MM. Michel BERSON et Philippe ADNOT, rapporteurs spéciaux

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

Observations relatives à l'ensemble de la mission
(rapporteur spécial : Michel Berson)

Présent projet de loi de finances

• Les crédits de paiement demandés pour 2013 - 26 milliards d'euros - sont conformes au projet de loi de programmation des finances publiques 2012-2017, et supérieurs de 338 millions d'euros à ceux prévus par la loi de programmation des finances publiques actuellement en vigueur 1 ( * ) .

• En termes d'évolution en valeur des crédits de paiement (CP), il est possible d'avancer trois chiffres (à structure constante) :

- les CP totaux augmentent de 2,16 % ;

- les CP au sens du projet de loi de programmation des finances publiques 2012-2017 (c'est-à-dire hors contribution du budget général au CAS « Pensions ») augmentent de 2,07 % ;

- les CP corrigés de la totalité des contributions au CAS « Pensions » (celle des opérateurs comprise) augmentent, selon les calculs de votre rapporteur spécial, de seulement 1 %, mais on peut considérer que les crédits de la mission bénéficient d'une sanctuarisation, en cohérence avec la volonté gouvernementale de mettre la recherche et l'enseignement supérieur au service de la compétitivité.

• Pour les années 2014 et 2015, le projet de loi de programmation des finances publiques 2012-2017 prévoit (hors contribution du budget général au CAS « Pensions ») une augmentation des CP de seulement 0,4 % par an en valeur. Cette quasi-stagnation, imposée par la situation actuelle des finances publiques, doit selon votre rapporteur spécial être considérée comme exceptionnelle. Les moyens de la présente mission doivent en effet être au moins stabilisés en points de PIB, ce qui, en supposant une croissance du PIB de 3,25 % en valeur, implique un taux de croissance moyen des crédits d'également 3,25 %, soit environ 1 milliard d'euros par an.

• Selon les estimations du rapport spécial, le coût de l'ensemble constitué par les crédits de paiement de la présente mission, les décaissements hors opérations financières du programme des investissements d'avenir et le coût budgétaire du crédit d'impôt recherche augmenterait de 7 % en 2013, 7,2 % en 2014 et 0 % en 2015. La faible progression des crédits de paiement de la présente mission doit donc être relativisée.

Bilan financier de la période 2007-2012

• Comme votre rapporteur spécial le soulignait il y a un an, la promesse faite par le précédent Président de la République, lors de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2007, d'augmenter de 9 milliards d'euros le budget consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche durant son mandat, n'est respectée qu'au prix de divers artifices de présentation. Selon les éléments transmis par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche dans la perspective de la discussion du présent projet de loi de finances, le montant effectif des augmentations de moyens 2 ( * ) (hors investissements d'avenir) est de 6,4 milliards d'euros (dont 4,1 milliards pour la mission « Recherche et enseignement supérieur »).

• Le « grand emprunt » de 35 milliards d'euros (c'est-à-dire les « investissements d'avenir ») se traduit, hors prêts et prises de participation, par des décaissements des administrations publiques que le Gouvernement évalue, dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, à environ 2 milliards d'euros en 2012, 3 milliards d'euros par an de 2013 à 2015 et 2 milliards d'euros par an en 2016-2017. Au-delà, les décaissements devraient progressivement se stabiliser à 0,7 milliard d'euros par an. Il paraît peu vraisemblable que des montants aussi faibles aient un impact significatif sur le PIB potentiel.

• Votre rapporteur spécial se félicite en revanche du renforcement du crédit d'impôt recherche (CIR) réalisé en 2008. Comme il l'indique dans un récent rapport d'information 3 ( * ) , les études économétriques disponibles au niveau international suggèrent que la réforme de 2008 (qui coûte environ 3 milliards d'euros par an, et présente par rapport aux investissements d'avenir l'intérêt d'être pérenne), aura un effet de levier sur les dépenses de R&D au moins égal à 1 et augmentera le PIB d'environ 0,5 point au bout de 15 ans, le supplément de recettes correspondant devant permettre à cette réforme de ne plus avoir d'impact sur le déficit public à cette échéance.

Observations relatives aux programmes

Programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » (rapporteur spécial : Philippe Adnot)

• L'accès des universités aux responsabilités et compétences élargies (RCE) devrait s'achever en 2013, avec l'accession aux RCE des trois derniers établissements (universités de La Réunion, d'Antilles-Guyane et de Polynésie Française). Cette nouvelle vague implique néanmoins de nouveaux transferts de crédits entre le titre 2 et le titre 3.

• Comme chaque année, depuis 2011, est portée au débat la question du financement du « Glissement-vieillesse-technicité ». Pour 2012, le ministère s'efforcerait de « faire un nouveau geste » en gestion au profit des universités dont la situation le justifie. Néanmoins, à long terme, la couverture systématique et intégrale du GVT par l'Etat ne paraît pas satisfaisante. Ces difficultés ne pourront être résolues que si une approche et une méthodologie partagées sur ces problématiques émerge et si, dans le même temps, s'opère une montée en compétences des universités en matière de pilotage de leurs dépenses de personnel.

• Le dispositif d'allocation des moyens mis en place en 2009, le système SYMPA, n'a pas permis de rééquilibrage entre établissements sur-dotés et établissements sous-dotés. Il est envisagé en 2013 de revoir son périmètre et ses paramètres en concertation avec la communauté universitaire.

