M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial

II. UN BUDGET ANNEXE SUR LA VOIE DU DÉSENDETTEMENT

Le budget annexe est présenté en deux sections : la section d'exploitation (ou section des opérations courantes) et la section des opérations en capital.

La section des opérations en capital comprend, du côté des recettes, l'excédent d'exploitation (différence entre recettes et dépenses d'exploitation), c'est-à-dire la capacité d'autofinancement du budget annexe, la dotation aux amortissements et l'emprunt. Du côté des dépenses, elle comprend les remboursements d'emprunts et les investissements.

Le tableau d'équilibre présenté à la page suivante retrace les évolutions des deux sections entre 2014 et 2015. Elles sont commentées infra .

Tableau d'équilibre du budget annexe en 2014 et 2015

(en millions d'euros)

SECTION EXPLOITATION

Dépenses

LFI 2014

PLF 2015

Écart

%

Recettes

LFI 2014

PLF 2015

Écart

%

Dépenses de personnel

1 138,8

1 144,9

6,1

0,5 %

Redevance de route

1 146,4

1 283,6

137,2

12,0 %

dont T2 Hors CAS pensions

877,5

882,7

5,2

0,6 %

RSTCA

240,4

238,8

- 1,6

-0,7 %

dont CAS Pensions

261,3

262,2

0,9

0,3 %

Redevances océaniques

42,8

42,0

- 0,8

-1,9 %

Dépenses d'exploitation

158,9

155,7

-3,2

- 2,0 %

Frais de gestion des taxes

5,8

6,2

0,3

5,2 %

Subventions diverses

4,3

4,2

-0,1

- 2,3 %

Redevances surveillance et certification

32,9

28,2

- 4,7

-14,3 %

Dotations aux provisions

2,4

4,0

1,6

66,7 %

Taxe aviation civile (TAC)

356,4

373,7

17,3

4,9 %

Organismes extérieurs

232,5

227,9

-4,6

- 2,0 %

Divers

63,1

10,7

- 52,4

- 83, 0%

Charges financières

36,6

35,0

-1,6

- 4,4 %

Subvention opérateur ENAC

98,8

96,8

-2,0

- 2,0 %

Dotations aux amortissements

165,5

165,8

0,3

0,2 %

Sous-total dépenses

1 837,7

1 834,3

-3,4

- 0,2 %

Sous-total recettes

1 887,9

1 983,2

95,3

5,0 %

Excédent d'exploitation

50,2

148,9

98,7

196,6 %

Déficit d'exploitation

0,0

0,0

Total brut de la 1 ère section

1 887,9

1 983,2

95,3

5,0 %

Total brut de la 1 ère section

1 887,9

1 983,2

95,3

5,0 %

SECTION CAPITAL

Dépenses

LFI 2014

PLF 2015

%

Recettes

LFI 2014

PLF 2015

%

Remboursement emprunt

225,3

225,1

-0,2

- 0,1 %

Autofinancement

50,2

148,9

Dotation aux amortissements

165,5

165,8

0,3

0,2 %

Investissements

257,5

257,5

0,0

0,0 %

Emprunt

267,2

167,9

- 99,3

-37,2 %

Total brut de la 2 nde section

482,8

482,6

-0,2

0,0 %

Total brut de la 2 nde section

482,8

482,6

- 0,2

0,0 %

TOTAL

LFI 2014

PLF 2015

%

LFI 2014

PLF 2015

%

BACEA Total brut

2 370,7

2 465,8

95,1

4,0 %

BACEA Total brut

2 370,7

2 465,8

95,1

4,0 %

Dotations aux amortissements

165,5

165,8

0,3

- 13,8 %

Dotations aux amortissements

165,5

165,8

0,3

-13,8 %

BACEA Total net

2 205,2

2 299,9

94,7

5,3%

BACEA Total net

2 205,2

2 299,9

94,7

5,3 %

LFI 2014

PLF 2015

%

Évolution de l'endettement

41,8

- 57,2

- 99,0

Encours de dette (*)

1 281,5

1 224,3

- 57,2

- 4,5 %

(*) au 31/12/2013 :1 239,6 M€

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

A. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES RECETTES D'EXPLOITATION

En 2015, les recettes d'exploitation devraient progresser d'environ 5 % du fait d'un effet-volume (hausse du trafic aérien évoquée supra ) et d'un effet-prix (revalorisation des redevances).

