Mme Marie-France BEAUFILS, rapporteure spéciale

II. ANALYSE PAR PROGRAMME

L'analyse par programme ne procède pas à un recensement exhaustif des crédits demandés pour 2012, dont la justification au premier euro figure au projet annuel de performances. Seules sont retracées les évolutions les plus significatives en 2012.

A. LE PROGRAMME 200 « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ETAT »

La dotation du programme 200 s'établit à 73,8 milliards d'euros, en augmentation de 5 % par rapport à la LFI 2011 et de 1 % par rapport au révisé 2011. Les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt expliquent seuls cette augmentation (+3,1 milliards d'euros et +5,5 % par rapport au révisé). Les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques baissent de 1,1 milliard d'euros (-12,3 %) 10 ( * ) et les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'Etat de 1,3 milliard d'euros (-15,9 %).

1. Les remboursements liés à la mécanique de l'impôt enregistrent les effets de l'abrogation du bouclier fiscal
a) Les crédits du bouclier fiscal baissent de 81 %

L'évolution proportionnellement la plus marquante des crédits de l'action 11 « Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt » porte sur la sous-action 11-03 « Plafonnement des impôts directs », sur laquelle s'imputent les restitutions au titre du bouclier fiscal . Les crédits de cette sous-action baissent de 81 % par rapport à 2011, pour s'établir à 162 millions d'euros au lieu de 851 millions d'euros (-689 millions d'euros). L'ampleur de cette diminution est due :

1) aux effets en 2012 de l'abrogation du bouclier prévue par la réforme de la fiscalité du patrimoine (-0,7 milliard d'euros) et de l'auto-liquidation sur l'impôt de solidarité sur la fortune des droits acquis au 1 er janvier 2012 (+0,05 milliard d'euros) ;

2) au fait que la dépense au titre du bouclier est particulièrement élevée en 2011 (+193 millions d'euros par rapport à 2010), en raison de l'obligation faite aux redevables de l'ISF d'auto-imputer le bouclier 2011 sur l'ISF 2011.

L'évolution des crédits du programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat »

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La première loi de finances rectificative pour 2011 a en effet prévu la suppression totale du bouclier fiscal à partir de 2013. A titre transitoire, les redevables de l'ISF en 2012 titulaires d'un droit à restitution au 1 er janvier 2012 avaient l'obligation d'auto-liquider leur droit à restitution sur cet impôt, l'éventuel reliquat non imputable constituant une créance sur l'Etat imputable, elle aussi, exclusivement sur les cotisations d'ISF dues au titre des années suivantes 11 ( * ) . Nos collègues députés ont, par ailleurs, étendu l'obligation d'auto-liquidation au droit à déduction acquis au 1 er janvier 2011 par les redevables de l'ISF 12 ( * ) . Dans ces conditions, le coût du bouclier en 2012 comprend les dépenses au titre du bouclier 2011 correspondant aux demandes déposées avant le 30 septembre par des redevables de l'ISF, les dépenses au titre du bouclier 2012 auto-liquidé sur l'ISF 2012 et les dépenses au titre du bouclier 2012 bénéficiant aux redevables non assujettis à l'ISF . A compter de 2013, les reliquats non imputables du bouclier 2012 seront imputés par les redevables de l'ISF sur l'impôt de l'année, raison pour laquelle l'année de dernière incidence budgétaire n'est pas connue à ce jour .

b) La reprise des demandes de remboursement des créances de TVA se confirme en 2012

Les remboursements de crédits de TVA constituent le principal facteur d'explication de la hausse globale des crédits de l'action : ils augmentent de 3 milliards d'euros par rapport à 2011 (+6,5 %).

L'évolution de cet agrégat a eu un profil heurté au cours des dernières années, imputable à la mesure de mensualisation des remboursements décidée dans le cadre du plan de relance. Cette mensualisation a conduit à une très forte augmentation des remboursements en 2009, puis à une contraction de l'exécution 2010 (-15 %), le stock de créances remboursables s'épuisant. 2011 et 2012 sont marquées par la reprise des dépôts de demandes de remboursements , qui expliquent la hausse anticipée du besoin de crédits à 49,3 milliards d'euros. Cette estimation pour 2012 repose sur une croissance de l'assiette de l'ordre de 3,5 % et une augmentation de la TVA brute de 4,2 %.