• L'amélioration de la réussite en premier cycle constitue, de nouveau, une des priorités du Gouvernement. Pour ce faire, a été annoncée la création de 1 000 nouveaux postes en faveur de la réussite des étudiants en premier cycle pour la rentrée 2013. 1 000 postes devraient être créés chaque année sur le quinquennat.

• Le 19 juillet 2012, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a demandé à Roland Peylet, président-adjoint de la section des travaux publics du Conseil d'Etat, une évaluation des projets immobiliers de l'opération Campus. La mission s'interroge particulièrement sur le recours quasi systématique au partenariat public-privé, montage qui paraît peu pertinent dans un nombre important de cas. Elle préconise notamment de veiller, d'une part, à la soutenabilité financière des opérations et, d'autre part, à la sensibilisation des universités sur les coûts induits par ces investissements.

Programme 231 « Vie étudiante » (rapporteur spécial : Philippe Adnot)

• Les dépenses liées aux bourses sur critères sociaux ont fait l'objet d'une impasse budgétaire structurelle depuis 2008. En hausse de 154 millions d'euros par rapport à 2012, la budgétisation des crédits prévus à ce titre semble plus sincère, bien qu'une évaluation prévisionnelle fine de ce poste de dépenses demeure délicate.

• La priorité donnée au logement étudiant a été, de nouveau, réaffirmée avec un programme de construction de 40 000 logements étudiants sur cinq ans. Le programme bénéfice, à ce titre, d'une dotation supplémentaire de 20 millions d'euros par rapport à 2012. S'il faut se féliciter de la montée en charge des opérations de réhabilitation du logement social étudiant, cette question devrait néanmoins relever d'une politique plus globale associant notamment les collectivités territoriales.

Programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » (rapporteur spécial : Michel Berson)

• Le programme 172 est marqué par la réduction de 73,2 millions d'euros des crédits (AE=CP) de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Cette réduction de crédits contribue à financer une augmentation des crédits (AE=CP) de 72,8 millions d'euros pour le CNRS, 29,3 millions d'euros pour le CEA et 21,6 millions d'euros pour l'INSERM.

• Votre rapporteur spécial est préoccupé par cette réduction de crédits, qui ne devra pas être répétée en 2014, sous peine de réduire excessivement la part des financements sur projet, et de remettre en cause l'existence même de l'ANR.

• Les subventions de l'ANR ne financent que pour 15 % les coûts indirects des projets (frais de gestion de 4 % + préciput de 11 %). Or, ceux-ci sont généralement plus élevés, ce qui contraint à prélever une partie des sommes nécessaires sur les crédits des laboratoires ne bénéficiant pas de cette aide. Il juge donc nécessaire, plutôt que de réduire encore les moyens de l'ANR, de porter dès 2014 le taux global de prise en compte des coûts indirects à 20 %, comme le propose l'ANR.

• Dans un ordre d'idées analogue, votre rapporteur spécial considère que la préconisation d'un rapport de l'Académie des sciences de septembre 2012 de supprimer l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES, financée par le programme 150) est totalement inappropriée. Si certaines activités de recherche, en particulier fondamentale, sont par nature difficiles à évaluer, l'absence d'évaluation indépendante et homogène ne peut être qu'une source de gaspillage d'argent public. Elle ne peut également que porter atteinte à la crédibilité de l'excellence du système français de recherche et d'enseignement supérieur. Cela n'interdit pas toutefois de possibles évolutions de l'AERES, dans le sens en particulier d'une plus grande transparence et d'une simplification de ses procédures.

• Avec le programme 190, le programme 172 contribue au financement du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Bien qu'aujourd'hui diversifié dans de nombreux domaines, le CEA ne doit pas négliger son « coeur de métier » historique. En particulier, il doit mener dans les délais prévus le programme de démonstrateur de réacteur nucléaire de quatrième génération ASTRID, financé pour 625 millions d'euros par le programme des investissements d'avenir.

• La principale dépense fiscale de la mission, le crédit d'impôt recherche (CIR), est rattachée au programme 172. Votre rapporteur spécial estime nécessaire, tout en respectant le principe de stabilité globale du CIR annoncé par le Gouvernement, de réaliser certaines adaptations suggérées par son récent rapport d'information 4 ( * ) , concernant en particulier le préfinancement du CIR, le dispositif « jeunes chercheurs », la sous-traitance à des organismes publics, et l'assimilation à ceux-ci des structures de recherche privées sous contrat. Il s'interroge en outre sur la pertinence de faire en partie financer l'extension du CIR à certaines dépenses d'innovation prévue par l'article 55 du présent projet de loi de finances, qui doit bénéficier aux PME, par la suppression des taux majorés pour les PME entrant dans le dispositif.

Programme 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » (rapporteur spécial : Michel Berson)

• Le montant 2013 des subventions pour charge de service public versées aux opérateurs du programme est globalement en progression par rapport à 2012. Cette évolution intègre, d'une part, conformément aux orientations décidées par le Gouvernement, un redéploiement de crédits précédemment mobilisés par l'ANR dans le cadre d'appels à projet ; d'autre part, le relèvement du taux de cotisation employeur au CAS « Pensions », porté à 74,6 % au 1 er janvier 2013.

• L'action des opérateurs de la mission est, en outre, conforté par leurs nombreux projets sélectionnés dans le cadre du programme des investissements d'avenir.