À cet égard, l'augmentation la plus sensible concerne la redevance de route dont le produit devrait s'élever à 1 283,6 millions d'euros, soit 137 millions d'euros de plus qu'en 2014 (+ 12 %). De même, le produit de la taxe de l'aviation civile devrait s'établir à 373,7 millions d'euros, soit + 4,9 % par rapport à 2014.

Au total, les recettes du budget annexe, hors emprunt, sont évaluées, pour 2015, à 1 983,2 millions d'euros .

B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL PRESQUE STABILISÉES MALGRÉ LA BAISSE CONTINUE DES EFFECTIFS

Pour l'année 2015, la masse salariale portée par le budget annexe s'élève à 882,68 millions contre 877,51 millions d'euros en 2014, soit une augmentation de 0,5 % entre les deux années .

Les dépenses de personnel représentent au total, une fois incluses les cotisations sociales employeurs (contribution au compte d'affectation spéciale Pensions), les prestations sociales et l'action sociale, un montant de 1 144,9 millions d'euros, soit 62 % des dépenses d'exploitation .

Il s'agit donc, de loin, du principal poste de dépense de la direction générale de l'aviation civile. Dans le cadre du protocole social 2013-2015, celle-ci a engagé des actions pour mener des réformes structurelles permettant de réduire le nombre de personnels tout en maintenant la qualité du service rendu .

Le protocole social 2013-2015

La démarche de signature de protocoles triennaux avec les organisations syndicales, qui date de 1988, permet de fixer la stratégie de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et son déroulé opérationnel pour le triennal, de donner une lisibilité interministérielle des mesures sociales accordées en contrepartie des efforts consentis par les personnels, de diminuer le taux de conflictualité et enfin de consolider l'unité et la cohésion sociale de la DGAC.

Pour la période 2013-2015, la DGAC s'est engagée dans une nouvelle démarche protocolaire qui constitue un outil important d'accompagnement du changement. Les négociations avec les organisations syndicales représentatives de la DGAC issues des dernières élections professionnelles, (USAC-CGT, UNSA, FO, CFDT et SNCTA) se sont effectuées dans un climat social difficile et tendu.

L'accord social 2013-2015, conclu entre le Gouvernement et trois organisations syndicales confédérées (CGT, FO et CFDT) le 23 octobre 2013, comporte des axes majeurs de réformes structurelles :


• fermeture de bureaux régionaux d'information aéronautique (BRIA) ;


• transfert aux exploitants locaux de tours de contrôle ;


• suppression de certaines délégations territoriales de la direction de la sécurité de l'aviation civile ;


• mutualisation de services opérationnels de contrôle aérien ;


• modernisation des fonctions support adossées à des systèmes d'information reposant sur des technologies matures.

Un ensemble de leviers de performance pour tous les services de la DGAC est ainsi constitué. Il va générer des gains de productivité dans une relative paix sociale. Les mesures sociales d'accompagnement sont une contrepartie des efforts importants demandés à tous les personnels (plus de 10 % de suppression d'emploi depuis 2007 s'agissant d'une administration prestataire de services opérationnels de sécurité, réformes structurelles et d'organisation de travail, nouveaux processus, évolution des métiers, externalisation de tâches, reconversion professionnelle et formation).

La direction générale veillera, en concertation avec les opérateurs aériens et les instances européennes, à une juste rémunération des services de la DGAC, pour préserver l'équilibre financier et mener une politique d'investissement ambitieuse. De son côté, le Gouvernement défendra dans les discussions européennes à venir une DGAC unie dans la fonction publique d'État.

Ce protocole comprend des mesures sociales visant à favoriser d'une part l'unité et la cohésion de la DGAC (1), d'autre part, la performance et la modernisation des services (2) et enfin d'accompagner au mieux les personnels touchés par les restructurations.

(1) Une prime annuelle d'intéressement à la performance sera mise en oeuvre permettant de favoriser l'unité et la cohésion de la DGAC.

