ARTICLE  8 BIS (NOUVEAU) : FONDS EXCEPTIONNEL DE SOUTIEN AUX DÉPARTEMENTS EN DIFFICULTÉ

I. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU MARDI 22 NOVEMBRE 2011)

Article additionnel après l'article 8

M. le président. L'amendement n° I-20, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Il est institué, en 2012, un prélèvement sur les recettes de l'État intitulé « Fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté », doté de 100 millions d'euros.

Il est calculé, pour chaque département, un indice synthétique de ressources et de charges égal à la somme :

1° Du rapport entre le potentiel financier par habitant de l'ensemble des départements et le potentiel financier par habitant du département ;

2° Du rapport entre le revenu moyen par habitant de l'ensemble des départements et le revenu moyen par habitant du département ;

3° Du rapport entre la proportion de personnes âgées de plus de soixante-quinze ans dans le département et cette même proportion dans l'ensemble des départements.

L'indice synthétique est obtenu par addition des rapports définis ci-dessus, chacun étant affecté d'un coefficient de pondération d'un tiers.

Sont éligibles au fonds les quarante départements ayant l'indice le plus élevé. L'attribution revenant à chaque département éligible est déterminée en fonction de son indice.

La population prise en compte est celle définie à l'article L. 3334-2 du code général des collectivités territoriales. Un décret précise les modalités d'application du présent I.

II. - Le prélèvement sur recettes créé par le I est exclu du périmètre des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales stabilisés en valeur en application de l'article 7 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

III. - Les pertes de recettes résultant pour l'État du présent article sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les dispositions de cet amendement important renvoient à la longue discussion que nous avons eue à l'article 6. En effet, elles font référence à l'initiative, prise en loi de finances rectificative pour 2010, de la création d'un fonds de soutien aux départements en difficulté doté, pour sa première section, de 75 millions d'euros.

Ce fonds devait permettre de répondre, de façon transitoire et partielle, aux difficultés financières des départements résultant, notamment, du report de la réforme de la dépendance et de son financement.

Or Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, a annoncé, le 2 septembre 2011, un nouveau report de cette réforme, qui ne sera donc pas mise en oeuvre en 2012.

En conséquence, il apparaît nécessaire de prévoir également, en 2012, une aide exceptionnelle au profit des départements en difficulté. Celle-ci, dans l'attente de la réforme globale de la dépendance, permettra de soulager la situation financière très tendue des départements les plus en difficulté.

Nous avions critiqué l'an dernier la faiblesse de cette aide. Quant à certains sénateurs de droite, ils s'étaient émus en commission des finances que certains départements soient éligibles à ce fonds, et d'autres non.

C'est pourquoi la commission des finances a choisi de doter ce fonds de 100 millions d'euros, répartis selon les mêmes modalités que la première section du fonds versée en 2011.

Toutefois, il est important de souligner que, à la différence du dispositif voté en 2010, le fonds exceptionnel ainsi créé fera l'objet d'un prélèvement sur les recettes de l'État, et non d'une ponction sur les ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA. Nous avions en effet critiqué cette solution l'an passé et nous nous efforçons d'être cohérents avec les positions que nous défendions lorsque nous étions dans l'opposition sénatoriale.

Enfin, il est important de le souligner, nous proposons d'élargir de trente à quarante le nombre de départements éligibles aux reversements du fonds. (M. Jean-Louis Carrère applaudit. )

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous avons déjà créé l'an dernier un fonds de péréquation pour les départements.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.

M. Gérard Miquel. Je remercie Nicole Bricq d'avoir, au nom de la commission des finances, présenté cet amendement.

En effet, il nous paraît juste d'apporter une petite compensation financière aux départements : les présidents de conseils généraux attendaient avec impatience la réforme de la dépendance, laquelle semble finalement reportée sine die .

Ce devait être l'une des grandes réformes de la mandature. Malheureusement, le quinquennat risque fort de s'achever sans qu'elle ait vu le jour.

Cette petite compensation ne couvrira certes pas les besoins des départements, mais elle sera la bienvenue pour les aider à équilibrer leur budget.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Je représente le seul département qui, lors des dernières élections cantonales, est passé de gauche à droite. (Exclamations.)

Vu la situation dont la nouvelle majorité du conseil général a hérité, et en dépit de tous ses efforts pour redresser les finances de la collectivité et réduire ses dépenses de fonctionnement, il est heureux que ce département ait bénéficié d'une aide exceptionnelle !

Je vous ai écoutés avec attention, mes chers collègues : il y a des économies à faire, c'est certain. Néanmoins, pour cela, il faut un peu de temps.

C'est ainsi que, dans le département dont je suis l'élu, nous avons dû augmenter la fiscalité locale de 15 %.