c) Un moindre recours à l'autolimitation devrait majorer les remboursements d'IS

Les remboursements de créances d'IS augmentent enfin de 8,5 % (+804 millions d'euros), pour s'établir à 10,6 milliards d'euros. La tendance s'inverse donc par rapport aux années précédentes, les crédits ayant diminué entre 2010 et 2011 (-1,3 milliard d'euros). Cette diminution s'expliquait par l'évolution divergente du bénéfice fiscal des entreprises entre 2009 (baisse de 1 %) et 2010 (hausse de 5,1 %). Ainsi :

1) la baisse du bénéfice en 2009 s'est répercutée sur les remboursements 2010, en occasionnant d'importantes restitutions d'excédents d'acomptes ;

2) son augmentation en 2010 s'est accompagnée d'un recours plus important à l'autolimitation 13 ( * ) , et a donc diminué les restitutions.

La prévision pour 2012 repose sur une hypothèse de recours à l'autolimitation en 2011 inférieure au taux constaté en 2010.

2. Les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques enregistrent l'effet des « mesures de redressement »
a) Gel du barème et imputation du RSA contribuent à la diminution de la prime pour l'emploi

La création du revenu de solidarité active (RSA) en 2009 a eu un double impact sur l'évolution de la prime pour l'emploi (PPE). Son barème a été gelé et le RSA « activité » a été conçu comme déductible du montant de PPE dû l'année suivant celle où le RSA a été perçu, dans la limite dudit montant.

Le montant global de la prime pour l'emploi devrait être de l'ordre de 2,9 milliards d'euros en 2011 et 2,5 milliards en 2012, dont respectivement 2,45 milliards et 2,15 milliards de part restituée . Cette baisse résulte du gel du barème et de l'imputation du RSA. L'imputation devrait susciter une économie de 80 millions d'euros en 2011 et de 50 millions d'euros en 2012 et le gel diminuerait le coût de la PPE de 261 millions d'euros en 2011 (dont 161 millions restitués) et de 330 millions d'euros en 2012 (dont 225 millions restitués).

Au total, alors que les revalorisations du barème avaient conduit à une hausse significative du coût de la PPE entre 2001 et 2008 (de 2,5 à 4,5 milliards d'euros), la tendance s'est inversée à compter de 2009. Ce phénomène se reflète également dans le montant moyen de PPE par foyer, passé de 501 euros en 2008 à 444 euros en 2011, et sur le montant maximal de PPE individuelle, passé de 960 euros en 2008 à 836 euros en 2011 ( cf . graphique).

Evolution du coût de la prime pour l'emploi

(échelle de droite : euros / échelle de gauche : milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire

b) Les restitutions d'impôt sur le revenu entre « rabot » et « bouquet »

La sous-action 12-02 « Impôt sur le revenu » constitue un indicateur privilégié des effets des mesures de « redressement » voulues par le Gouvernement et plus généralement de sa stratégie de réduction des dépenses fiscales, fondée sur un « rabotage » 14 ( * ) des avantages afférents à l'impôt sur le revenu et un « bouquet » de mesures ciblées . La sous-action est, en effet, principalement constituée de la part restituée des crédits d'impôts pour dépenses d'équipements de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable, pour frais de garde des enfants âgés de moins de six ans, au titre de l'emploi d'un salarié à domicile, et au titre des intérêts d'emprunt supportés à raison de l'acquisition ou de la construction de l'habitation principale.

Les crédits de la sous-action devraient ainsi diminuer de 343 millions d'euros 15 ( * ) entre l'exécution 2010 et le révisé 2011 (-13,6 %), sous l'effet de la réduction de moitié (25 % au lieu de 50 %) du taux du crédit d'impôt applicable aux équipements photovoltaïques et de la suppression du crédit d'impôt attaché aux revenus de source française ou étrangère 16 ( * ) . Ce mouvement se poursuivrait en 2012 où, hors évolution spontanée, les crédits de la sous-action diminueraient de 696 millions d'euros supplémentaires , pour s'établir à 1,5 milliard d'euros (-31,8 %). Cette baisse résulte de la nouvelle restriction du champ d'application du crédit d'impôt « Développement durable » et de la première application du « rabot » de 10 % sur les dépenses fiscales afférentes à l'impôt sur le revenu.

c) Le recentrage du crédit d'impôt recherche atténue les restitutions d'impôt sur les sociétés

La dépense correspondant aux restitutions des créances de crédit d'impôt recherche (CIR), de report en arrière de déficit (RAD) et des autres crédits d'impôt sur les sociétés a connu une diminution sensible entre 2010 et 2011 (-2,5 milliards d'euros et -46,1 %) du fait notamment du recentrage de la mesure de remboursement immédiat des créances de CIR sur les seules PME 17 ( * ) . La dotation de la sous-action diminue légèrement de 2011 à 2012 (-0,1 milliard d'euros et -4,1 %, à 2,8 milliards d'euros).

