MM. Pierre JARLIER et Daniel RAOUL, rapporteurs spéciaux

TROISIÈME PARTIE : LE PROGRAMME 162
« INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ETAT » (PITE)
(RAPPORTEUR SPÉCIAL : PIERRE JARLIER)

I. LA RECONDUITE DU PROGRAMME EN 2015

A. LES SPÉCIFICITÉS DU PITE

Le programme 162, « Interventions territoriales de l'État », ou PITE, se singularise par les politiques publiques qu'il supporte. En effet, il rassemble des actions de portée régionale correspondant à des plans interministériels . Ces actions sont indépendantes les unes à l'égard des autres, bien qu'elles puissent avoir en partage des problématiques similaires.

Par rapport au « droit commun » des programmes du budget général de l'État notamment l'article 7 de la LOLF, qui définit un programme comme regroupant « les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère » , le PITE se singularise sur quatre points :

- l'élaboration du programme est déconcentrée et interministérielle, à l' initiative des préfets de région ;

- la responsabilité du programme relève du Premier ministre au plan politique, mais sa gestion a été confiée au ministère chargé de l'intérieur , au titre de « tête » du réseau préfectoral, la responsabilité administrative de cette gestion étant confiée au secrétaire général de ce ministère. En outre, la supervision de chaque action inscrite dans le programme relève d'un ministre dit « référent » , responsable de la politique publique à laquelle se rapportent les objectifs de cette action ;

- les ressources du programme proviennent d'autres programmes du budget général. Les crédits affectés à chaque action retracée par le PITE sont en effet retranchés de programmes où, en l'absence d'inscription de l'action au PITE, ils auraient eu vocation à figurer. Ces contributions sont fongibles au sein de chaque action (à chaque action correspond un BOP). En outre, les crédits du PITE, depuis 2007, ont été rendus fongibles entre les actions du programme . Toutefois, les ministères contributeurs ont droit à un suivi précis de leur contribution ; si un ministère est associé à la fongibilité, il peut prétendre à un certain « retour ». La fongibilité se traduit donc par un mécanisme générateur de nouveaux engagements réciproques futurs ;

- enfin, les dépenses de personnel ne sont pas retracées par le programme, à la différence du PICPAT.

Les actions composant initialement le PITE y avaient été inscrites pour une période limitée à trois années (2006 à 2008), mais cette inscription était reconductible. De fait, la loi de finances pour 2009 a maintenu l'existence du PITE, en reconduisant trois des sept actions qu'il comptait en 2008 17 ( * ) et en y introduisant une nouvelle . De sorte que le programme se compose aujourd'hui des quatre actions suivantes, dont la numérotation constitue un « héritage » de l'organisation initiale :

- l'action 2, « Eau Agriculture en Bretagne », rend compte du financement de la reconquête de la qualité des eaux de cette région, consistant notamment à inciter les agriculteurs à adapter leurs exploitations et leurs modes de production pour limiter les atteintes à l'environnement et à mesurer l'évolution de la situation environnementale. Depuis 2011, le plan de lutte contre les algues vertes fait également partie de cette action ;

- l'action 4, « Programme exceptionnel d'investissements ( PEI ) en faveur de la Corse », retrace le financement du développement économique de l'île par une remise à niveau des équipements publics structurants, infrastructures de base et services collectifs, et par la mise en valeur de l'espace régional. Après une première et une deuxième convention d'application visant les périodes 2003-2006 et 2007-2013, le PEI, prévu pour une durée totale de quinze ans, est actuellement régie par une troisième convention, signée le 4 juin 2013, visant la période 2014-2016 ;

- l'action 6, « Plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes », rassemble les crédits de mise en oeuvre du plan pour le marais poitevin adopté en juin 2002. Ce plan vise notamment à restaurer le caractère de zone humide du territoire concerné, conformément à la directive « Natura 2000 », à y accueillir les touristes dans le respect de l'environnement et à reconquérir, pour cette région, le label de « parc naturel régional » ;

- l'action 8, « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe », introduite dans le PITE par la loi de finances pour 2009, retrace les crédits du « plan d'action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe » mis en place en 2008. Le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé, en Martinique et en Guadeloupe, pour lutter contre le charançon du bananier ; substance très stable, il persiste dans les sols et peut contaminer certaines denrées végétales ou animales, ainsi que les eaux de certains captages. Le plan vise à renforcer la surveillance de la santé de la population et la connaissance des problèmes cliniques et environnementaux, réduire l'exposition de la population, proposer des mesures d'accompagnement en agriculture et améliorer la surveillance des sols et des produits des jardins « familiaux ».

Bien que le pilotage du PITE soit assuré par le ministère chargé de l'intérieur, il convient de préciser que les actions reposent sur différents ministres « référents » , qui sont :

- le ministre chargé de l'agriculture pour l'action 2 « Eau Agriculture en Bretagne » et l'action 6 « Plan gouvernemental sur le marais poitevin Poitou-Charentes » ;

- la ministre chargé de l'intérieur pour l'action 4 « PEI en faveur de la Corse » ;

- la ministre chargé de la santé pour l'action 8 « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ».

