MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, rapporteurs spéciaux

II. LES CRÉDITS PUBLICS DESTINÉS À L'AGRICULTURE ET LES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES À LA MISSION

A. UNE MISSION MARQUÉE PAR DES DISPOSITIFS D'INTERVENTION, LARGEMENT COFINANCÉS PAR L'UNION EUROPÉENNE

La répartition des crédits de la mission manifeste très clairement la vocation de ministère d'intervention du MAAF.

Un peu moins de 50 % des AE de la mission sont en effet dédiés à des dépenses de titre 6 (soit 1,50 milliard d'euros), largement concentrées sur le programme 154. 29,4 % sont consacrés aux dépenses de personnel (916,3 millions d'euros) et 21,5 % aux dépenses de fonctionnement (670,7 millions d'euros). Ces catégories de dépenses absorbent ainsi un peu plus de la moitié des moyens d'une mission vouée aux soutiens au secteur agricole, ce qui est excessif dans un contexte de contrainte budgétaire qui oblige à resserrer les priorités.

Répartition par action et par titre des autorisations d'engagement de la mission

(en millions d'euros et en %)

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

Les crédits de la mission doivent être rapprochés des autres concours publics à l'agriculture , et en particulier des dotations communautaires accordées au titre de la politique agricole commune (PAC) .

Vos rapporteurs spéciaux soulignent que celles-ci représentent près des trois quarts de l'ensemble des dépenses de l'Union européenne en France , faisant de notre pays le premier bénéficiaire de cette politique communautaire.

La contribution du ministère au financement public du secteur agricole représenterait 4,7 milliards d'euros 4 ( * ) en 2015 hors dépenses fiscales (2,9 milliards prévus).

Enfin, le financement communautaire devrait atteindre 9,1 milliards d'euros tandis que les concours apportés par les collectivités territoriales sont estimés à environ un milliard d'euros par an.

À partir des dernières données d'exécution disponibles, soit 2013, vos rapporteurs spéciaux observent que le périmètre de la mission AAFAR ne s'élève donc qu'à moins de 20 % de l'ensemble des concours publics annuels à l'agriculture, qui représentent 15,5 milliards d'euros hors dépenses fiscales et sociales.

Les concours publics à l'agriculture en 2013

(en millions d'euros)

Source : MAAF

En 2015, les transferts des administrations publiques à l'agriculture devraient bénéficier de la mise en oeuvre du Pacte de responsabilité et de solidarité pour un montant de 729 millions d'euros, s'ajoutant aux effets du CICE sur le secteur (662 millions d'euros en 2014). Ce transfert n'interviendra qu'une fois mais il représente un apport pérenne à la compétitivité des exploitations.

Des perspectives ponctuelles moins favorables doivent toutefois être envisagées. Ainsi en va-t-il du projet de suppression du régime des contrats vendanges entraînant un transfert négatif pour 22 000 établissements pénalisés avec un enjeu fort pour la qualité de la production.

B. DES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES D'UN MONTANT D'ENVIRON 3 MILLIARDS D'EUROS EN 2015

Les 26 dépenses fiscales rattachées au programme 154 devaient avoir un coût de 2,7 milliards d'euros en 2014.

Pour 2015, leur évaluation fait état d'un coût pour les finances publiques de 2 856 millions d'euros , dont 2 656 millions d'euros pour les impôts perçus par l'État, et 200 millions pour les dépenses fiscales concernant les impôts locaux, prises en charge par l'État.

L'action de l'État en faveur de la « ferme France » emprunte donc préférentiellement la voie des allègements d'impôts (2,856 milliards d'euros contre 1,419 milliard d'euros de dépenses budgétaires sur le programme 154). Au demeurant, l'augmentation des transferts réalisés par le moyen des dépenses fiscales (+ 156 millions d'euros) compenserait en 2015 les trois quarts de la réduction programmée des crédits.

Cette observation est cependant tributaire de l'exactitude des évaluations portant sur les dépenses fiscales toujours sujettes à caution et, par ailleurs, incomplètes. En effet, huit régimes fiscaux préférentiels ne sont pas évalués. Or, le poids de certains d'entre eux, qui avait pu être estimé dans le passé, n'est pas négligeable.

Ainsi, en va-t-il des régimes prévus au bénéfice des jeunes agriculteurs (abattement sur les bénéfices pour le calcul de l'impôt sur le revenu) ou, pour le même impôt, de la déduction spécifique à l'investissement (en 2013, elle avait été évaluée à 260 millions d'euros).

Les dépenses fiscales les plus significatives concernent l'énergie, soit comme consommation intermédiaire, soit comme production agricole.

La consommation d'énergie représentait 8,7 % des charges variables subies par la production agricole (7 800 euros par exploitation) en 2007 avec un pic pour le maraîchage et l'horticulture (17,2 % des charges variables) et un creux pour la filière « porcins, volailles » (5,3 % des charges variables). La dépense fiscale ménagée à ce titre exerce ainsi des effets asymétriques sur les filières.

Une variable clef de la dépense fiscale prévue réside dans le prix du pétrole. On estime qu'une variation de 10 points du prix des carburants et combustibles influe pour 1,2 % sur le revenu des exploitations.

Étant donné les perspectives du prix du pétrole pour 2015, les agriculteurs pourraient trouver dans son évolution un facteur de soutien de leur revenu. En contrepartie, les dépenses fiscales énergétiques pourraient se trouver atténuées contrairement aux évaluations produites à l'appui du projet de budget pour 2015 qui les situent à la hausse.

Du point de vue de la production d'agro-énergie , le projet de budget mentionne un repli de l'impact de l'exonération de taxe intérieure de consommation pour ces produits. En 2013, l'effet de cette exonération avait atteint 280 millions d'euros ; en 2015 il ne serait plus que de 120 millions d'euros (160 millions d'euros l'année dernière). Ce régime favorable étant appelé à disparaître, 2015 serait la dernière année où il aura une incidence budgétaire.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur l'impact d'une orientation qui conduit à laisser les producteurs de biocarburants face à des évolutions de marché dont les paramètres, particulièrement incertains, n'apparaissent pas tous favorables à la viabilité économique de productions concurrencées par des pays qui les pratiquent sans mesure.

La production de biocarburants est un domaine d'évolutions technologiques qu'il convient d'accompagner par une réflexion d'ensemble sur la politique publique que la France applique à ce secteur stratégique pour le développement des énergies d'avenir.


* 4 Ce montant correspond au périmètre du ministère, et non à celui de la mission.