Programme 193 « recherche spatiale » (rapporteur spécial : Michel Berson)

• L'objectif de résorber en 2015 la dette de la France vis-à-vis de l'Agence spatiale européenne (ESA), régulièrement affiché par les gouvernements successifs, paraît hors de portée.

On rappelle que cette dette, de 350 millions d'euros en 2012, résulte de l'échec initial du lanceur Ariane 5 ECA en 2002. Comme votre rapporteur spécial le soulignait il y a un an, les échéanciers présentés, qui supposent une diminution des besoins de financement de l'ASE et une augmentation de la dotation budgétaire du CNES, semblent optimistes, ses propres projections conduisant plutôt à une résorption de la dette entre 2018 et 2022. Tel est d'autant plus le cas que le conseil de l'ESA des 20-21 novembre 2012 devra décider du successeur d'Ariane 5.

Auditionnés par votre rapporteur spécial, les responsables du CNES ont confirmé que l'objectif de résorption de la dette en 2015 semblait hors d'atteinte.

Programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » (rapporteur spécial : Michel Berson)

• Le programme 190 finance notamment l'IFP Energies nouvelles (IFPEN), ancien institut français du pétrole. Les dirigeants de l'IFPEN ont pour objectif de doubler d'ici 2025 le chiffre d'affaires des filiales de l'IFPEN, et, de ce fait, l'essentiel de ses ressources propres. Les calculs de votre rapporteur spécial suggèrent que la part des ressources propres dans les ressources totales de l'IFPEN pourrait passer de 50 % à 60 %. Cela implique toutefois que la dotation de l'Etat soit stabilisée en valeur : à défaut, l'IFPEN ne pourrait plus financer aujourd'hui les recherches devant susciter les ressources propres des prochaines décennies.

Programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » (rapporteur spécial : Michel Berson)

• La subvention pour charge de service public d'Universcience explique désormais 92,5 % des moyens du présent programme. Universcience est le nom d'usage du nouvel EPIC qui regroupe la Cité des sciences et de l'industrie ainsi que le Palais de la Découverte.

• L'évolution de la subvention d'Universcience entre la LFI 2012 et le PLF pour 2013 (soit une diminution de 4 %) s'explique, selon le projet annuel de performances, par une participation de l'établissement à l'effort général de réduction des dépenses publiques. Néanmoins, il convient de noter que l'opérateur bénéficie par ailleurs du Programme des investissements d'avenir au titre des fonds alloués en faveur de la diffusion de la culture scientifique.

Programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » (rapporteur spécial : Michel Berson)

• L'enseignement supérieur agricole devrait bénéficier de 20 créations de postes en 2013, sur les 1 000 annoncées par le Gouvernement dans le double objectif de soutenir la réussite des étudiants au niveau du premier cycle tout en participant à un rééquilibrage des dotations en emplois entre établissements. Ces moyens supplémentaires sont les bienvenus.

• Il convient, à cette occasion, de rappeler qu'actuellement, l'enseignement supérieur agricole enregistre déjà de très bons résultats, notamment en termes d'insertion de ses diplômés dans la vie active.

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2012.

A cette date, vos rapporteurs spéciaux avaient reçu 83 % des réponses attendues concernant la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Lors de l'examen de la mission par la commission des finances, le 21 novembre 2012, ce taux était de 99 %.

Nombre

%

Reçues jusqu'au 10 octobre*

64

83,1

Reçues après le 10 octobre

12

15,6

Non reçues

1

1,3

Total

77

100,0

* Date limite fixée par la LOLF.

I. LA MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » : UN ÉTAT DES LIEUX

(Rapporteur spécial : Michel Berson)

A. UNE MISSION ÉCLATÉE ENTRE SIX MINISTÈRES ET DIX PROGRAMMES

La mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) présente un fort caractère interministériel, puisque pas moins de six ministères sont intéressés par au moins l'un de ses dix programmes 5 ( * ) .

La structuration de la mission, et le rattachement des programmes aux différents ministères, sont demeurés inchangés par rapport à l'année dernière 6 ( * ) .

La mission « Recherche et enseignement supérieur » : présentation synthétique

(en milliards d'euros)

Ministre

Responsable de programme

Principaux opérateurs

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2012

PLF 2013

LFI 2012

PLF 2013

150

Formations supérieures et recherche universitaire

Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Simone Bonnafous,

directrice générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle

Universités (83 % des dépenses des opérateurs), Muséum national d'histoire naturelle, musée du quai Branly...

12,8

12,7

12,5

12,8

231

Vie étudiante

Réseau des oeuvres universitaires et scolaires

2,2

2,3

2,2

2,3

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Roger Genet, directeur général pour la recherche et l'innovation

Agence nationale de la recherche (ANR), commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), centre national de la recherche scientifique (CNRS), institut national d'études démographiques (INED), institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA), institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Institut Pasteur...

