonération sociale est moins étendu que celui de l'exonération fiscale.

Premièrement, l'article 190 de la loi de finances pour 2009 a modifié les modalités de calcul de l'exonération des cotisations patronales de sécurité sociale. Au titre des gains et rémunérations versés à compter du 1 er janvier 2009, le montant de l'exonération est total pendant 5 ans lorsque la rémunération horaire du salarié est (au plus) égale au SMIC majoré de 40 %. L'exonération décroît de manière linéaire lorsque la rémunération horaire est supérieure au SMIC majoré de 40 % et devient nulle lorsque la rémunération horaire est égale à 2 fois le SMIC à partir du 1 er janvier 2011.

Deuxièmement, le Gouvernement a souhaité optimiser la clause d'embauche des habitants des zones urbaines sensibles (ZUS) en la portant à une embauche sur deux à compter du deuxième salarié embauché ou du deuxième salarié, et non plus, comme précédemment, à compter du troisième salarié. En renforçant la clause d'embauche, il entend faciliter l'accès à l'emploi des habitants des quartiers de la politique de la ville.

Le coût de la prolongation en matière d'exonération de cotisations sociales est estimé à 11 millions d'euros en 2012 et 22 millions d'euros en 2013. Cette estimation repose sur les hypothèses suivantes :

- un nombre de salariés embauchés de 9 500 par an dont il est fait hypothèse que 75 % bénéficieront de l'exonération ;

- un coût moyen de l'exonération de 3 100 euros par an et par salarié ;

- une embauche des salariés régulièrement au cours de l'année.

Au plan fiscal, le coût de la prorogation n'aura d'effet que sur les impôts dus à partir de 2013. En effet, l'imposition 2013 des entreprises est assise sur les exercices 2012. Pour 2013, le coût est ainsi estimé à 31 millions d'euros, dont 25 millions d'euros au titre des exonérations d'impôt sur les bénéfices. Pour 2014, le coût est estimé à 61,5 millions d'euros, dont 50 millions d'euros au titre des exonérations d'impôt sur les bénéfices.

II.- LE RÉGIME ACTUEL D'EXONÉRATION ET LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le régime actuel d'exonérations est résumé dans le tableau ci-après.

SYNTHÈSE DU RÉGIME D'EXONÉRATION EN ZFU

Les régimes dérogatoires d'exonérations fiscales et sociales en vigueur dans les ZFU tirent leur origine de la loi du 14 novembre 1996 modifiée relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.

Exonérations fiscales

Les entreprises créées ou implantées au plus tard le 31 décembre 2011 en ZFU qui emploient au plus 50 salariés et dont le chiffre d'affaire annuel est inférieur à 10 millions d'euros bénéficient d'une exonération totale de taxe foncière sur les propriétés bâties et d'impôt sur les bénéfices (ou sur les sociétés ou sur le revenu, selon la forme juridique de l'établissement) durant cinq ans.

À l'issue des cinq années, les entreprises bénéficient d'une exonération partielle à taux dégressif pendant neuf années supplémentaires, de l'impôt sur les bénéfices (60 % pendant les cinq années suivantes, 40 % les sixième et septième années, 20 % les deux dernières années). Ces entreprises bénéficient également d'une exonération de l'imposition forfaitaire annuelle au titre de la même période et dans les mêmes proportions.

Le plafond des bénéfices exonérés est fixé à 100 000 euros par contribuable et par période de 12 mois, majorés de 5 000 euros par nouveau salarié embauché dans une ZUS ou une ZFU (temps plein d'au moins 12 mois).

Ces entreprises bénéficiaient également d'une exonération totale de la taxe professionnelle pendant cinq ans et d'un abattement dégressif pendant trois à neuf ans, selon que l'entreprise emploie plus ou mois cinq salariés. Depuis le 1 er janvier 2010, la taxe professionnelle est remplacée par une contribution économique territoriale (CET) à deux composantes : la cotisation foncière des entreprises (CFE), fondée sur les bases foncières et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dont le taux - fixé au niveau national - est progressif.

L'exonération en faveur des créations et extensions dans les ZFU est applicable à la CFE et à la CVAE. En outre, les entreprises qui ont bénéficié d'une « exonération ZFU » bénéficient d'un maintien de l'exonération en cours tant en CFE qu'en CVAE pour la durée de la période d'exonération restant à courir.

Exonérations sociales

Ces entreprises sont également totalement exonérées de cotisations sociales patronales de sécurité sociale pendant cinq années lorsque la rémunération du salarié employé en CDI et CDD d'au moins douze mois est inférieure ou égale à 1,4 SMIC. Au-delà de ce seuil, le montant de l'exonération régresse jusqu'à s'annuler lorsque la rémunération atteint 2 SMIC. À l'issue de cette période de cinq ans, les entreprises bénéficient d'une sortie progressive sur une durée de trois à neuf ans, selon leur taille (plus ou moins cinq salariés).