Evolution des crédits des autres sous-actions du programme

Sous action 12-04 : Taxe intérieure sur les produits pétroliers

Cette sous-action regroupe essentiellement les restitutions au bénéfice des taxis, des exploitants de transport public routier en commun de voyageurs, des véhicules routiers, des agriculteurs et des biocarburants. Après 869 millions d'euros en 2010 et 865 millions d'euros en 2011, la dépense 2012 est attendue à 911 millions d'euros. La légère diminution observée entre 2010 et 2011 résulte notamment de la baisse progressive de la défiscalisation accordée aux biocarburants, mesure introduite par l'article 16 de la loi de finances pour 2009.

Sous action 12-05 : Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel

Cette sous-action comprend les remboursements de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) aux exploitants agricoles, pour un montant non significatif.

Sous action 12-06 : Contribution à l'audiovisuel public

Cette sous-action regroupe les dégrèvements en faveur des personnes de condition modeste ou qui perçoivent pour la dernière fois le RMI en 2009. 2011 avait été marquée par la prorogation du dégrèvement de contribution à l'audiovisuel public instauré en 2005 au bénéfice des personnes âgées de plus de 65 ans au 1 er janvier 2004. La dépense devrait passer de 570 millions d'euros en 2011 à 530 millions en 2012.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. Les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'Etat retrouvent un niveau normal

Les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'Etat diminuent de 15,9 % entre 2011 et 2012, pour s'établir à 6,7 milliards d'euros (-1,3 milliard d'euros). Cette baisse résulte principalement du contrecoup de deux contentieux ayant fortement majoré les dépenses de l'exercice 2011 (8 milliards d'euros) :

1) 0,9 milliard d'euros ont été provisionnés consécutivement à la condamnation de la France par la Cour de justice de l'Union européenne en matière de précompte mobilier 18 ( * ) ;

2) 0,3 milliard d'euros ont été consacrés à l'incidence des contentieux de masse sur la taxe sur les achats de viande , instituée par la loi de finances initiale pour 1997 afin de financer le service public de l'équarrissage (SPE). La conformité de la taxe à la législation communautaire sur les aides d'Etat avait été contestée par la grande distribution 19 ( * ) , et ses faiblesses avaient été pointées par votre commission des finances sur le financement du SPE 20 ( * ) .

B. LE PROGRAMME 201 « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX »

10,3 milliards d'euros sont demandés pour 2012 au titre des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, soit 1,4 milliard d'euros de moins qu'en 2011 (-11,9 %). Cette baisse est, comme en 2011, imputable aux effets de la réforme de la taxe professionnelle.

L'évolution des crédits du programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux »

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

1. Des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux en forte baisse
a) L'impact de la réforme de la taxe professionnelle

La dotation de l'action 1 « Taxe professionnelle et contribution économique territoriale » passe de 7,1 à 5,1 milliards d'euros entre 2011 et 2012, soit une diminution de 20,8 % (-1,5 milliard d'euros). Le tableau qui suit détaille cette variation.

Décomposition de l'évolution des crédits de l'action « Taxe professionnelle »

(en millions d'euros)

Dégrèvement

2009 exécuté

2010 exécuté

2011 prévision

2012 prévision

Plafonnement TP/VA

9 912

10 506

834

87

Plafonnement CET/VA

-

2

686

828

Dégrèvement poids lourds

287

-

-

-

Dégrèvement entreprises de transport sanitaire

30

-

-

-

Dégrèvement armateurs

65

3

0

0

Dégrèvement recherche

92

3

1

1

Dégrèvement pour investissements nouveaux

1 819

-

-

-

Crédit impôt anti-délocalisation

209

-

-

-

Zone franche DOM

34

-

-

Crédit impôt zones de restructuration défense

-

1

1

1

Dégrèvement barémique CVAE

-

-

3 600

3 559

Restitution CVAE

600

300

Ecrêtement des pertes

-

-

710

533

Autres motifs

1 024

1 136

652

301

Total exécuté

13 472

11 651

7 084

5 610

Source : réponses au questionnaire

En l'espace de quatre années et sous l'effet de la réforme de la fiscalité directe locale, les remboursements et dégrèvements imputables à la TP ou aux nouvelles impositions seront passés de 13,5 à 5,6 milliards d'euros, soit une diminution de près de 60 %.