5,1

5,2

5,1

5,2

187

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts (CEMAGREF), centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER), institut national de la recherche agronomique (INRA), institut de recherche pour le développement (IRD)

1,3

1,3

1,3

1,3

193

Recherche spatiale

Centre national d'études spatiales (CNES)

1,4

1,4

1,4

1,4

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Laurent Tapadinhas, directeur de la recherche et de l'innovation

IFP Energies nouvelles (IFPEN), institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR), institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)...*

1,4

1,4

1,4

1,4

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Luc Rousseau, directeur général de la compétitivité, de l'industrie et des services

Ecole des mines, groupement des écoles nationales d'économie et statistique (GENES), Institut Télécom, école supérieure d'électricité (SUPELEC)

1,0

1,0

1,0

1,0

191

Recherche duale (civile et militaire)

Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement

**

0,2

0,2

0,2

0,2

186

Recherche culturelle et culture scientifique

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Christopher Miles, secrétaire Général adjoint du ministère de la culture et de la communication

Universcience***

0,1

0,1

0,1

0,1

142

Enseignement supérieur et recherche agricoles

Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Marion Zalay, directrice générale de l'enseignement et de la recherche

Associations de coordination technique agricole et des industries agroalimentaires, écoles d'enseignement supérieur agricole et vétérinaire

0,3

0,4

0,3

0,3

Total

25,8

26,0

25,4

26,0

* Le programme chef de file pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) est le programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».

** Les deux opérateurs de ce programme (CEA et CNES) ont pour chefs de file les programmes 172 et 193.

*** EPIC créé en 2010 et réunissant le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie.

Source : commission des finances, d'après le présent projet de loi de finances

1. La quasi-totalité des crédits relèvent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, par ailleurs chef de file

Le fort caractère interministériel de la mission ne doit pas dissimuler le fait que la quasi-totalité des crédits - 22,9 milliards d'euros sur 26 en 2013 - concernent le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR), par ailleurs chef de file. Ainsi, c'est du MESR que relèvent :

- le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », qui correspond à près de la moitié des crédits de paiement de la mission (12,8 milliards d'euros) et finance en quasi-totalité les universités, et son programme « satellite », le programme 231 « Vie étudiante » (2,3 milliards d'euros), qui attribue des aides aux étudiants (comme des bourses) ;

- trois programmes de recherche : les programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », 187 « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » (correspondant essentiellement à l'INRA) et 193 « Recherche spatiale » (c'est-à-dire le CNES). Le programme 172 est le plus important en termes financiers après le programme 150, avec 5,2 milliards d'euros. Parmi ses opérateurs figurent, notamment, l'Agence nationale de la recherche (ANR), le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Ces deux groupes de programmes sont chacun dirigés par un responsable spécifique : la directrice générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle pour le premier ; le directeur général pour la recherche et l'innovation pour le second.

2. Cinq ministères se partagent les 3 milliards d'euros restants

Cinq autres programmes relèvent chacun d'un ministère spécifique, pour des crédits de paiement de seulement 3 milliards d'euros au total, soit moins de 12 % du total de la mission.

En effet, seuls deux programmes ont une taille de l'ordre du milliard d'euros. Il s'agit :

- du programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables » (1,4 milliard d'euros), relevant du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, et dont l'un des principaux opérateurs est IFP Energies nouvelles (l'ancien Institut français du pétrole) ;

- du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » (1 milliard d'euros), relevant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (et dont dépendent notamment l'école des Mines, l'Institut Mines-Télécom - qui s'est substitué à l'Institut Télécom au 1 er mars 2012 - et SUPELEC).

A ces deux « grands programmes » s'ajoutent trois « micro-programmes » :

- le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » (0,2 milliard d'euros), relevant du ministère de la défense et des anciens combattants ;

- le programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » (0,1 milliard d'euros), relevant du ministère de la culture et de la communication (et finançant notamment le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l'industrie) ;

- le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » (0,3 milliard d'euros), relevant du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

3. Des dépenses fiscales d'environ 4 milliards d'euros (6 milliards en régime de croisière), correspondant très majoritairement au crédit d'impôt recherche, auquel le « rapport Guillaume » donne le score maximal de 3

La mission « Recherche et enseignement supérieur » se voit rattacher à titre principal des dépenses fiscales de l'ordre de 4 milliards d'euros, dont plus de 3 milliards correspondant au crédit d'impôt recherche (CIR), comme le montre le tableau ci-après.

Les dépenses fiscales rattachées à la mission « Recherche et enseignement supérieur »

(en milliards d'euros)

LFI 2012

PLF 2013

Dépenses fiscales rattachées aux programmes 150 et 231

3,56

3,80

dont à titre principal

0,42

0,42

Crédit impôt recherche (CIR) (programme 172)

(à titre principal)

2,85

3,35

Autres dépenses fiscales

0,98

0,29

dont à titre principal

0,77

0,08

Total dépenses fiscales à titre subsidiaire et principal

7,39

7,44

Total dépenses fiscales à titre principal

4,04

3,85

Source : réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur spécial

La part du CIR est encore plus grande si l'on considère que la charge qu'il représente est actuellement artificiellement minorée par le contrecoup du plan de relance. Son coût devrait progressivement atteindre le montant de la créance annuellement contractée par l'Etat auprès des entreprises, de plus de 5 milliards d'euros.

Comme votre rapporteur spécial le soulignera ci-après, le CIR est l'une des rares dépenses fiscales efficientes, qui pourrait même, grâce à son impact sur le PIB, améliorer le solde public à long terme. Aussi, le rapport sur l'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales publié en 2011 par l'inspection générale des finances, dit « rapport Guillaume », lui donne le score maximal de 3.

Les dépenses fiscales aussi bien notées sont rares, comme le montre le tableau ci-après.

