M. François MARC, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le prélèvement sur les recettes de l'État au profit du budget de l'Union européenne

1. L'article 30 du projet de loi de finances pour 2015 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l'Union européenne à 21,04 milliards d'euros . Le montant définitif de cette contribution pour 2014 reste à ce stade difficile à déterminer.

2. Deuxième bénéficiaire des dépenses de l'UE, la France reste le deuxième État contributeur au budget communautaire derrière l'Allemagne et devant l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne, bien que notre solde net se dégrade et dépasse le seuil des 9 milliards d'euros.

3. Votre rapporteur spécial relève l'état préoccupant du stock de « restes à liquider » ( RAL), qui devrait atteindre un niveau d'au moins 233 milliards d'euros à la fin 2015 . Par ailleurs, il appelle l'attention sur les écarts considérables constatés entre la prévision et l'exécution du prélèvement : l'estimation soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable. De même, il plaide pour une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux , qui doivent notamment prendre toute leur place dans la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière (GEF) de l'Union européenne, créée en 2013. Enfin, il s'interroge sur le contenu effectif du plan d'investissements de 300 milliards d'euros pour 2015 à 2017 annoncé par Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le 15 juillet 2014 devant le Parlement européen. Un tel plan paraît utile dans le contexte économique actuel mais de grandes incertitudes pèsent sur ses finalités ainsi que sur ses modalités de financement : son impact sur les finances publiques européennes et nationales reste en particulier très incertain.

La négociation sur le budget 2015 de l'Union européenne

4. L'avant-projet de budget 2015 de la Commission européenne propose une augmentation de 2,1 % des crédits d'engagement par rapport à 2014, soit 145,60 milliards d'euros . Les crédits de paiement affichent, quant à eux, une hausse de 4,9 % et s'élèvent à 142,14 milliards d'euros .

5. Le projet de la Commission a été revu à la baisse par le Conseil . Les coupes réalisées en crédits d'engagement (- 522 millions d'euros, ce qui conduirait à une variation de + 1,7 % par rapport à 2014) et, surtout, en crédits de paiement (- 2,14 milliards d'euros, ramenant la hausse pour 2015 à 3,3 % par rapport à 2014), ont principalement pour origine l'exigence exprimée par de nombreux États membres, d'une discipline budgétaire renforcée .

3. Le Parlement européen a voté en séance plénière, le 22 octobre 2014, un budget plus ambitieux que celui proposé par la Commission européenne, conformément à la position de sa commission des budgets. Il s'agit ainsi, pour 2015, de porter le niveau des engagements à 146,35 milliards d'euros et le niveau des paiements à 146,42 milliards d'euros, soit une augmentation de 2,6 % des crédits d'engagement et de 8,1 % des crédits de paiement par rapport à 2014.

4.  Une telle proposition d'augmentation des crédits rendra difficiles les négociations entre les deux branches de l'autorité budgétaire lors de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne qui devrait toutefois aboutir dans le courant du mois de novembre 2014.

Évolution 2012-2015 du prélèvement sur recettes

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Montant du prélèvement voté

18 878

20 435

20 224

21 042

Montant du prélèvement exécuté

19 052

22 456

-

-

Écart

+ 174

+ 2 021

-

-

Source : commission des finances d'après l'annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2015

I. LA FLEXIBILITÉ AU MENU DES PERSPECTIVES FINANCIÈRES 2014-2020

A. REMARQUES GÉNÉRALES SUR LA PROGRAMMATION EN VIGUEUR

1. Un cadre qui ne répond pas à la question des restes à liquider

Les budgets communautaires adoptés annuellement s'inscrivent dans un cadre pluriannuel communément appelé « perspectives financières ». La vocation principale de ces perspectives est de garantir la discipline budgétaire de l'Union en encadrant les dépenses communautaires regroupées sous cinq rubriques 1 ( * ) .

Le cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 a remplacé, au 1 er janvier 2014, le CFP qui couvrait la période 2007-2013. Le Conseil européen des 7 et 8 février 2013 était en effet parvenu à un accord, au terme de longues négociations 2 ( * ) , qui fixait le nouveau CFP, en euros courants, à 1 082,55 milliards d'euros en CE (crédits d'engagement) et 1 023,95 milliards d'euros en CP (crédits de paiement), soit un écart de 58,6 milliards d'euros .

