MM. Jean GERMAIN et Pierre JARLIER, rapporteurs spéciaux

III. LES ENJEUX DE LA PÉRÉQUATION

A. L'ÉTAT DES LIEUX DE LA PÉRÉQUATION VERTICALE

La péréquation consiste à atténuer les disparités de situations entre les collectivités locales. Cet objectif, à valeur constitutionnelle depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, a fait l'objet d'un effort soutenu sur la dernière décennie et les dotations de péréquation représentent, à chaque niveau de collectivités, une part croissante au sein des dotations de l'Etat, comme le montre le tableau ci-dessous.

On observe notamment que la part relative de la péréquation verticale dans la DGF est relativement forte au niveau communal, moyenne au niveau départemental et très limitée au niveau régional.

Volumes financiers relatifs consacrés à la péréquation verticale

(en pourcentage de la DGF de chaque niveau)

2010
(réalisation)

2011
(réalisation)

2012
(prévision actualisée)

2013
(prévision)

2015
(cible)

Au niveau communal

23,2 %

23,9 %

23,5 %

24,0 %

25,0 %

Au niveau départemental

11,0 %

11,3 %

11,1 %

11,4 %

11,5 %

Au niveau régional

3,25 %

3,4 %

3,5 %

3,5 %

3,5 %

Source : «Transferts financiers de l'Etat aux collectivités territoriales » annexé au projet de loi de finances

Au niveau communal sont comptabilisées la DNP, la DSU, la DSR et la dotation d'intercommunalité ; au niveau départemental sont comptabilisées la DPU et la DFM ; au niveau régional est comptabilisée la dotation de péréquation.

Au niveau communal , pour la première fois, en 2012, la DGF n'a pas progressé. Toutefois, en son sein, la DSU et la DSR ont pu augmenter respectivement de 60 millions d'euros et 39 millions d'euros, grâce notamment à l'écrêtement du complément de garantie des communes et des parts compensation des communes et des EPCI. En 2013, la même logique prévaut : la DGF est - pratiquement - gelée mais la DSU, la DSR et la DNP progressent , respectivement de 120, 78 et 10 millions d'euros.

Evolution des dotations de péréquation communale (DSU, DSR, DNP)

(en millions d'euros et évolution annuelle)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

PLF 2013

DSU

759,6

879,6

999,6

1093,7

1163,7

1234,0

1310,7

1370,7

+ 120

-

+ 15,8 %

+ 13,6 %

+ 9,4 %

+ 6,4 %

+ 6,0 %

+ 6,2 %

+ 4,6 %

-

DSR

503,0

572,0

650,0

711,2

756,7

802,3

852,3

891,3

+ 78

-

+ 13,7 %

+ 13,6 %

+ 9,4 %

+ 6,4 %

+ 6,0 %

+ 6,2 %

+ 4,6 %

-

DNP

631,6

652,4

661,6

687,0

699,8

712,7

755,4

764,1

+10

-

+ 3,3 %

+ 1,4 %

+ 3,8 %

+ 1,9 %

+ 1,8 %

+ 6,0 %

+ 1,2 %

-

Source : réponses au questionnaire budgétaire ; commission des finances

Entre 2005 et 2012, la DSU, la DSR et la DNP ont respectivement augmenté de 80 %, de 77 % et de 21 %.

On peut noter que les hausses de la DSU et de la DSR en 2013 sont particulièrement concentrées sur les dispositifs « cible » de chacune de ces dotations, qui augmentent respectivement de 90 millions d'euros (75 % de la hausse) et de 39 millions d'euros (50 % de la hausse).

Au niveau départemental , on observe que la péréquation verticale continue à augmenter, mais à un rythme beaucoup plus bas que par le passé . La somme des montants de la DPU et de la DFM progressaient ainsi de plus de 10 % en 2006, de 7 % en 2008, de 1 % en 2010 mais plus que de 0,7 % en 2012.

Evolution des dotations de péréquation départementales

(en millions d'euros et évolution annuelle)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

PLF 2013

DPU

435

473

519

555

554 (*)

559

558 (**)

615 (***)

+ 20

-

+ 8,7 %

+ 9,7 %

+ 6,9 %

- 0,2 %

+ 0,9 %

- 0,2 %

+ 10,2 %

DFM

563

634

696

744

785

794

825

777

-

+ 12,6 %

+ 9,8 %

+ 6,9 %

+ 5,5 %

+ 1,1 %

+ 3,9 %

- 5,8 %

(*) conséquence du changement de catégorie, d'urbain à rural, du département d'Ille-et-Vilaine

(**) conséquence du changement de catégorie, d'urbain à rural, du département de l'Oise

(***) conséquence du changement de catégorie, de rural à urbain, des départements du Doubs, de l'Ille-et-Vilaine, du Maine-et-Loire et de l'Oise.