Les principaux chiffres du « rapport Guillaume » relatifs aux dépenses fiscales (2011)

Nombre de mesures

Enjeux financiers

Nombre

%

Mns €

%

Mesures évaluées

339

72

60 698

92

Mesures non évaluées

131

28

4 935

8

Total

470

100

65 633

100

Score 0

125

37

11 764

19

Score 1

99

29

28 236

47

Score 2

46

14

11 393

19

Score 3

69

20

9 305

15

Total

339

100

60 698

100

Score 0 : mesure non efficace. Score de 3 : mesure efficiente (correctement ciblée, coût raisonnable au regard de l'efficacité, outil fiscal/social en lui-même efficient, mesure plus adaptée qu'une dépenses budgétaire ou qu'une mesure non financière).

Source : rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, juin 2011

La seule autre dépense fiscale rattachée (à titre principal ou subsidiaire) à la présente mission et faisant l'objet d'une notation favorable est l'imputation sur le revenu global du déficit provenant des frais de prise de brevet et de maintenance, notée 3. Le coût de cette mesure, très faible, n'est pas chiffré.

Toutes les autres dépenses fiscales rattachées à la présente mission sont notées 0 ou 1 par le « rapport Guillaume », et ne paraissent donc pas efficaces. Parmi les dépenses fiscales rattachées à titre principal, les deux plus coûteuses sont :

- la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets (680 millions d'euros en 2012) ;

- la réduction d'impôt pour frais de scolarité dans l'enseignement supérieur (210 millions d'euros en 2012).

Ces deux dépenses fiscales sont notées 1.

A l'initiative de notre ancienne collègue Nicole Bricq, alors rapporteure générale, le Sénat a adopté un amendement à l'article 4 bis du projet de loi de finances pour 2012 tendant à porter le taux d'imposition des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets de 15 % à 20 %, réduisant ainsi le coût de cette niche de 230 millions d'euros. Cette mesure n'a toutefois pas été maintenue par la commission mixte paritaire.

B. UN BILAN NUANCÉ POUR LA PRÉCÉDENTE LÉGISLATURE

1. Une meilleure coordination des acteurs grâce aux alliances

Comme on l'a indiqué ci-avant, le dispositif de recherche publique est éclaté, en raison notamment de la volonté des différents ministères de conserver leurs propres structures de recherche. Aussi, à défaut de réformes de structure - peut-être non souhaitables -, le précédent Gouvernement a décidé de regrouper certains des principaux opérateurs dans des entités dénommées « alliances », progressivement mises en place à partir de 2009.

Les cinq alliances sont :

- l'alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) ;

- l'alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE) ;

- l'alliance des sciences et technologies du numérique (Allistene) ;

- l'alliance pour l'environnement (AllEnvi) ;

- l'alliance pour les sciences de l'homme et sociales (ATHENA).

En pratique cependant, la quasi-totalité des organismes concernés relèvent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il existe toutefois une exception dans le cas de quatre des cinq alliances : la conférence des directeurs généraux de CHU dans le cas d'AVIESAN, l'IFP Energies nouvelles dans le cas d'ANCRE, l'Institut Télécom dans le cas d'Allistene, Météo France dans le cas d'AllEnvi.

Les alliances tendent généralement à s'organiser autour d'un ou deux acteurs principaux : l'INSERM pour AVIESAN (organisée en instituts thématiques multi-organismes qui recouvrent le champ d'application des instituts thématiques de l'INSERM), le CEA, le CNRS et l'IFP Energies nouvelles pour ANCRE, l'INRIA pour Allistene.

Si la mise en place des alliances obéit en partie à des motivations « politiques » internes au monde de la recherche - utilisation des alliances pour dominer d'autres opérateurs ou pour faire contrepoids à l'Agence nationale de la recherche -, il est généralement admis qu'elles devraient permettre d'accroître significativement l'efficacité du dispositif public de recherche. En particulier, elles présentent l'intérêt de donner aux entreprises un interlocuteur unique dans un domaine donné et de faciliter les coopérations.

Les alliances

Programme

Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN)

Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE)

Alliance des sciences et technologies du numérique (Allistene)

Alliance pour l'environnement (AllEnvi)

Alliance pour les sciences de l'homme et sociales (ATHENA)

MESR

150

Formations supérieures et recherche universitaire

CPU

CPU, CDEFI

CPU, Muséum national d'histoire naturelle

CPU, conférence des grandes écoles

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

INSERM, CNRS, CEA, INRIA, Institut Pasteur

CNRS, CEA

CEA, CNRS, INRIA

CEA, CNRS

CNRS, INED

187

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

INRA, IRD

BRGM, CIRAD, IRD

BRGM, CEMAGREF, CIRAD, IFREMER, INRA, IRD, IFSTTAR

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de l'aménagement durables

IFPEN

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

Institut Télécom

Entités externes à la mission « Recherche et enseignement supérieur »

Conférence des directeurs généraux de CHU

Météo France (programme 170 « Météorologie » de la MEDAD)

NB : les programmes 231 « Vie étudiante », 193 « Recherche spatiale », 191 « Recherche duale (civile et militaire) », 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » et 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » ne sont pas concernés par les alliances.

BRGM : Bureau de recherches géologiques et minières ; CDEFI : conférence des directeurs d'écoles et formations d'ingénieurs ; CEA : commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives ; CEMAGREF : centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts ; CIRAD : centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement ; CNRS : centre national de la recherche scientifique ; CPU : conférence des présidents d'université ; IFPEN : IFP Energies nouvelles ; IFREMER : institut français de recherche pour l'exploitation de la mer ; IFSTTAR : institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux ; INED : institut national d'études démographiques ; INRA : institut national de la recherche agronomique ; INRIA : institut national de recherche en informatique et en automatique ; INSERM : institut national de la santé et de la recherche médicale ; IRD : institut de recherche pour le développement ; MEDAD : mission « Ecologie et développement durable ».