D'un point de vue budgétaire, l'utilisation des euros courants rend compte avec précision de l'impact sur le budget national des versements à l'Union européenne. Par conséquent, afin d'évaluer les impacts budgétaires nationaux, l'utilisation des euros courants est retenue dans le présent rapport . La Commission européenne ayant proposé un projet de CFP en euros constants, il convient de noter que les négociations s'étaient tenues en euros dits « 2011 » 3 ( * ) En euros constants « 2011 », le nouveau CFP représente 959,99 milliards d'euros en CE et 908,40 milliards d'euros en CP, soit un écart de 51,59 milliards d'euros.

L'écart entre les CE et les CP du CFP en vigueur, soit 58,6 milliards d'euros courants, contribue à l' aggravation de l'état déjà préoccupant du stock de « restes à liquider » (RAL). Ces derniers correspondent aux engagements pris par l'Union européenne non encore couverts par des paiements. À une date donnée, le stock de RAL mesure donc le besoin de CP pour les années à venir, indépendamment des nouveaux engagements qui pourraient être pris.

Ce stock de RAL, de l'ordre de 20 % au moins des CP du nouveau cadre, devrait atteindre un niveau d'au moins 233 milliards d'euros à la fin 2015 .

En 2015, comme en 2014, plus de la moitié des crédits de paiement de l'exercice sera consacrée au paiement des RAL .

La distinction entre les restes à liquider et les restes à payer
de l'Union européenne

Les RAL sont une conséquence de la structure et du fonctionnement du budget de l'Union européenne, composé en grande partie de crédits dissociés. La gestion des fonds européens étant en gestion partagée, leur mise en oeuvre est réalisée par les États membres sur leur territoire et ils servent à financer majoritairement des projets, souvent pluriannuels.

À une date donnée, le stock de RAL mesure le besoin de crédits de paiement pour les années à venir, indépendamment des nouveaux engagements qui pourraient être pris. Pour les crédits non dissociés, les paiements annuels sont égaux aux engagements annuels et, par conséquent, le RAL est nul. Ces crédits concernent l'essentiel des aides directes de la politique agricole commune (rubrique 2) et la quasi-totalité des dépenses administratives (rubrique 5). Pour les crédits dissociés, c'est-à-dire pour lesquels les paiements sont effectués bien après les engagements, l'évolution du RAL reflète la dynamique d'engagement et de paiement. La politique de cohésion fait appel à des crédits dissociés, c'est pourquoi elle représente environ 60 % du total des RAL. Les États membres ont, effet, à leur disposition une enveloppe de crédits européens à utiliser pendant les 7 années de programmation (par exemple 2014-2020). Cette enveloppe est partagée en tranche annuelle de crédits d'engagement. Les États membres ne justifient pas de l'engagement annuel de ces crédits, qui sont réputés engagés automatiquement dans leur intégralité, ce qui se traduit dans les documents budgétaires par une exécution des engagements à 100% chaque année. Les États membres doivent en revanche justifier de l'utilisation effective de ces crédits (service fait et paiement) via l'envoi des factures correspondantes à la Commission dans des délais fixés par les règlements. C'est sur la base de ces factures que l'UE remboursera les États membres. Ce décalage entre engagements et paiements, courant dans la gestion de projets pluriannuels, explique qu'un stock important d'engagements soit en attente de paiement. Les engagements qui ne font pas l'objet d'une justification de paiement à la date donnée sont dégagés d'office 4 ( * ) et donc retranchés des engagements donnant droit à paiement, ce qui réduit le stock de RAL. La part d'un État membre dans le RAL dépend de sa capacité à absorber les fonds. La France a tendance à être légèrement au-dessus de la moyenne de l'UE.

Les RAL doivent être distingués des restes à payer, qui correspondent à des factures reportées d'une année sur l'autre, phénomène frictionnel . Leur montant a tendance à augmenter en s'approchant des clôtures des programmations pluriannuelles. Les factures transmises à la Commission en fin d'année ne peuvent matériellement pas être acquittées dans la même année civile. Le délai de paiement figurant dans le règlement est de deux mois (sous réserve des fonds disponibles). De fait toute facture qui arrive après le 31 octobre n sera payée en début d'année n+1. Au cours des derniers exercices, une part croissante des demandes de paiement a été adressée dans les deux derniers mois de l'année, de 7% en 2010 cette part a atteint 38% en 2013. Cette augmentation très nette est le signe que les Etats membres ne cherchent pas tant à être remboursés rapidement qu'à éviter les dépenses. Pour la seule politique de cohésion, il s'agit en 2014 d'un niveau record de 23 milliards d'euros de restes à payer 5 ( * ) .

