MM. Charles Guené et Jean Germain, rapporteurs spéciaux

PREMIÈRE PARTIE
LES FINANCES LOCALES DANS LE PLF 2015

I. LA BAISSE DE 3,67 MILLIARDS D'EUROS DES DOTATIONS

Après le gel des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales en 2013, puis leur diminution de 1,5 milliard d'euros en 2014, le Gouvernement a annoncé une nouvelle baisse de 11 milliards d'euros à horizon 2017.

L'article 9 du projet de loi de finances pour 2015 diminue par conséquent de 3,67 milliards d'euros les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales par rapport à 2014.

L'article 58, rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », répartit cette diminution entre les différents niveaux de collectivités territoriales - selon des critères identiques à ceux retenus en 2014 pour répartir la minoration de 1,5 milliard d'euros.

À l'initiative de son rapporteur général, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement minorant de 1,2 milliard d'euros la baisse des dotations. En effet, considérant que celle-ci aurait un effet potentiellement récessif sur l'investissement local et devrait entrainer une hausse des impôts locaux (pour un montant de 5 milliards d'euros à horizon 2017), elle a considéré, avec ce dispositif, qu'il convenait de déduire de la minoration les dépenses imposées par l'État aux collectivités territoriales .

Le montant total de ces dépenses imposées s'élève à 1,2 milliard d'euros selon l'évaluation la plus récente, pour l'année 2013, de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN).

II. LES DISPOSITIONS DESTINÉES À CORRIGER LES EFFETS DE LA BAISSE DES DOTATIONS

A. LA HAUSSE DE LA PÉRÉQUATION

L'article 58 prévoit également une hausse de la péréquation verticale de 228 millions d'euros. Les dotations de péréquation du bloc communal augmenteraient de 208 millions d'euros : + 120 millions d'euros pour la dotation de solidarité urbaine (DSU), + 78 millions d'euros pour la dotation de solidarité rurale (DSR) et + 10 millions d'euros pour la dotation nationale de péréquation (DNP). Les dotations de péréquation des départements augmenteraient de 20 millions d'euros.

Cette augmentation de la péréquation dite « verticale », est financée sans majoration de l'enveloppe normée : la moitié est financée au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF) tandis que l'autre moitié est financée par une minoration des variables d'ajustement. Autrement dit, la hausse de la péréquation verticale est intégralement financée par les collectivités territoriales elles-mêmes.

De plus, à l'initiative de notre collègue François Pupponi, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant d'augmenter de 99 millions d'euros supplémentaires la DSU et la DSR.

Par ailleurs, en 2015, la loi prévoit déjà une hausse de la péréquation horizontale de 230 millions d'euros :

- le montant du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) passe de 570 millions d'euros à 780 millions d'euros (+ 210 millions d'euros) ;

- le montant du fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) est porté de 250 millions d'euros à 270 millions d'euros (+ 20 millions d'euros).

La commission des finances du Sénat, lors de son examen des articles de la première partie du présent projet de loi de finances, a considéré qu'en l'absence d'évaluation des effets combinés de la hausse de la péréquation et de la baisse des dotations, il convenait de ralentir la progression de la péréquation. Elle a donc proposé d'augmenter la péréquation verticale de 119 millions d'euros, comme en 2014, et non de 228 millions d'euros.

B. QUEL SOUTIEN POUR L'INVESTISSEMENT LOCAL ?

1. Des mesures relatives au FCTVA

Face aux craintes d'un repli brutal de l'investissement local ayant des conséquences sur l'emploi et sur la croissance, une augmentation du taux forfaitaire du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) a été adoptée à l'Assemblée nationale (article 9 bis ).

Le taux a ainsi été porté à 16,404 %, ce qui représente une hausse du montant du FCTVA de 5 % environ. Cette disposition représenterait une moindre recette pour l'État de 26 millions d'euros en 2015 et 246 millions d'euros à partir de 2017 (à rythme de remboursement inchangé).

Par ailleurs, le FCTVA a été exclu du champ de l'enveloppe normée, afin d'éviter que son dynamisme ne pèse sur le montant des autres concours de l'État aux collectivités territoriales - ceux-ci augmentent ainsi de 166 millions d'euros en 2015 par rapport à la version initiale du projet de loi de finances.

2. Le remplacement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle par une dotation de « soutien » à l'investissement

L'article 9 ter du projet de loi de finances prévoit de remplacer les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) par une dotation de « soutien » à l'investissement local.

Les FDPTP, d'un montant total de 423 millions d'euros, sont versés par l'État aux départements, qui les répartissent ensuite à destination des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les FDPTP seraient remplacés par une « dotation de soutien à l'investissement local » d'un même montant.

À ce stade, les modalités de répartition de cette dotation ne sont pas précisées mais il pourrait s'agir d'une majoration de plusieurs dotations : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de développement urbain (DDU), la dotation globale d'équipement (DGE), la dotation de solidarité urbaine (DSU) « cible » ou dotation de solidarité rurale (DSR) « cible ».

À l'initiative de son rapporteur général, la commission des finances du Sénat a supprimé l'article 9 ter, considérant que les collectivités ne bénéficieraient pas d'un euro supplémentaire de la part de l'État à travers ce dispositif et qu'il fragiliserait les communes et EPCI qui perçoivent aujourd'hui les attributions versées au titre des FDPTP.

C. UNE RÉFORME DE LA DOTATION FORFAITAIRE DES COMMUNES ET DES DÉPARTEMENTS

L'article 58 du projet de loi de finances prévoit de fusionner les diverses composantes de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement (DGF) des communes d'une part et des départements d'autre part : aussi, les situations existantes seraient gelées. Cette « nouvelle » dotation forfaitaire évoluerait en fonction de la démographie et d'un écrêtement qui porterait désormais sur l'ensemble de la dotation forfaitaire et serait péréqué.

Le fonctionnement actuel de la DGF n'a pas été conçu dans un contexte de diminution de son montant et cette réforme a minima devrait être suivie par une refonte d'ampleur, annoncée pour le projet de loi de finances pour 2016 1 ( * ) .

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Enfin, d'autres dispositions du projet de loi de finances pour 2015 concernent les collectivités territoriales : la suppression de taxes dites « à faible rendement », qui sont perçues par les communes (article 8), le prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l'eau (article 16), ou encore l'exonération (non compensée) de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises pour les activités de méthanisation agricole (article 42).


* 1 Voir la communication de notre collègue François Marc sur les perspectives d'évolution de la dotation globale de fonctionnement (réunion de la commission des finances du 22 octobre 2014).