Source : commission des finances

2. Des réformes ambitieuses qui se sont heurtées à une insuffisance globale de moyens

Le précédent Gouvernement a beaucoup communiqué sur l'augmentation des moyens publics consacrés à la recherche. Toutefois cette augmentation des moyens est largement optique.

a) L'objectif d'augmentation de 9 milliards d'euros des moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche n'a pas été tenu

Lors de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkozy avait indiqué son intention d'augmenter de 9 milliards d'euros le budget consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche durant son mandat.

Ainsi, il y a un an, dans un communiqué de presse du 28 septembre 2011, Laurent Wauquiez, alors ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, affirmait que « sur 2007-2012, l'engagement du Président de la République de consacrer 9 milliards d'euros à l'enseignement supérieur et la recherche est dépassé (avec 9,3 milliards d'euros supplémentaires sur la période), indépendamment de l'effort exceptionnel réalisé dans le cadre de l'opération campus et des investissements d'avenir ».

Dans le dossier de presse joint, le ministre se félicitait d'un « engagement présidentiel tenu sur 2007-2012 ».

Comme votre rapporteur spécial l'a alors souligné dans son rapport spécial, l'augmentation de 9 milliards d'euros entre 2007 et 2012 n'était atteinte que si l'on raisonnait en autorisations d'engagement (ou, dans le cas du CIR, en montant de la créance des entreprises vis-à-vis de l'Etat). Or, il est « facile » de réaliser de fortes autorisations d'engagement une année donnée, dans la mesure où il ne s'agit pas de sommes réellement décaissées. Ainsi, ce sera à l'actuelle législature de supporter le coût des engagements de crédits de la législature précédente. Le précédent Gouvernement additionnait en outre curieusement à cette augmentation de crédits entre 2007 et 2012 1,2 milliard d'euros de dépenses cumulées sur la période, correspondant à l'opération campus et aux partenariats public-privé (PPP).

Comme le soulignait votre rapporteur spécial, si l'on raisonnait en crédits de paiement (ou, dans le cas du CIR, en coût budgétaire effectif), l'augmentation effective des moyens entre 2007 et 2012 était, compte tenu des données alors disponibles, de l'ordre de 6 milliards d'euros .

Interrogé à ce sujet par votre rapporteur spécial, l'actuel Gouvernement a transmis le tableau ci-après, qui confirme ces analyses. Le montant de 6,4 milliards d'euros, légèrement plus élevé que celui indiqué il y a un an par votre rapporteur spécial (5,6 milliards d'euros), vient du fait que les prévisions actualisées pour l'année 2012 sont légèrement supérieures à celles alors transmises au rapporteur spécial dans le cas du CIR et de l'opération Campus.

L'augmentation des moyens de l'enseignement supérieur et de la recherche
(hors plan de relance et hors investissements d'avenir) de 2007 à 2012, selon le Gouvernement

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial

Cette augmentation des moyens de 6,4 milliards d'euros de 2007 à 2012 correspond, compte tenu de la croissance du PIB en valeur observée sur la période, à une augmentation de 0,2 point de PIB (passage de 1,2 à 1,4 point de PIB), dont il faut se féliciter mais qui demeure modeste.

b) Les investissements d'avenir : après un « pic » en 2012-2015, des dépenses peu significatives

De même, malgré les montants considérables affichés - 35 milliards d'euros - les investissements d'avenir correspondent à des décaissements annuels relativement modestes, qui, après un « pic » de l'ordre de 4 milliards d'euros par an en 2012-2015, devrait ensuite considérablement diminuer.

Les investissements d'avenir sont présentés en détail ci-après. On se contentera ici de rappeler que ce montant n'est plus que d'environ 3 milliards d'euros chacune des quatre années concernées, si l'on ne prend pas en compte les opérations financières (c'est-à-dire les prêts et les prises de participation).

Par ailleurs, les décaissements doivent à moyen terme se réduire au seul produit des dotations « non consommables », de l'ordre de 0,7 milliard d'euros par an.

Les investissements d'avenir ne devraient donc pas avoir d'impact significatif sur le PIB potentiel, les sommes en jeu étant trop faibles (de l'ordre de 3 ou 4 milliards d'euros, soit moins de 0,2 point de PIB) et pendant une période trop brève (quelques années) pour véritablement accroître le « stock de connaissances ». La réforme de 2008 du crédit d'impôt recherche a un coût annuel analogue, mais contrairement aux investissements d'avenir elle présente l'intérêt d'être pérenne.

c) Un rôle croissant des financements sur projets, au détriment des dépenses récurrentes
(1) La création en 2005 de l'agence nationale de la recherche (ANR)

En 2005, a été mise en place l'Agence nationale de la recherche (ANR), financée par le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », afin de développer les financements sur projets .

Sa dotation est de l'ordre de 700 millions d'euros par an.

L'ANR finance deux grandes catégories d'opérations :

- pour moins de la moitié de ses crédits, des appels à projets (AAP). 50 % du montant total de financement des appels à projets correspondent à des programmes dits « blancs », qui ne ciblent pas de thématique de recherche particulière ;

- des actions plus ciblées, visant notamment au développement du partenariat public-privé et au soutien des dynamiques locales en matière de recherche et développement (dans le cadre des pôles de compétitivité par exemple). L'une des actions phares de l'ANR a ainsi été la mise en place du « dispositif Carnot », qui a pour objet de favoriser les collaborations entre recherche publique et recherche privée.

