M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État . Représentant 56,8 milliards d'euros de crédits 12 ( * ) en 2015, il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est principalement consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État ( SRE ), créé en 2009. Il représente près de 93 % des crédits du CAS ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Ils représentent 3 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) ainsi que des pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Sa part dans les crédits du CAS « Pensions » est en légère diminution, de 4,0 % en 2014 à 3,7 % en 2015.

Aucune modification du périmètre ou de la maquette du CAS « Pensions » n'est prévue au titre de l'exercice 2015.

Graphique n° 9 : Répartition des crédits du CAS « Pensions » en 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2015)

I. LES DÉPENSES DE PENSIONS : UNE PART CROISSANTE DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

A. DES DÉPENSES DE PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES MULTIPLIÉES PAR 2,8 DEPUIS 1990

Sous l'effet des départs à la retraite des générations issues du baby boom , le montant des pensions de retraite versées aux fonctionnaires civils et militaires a très fortement augmenté ces vingt-cinq dernières années. Celui-ci est passé de 18 milliards d'euros en 1990 à 50,2 milliards d'euros en 2013 . À ceci s'ajoutent les dépenses de pensions des ouvriers d'État, qui ont progressé d'environ 1 milliard d'euros en 1990 à 1,8 milliard d'euros en 2013.

Graphique n° 10 : Évolution des dépenses de pensions civiles et militaires et des ouvriers d'État depuis 1990

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015)

L'État et ses opérateurs, en tant qu'employeurs, participent au financement de plus de 70 % des dépenses de pensions annuelles de fonctionnaires. Les charges de pensions représentent donc une dépense obligatoire particulièrement lourde, plus élevée que la charge de la dette.

B. PRÈS DE 13 % DU BUDGET DE L'ÉTAT CONSACRÉ AUX PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES EN 2013

L'État, en tant qu'employeur, a consacré 12,9 % de son budget 13 ( * ) au financement des dépenses de pensions civiles et militaires en 2013 , soit 37,5 milliards d'euros . Le poids des contributions-employeur versées par les ministères, à partir de leurs crédits de titre 2 (dépenses de personnel), dans le budget général a ainsi augmenté de près de 38 % depuis 1990 .

Graphique n° 11 : Poids de la contribution de l'État aux dépenses de pensions civiles et militaires dans le budget général

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015

L'augmentation de la part de la contribution de l'État aux dépenses de pensions dans le budget général est quasiment continue tout au long de la période, à l'exception des années 2009 et 2010 où une baisse a été observée en raison du fort dynamisme des autres dépenses. Entre 2011 et 2013, on observe une nouvelle accélération : la part des dépenses de pensions a augmenté de 0,6 point.

Le poids des dépenses de pensions civiles et militaires est encore plus important si l'on considère l'ensemble des contributions de l'État et des autres employeurs de fonctionnaires (opérateurs, établissements publics, La Poste, Orange etc.) au CAS « Pensions » : le montant total des contributions-employeurs au CAS « Pensions » s'est élevé à 45,3 milliards d'euros en 2013 , soit environ 15 % du budget général . C'est ce montant, et non celui de la seule contribution de l'État-employeur, qui fait l'objet d'une prévision dans le cadre des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ( cf . infra ).

Graphique n° 12 : Évolution du montant des contributions employeurs
au CAS « Pensions »

(en milliards d'euros)

Note de lecture : la colonne en gris clair correspond à l'ensemble des contributions au CAS « Pensions » (Etat, opérateurs, établissements public etc.) et la colonne plus foncée correspond au montant de la contribution de l'État employeur.

Source : commission des finances (à partir des réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial)

Entre 2010 et 2013, les contributions versées par les employeurs au CAS « Pensions » ont augmenté de 13,3 % . La contribution de l'État-employeur a enregistré une progression moins rapide (+ 11,7 %) que celle des autres employeurs (+ 22,5 %). Selon le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 14 ( * ) , annexé au présent projet de loi de finances, cette situation s'explique surtout par le dynamisme des contributions des établissements publics, en particulier des universités, sous l'effet de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités 15 ( * ) .

C. DES DÉPENSES AUGMENTANT À UN RYTHME SUPÉRIEUR À CELUI DE L'INFLATION DEPUIS 1990

Les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État augmentent en moyenne de 4,5 % par an depuis 1990, soit un rythme nettement plus élevé que celui de l'inflation (+ 1,6 %) . Cette progression s'explique par deux facteurs :

- le rythme de progression de la pension moyenne (+ 2,7 % par an depuis 2000) ;

- la croissance des effectifs de pensionnés de la fonction publique d'État (+ 1,9 % par an depuis 2000).

Graphique n° 13 : Évolution des dépenses de pensions de la fonction publique d'État

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au présent projet de loi de finances

Au total, entre 2006 et 2013, 30 % de la progression des dépenses du budget général de l'État est dû à l'accroissement du besoin de financement des pensions des fonctionnaires (soit 8 milliards d'euros sur 26 milliards d'euros). Cette forte croissance contraint fortement le budget de l'État ; en l'absence d'économies sur les autres dépenses, elle conduit en effet à une aggravation de la dette publique .

Toutefois, après une phase d'accélération au début des années 2000, un léger ralentissement des dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires est observé depuis 2011 (+ 4,7 % en 2011, + 3,8 % en 2012 et + 2,7 % en 2013). Cette décélération des dépenses de pensions n'empêche pas leur poids de croître au sein du budget de l'État, en raison des efforts de consolidation des dépenses publiques engagés depuis 2012.


* 12 En autorisations d'engagement (AE) = crédits de paiement (CP).

* 13 Est ici considéré le total des dépenses de l'État, hors charge de la dette et pensions, soit un périmètre plus large que les seules dépenses du budget général.

* 14 Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015.

* 15 Loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.