À partir de la troisième embauche, il est fait obligation à ces entreprises d'embaucher ou d'employer au moins un tiers de leurs salariés parmi les habitants des ZUS.

Ce régime d'exonérations sociales s'applique également aux associations, mais exclusivement pour les salariés qui résident dans la ZFU ou une ZUS de l'agglomération dans laquelle la ZFU est implantée, et dans la limite de 15 salariés.

Les artisans et commerçants sont quant à eux exonérés de leurs cotisations sociales personnelles maladie-maternité, dans la limite d'un plafond annuel de bénéfice exonéré fixé à 25 157 euros pour 2007.

Le dispositif proposé prolonge pour trois ans, jusqu'au 31 décembre 2014, le dispositif des ZFU avec les aménagements suivants :

- l'exonération fiscale est soumise à la condition du bénéfice de l'exonération sociale, ce qui a pour effet de soumettre son obtention au fait que le salarié soit rémunéré à moins de deux SMIC ;

- La clause d'embauche est renforcée : désormais, pour bénéficier de certaines exonérations fiscales et des exonérations sociales, les entreprises qui se créeront ou s'implanteront dans une ZFU à partir du 1 er janvier 2012 devront employer au moins 50 % de salariés résidant en ZFU ou en ZUS (contre un tiers auparavant, ce seuil ne s'appliquant précédemment que pour les exonérations sociales), ce ratio s'appliquant à compter du deuxième salarié au lieu du troisième précédemment.

L'alinéa 2 procède à la prorogation pour trois nouvelles années, jusqu'au 31 décembre 2014 du dispositif fiscal d'exonération d'impôt sur les bénéfices, prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts.

L'alinéa 4 fait dépendre l'attribution de l'exonération fiscale du bénéfice de l'exonération sociale. Il précise que cette condition est appréciée à la clôture de l'exercice ou de la période d'imposition au titre duquel ou de laquelle l'exonération s'applique. Lorsque le contribuable n'a pas bénéficié de l'exonération sociale de façon permanente au cours d'un exercice ou d'une période d'imposition, le bénéfice exonéré est corrigé proportionnellement à la période au cours de laquelle l'exonération sociale s'est appliquée. Par ailleurs, lorsque le bénéfice est exonéré partiellement (du fait que la rémunération est comprise entre 1,4 et 2 SMIC), les plafonds d'exonération fiscale de 100 000 euros par contribuable et la majoration de 5 000 euros par nouveau salarié embauché sont ajustés dans les mêmes proportions que le bénéfice exonéré.

L'alinéa 5 procède à une coordination en matière de respect de la réglementation communautaire afférente aux aides d'État dites de minimis ; qui limite le montant total des aides de même catégorie pouvant être accordées librement aux entreprises, pour l'exonération de cotisation foncière des entreprises.

L'alinéa 7 procède à une coordination du même ordre pour l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties.

L'alinéa 8 procède à la prorogation jusqu'au 31 décembre 2014 du dispositif fiscal d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties.

L'alinéa 10 procède à la prorogation jusqu'au 31 décembre 2014 du dispositif fiscal d'exonération de cotisation foncière des entreprises.

L'alinéa 11 procède à une coordination en matière de respect de la réglementation communautaire afférente aux aides dites de minimis .

Les alinéas 13 et 15 procèdent à la prorogation jusqu'au 31 décembre 2014 du dispositif fiscal des zones franches urbaines, au sein de la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.

L'alinéa 14 procède à une coordination en matière de respect de la réglementation communautaire afférente aux aides dites de minimis .

Les alinéas 16 à 22 prévoient que, pour les entreprises créées ou implantées dans une zone franche urbaine à compter du 1 er janvier 2012, lorsque l'employeur a déjà procédé à l'embauche d'un salarié ouvrant droit à l'exonération de cotisations sociales, le maintien du bénéfice de l'exonération est subordonné, lors de toute nouvelle embauche, à la condition qu'à la date d'effet de cette embauche le nombre de salariés résidant dans une zone franche urbaine ou une zone urbaine sensible soit égal au moins à la moitié du total des salariés employés dans les mêmes conditions ; ou que le nombre de salariés, embauchés à compter de la création ou de l'implantation de l'entreprise soit égal à la moitié du total des salariés embauchés dans les mêmes conditions, au cours de la même période.

Suivant l'avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission adopte l'article 64 sans modification .

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