L'ANR est l'opérateur intermédiaire de la plupart des actions des investissements d'avenir au titre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

On rappelle que les investissements d'avenir doivent se traduire par des décaissements importants, de l'ordre de 3 milliards d'euros par an (hors opérations financières) en 2012-2014.

(2) Les difficultés croissantes à financer la recherche hors ANR et investissements d'avenir

Compte tenu du caractère très contraint de la situation globale des finances publiques, ce rôle accru du financement sur projet s'est fait au détriment de celui des financements récurrents.

• Tout d'abord, il existe un effet d'éviction naturel. Le recours accru aux financements sur projet incite, lors de l'élaboration des lois de finances, à réduire les financements récurrents.

• Ensuite, les appels à projets de l'ANR ou des investissements d'avenir obligent à utiliser des crédits prévus pour des dépenses récurrentes pour financer partiellement les projets concernés.

Certes, dans le cas des appels à projets de l'ANR, une partie - 5 % en 2007 et 11 % depuis 2008 - du montant des aides allouées dans le cadre des procédures d'appel d'offres, dénommée « préciput », revient à l'organisme de recherche dans lequel le porteur du projet exerce ses fonctions 7 ( * ) . Par ailleurs, dans le cas des appels à projets de l'ANR comme dans celui des investissements d'avenir, une partie des frais d'administration générale imputables à l'opération, plafonnés à 4 % du coût total des dépenses éligibles hors frais généraux, peut figurer parmi les dépenses aidées.

Toutefois cette prise en compte des dépenses induites est souvent jugée trop faible. Aussi, selon le rapport de l'AERES sur l'ANR de septembre 2012, « le préciput reste-t-il une source de difficulté entre l'agence et les opérateurs de recherche, notamment en ce qui concerne son taux jugé trop faible pour la prise en charge des coûts indirects, ou son absence dans le financement du programme investissements d'avenir ».

• Ainsi, on reproche fréquemment à l'augmentation de la part des financements sur projets d'appauvrir les laboratoires ne bénéficiant pas de ces financements.

L'année 2012 a vu la publication, en juin, du rapport de l'AERES sur le CNRS, puis, en septembre, du rapport de l'académie des sciences sur Les structures de la recherche publique en France .

Ces deux rapports suggèrent que la part des dépenses de personnel dans les dépenses du CNRS, et plus généralement des organismes de recherche publics, serait excessive, les sommes disponibles pour le fonctionnement et l'équipement étant selon eux insuffisantes.

L'AERES estime qu'« au-delà des efforts non négligeables consentis par le siège et les délégations régionales, ce sont les autorisations de dépenses récurrentes ouvertes pour les activités des unités de recherche qui supportent le poids des ajustements nécessaires. Au budget primitif 2012, ces crédits récurrents baissent ainsi de 6,4 % ». Elle s'interroge : « si la contrainte financière ne pouvait être desserrée, jusqu'à quel point faudrait-il continuer à privilégier le maintien de l'emploi, au détriment des moyens matériels et financiers nécessaires pour conduire les activités de recherche ? ».

Le rapport de l'Académie des sciences est plus affirmatif : il indique que le ratio masse salariale/dotation de l'Etat est passé de 47 % en 1960 à 74 % en 1980 et 84 % en 2010, et considère qu' « avec un rapport MS/DE de 84 %, le CNRS est totalement asphyxié ».

Certes, comme le président du CNRS, Alain Fuchs, le souligne dans un article publié dans Les Echos le 2 octobre 2012, en réponse au rapport de l'Académie des sciences, il serait « délétère de dresser les fonctions administratives contre les chercheurs et de laisser croire que notre organisme serait « asphyxié » par l'administration ».

Toutefois, indépendamment de la question de l'augmentation des fonctions administratives - qui ne constitue effectivement pas le fond du problème -, on conçoit que si le ratio dépenses de personnel/dépenses total continuait d'augmenter, il viendrait un moment où, faute de matériel et de moyens de fonctionnement, la productivité des chercheurs deviendrait très faible. Selon l'Académie des sciences « le niveau d'équipement et les budgets de fonctionnement des laboratoires américains ou allemands présentent un très fort différentiel avec ceux des laboratoires français ».

3. Des critiques infondées des principes du financement sur projet et de l'évaluation de la recherche

Il ne faut cependant pas rendre l'ANR responsable des contraintes financières auxquelles la présente mission est, comme les autres, confrontée.

a) Consacrer des sommes suffisantes à la recherche sur projet et porter de 15 % à 20 % la prise en compte des coûts indirects

Le présent projet de loi de finances a notamment pour objet de réduire le financement sur projet par rapport au financement récurrent.

Ainsi, selon le PAP pour 2013, « dans un contexte budgétaire contraint, le rééquilibrage nécessaire entre financement sur projet et financement de base des opérateurs de recherche sera mis en oeuvre, conduisant à une diminution des crédits alloués via l'ANR en contrepartie d'une augmentation de ceux alloués directement aux organismes de recherche ». La dotation de l'ANR diminuerait de 73,2 millions d'euros.

