Mme Teura Iriti et M. Georges Patient, rapporteurs spéciaux

PREMIÈRE PARTIE
EXAMEN DES CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER

I. UN MAINTIEN DES CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » JUSTIFIÉ PAR UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE PLUS DÉFAVORABLE QU'EN MÉTROPOLE

A. DES INDICATEURS SOCIO-ÉCONOMIQUES DÉGRADÉS

Rassemblant plus de 2,7 millions d'habitants, soit un peu plus de 4 % de la population française, les territoires d'outre-mer connaissent une situation économique et sociale très défavorable par rapport à la métropole.

S'agissant de l'éducation, par exemple, la part des jeunes de 18 ans en difficulté de lecture atteint, selon le ministère de l'éducation nationale, entre 30 % et 75 % dans les DOM, contre 10 % dans l'hexagone.

La situation économique des outre-mer apparaît en outre bien plus défavorable qu'en métropole, en raison de difficultés structurelles liées à la situation géographique de ces territoires et à la faiblesse de leurs marchés. En 2013, nos collègues Éric Doligé et Serge Larcher 1 ( * ) estimaient ainsi que certaines caractéristiques communes à l'ensemble des économies ultramarines pouvaient constituer un frein à leur développement. Ils rappelaient notamment que ces territoires se caractérisent par des marchés étroits empêchant le développement d'économies d'échelle, une grande dépendance vis-à-vis de l'extérieur et un tissu économique essentiellement constitué de très petites entreprises.

En 2012, le produit intérieur brut par habitant dans l'hexagone était de 31 420 euros alors qu'il était de 19 439 euros dans les 4 DROM (15 416 euros en Guyane).

Tous les ans, le programme des Nations unies pour le développement (PNUD) publie un classement des pays en fonction de leur indice de développement humain (IDH). En 2010, la France métropolitaine se situait en vingtième position. La Martinique et la Guadeloupe se situaient autour de la quarantième place, la Réunion à la 72 ème place, la Guyane à la 76 ème et Mayotte à la 104 ème .

Ces handicaps à la fois géographiques et économiques se traduisent par un taux de chômage élevé qui représente, en moyenne, le double de celui de la métropole (20 % contre 10 %). Les jeunes sont particulièrement touchés par ce phénomène. Le taux de chômage des 15-24 ans est ainsi supérieur à 50 % dans les DOM et atteignait près de 58 % en Guadeloupe contre 25,5 % en métropole en 2012.

Le marché de l'emploi dans les territoires ultramarins se caractérise en outre par la surreprésentation du secteur public lequel représente près de 35 % des du total de l'emploi, contre 22,4 % en métropole (cf. tableau ci-après).

Cette situation est à l'origine de forts mécanismes d'exclusion et il revient, par conséquent, aux collectivités de prendre en charge ces catégories les plus vulnérables de la population.

En 2013, les dépenses de fonctionnement d'aide sociale des départements d'outre-mer étaient de 1 056 euros par habitant contre 540 euros pour les départements de l'hexagone.

Dès lors, l'action de l'État en faveur des outre-mer apparaît comme une absolue nécessité pour permettre de combler une partie de ces différentiels de développement et de compétitivité.

B. DANS UN CONTEXTE DE DIMINUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES, L'EFFORT BUDGÉTAIRE EN FAVEUR DES OUTRE-MER EST MAINTENU EN 2015

Évolution des crédits de paiement de la mission « Outre-mer » inscrits en loi de finances initiale

Source : commission des finances

Après une hausse significative des crédits de paiement (CP) entre 2008 et 2010 (+ 17,7 %), l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer s'est stabilisé à partir de 2011 autour de 2 milliards d'euros.

Les CP de la mission « Outre-mer » devraient connaître une légère hausse en 2015 passant de 2,058 millions d'euros à 2,064 millions d'euros (+ 0,39 %).

En revanche, les autorisations d'engagement (AE) de la mission connaissent une diminution de 2,33 % due à une modification de périmètre. En effet, la baisse des cotisations familiales prévues par le pacte de responsabilité aura pour effet de diminuer le montant des exonérations de charges sociales et donc des compensations à verser. Hors mesure de périmètre, la baisse des AE est limitée à 0,7 %.

Évolution des crédits des deux programmes de la mission

(en millions d'euros)

AE consommées en 2013

AE 2014

AE 2015

Évolution 2015/2014

CP consommés en 2013

CP 2014

CP 2015

Évolution 2015/2014

Programme n° 138 « Emploi outre-mer »

1 458

1402

1 393

- 0,64 %

1 453

1 386

1 380

- 0,43 %

Programme n° 123 « Conditions de vie outre-mer »

720

743

702

- 5,52 %

649

671

685

- 2,09 %

Total de la mission « Outre-mer »

2 178

2 145

2 095

- 2,33 %

2 102

2 057

2 065

0,39 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

C. UNE PROGRAMMATION TRIENNALE 2015-2017 RESPECTÉE

Plafonds des crédits de paiement* de la mission « Outre-mer »
pour les années 2015 à 2017

(en millions d'euros)

Loi de finances pour 2015

Plafond des CP 2016

Plafond des CP 2017

2 019

2 067

2 109

Source : Projet annuel de performance annexé au présent projet de loi de finances

* Hors contributions de l'État au CAS « Pensions »

La programmation 2015-2017 pour la mission « Outre-mer » marque une légère diminution des CP par rapport au niveau inscrit dans la précédente programmation triennale. Ainsi, l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2013 à 2015 fixait un plafond de CP s'établissant, hors contribution de l'État au CAS « Pensions », à 2,144 milliards d'euros pour 2015, contre 2,019 milliards d'euros dans la programmation 2015-2017 (- 1,2 %). Cette diminution est liée à la prise en compte des effets de la réforme des exonérations de charges sociales prévue par la loi de finances pour 2014 qui devrait permettre une économie de 108 millions d'euros en année pleine ainsi qu'à la mesure de périmètre citée plus haut.

Sur l'ensemble de la programmation triennale, les crédits de la mission hors contribution au CAS « Pensions » devraient augmenter de 2,38 % en 2016 puis de 2,03 % en 2017, soit une hausse globale de 4,5 %.

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que la mission « Outre-mer » soit préservée dans un contexte de freinage de la croissance des dépenses publiques.

Avec 2 019 millions d'euros en CP, hors contributions de l'État au CAS « Pensions » (44,821 millions d'euros), la programmation triennale est respectée .

D. LA PARTICIPATION DU MINISTÈRE DES OUTRE-MER À L'EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES

Depuis 2013, le ministère de l'intérieur a transféré au ministère des outre-mer une partie de ses crédits de fonctionnement, portée jusqu'alors par le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », du ministère de l'intérieur. Ces crédits de fonctionnement et d'intervention concernent les services du cabinet de la ministre, de la délégation générale à l'outre-mer (DGOM) et de la délégation interministérielle à l'égalité des chances des français d'outre-mer (DIECFOM). Les dépenses lourdes d'infrastructure de réseaux de communication et informatiques, ainsi que les dépenses immobilières, continuent, en revanche, d'être assurées par le ministère de l'intérieur.

Ces crédits s'élèvent à 2,7 millions d'euros en diminution de 5 % par rapport à la loi de finances pour 2014.


* 1 « L'aide fiscale à l'investissement outre-mer, levier incontournable du développement : 10 propositions pour en optimiser l'impact », Rapport n° 628 - 2012-2013.