B. LE RENONCEMENT À L'INSCRIPTION DE NOUVELLES ACTIONS EN 2015

Le secrétaire général du ministère de l'intérieur, dans le cadre de son rôle d'animation du PITE, invite régulièrement l'ensemble des préfets de région à faire part des projets d'action territoriale interministérielle pour lesquels un portage par le PITE apporterait une plus-value.

Ainsi, un appel à projets lancé en 2012 avait conduit à retenir une action consacrée à la dynamisation de la filière bois en Auvergne-Limousin-Bourgogne , en s'appuyant sur les travaux conduits dans le cadre des états généraux du bois. Cependant, comme l'a précisé le Gouvernement à votre rapporteur spécial, la création en 2014 d'un fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) et la multiplication des actions au niveau national sur ce sujet, ont rendu moins pertinent ce projet de création d'une nouvelle action au sein du programme. Une enquête sur les soutiens à la filière forêt-bois a été demandée par votre commission des finances à la Cour des comptes à la fin de l'année 2013 en application de l'article 58-2° de la LOLF.

Néanmoins, l'inscription d'une nouvelle action en 2015 a fait l'objet d'une étude. En effet, au cours de l'année 2014, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte-D'azur a soumis au ministre de l'intérieur et au Premier ministre une proposition de nouvelle action pour le PITE s'articulant autour du « Pacte de sécurité et de cohésion sociale pour Marseille ». Comme l'a indiqué le Gouvernement dans ses réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, cette proposition, toujours en cours d'examen à ce stade, pourrait être reprise à l'occasion du projet de loi de finances pour 2016.

C. UN SUIVI DE LA PERFORMANCE ENCORE INSUFFISANT

Depuis sa création en 2006, le PITE repose sur un dispositif de mesure de ses performances instable et insuffisant .

D'une part, une telle situation ne favorise pas la comparaison des résultats d'un exercice à l'autre, d'autre part, le suivi de la performance n'est pas satisfaisant dans la mesure où aucune des actions du programme ne se réduisant à une dimension unique, chacune, logiquement, devrait se trouver encadrée par plusieurs objectifs et, a fortiori , par plusieurs indicateurs.

Or, d'une manière générale et malgré les améliorations apportées en 2013 18 ( * ) , les objectifs définis sont incomplets et les indicateurs restent lacunaires par rapport au champ couvert par les actions du programme.

Votre rapporteur spécial regrette que de tels défauts soient accentués en 2015 puisqu'un des deux indicateurs relatifs à l'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » sera supprimé 19 ( * ) , en raison de la politique globale de réduction du nombre d'indicateurs de performance. De même, il relève la modification pour 2015 de deux indicateurs, relatifs à l'action 02 20 ( * ) et à l'action 06 « Plan gouvernemental pour le Marais poitevin » 21 ( * ) . À l'aune de ces évolutions, il semble pertinent d'enrichir et de stabiliser le dispositif de suivi de la performance du PITE .


* 17 Suite à la réunion interministérielle du 5 août 2008, quatre actions ont été retirées du PITE à partir de 2009 : l'action 1 « Le Rhin et la bande rhénane », l'action 3 « Plan Loire grandeur nature », l'action 5 « Filière bois en Auvergne et Limousin » et l'action 7 « Plan Durance multi-usages ».

* 18 Ainsi, avant 2013, il était inadéquat de mesurer la performance de l'action « PEI en faveur de la Corse » qui mobilise la majorité des crédits du programme à la seule aune des délais de réalisation des projets. L'indicateur, en effet, n'apportait aucune information sur les résultats concrets issus de cette mise en oeuvre, aussi rapide serait-elle. La mise en place depuis 2013 d'un indicateur consacré au pourcentage de stations d'épuration aux normes en Corse va donc dans le bon sens, même si le dispositif de suivi de la performance de cette action pourrait encore être amélioré. Les résultats eux-mêmes sont satisfaisants puisque le pourcentage de stations d'épuration aux normes est de 74 % fin 2013, contre 48 % fin 2012, en raison des efforts importants de mise en conformité des stations d'épuration. La progression, forte entre 2012 et 2013, devrait encore s'accentuer en 2014.

* 19 La suppression concerne l'indicateur 1.1 « Pourcentage de stations de mesures dépassant la limite de 50 mg/l en nitrates ». Outre la politique de réduction des indicateurs de performance, le Gouvernement justifie un tel abandon par l'atteinte d'un niveau satisfaisant qui n'évolue plus qu'à la marge. Il indique pourtant que la surveillance des taux de nitrates se poursuivra au niveau local.

* 20 L'indicateur 1.2 « Pourcentage d'atteinte de la baisse de la concentration en nitrates des baies du plan algues vertes » sera ainsi remplacé par un nouvel indicateur intitulé « Concentration moyenne en nitrates des cours d'eau des baies du plan algues vertes ». Il donnera la moyenne des concentrations en nitrates dans les cours d'eau contributeurs selon des mesures effectuées en mg/L.

* 21 L'indicateur « Surface en prairies dans la zone du Marais poitevin », renseigné en hectares, devient « Évolution de la surface en prairies dans la zone du Marais poitevin par rapport à la surface en prairies dans les 3 départements couvrant la zone ». Selon le Gouvernement, ce nouvel indicateur devrait permettre de démontrer l'efficacité du plan en comparant l'évolution de la surface en prairies sur des territoires différents.