La baisse des crédits aura résulté, entre 2009 et 2010, de la disparition de la plupart des dégrèvements sur rôle puis, entre 2010 et 2011, de la baisse mécanique du dégrèvement pour plafonnement de TP en fonction de la valeur ajoutée (PVA), la majeure partie des dégrèvements au titre de 2009 ayant été prononcés en 2010. Cette baisse, d'un montant total de 9,7 milliards d'euros, n'est pas totalement compensée par la montée en charge du plafonnement de CET en fonction de la valeur ajoutée (+0,7 milliard d'euros) et de l'apparition du dégrèvement barémique de CVAE (+3,6 milliard d'euros).

La prévision pour 2012 consacre une nouvelle diminution par rapport 2011, due :

1) à la quasi-extinction du dégrèvement « PVA » de TP (dont le coût passe de 834 à 87 millions d'euros) ;

2) à de moindres restitutions d'acomptes excédentaires de CVAE (300 millions d'euros au lieu de 600 millions en 2011). La CVAE étant un impôt auto-liquidé par les entreprises, les excédents d'acomptes versés en année n font l'objet de restitutions aux entreprises en année n+1 après la déclaration de solde. En 2011, première année de la mise en place de ce mécanisme, une somme de 0,6 milliard d'euros a globalement été restituée aux entreprises au titre de la CVAE 2010. En 2012, ce niveau est estimé à 0,3 milliard d'euros « de façon relativement conventionnelle, faute de recul sur cet impôt » 21 ( * ) . Au surplus, le seuil d'assujettissement au paiement d'acomptes de CVAE appliqué en 2011 ayant été modifié, le Gouvernement juge difficile de prévoir la marge d'erreur dans les acomptes payés par les entreprises 22 ( * ) ;

3) à la baisse du coût des autres dégrèvements . La disparition des dégrèvements relatifs à la TP n'est pas compensée par l'évolution des dégrèvements afférents à la CET et aux IFER (dont l'estimation du coût diminue de 0,65 milliard d'euros à 0,29 milliard entre 2011 et 2012).

Enfin, l'entrée en vigueur de la règle de consolidation du chiffre d'affaires en cas d'appartenance à un groupe d'intégration fiscale pour la détermination du dégrèvement barémique 23 ( * ) devrait réduire ce dégrèvement de 0,17 milliard d'euros.

b) Les dégrèvements de taxes foncières

Les crédits de l'action 2 « Taxes foncières » sont évalués à 800 millions d'euros en 2012, contre 825 millions d'euros en 2011 (-3 %). Le niveau relativement élevé des dégrèvements prononcés en 2011 résulte, pour 75 millions d'euros, du dégrèvement exceptionnel de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) accordé dans les soixante-cinq départements ayant pris un arrêté de calamité agricole à la suite de la sécheresse du printemps 2011 . L'essentiel des dégrèvements concerne des rectifications d'impositions effectuées postérieurement à l'émission initiale, auxquels s'ajoutent les dégrèvements d'office de taxe foncière sur les propriétés bâties accordés aux personnes âgées ou de condition modeste (70 millions d'euros) et pour les dépenses de travaux d'économies d'énergie exposées par les HLM et les sociétés d'économie mixte (80 millions d'euros), ainsi que les dégrèvements de TFPNB pour pertes de récolte (22 millions d'euros) et au bénéfice des jeunes agriculteurs (12 millions d'euros).

Votre rapporteure spéciale relève enfin que les crédits de cette action incluent, à compter de 2012, l'impact de la création du plafonnement en fonction du revenu de la taxe foncière afférente à l'habitation principale . Ce plafonnement, institué dans le cadre de la réforme de la fiscalité du patrimoine, vise à tirer les conséquences de la suppression du bouclier fiscal et à prendre en compte la situation des contribuables propriétaires de leur résidence principale, pour lesquels cette résidence peut représenter une charge excessive au regard de leurs capacités contributives. Son coût était estimé à 7 millions d'euros lors des débats sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2011 ( cf . tableau).


