M. Yvon COLLIN et Mme Fabienne KELLER

II. LES RESSOURCES ALÉATOIRES D'UN COMPTE À L'AVENIR INCERTAIN

A. UN FINANCEMENT DE L'AIDE À LA LUTTE CONTRE LA DÉFORESTATION PAR LE PRODUIT DE CESSIONS DE QUOTAS CARBONE

Le Gouvernement se propose de couvrir le besoin de financement de l'engagement international de la France relatif à l'aide aux pays en développement pour la gestion durable de la forêt et la lutte contre la déforestation soit 150 millions d'euros, sur les 250 millions impliqués au total par cet engagement, entre 2010 et 2012 par une partie des produits de cession d'unités de « quantité attribuée » à notre pays (« UQA », représentatives de quotas d'émissions de gaz à effet de serre mesurés en équivalents carbone) dans le cadre du Protocole de Kyoto.

Il convient ici de rappeler que ces quotas ont été affectés à chacun des pays industrialisés ou en transition vers une économie de marché, pour la période 2008-2012, en fonction d'objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre 64 ( * ) . Dans l'hypothèse où un pays émet plus de ces gaz que ses UQA ne l'y autorisent, il lui incombe d'acheter les quotas manquants sur le marché ; dans le cas inverse, les UQA excédentaires peuvent être vendues par les Etats, de la même façon.

Grâce à ses bonnes performances en matière de lutte contre le changement climatique, la France dispose aujourd'hui d'un volume excédentaire d'UQA par rapport à ses besoins. Ces actifs peuvent donc être valorisés, même si aucune opération en ce sens n'a été encore conduite jusqu'à présent. Les cessions, dans ce domaine, ont vocation à se trouver retracées par le compte de commerce « Gestion des actifs carbone de l'Etat » 65 ( * ) .

B. LA CRÉATION D'UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE AD HOC

Créé par l'article 63 de la LFI pour 2011, le compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » traduit le choix du Gouvernement de financer partiellement, par le produit de cession de quotas carbone de l'Etat, l'aide française au développement pour la gestion durable de la forêt et la lutte contre la déforestation.

Le mécanisme retenu repose sur le mécanisme suivant : la vente d'UQA est permise par les efforts français de réduction des émissions de gaz à effet de serre ; les produits de cette vente contribuent à financer la lutte contre le changement climatique, par le biais d'actions de gestion durable des forêts et contre la déforestation dans les pays en développement.

Si ce dispositif est juridiquement prévu pour une durée indéterminée, le mécanisme de financement à titre de « démarrage précoce » défini lors de la Conférence de Copenhague est borné à la fin de l'année 2012.

1. L'organisation du compte
a) Les recettes

Le compte « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » retracera, en recettes , le produit de la vente de quotas carbone de l'Etat (UQA définies par le Protocole de Kyoto), dans la limite expresse de 150 millions d'euros .

Le produit de la vente est donc affecté en priorité au compte d'affectation spéciale dans cette limite de 150 millions d'euros. Au-delà de ce montant, le produit des ventes de quotas carbone se trouvera, comme actuellement, affecté au compte de commerce « Gestion des actifs carbone de l'Etat ».

b) Les dépenses

En dépenses , le nouveau compte retracera celles que requiert la contribution française à l'initiative « REDD+ » ci-dessus mentionnée :

- d'une part, les dépenses en faveur de projets de gestion durable de la forêt et de lutte contre la déforestation dans les pays en développement, pour lesquelles le ministre des affaires étrangères et européennes est l'ordonnateur principal ;

- d'autre part, les dépenses liées aux actions des fonds environnementaux en matière de gestion durable de la forêt et de lutte contre la déforestation dans les pays en développement, pour lesquelles le ministre chargé de l'économie est l'ordonnateur principal.

2. La mission correspondante

La mission correspondant aux dépenses du compte « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », mission interministérielle, est composée de deux programmes :

- le programme 781 « Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce », dotée dans le présent PLF de 30 millions d'euros en AE et en CP (soit des niveaux identiques à ceux de la LFI 2011) ;

- le programme 782 « Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce », qui ne fait l'objet d'aucune dotation dans le présent PLF, alors que ses crédits s'élevaient à 75 millions d'euros en AE et en CP dans la LFI 2011).

Les dépenses correspondent exclusivement à des dépenses d'intervention , relevant du titre 6.