(2) Une modernisation des régimes indemnitaires des personnels techniques sera mise en oeuvre afin de simplifier le dispositif ; elle s'inscrira dans le cadre de la mise en oeuvre du RIFSEEP dans la fonction publique. Des revalorisations indemnitaires seront accordées en contrepartie des efforts importants des personnels dans le cadre de la modernisation de métiers et de l'amélioration de la productivité demandée. Enfin, des dispositions statutaires (mise en oeuvre du GRAF, repyramidage) permettront de répondre à l'accroissement des responsabilités des agents.

(3) Un accompagnement individualisé des personnels touchés par les restructurations sera mis en oeuvre afin de conduire les réformes tout en étant soucieux de préserver la qualité de vie au travail des agents.

Cet accord social qui comporte des axes majeurs de réformes structurelles doit pouvoir être mis en oeuvre rapidement. Les premières mesures sociales interviendront à partir d'octobre 2014.

Le coût des mesures sociales sur le budget annexe "Contrôle et Exploitation Aériens" (BACEA), au titre du protocole DGAC 2013-2015, peut être évalué à une dépense maximale de 27 millions d'euros réparties sur quatre années (2013-2016) dont 22,5 millions d'euros de mesures catégorielles soclées.

Pour l'année 2014, les crédits ouverts pour les dépenses de masse salariale (titre 2) s'élèvent à 1 138,7 millions d'euros. Il convient de noter la stabilité de crédits par rapport à ceux de 2013 (la progression ne représente que 0,14 %). Cette année se caractérise par la mise en oeuvre des mesures du protocole social 2013-2015 prévues pour les années 2013 et 2014. Effectivement, compte tenu de la date tardive de signature du protocole (octobre 2013) et, par conséquent, du lancement de la procédure de mise en oeuvre des mesures (qui comprend la validation interministérielle des projets de textes dans le cadre du Guichet Unique), aucune mesure programmée en 2013 n'a pu être exécutée cette même année.

Le financement de ces mesures sera assuré, en grande partie, par les économies des schémas d'emplois des années précédentes. S'agissant de 2015, l'application des mesures catégorielles prévues ne fera pas obstacle à la poursuite de l'effort de maîtrise des dépenses de personnel engagé par la DGAC qui veille à contenir la progression de sa masse salariale.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Ainsi, en 2015, ce sont 100 emplois nets qui seront supprimés au sein de la direction générale de l'aviation civile , soit une diminution des effectifs d'environ un millier d'équivalents temps plein (ETP) sur la période 2007-2015, auxquels il faut ajouter une diminution des personnels affectés à l'École nationale de l'aviation civile de 135 ETP.

Il s'agit d'un effort particulièrement significatif puisque le nombre d'agents (en temps plein travaillé) est de 10 827. Pour autant, l'octroi de « mesures catégorielles », dans le cadre du protocole social, est venu neutraliser les gains de masse salariale résultant de la diminution des effectifs .

En revanche, votre rapporteur spécial relève que les gains de productivité réalisés au sein de la direction générale de l'aviation civile ont, en partie, contribué à la diminution des dépenses de fonctionnement courant, qui ont été réduites de 206,2 millions d'euros en 2013 à 155,7 millions d'euros en 2015 .

C. UN BESOIN D'INVESTISSEMENT TOUJOURS ÉLEVÉ

Pour l'année 2015, la direction générale de l'aviation civile entend maintenir un effort d'investissement de 257,5 millions d'euros , équivalent à celui de l'année 2014.

Cette enveloppe est très importante pour assurer le respect des engagements européens de la France dans le cadre du volet technologique du Ciel unique européen. Le programme « Navigation aérienne » du budget annexe porte d'ailleurs l'essentiel de la dotation d'investissement (228,3 millions d'euros).

Le projet annuel de performances rappelle que « le bloc d'espace fonctionnel FAB Europe centrale (FABEC) et le programme européen SESAR de développement et de déploiement de nouvelles technologies novatrices permettront de faire face à la croissance du trafic d'ici à 2020, en maintenant la sécurité et la ponctualité, en réduisant l'impact environnemental du trafic aérien et en maîtrisant les coûts unitaires et donc les services rendus aux compagnies aériennes.

« La direction des services de la navigation aérienne doit non seulement maintenir en conditions opérationnelles ses systèmes actuels et moderniser ses infrastructures mais également investir pour assurer la convergence technique au standard européen requis pour le FABEC comme pour SESAR ».