Source : direction du budget

Selon votre rapporteur spécial, en vue de concilier le paiement des RAL et celui des nouveaux programmes, un pilotage fin des dépenses de l'UE serait pertinent, comme l'indique le paragraphe 8 des conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 : « les niveaux des engagements sont fixés à un niveau approprié dans toutes les rubriques ; les règles de dégagement seront appliquées de manière stricte dans toutes les rubriques, en particulier les règles de dégagement d'office ; les taux de préfinancement sont réduits par rapport à la période 2007-2013 ». Lors des négociations, la France avait proposé une méthode de pilotage des RAL , dite RAL target , consistant à réduire les engagements restant à due concurrence des RAL excédant une certaine limite (la « cible »). Le paiement des RAL étant prioritaire puisqu'il s'agit d'une obligation légale, la solution proposée consistait à réduire les engagements pour limiter les paiements futurs, autrement dit à piloter les budgets annuels par les crédits d'engagement. Cette proposition n'a pas été retenue.

Par ailleurs, l'encadrement des dépenses communautaires s'opère au moyen de plafonds annuels de dépenses en crédits d'engagement fixés par rubrique et sous-rubrique budgétaire, de plafonds globaux annuels en crédits d'engagement et en crédits de paiement 6 ( * ) , ainsi que d'un plafond des ressources propres fixé annuellement à 1,23 % du revenu national brut (RNB) de l'Union européenne .

Le tableau de la page suivante rappelle, pour les différentes rubriques du budget communautaire, ce cadre pluriannuel, qui devrait être régulièrement actualisé.

Les perspectives financières 2014-2020

(en millions d'euros courants)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total 2014-2020

1. Croissance intelligente et inclusive

1a Compétitivité pour la croissance et l'emploi

16 560

17 666

18 467

19 925

21 239

23 082

25 191

142 131

1b Cohésion économique, sociale et territoriale

47 413

49 147

50 837

52 417

54 032

55 670

57 275

366 791

2. Croissance durable : ressources naturelles

59 303

59 599

59 909

60 191

60 267

60 344

60 421

420 034

dont Paiements directs et dépenses de marché

44 130

44 368

44 628

44 863

44 889

44 916

44 941

312 736

3. Sécurité et citoyenneté

2 179

2 246

2 378

2 514

2 656

2 801

2 951

17 724

4. L'Europe dans le monde

8 335

8 749

9 143

9 432

9 825

10 268

10 510

66 261

5. Administration

8 721

9 076

9 483

9 918

10 346

10 786

11 254

69 585

dont Dépenses administratives des institutions

7 056

7 351

7 679

8 007

8 360

8 700

9 071

56 223

6. Compensations

29

-

-

-

-

-

-

29

Total crédits d'engagement (CE)

142 539

146 483

150 217

154 397

158 365

162 952

167 602

1 082 555

en % du RNB de l'UE

1,03 %

1,02 %

1,00 %

1,00 %

0,99 %

0,98 %

0,98 %

1,00 %

Total crédits de paiement (CP)

135 866

141 901

144 685

142 771

149 074

153 362

156 295

1 023 956

en % du RNB de l'UE

0,98 %

0,98 %

0,97 %

0,92 %

0,93 %

0,93 %

0,91 %

0,95 %

Plafond des ressources propres en % de RNB

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

1,23 %

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2015

2. Un cadre souple tourné vers la croissance et l'emploi

Le nouveau cadre pluriannuel s'inscrit dans une certaine continuité à l'égard du CFP 2007-2013 . Seules trois rubriques connaissent des variations importantes :

- la rubrique 1a « Compétitivité pour la croissance et l'emploi », qui croît de 58 % ;

- la rubrique 3 « Sécurité et citoyenneté », en augmentation de 45 % ;

- et, enfin, la rubrique 5 « Administration » qui bénéficie d'une hausse de 25 %.

Comparaison entre le précédent cadre et celui en vigueur

(en milliards d'euros)

2007-2013

2014-2020

Écart

Écart
(en %)

Rubrique 1

439

509

70

16 %

dont Rubrique 1a

90

142

52

58 %

Rubrique 1b

348

367

18

5 %

Rubrique 2

413

420

7

2 %

Rubrique 3

12

18

6

45 %

Rubrique 4

56

66

10

18 %

Rubrique 5

56

70

14

25 %

Rubrique 6

1

0

- 1 %

- 97 %

Total CE

976

1 083

07

11 %

Total CP

926

1 024

98

11 %

Source : annexe « Relations financières avec l'Union européenne » au projet de loi de finances pour 2015

Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen n'ont en réalité pas tant porté sur les montants globaux des rubriques ou la structure des dépenses, qui a peu évolué pendant les négociations, que sur l'établissement d'une flexibilité maximale en CE (crédits d'engagement) et en CP (crédits de paiement) entre les années et les rubriques . C'est à cet effet qu'ont par exemple été introduits en 2014 de nouveaux instruments de flexibilité, communément appelés « instruments spéciaux » .