Entre 2005 et 2012, la DPU et la DFM ont respectivement augmenté de 41 % et de 38 %.

Source : réponses au questionnaire budgétaire ; commission des finances

Dans le cas des départements également, la progression des dotations de péréquation s'est effectuée récemment en contrepartie d'une indexation moins favorable de la dotation de compensation des départements (la troisième part de la DGF des départements au-delà de la part forfaitaire et de la part péréquatrice) et de la dotation de base.

Au niveau régional, la part de la DGF consacrée à la péréquation reste très limitée, autour de 3,5 %.

Evolution de la dotation de péréquation des régions

(en millions d'euros et évolution annuelle)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

75,7

95,9

114,55

132,6

152

170,7

177

183,3

183,3

+ 10

-

+ 26,7 %

+ 19,4 %

+ 15,8 %

+ 14,6 %

+ 12,3 %

+ 3,7 %

+ 3,6 %

-

-

Source : réponses au questionnaire budgétaire ; commission des finances

Entre 2004 et 2013, la dotation de péréquation des régions a augmenté de 142 %.

Au total, en 2013, la péréquation verticale augmente donc de 238 millions d'euros. La moitié de cette hausse sera financée par des compensations à l'intérieur de la DGF. La deuxième moitié sera financée par minoration des variables d'ajustement des concours financiers de l'Etat , à l'intérieur de l'enveloppe normée.

Cette augmentation de la péréquation verticale ayant lieu dans le cadre d'une enveloppe stable, elle signifie donc, en fait, une augmentation de la péréquation horizontale.

Aux dotations de péréquation « classiques », s'ajoutent certains concours de l'Etat aux collectivités territoriales qui intègrent une dimension péréquatrice. C'est le cas des dotations déconcentrées de l'Etat, telle la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), d'un montant de 616 millions d'euros, ou de la dotation de développement urbain (DDU), dotée de 50 millions d'euros, qui sont réparties selon des critères prenant en compte des éléments de redistribution.

B. LE RENFORCEMENT DE LA PÉRÉQUATION HORIZONTALE

Depuis 1991, les formes de péréquation traditionnelles, qualifiées de « verticales », consistant en l'attribution par l'Etat de dotations spécifiques aux collectivités territoriales les plus défavorisées ont été progressivement complétées par un autre mode de redistribution, dit « horizontal », entre collectivités. Il s'agit en effet d'opérer un prélèvement sur les ressources de certaines collectivités territoriales plus favorisées afin de le redistribuer aux collectivités qui le sont moins.

La péréquation horizontale ne comprenait jusque récemment que deux mécanismes : le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France ( FSRIF ), qui représente 189 millions d'euros en 2011, et les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ( FDPTP ) qui atteignaient 918,24 millions d'euros en 2009.

La réforme des finances locales et la suppression de la taxe professionnelle, ont conduit à mettre en oeuvre de nouveaux instruments de péréquation horizontale, pour contrebalancer la territorialisation des nouvelles impositions économiques (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, CVAE).

En conséquence, les lois de finances pour 2010 et 2011 ont mis en place des fonds (régional et départemental) de péréquation sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et un fonds de péréquation sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) perçus par les départements.

Le Fonds de péréquation des DMTO a été réparti pour la première fois en 2011, pour un montant brut de 440 millions d'euros, puis en 2012 pour un montant réparti après mise en réserve de 459 millions. Le PLF pour 2013 introduit une garantie de sortie pour les départements cessant d'être éligible à un reversement du fonds (voir infra le commentaire de l'article 69, rattaché à la mission RCT).

Les fonds de péréquation de la CVAE devraient être répartis pour la première fois cette année , pour des montants estimés à 26 millions pour le fonds régional et à 50 millions pour le fonds départemental. Le projet de loi de finances prévoit également des changements importants dans le fonctionnement de ces fonds, tant en ce qui concerne le prélèvement que le reversement (voir infra le commentaire de l'article 69, rattaché à la mission RCT).

Le projet de loi de finances pour 2012 portait également la création du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et son articulation avec le Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) ainsi que le prévoyait l'article 125 de la loi de finances initiale pour 2011.

Ce fonds a ainsi redistribué entre communes et EPCI 150 millions d'euros en 2012 et devrait atteindre 360 millions cette année. Le projet de loi de finances prévoit l'introduction d'un critère de revenu par habitant pour le calcul du prélèvement ainsi que le relèvement du plafonnement du prélèvement (voir infra le commentaire de l'article 68, rattaché à la mission RCT).