Entendu par votre rapporteur spécial, Patrick Gandil, directeur général de l'aviation civile, a insisté sur le caractère crucial des investissements dans les années à venir (le programme SESAR représenterait un montant d'un milliard d'euros pour la France). Il a également indiqué qu'une situation de « sous-investissement » serait contraire à nos engagements européens et pourrait dès lors faire l'objet de sanctions de la part de la Commission européenne.

Il faut également souligner que la direction générale de l'aviation civile ne dispose plus de crédits d'investissement au titre de la recherche aéronautique . En effet, ces sommes sont désormais inscrites dans le cadre des programmes d'investissement d'avenir (PIA) . Cette modalité de financement apparaît critiquable. En effet, une fois le PIA 2 achevé, comment ces investissements seront-ils financés ? Des crédits budgétaires seront-ils à nouveau ouverts ? Ces questions restent, pour l'instant, sans réponse.

Or la recherche aéronautique obéit à des cycles qui nécessitent une certaine une visibilité à moyen terme . Si le Gouvernement n'est pas capable d'assurer une certaine prévisibilité de ses financements, toute la filière aéronautique risque d'être pénalisée à un moment où la concurrence internationale se fait de plus en plus rude.

D. UNE BAISSE DE L'ENDETTEMENT POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS 2007

Les évolutions de recettes et de dépenses retracées plus haut permettent d'établir l'équilibre du budget annexe ( cf. supra tableau d'équilibre).

Il en ressort que la forte hausse des recettes d'exploitation conduit à dégager un résultat d'exploitation de 148,9 millions d'euros qui vient abonder la section des opérations en capital. L'équilibre de cette section est assuré par le recours à l'emprunt. Or, compte tenu de l'excédent d'exploitation, le besoin de financement pour l'année 2015 est limité à 167,9 millions d'euros, soit une diminution de plus de 99 millions d'euros par rapport à l'année dernière.

L'endettement total du budget annexe est, quant à lui, réduit de 57,2 millions d'euros, ce qui n'était pas arrivé depuis 2007 .

Évolution de l'endettement du budget annexe

(en millions d'euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

LFI 2014

PLF 2015

Emprunt contracté

253,0

103,0

104,0

282,0

250,7

194,4

250,3

247,9

267,2

167,9

Remboursement des emprunts (capital)

114,0

104,0

104,0

108,0

154,0

181,5

196,9

222,9

225,3

225,1

Endettement net au 31/12

878,4

877,7

877,7

1 051,6

1 148,3

1 161,2

1 214,4

1 239,4

1 281,5

1 224,3

Évolution en valeur absolue

- 0,7

0,0

173,9

96,7

12,9

53,2

25,0

42,1

- 57,2

Évolution en pourcentage

18,7 %

- 0,08 %

0 %

19,8 %

9,2 %

1,1 %

4,6 %

2,01 %

3,40 %

- 4,46 %

Source : commission des finances du Sénat

S'il faut bien évidemment se réjouir de la trajectoire de désendettement du budget annexe, celle-ci n'est pas sans receler quelques faiblesses .

D'abord, l'équilibre du budget annexe repose avant tout sur la croissance des recettes plutôt que sur la diminution des dépenses . Ces dernières apparaissent d'ailleurs de plus en plus contraintes. Les dépenses d'investissement sont prioritaires dans un contexte de convergence européenne. Les dépenses de fonctionnement ont d'ores et déjà subis des coupes drastiques. Les dépenses vers les organismes extérieurs sont impératives et n'offrent aucune marge de manoeuvre. Seules les dépenses de personnel permettent encore de réaliser des économies qu'il conviendrait d'envisager dans le cadre du prochain protocole social .

Du côté des recettes, la croissance continue du trafic aérien assure un dynamisme bienvenu . En sens contraire, les redevances de navigation aérienne sont soumises à des exigences de performances au niveau européen. L'effet-prix résultant d'une majoration des redevances a donc vocation à s'atténuer au cours de la période dite « RP 2 » 2015-2019 (régulation de la performance) pendant laquelle la direction générale de l'aviation civile sera conduite à « restituer » aux compagnies aériennes une partie de ses gains de productivité.