3. La question du plan d'investissements de 300 milliards d'euros pour 2015-2017

Dans son discours du 15 juillet 2014 devant le Parlement européen, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a annoncé son intention de demander un plan d'investissements de 300 milliards d'euros sur les trois prochaines années. Un tel plan paraît utile dans le contexte économique actuel mais de grandes incertitudes pèsent sur les modalités de financement de ce plan, ainsi que sur ses finalités .

D'une part, le niveau de prise en charge de ce plan par le budget communautaire est, à ce stade, inconnu : un recours à des financements indirects , par l'intermédiaire de garanties et de crédits de la Banque européenne d'investissement (BEI), pourrait, en effet, être l'un des fondements de ce plan. L'impact sur les finances publiques européennes et nationales reste donc très incertain. Même si le recours à des garanties est préféré à des crédits budgétaires, les soldes publics peuvent être dégradés, suite à des incidents nécessitant des appels de fonds. On retrouve ici la problématique classique des engagements hors-bilan.

D'autre part, il n'est pas sûr que ce plan d'investissements soit orienté en faveur des entreprises innovantes. À l'inverse, il est tout à fait possible que le plan fasse l'objet d'une utilisation pour financer le « mécanisme pour l'interconnexion en Europe » (MIE), c'est-à-dire des projets d'aménagements d'infrastructures en matière de transport, d'énergie et de numérique. Une telle mission avait été assignée aux obligations pour projet (ou « project bonds »), ces des emprunts obligataires émis par des investisseurs privés avec des garanties de la BEI, par délégation de la Commission européenne.

À l'heure où les finances publiques doivent être assainies, ce qui est de nature à fragiliser le financement de projets d'investissement ambitieux, l'initiative du plan d'investissements de 300 milliards d'euros, même s'il se révèle être in fine la simple réactualisation des obligations pour projet, peut contribuer, en mobilisant les financements privés, à répondre à l'objectif de soutien à la croissance en Europe .

B. LA MOBILISATION DE NOUVELLES MESURES DE FLEXIBILITÉ

Selon la même préoccupation de soutien à la croissance, le CFP 2014-2020 met en oeuvre plusieurs innovations en matière de flexibilité dans la programmation du budget communautaire. Tous se situent au sein du CFP et de ses plafonds, seule la marge pour imprévus est un nouvel instrument placé hors cadre pluriannuel . La réserve de crise pour le secteur agricole est un dispositif singulier, qui se situe dans le CFP, comme il est présenté ci-après.

1. La réserve de crise pour le secteur agricole

La réserve de crise pour le secteur agricole est destinée à soutenir le secteur agricole en cas de crises affectant la production ou la distribution. Chaque année, si la réserve n'est pas utilisée, elle est versée aux agriculteurs. Pour la période 2014-2020, la réserve est répartie en sept tranches annuelles égales de 400 millions d'euros, soit un montant total de 2,8 milliards d'euros.

Il s'agit donc d'un dispositif singulier placé dans le cadre pluriannuel : en effet, il est financé par une réduction des paiements directs versés aux exploitants agricoles au titre de la PAC . Son utilisation réduit donc les crédits budgétaires de droit commun à due concurrence . Votre rapporteur spécial note qu'au sein de cette réserve de crise pour le secteur agricole, 344 millions d'euros devraient ainsi être destinés à soutenir en 2014 les secteurs agricoles européens , suite à l'embargo russe décidé le 7 août 2014 sur les produits alimentaires occidentaux 7 ( * ) . Sur cette somme, 290 millions d'euros sont fléchés vers la filière fruits et légumes (125 millions d'euros sur un premier programme et 165 millions d'euros sur un second), 33 millions d'euros sont ajoutés spécifiquement pour les pêches et les nectarines et, enfin, 20 millions d'euros sont destinés à la filière laitière.

2. La marge globale pour les paiements activée pour la première fois en 2015

Chaque année, à partir de 2015, la Commission ajustera à la hausse les plafonds des crédits de paiement pour les années 2015 à 2020 d'un montant correspondant à la différence entre les paiements exécutés et le plafond des paiements fixés dans le cadre financier pour l'exercice précédent.

De tels ajustements seront plafonnés à compter de 2018 8 ( * ) .

3. La marge globale en faveur de la croissance et de l'emploi

Les marges laissées disponibles sous les plafonds du CFP pour les CE, pour les exercices 2014 à 2017, constituent une marge globale, qui pourra être débloquée , au-delà des plafonds d'engagement du cadre financier, pour les années 2016 et 2020.