Conformément au principe de fonctionnement du compte d'affectation spéciale, l'ensemble des crédits prévus en la matière doit être dégagé par la cession par l'Etat de quotas carbone à due concurrence, soit un montant total de 30 millions d'euros pour 2012.

L'absence de vente de quotas carbone n'a pas permis, à ce jour, d'engager les actions prévues dans le cadre du CAS . Le ministère en charge du développement durable, responsable de la vente des quotas UQA, a pourtant approché différents acheteurs potentiels, notamment des gouvernements européens (le Luxembourg, la Norvège et l'Espagne) ainsi que des entreprises japonaises au travers d'un intermédiaire privé (EDF Trading). Aucune vente n'a pu être conclue , malgré des prix proposés biens inférieurs au niveau de 10 euros par quota qui était retenu comme hypothèse par le Gouvernement lorsqu'ont été souscrits les engagements de la conférence de Copenhague.

a) Le programme « Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce » (30 millions d'euros en AE et CP)

Le programme 781, intitulé « Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce », se trouve placé sous la responsabilité du ministre chargé des affaires étrangères et, au plan administratif, celle du directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats. Ce programme retrace les crédits employés au financement, mis en oeuvre par l' AFD sous forme de subventions et de prêts concessionnels, de projets de lutte contre la déforestation dans les pays en développement.

Pour 2012, comme en 2011, la dotation est fixée à 30 millions d'euros en AE et CP. Ces crédits devraient notamment bénéficier aux trois projets cités plus haut : imagerie satellite pour les pays d'Afrique centrale, gestion forestière durable dans la province du Kalimantan en Indonésie, et coopération régionale sur le plateau des Guyanes.

Faute de recettes résultant de la vente de quotas UQA, aucune dépense n'a toutefois été engagée , et le ministère des affaires étrangères et européennes envisage d'ores et déjà, pour le programme 781 dont il est ordonnateur, des redéploiements de crédits à hauteur de 60 millions d'euros pour financer les actions prévues dans le programme 781.

b) Le programme « Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce » (pas de dotations en 2012)

Le programme 782, intitulé « Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce », relève de la responsabilité du ministre chargé de l'économie et, au plan administratif, de celle du directeur général du Trésor. Ce programme a trait aux crédits de contribution aux fonds environnementaux finançant des actions contre la déforestation, en pratique le FEM et le FFEM principalement.

Ce programme n'est pas doté en 2012, les engagements de la France en faveur de la lutte contre la déforestation devant être financés en 2012 par des crédits inscrits au programme 110 « Aide économique et financière » de la mission « Aide publique au développement ».

c) Une absence de mesure de la performance contraire à la LOLF

Aucun dispositif de mesure des performances n'est associé aux programmes de la mission, ce qui est contraire à l'article 7 de la LOLF.

Comme l'an passé, vos rapporteurs spéciaux déplorent cette situation qu'il conviendra dans le corriger dès le prochain PLF , si le CAS devait être maintenu.

Dans les réponses au questionnaire budgétaire, le ministère des affaires étrangères et européennes a en effet jugé souhaitable le maintien du CAS au-delà de 2012 , au regard des besoins de financement des actions de lutte contre l'effet de serre dans les pays en développement et des ressources qui pourraient résulter de la mise aux enchères des quotas carbone.

Concernant la mesure de la performance, le ministère des affaires étrangères et européennes a indiqué la réalisation d'un suivi « en conformité avec les règles de procédure de l'AFD ».


* 64 Les Etats concernés, globalement, se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, entre 2008 et 2012, à hauteur de  5,2 % par rapport à 1990.

* 65 Ce compte a été créé par la LFR du 30 décembre 2008 pour suivre, en recettes et en dépenses, les flux engendrés par les opérations de l'Etat (cessions et acquisitions) sur l'ensemble des marchés du carbone non seulement celui des UQA issues du Protocole de Kyoto, mais également celui des quotas européens d'émission de gaz à effet de serre se rapportant au Système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE, dispositif visant à permettre d'atteindre les objectifs assignés à l'Union Européenne et à ses Etats membres dans le cadre du Protocole de Kyoto). Il doit notamment permettre d'abonder la réserve de quotas pour les nouveaux entrants que prévoit le Plan national d'affectation des quotas d'émission de CO 2 (PNAQ, lancé en 2005 pour décliner au niveau national les exigences issues du Protocole de Kyoto et du SCEQE).