M. Jean-Louis Carrère. Vous voyez !

M. Francis Delattre. Et si les impôts devaient de nouveau augmenter de 15 % l'an prochain, nous nous trouverions alors en très grande difficulté.

M. Jean-Louis Carrère. Le département repasserait à gauche ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Francis Delattre. Ne croyez pas, mes chers collègues, que nos concitoyens soient ignorants des réalités. Demandez-leur aujourd'hui si les collectivités doivent faire un effort en matière de dépense publique, et vous obtiendrez un plébiscite en faveur du oui.

Nos concitoyens lisent la presse et, comme tous les commentateurs, ils apprécient aujourd'hui ce qui se passe en Alsace : ils comprennent aisément que les efforts de rationalisation entrepris par les élus locaux se traduiront dans cette région par des dépenses en moins, notamment grâce à la suppression de deux hôtels de département.

Dans le Val-d'Oise où je suis élu, c'est presque à un rythme quotidien que la nouvelle majorité départementale annonce des mesures d'économies.

Je me permets toutefois d'attirer votre attention sur le mécanisme de l'amendement n° I-20, madame la ministre. À dire vrai, je le trouve relativement astucieux. Il me semble en effet plutôt intéressant de maintenir un dispositif de cette nature pour permettre aux trente départements les plus en difficulté d'affronter les mauvaises années qui les attendent. En effet, je le répète, on ne peut pas augmenter deux années de suite les impôts départementaux de 15 % !

M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour explication de vote.

M. Claude Haut. Depuis de nombreuses années, les sénateurs socialistes alertent le Gouvernement sur la situation critique que subissent les départements, confrontés à un effet de ciseau sans précédent du fait de la hausse de leurs dépenses sociales et des contraintes pesant sur leurs recettes - perte d'autonomie et hausse des dotations.

En 2011, les départements devront assumer près de 50 % du coût des allocations individuelles de solidarité - APA, PCH, RSA -, sans compensation financière de l'État, soit l'équivalent de 7 milliards d'euros, sur un montant total de 14 milliards d'euros.

Le taux de compensation par l'État est en constante diminution depuis 2004.

Le problème repose aujourd'hui principalement sur l'évolution de l'allocation personnalisée d'autonomie, pour laquelle le taux de couverture n'était plus que de 30 %, et encore, en 2009.

À la différence du RSA, dont on peut espérer que son coût diminue en période de reprise du marché de l'emploi, l'APA est une allocation dont le coût devrait, à moyen et à long terme, augmenter de manière sensible, proportionnellement à la hausse de la part de la population âgée dans la population française totale.

Pour résoudre ce problème, le Gouvernement promet depuis 2007 l'examen d'une réforme de la prise en charge de la dépendance.

À cette fin, de nombreux travaux ont été engagés, sur l'initiative des associations représentatives, mais aussi du Sénat, avec la création d'une mission d'information qui a longuement travaillé, ou encore du Gouvernement, avec les groupes de réflexion constitués l'année dernière sous l'égide de Roselyne Bachelot-Narquin.

La crise aura finalement eu raison de cette réforme, déjà maintes fois reportée. Lors de l'annonce du premier plan de rigueur le 24 août dernier, le Premier ministre a « choisi de continuer à travailler sur le dossier de la dépendance », mais, pour l'instant, nous ne voyons rien venir.

En réalité, cette nouvelle tentative n'abuse personne, et nul n'ignore à présent que cette réforme ne verra pas le jour sous cette législature.

En conséquence, la conduite de cette réforme importante reviendra à celles et ceux qui auront l'honneur de vous succéder, madame la ministre. Si tel est notre cas, nous prendrons les décisions qui s'imposent pour maintenir notre modèle social et assurer son financement pérenne.

Toutefois, cette heure n'est pas arrivée, et nous ne pouvons de nouveau, en 2012, abandonner les départements à leur sort. C'est pourquoi nous soutiendrons l'amendement présenté par Mme la rapporteure générale, qui vise à créer une aide exceptionnelle de 100 millions d'euros, attribuée à une quarantaine de départements.

J'ajoute, pour conclure, que l'aide exceptionnelle adoptée l'année dernière a souffert de la répartition discrétionnaire des crédits inscrits dans la deuxième section. In fine , seuls sept départements ont profité de ces subventions exceptionnelles, après signature d'une convention avec l'État, en vertu de l'arbitraire le plus total. De nombreuses autres collectivités sont restées sur la touche !

Pour notre part, nous refusons cette méthode et préférons nous en remettre à des critères objectifs, tels que ceux qui figurent dans l'amendement présenté par Mme la rapporteure générale. (M. Jean-Louis Carrère applaudit. )

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 8.