Evolution des dégrèvements de taxes foncières

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire

c) Les dégrèvements de taxe d'habitation

Sur l'action 3 « Taxe d'habitation » , les crédits augmentent de 4,8 %, passant de 3,34 milliards d'euros en 2011 à 3,5 milliards en 2012. 85 % de ces crédits (2,96 milliards d'euros) correspondent au plafonnement de la taxe d'habitation en fonction du revenu . La budgétisation 2012 tient compte de la suppression du dégrèvement d'office en faveur des bénéficiaires du RMI des départements d'outre-mer 24 ( * ) , qui représentait un coût très limité de 26 millions d'euros en 2011. Les autres dégrèvements (0,5 milliard d'euros) correspondent à des rectifications d'impositions effectuées postérieurement à l'émission initiale des rôles.

Evolution des dégrèvements de taxe d'habitation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire

Les réponses au questionnaire font enfin valoir que le nombre de réclamations contentieuses relatives à la taxe d'habitation a progressé d'environ 4 % (+8 439 réclamations) entre le premier semestre 2010 et le premier semestre 2011. Dans le même temps, le nombre de réclamations gracieuses relatives à la taxe d'habitation a progressé d'environ 13,5% (+13 771 réclamations) entre le premier semestre 2010 et le premier semestre 2011. Cette augmentation résulte en particulier, selon le Gouvernement, « de l'augmentation des taux d'imposition locaux pour la TH entre 2009 et 2010 ». Cette explication est un peu courte et l'augmentation du nombre de réclamations gracieuses traduit tout autant, si ce n'est plus, les difficultés liées au pouvoir d'achat des ménages que l'évolution de la pression fiscale locale.

d) Les admissions en non-valeur

Les admissions en non-valeur (action 4) mobilisent enfin 400 millions d'euros de crédits en 2012 (-13 % par rapport à 2011). Elles sont constituées des créances irrécouvrables, soit celles dont le paiement effectif n'a pu être obtenu en raison notamment de l'insolvabilité ou de la disparition du redevable. Elles ont pour but de relever le comptable de sa responsabilité mais n'éteignent pas pour autant la créance du redevable, qui pourra à tout moment être recouvrée si sa situation venait à s'améliorer.

La budgétisation 2011 s'était inscrite en forte baisse après une augmentation transitoire en 2010 (552 millions d'euros), liée au repli du taux de recouvrement à deux ans de la taxe professionnelle, qui avait généré un excédent de restes à recouvrer dont une partie se traduit par une admission en non-valeur.

La nouvelle diminution prévue en 2012 résulte de l'incidence sur les volumes de restes à recouvrer de la disparition progressive de la taxe professionnelle.

2. L'impact de la réforme de la fiscalité directe locale sur les dégrèvements et compensations d'exonérations
a) Une diminution sensible du niveau de prise en charge des impôts locaux par l'Etat...

L'approche strictement budgétaire des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux doit être replacée dans le contexte plus global de l'évolution de la fiscalité directe locale et de son niveau de prise en charge par l'Etat. Le niveau de prise en charge de la fiscalité locale par l'Etat est évalué en additionnant aux dégrèvements d'impôts locaux stricto sensu les compensations d'exonérations , qui sont comptablement retracées en prélèvements sur recettes. Par les dégrèvements, l'Etat se substitue au contribuable local pour acquitter l'impôt ; par les compensations d'exonérations, il « indemnise » les collectivités des pertes de recettes fiscales qu'elles subissent sur décision du législateur ( cf . encadré).

Les dégrèvements et compensations d'exonérations

Les dégrèvements et les admissions en non-valeur sont des prises en charge par l'État de tout ou partie de la contribution due par les contribuables aux collectivités locales. Cette opération se déroule entre l'État et les contribuables au moment de l'établissement des avis d'imposition ou du recouvrement. Elle n'implique aucunement les collectivités : l'État prend intégralement à sa charge le coût des dégrèvements et le montant des impayés et verse le produit correspondant aux collectivités. Les sommes équivalentes aux dégrèvements et admissions en non-valeur sont incluses dans les produits de taxes votés par les collectivités dans le cadre de leur budget.

La diminution de l'imposition due par un contribuable s'effectue sous la forme d'un dégrèvement. Il peut avoir pour origine une décision législative liée à la situation d'un contribuable ou d'un immeuble ou constituer une mesure de correction technique de l'impôt, à savoir la rectification d'une erreur.