La dotation de l'Agence nationale de la recherche

(en millions d'euros)

2011

LFI 2012

PLF 2013

AE=CP

686,7

759,9

686,7

Ecart par rapport à l'année précédente

-

73,2

-73,2

Source : présent projet de loi de finances

Votre rapporteur spécial s'interroge sur le bien-fondé d'un tel redéploiement. En effet, si les sommes en jeu représentent environ 10 % des crédits de l'ANR, elles ne correspondent qu'à 1,4 % du total des crédits du programme 172. Il s'agit donc d'un « saupoudrage », d'autant plus que le Gouvernement indique que, sur les 73,2 millions d'euros concernés, seulement 55,6 millions seraient redéployés au profit des organismes de recherche 8 ( * ) .

Comme on l'a indiqué, les coûts indirects ne sont actuellement pris en compte que pour 15 % du total de la subvention (frais de gestion de 4 % + préciput de 11 %), ce qui réduit indirectement les ressources des chercheurs ne bénéficiant pas de financements de l'ANR. Votre rapporteur spécial estime souhaitable, plutôt que de réduire encore les ressources de l'ANR, de porter ce taux global à 20 %, ainsi que le préconise l'ANR 9 ( * ) .

b) Préserver l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur

Dans un ordre d'idées analogue, votre rapporteur spécial 10 ( * ) considère que la préconisation du rapport précité de l'Académie des sciences de septembre 2012 de supprimer l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES, financée par le programme 150) est totalement inappropriée.

L'AERES est une autorité administrative indépendante (AAI) créée par la loi de programmation pour la recherche de 2006 et mise en place en mars 2007, afin d'évaluer les établissements d'enseignement supérieur et de recherche, les organismes de recherche, les unités de recherche, les formations et diplômes d'enseignement supérieur, et de valider les procédures d'évaluation de leurs personnels.

Si certaines activités de recherche, en particulier fondamentale, sont par nature difficiles à évaluer, l'absence d'évaluation indépendante, impartiale et homogène, ne peut être qu'une source de gaspillage d'argent public.

Dans ces conditions, on peut s'étonner de la récente préconisation, par l'Académie des sciences, dans son rapport sur Les structures de la recherche publique en France , publié en septembre 2012, de « supprimer l'AERES ». Ce rapport comprend le passage suivant : « Autant l'introduction de l'ANR dans le paysage des outils permettant le financement sur projets est considérée comme un point positif, autant l'AERES fait la quasi-unanimité contre elle. La suppression de l'AERES doit conduire à la mise en place de structures d'évaluation dépendant directement des universités et des organismes de recherche qui auraient la charge de constituer des comités d'évaluation indépendants (...) ».

Cette préconisation simpliste laisse songeur. Elle marquerait un recul, un retour à des pratiques qui ne garantiraient pas l'indépendance de l'évaluation, et la séparation entre l'évaluation et les décisions qui en découlent. Par ailleurs, les différentes évaluations ne seraient plus harmonisées.

On pourrait certes envisager que l'AERES évolue. Elle pourrait par exemple modifier ses procédures, afin de les simplifier et de les rendre plus transparentes. Toutefois sa suppression serait incompatible avec la nécessité, dans une situation budgétaire très contrainte, de maximiser l'utilité de l'argent public ; et de renforcer au niveau européen la crédibilité du système français d'enseignement supérieur et de recherche.


* 1 Loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

* 2 Crédits de paiement et coût budgétaire du crédit d'impôt recherche.

* 3 Rapport d'information n° 677 (2011-2012), 18 juillet 2012.

* 4 Rapport d'information n° 677 (2011-2012), 18 juillet 2012.

* 5 Vos rapporteurs spéciaux se sont répartis l'examen des programmes de la façon suivante : les programmes 150 et 231 pour Philippe Adnot, les autres programmes entrant dans le périmètre des compétences de Michel Berson, par ailleurs chargé des observations transversales.

* 6 Le programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », jusqu'alors rattaché au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, l'est toutefois désormais au nouveau ministère du redressement productif.

* 7 Le préciput a pour base juridique l'article L. 329-5 du code de la recherche, qui prévoit qu' « une partie du montant des aides allouées par l'Agence nationale de la recherche dans le cadre des procédures d'appel d'offres revient à l'établissement public ou à la fondation reconnue d'utilité publique dans lequel le porteur du projet exerce ses fonctions ».

* 8 « Les crédits de l'ANR font l'objet d'une diminution de 73,2 M€ en AE et en CP correspondant aux économies de fonctionnement et de programmation redéployés à raison de 55,6 M€ au profit des organismes de recherche » (réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur spécial).

* 9 « Il est impératif qu'un bon calibrage des frais de gestion et du préciput soit effectué, donnant ainsi à l'établissement bénéficiaire - organisme ou université - des marges de manoeuvre supplémentaires pour mener sa politique scientifique. Actuellement, même si des ouvertures ont été faites dans le cadre des investissements d'avenir, le montant est plus faible que dans d'autres pays et les modalités de versement mériteraient d'être simplifiées. L'ANR propose de payer annuellement le préciput et les frais de gestion, sans exigence de pièces à fournir, et d'en relever le niveau à 20 % en cohérence avec les options privilégiées par Horizon 2020 » (Pascale Briand, directrice de l'ANR, « Contribution de l'Agence nationale de la recherche aux assises de la recherche »).

* 10 Qui rappelle, dans un souci de transparence, qu'il est membre du conseil de l'AERES.