Ainsi, le dégrèvement intervient après calcul de l'impôt, aboutissant à réduire en tout ou partie le montant dû par le contribuable inscrit au rôle, l'État compensant entièrement aux collectivités cette perte de recettes à travers le dispositif du compte d'avances du produit de la fiscalité locale. En effet, l'État verse aux collectivités l'intégralité du produit émis en application des taux des impôts locaux qu'elles ont votés (cf. annexe 5). Il finance donc de fait l'écart entre le produit émis et le produit perçu, qui peut résulter des dégrèvements mais aussi des admissions en non-valeur (contribuables non solvables, contribuables disparus, etc.).

Les compensations d'exonérations sont des allocations annuelles versées par l'État aux collectivités locales pour compenser les pertes de recettes fiscales résultant des exonérations et allègements de bases décidés par voie législative. Les exonérations peuvent être décidées soit par l'État, soit par les collectivités locales (communes, EPCI, départements et régions). A la différence des dégrèvements, elles exonèrent son bénéficiaire de l'impôt concerné en n'inscrivant pas au rôle le montant équivalent à l'allègement consenti.

Lorsque les exonérations ou abattements sont soumis à délibération des collectivités, ils ne sont pas compensés par l'État mais sont à la charge des collectivités concernées. A l'inverse, lorsque les exonérations s'imposent aux collectivités, l'État les compense en fonction de règles de calcul propres à chaque compensation et définies par la loi.

Ainsi, le mécanisme de compensation dépend de décisions nationales : chaque collectivité ne dispose plus d'un pouvoir direct sur l'évolution de cette recette dans son budget. Cette recette a donc perdu toute nature fiscale pour la collectivité (en particulier, les variations de taux décidées par les collectivités ne sont plus prises en charge par l'État), mais son montant reste lié au montant des ressources fiscales que percevait la collectivité avant l'exonération. Au contraire des dégrèvements, les compensations d'exonération sont retracées de façon comptable en prélèvements sur recettes.

Source : annexe « Transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales » au PLF 2012

Selon l'annexe « Transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales » au PLF 2012, la part de la fiscalité locale prise en charge par l'Etat avait légèrement crû ces dernières années, notamment du fait de l'accroissement du nombre de dispositifs d'allègement . Cette légère progression cachait toutefois des évolutions divergentes entre les dégrèvements (dont le dynamisme des bases dégrevées ajouté à l'accroissement du nombre de dispositifs était plus important que celui des produits) et les compensations au dynamisme plus modéré.


Evolution de la part de fiscalité directe locale prise en charge par l'Etat

(en %)

Source : jaune « Transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales »

Le graphique qui précède montre que le taux de prise en charge est ainsi passé de 22,9 % en 2004 à un maximum de 26,3 % en 2008. Le léger décrochage constaté en 2009 est lié aux minorations des compensations d'exonération qui permettent de respecter l'« enveloppe normée » . L'inflexion brutale observée en 2010 et qui se poursuit en 2011 traduit l'impact de la réforme de la taxe professionnelle , explicité supra .

Cette évolution n'est toutefois pas uniforme selon les catégories de collectivités. Le graphique qui suit montre ainsi que la part de ressources fiscales des régions prise en charge par l'Etat progresse avec la réforme de la fiscalité directe locale, du fait de la prépondérance de la CVAE dans leur nouveau panier de ressources . En effet, près du tiers de cet impôt est pris en charge par l'Etat par le biais du dégrèvement barémique .


Evolution de la part de fiscalité directe locale
prise en charge par l'Etat selon les catégories de collectivités

(en %)

Source : jaune « Transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales »

b) ... mais un recul de l'autonomie fiscale des collectivités

Ces évolutions ne disent enfin rien du degré d'autonomie fiscale des collectivités, dans la mesure où elles ne tiennent pas compte des dotations budgétaires de compensation de la réforme de la TP (estimées à près de 3 milliards d'euros dans le PLF 2012), ni de la fiscalité d'Etat transférée aux départements 25 ( * ) , et sur laquelle ces derniers ne disposent d'aucune marge de modulation.

Si l'on ajoute à l'augmentation des dotations budgétaires et à la fiscalité d'Etat transférée le fait que la CVAE ne peut être modulée par les collectivités, la réforme de la TP se solde globalement par une dégradation de leur ratio d'autonomie fiscale.


* 10 Dans la suite des analyses, sauf mention contraire, les évolutions en % et en valeur absolue sont par rapport au révisé 2011 .

* 11 Hormis certaines situations spécifiques pouvant faire l'objet d'une demande de restitution : patrimoine inférieur au seuil d'imposition à l'ISF, imposition distincte à l'ISF, décès.

* 12 S'ils n'ont pas formulé de demande de remboursement avant le 30 septembre 2011, les redevables de l'ISF devront obligatoirement auto-liquider leur droit à restitution en l'imputant sur l'ISF dû à l'échéance du 30 septembre 2011 et, si besoin est, des années suivantes. Hormis certaines situations exceptionnelles (cessation d'assujettissement à l'ISF, décès...), le paiement de leur créance par le Trésor ne sera donc plus possible.

* 13 L'autolimitation est la possibilité offerte aux entreprises de moduler à la baisse le versement de leurs acomptes lorsqu'elles estiment que les sommes déjà acquittées dépassent l'impôt final calculé sur la base estimée de leur résultat.

* 14 Ou « réduction homothétique de 10 % de l'avantage en impôt procuré par les avantages fiscaux à l'impôt sur le revenu », instituée par l'article 105 de la loi de finances pour 2011.

* 15 Ce montant prend en compte l'augmentation du coût du crédit d'impôt au titre des intérêts d'emprunt supportés à raison de l'acquisition de la résidence principale dû à la prise en compte, pour la première fois en 2011, des intérêts afférents à des achats 2010.

* 16 Ce crédit d'impôt s'appliquait aux revenus tirés des plans d'épargne en actions (PEA) et visait à compenser la diminution de revenu distribué liée à la suppression de l'avoir fiscal pour les « petits épargnants ». Représentant un coût de plus de 600 millions d'euros, il a été supprimé par la loi de finances pour 2011 dans le cadre des mesures de financement de la réforme des retraites.

* 17 Le coût des parts restituées du prêt à taux zéro et du crédit d'impôt en faveur de l'intéressement devraient néanmoins augmenter.

* 18 Jusqu'en 2004, les sociétés françaises qui distribuaient des dividendes devaient, en contrepartie de l'avoir fiscal, acquitter un précompte mobilier dans le cas où ces dividendes ne provenaient pas de bénéfices ayant été taxés au taux plein de l'impôt sur les sociétés au titre des cinq exercices précédents. Par un arrêt du 15 septembre 2011, la CJUE a considéré que l'octroi d'un avoir fiscal aux seules distributions réalisées par des filiales françaises était contraire au droit communautaire et qu'il appartenait au contribuable de justifier qu'il remplissait les autres conditions auxquelles était subordonné l'avantage. La provision a donc été constituée dans l'attente de la vérification, par le juge national, des justificatifs en question.

* 19 La grande distribution a contesté la taxe en vigueur de 1997 à 2004, au motif que le versement de son produit constituait une aide d'Etat partiellement non notifiée à la Commission européenne et contraire au droit communautaire de la concurrence. La CJCE a donné raison à la grande distribution en 2003, mais la Commission européenne a validé rétroactivement le dispositif dans la limite du montant qui lui avait été notifié, soit 829 millions d'euros, et sous réserve que l'Etat rembourse partiellement les sommes perçues sur le marché intérieur, et intégralement la taxe ayant frappé les viandes importées entre 1997 et 2000. Les remboursements dus étaient évalués à 1,8 milliard d'euros par la grande distribution en 2004. L'Etat ayant choisi de les plafonner à 400 millions d'euros, une nouvelle campagne de réclamations et de contentieux a débuté en 2005 afin d'obtenir le remboursement intégral des sommes versées au titre de la taxe.

* 20 Voir les rapports d'information de nos collègues Nicole Bricq et Joël Bourdin (n° 432, 2005-2006 et n° 472, 2006-2007).

* 21 Réponses au questionnaire.

* 22 Ces restitutions ont leur contrepartie exacte en dépenses du compte d'avances aux collectivités locales, les collectivités percevant l'année suivante des montants de CVAE nets des restitutions opérées l'année précédente. Le niveau des restitutions d'acomptes est donc globalement neutre pour l'Etat.

* 23 Le chiffre d'affaires à retenir s'entendant de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe.

* 24 Liée à l'instauration du RSA.

* 25 Leur panier de ressources après réforme comprend des droits d'enregistrement : taxe spéciale sur les conventions d'assurance et des droits de mutations à titre onéreux sur les biens ou droits immobiliers représentant en 2010 près de 3,3 milliards d'euros.