Cette marge a vocation à financer des objectifs liés à la croissance et à l'emploi , en particulier celui des jeunes.

4. La flexibilité pour faire face au chômage des jeunes et renforcer la recherche

Un mécanisme spécifique de flexibilité a été créé pour concentrer certains crédits en début de période (mécanisme de frontloading ). Il s'agit de pouvoir mobiliser des crédits à destination de l'emploi des jeunes, de la recherche, d'Erasmus + (notamment l'apprentissage) et des PME. La France s'était particulièrement mobilisée en faveur de ce nouvel instrument.

Les montants sont entièrement prélevés sur les crédits à l'intérieur des rubriques et/ou entre celles-ci (mécanisme de backloading ) afin de ne pas modifier les plafonds annuels totaux pour la période 2014-2020 et la dotation totale par rubrique ou sous-rubrique sur cette période.

Il s'agit d'un montant supplémentaire maximal de 2,7 milliards d'euros pouvant être fléché en 2014 et 2015 sur ces priorités, dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle. Dans les faits, l'initiative pour l'emploi des jeunes, concentrée sur des engagements 2014 et 2015, devrait mobiliser l'enveloppe 2014-2020 pour un total de 2,3 milliards d'euros. Et les 400 millions d'euros restants seraient destinés à d'autres programmes : Horizon 2020, Erasmus +, et COSME 9 ( * ) .

5. La marge pour imprévus

La marge pour imprévus est un nouvel instrument hors cadre destiné à être utilisé en dernier ressort, après examen de toutes les autres possibilités financières . Un montant, ne pouvant dépasser 0,03 % du RNB de l'UE, peut être constitué au-delà des plafonds fixés par le cadre financier.

La marge ne pourra être mobilisée que dans le cadre d'une demande de budget rectificatif ou dans un projet de budget annuel . Les montants ainsi rendus disponibles doivent être entièrement compensés dans les marges d'une ou plusieurs rubriques du cadre financier de l'exercice en cours ou des exercices futurs. Ainsi, en 2014, 4 milliards d'euros sont demandés au titre de cette marge pour imprévus dans le cadre du troisième projet de budget rectificatif de l'exercice.

C. L'UTILISATION DES INSTRUMENTS HORS CADRE TRADITIONNELS

Les perspectives financières resteront après 2014 assorties des instruments hors cadre existants, déjà censés garantir une certaine flexibilité dans la mobilisation des crédits communautaires.

1. Le fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE)

Le fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) , destiné à venir en aide aux États membres confrontés à une catastrophe majeure, peut être mobilisé à hauteur de 1 milliard d'euros courants par an 10 ( * ) . Le cinquième projet de budget rectificatif 2014 appelle une mobilisation de 47 millions d'euros.

2. Le fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM)

Le fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM) dispose de crédits inscrits dans le budget général de l'UE à titre de provision. Il a pour objet de faciliter la réintégration sur le marché du travail des personnes privées d'emploi. Sa dotation, limitée à 500 millions d'euros par an dans le CFP 2007-2013, a été réduite à 150 millions d'euros 2011 par an à partir de 2014, soit 162 millions d'euros courants en 2015 . À l'été 2014, six décisions de mobilisation du FEM avaient été prises pour un montant total de 15,8 millions d'euros. Elles ciblent 3 752 salariés licenciés dans quatre États membres : l'Espagne, la Roumanie, la Grèce et l'Italie.

Votre rapporteur spécial souligne qu'en plus de ces aides décidées au premier semestre 2014, la Commission européenne a proposé d'accorder à la France une enveloppe de 918 000 euros sur le budget du FEM pour aider 760 travailleurs licenciés par l'entreprise GAD suite à la fermeture des sites de Lampaul-Guimiliau, Saint-Martin et Saint-Nazaire, situés en Bretagne . De nombreuses autres propositions de mobilisation du FEM ont été faites par la Commission entre l'été et le mois de novembre 2014 11 ( * ) .

3. La réserve pour aide d'urgence aux pays tiers (RAU)

La réserve pour aide d'urgence aux pays tiers (RAU), mobilisable en cas de catastrophe humanitaire, est inscrite au budget de l'Union à titre de provision et placée hors plafond des perspectives financières. Son montant annuel est limité à 221 millions d'euros en prix constants 2004 (soit 264 millions d'euros en 2013). Ce montant est porté à 280 millions d'euros 2011 par an à partir de 2014 (soit 297 millions d'euros en 2014). À l'été 2014, 50 millions d'euros ont été abondés pour des aides humanitaires dans le cadre de la RAU.

4. L'instrument de flexibilité (IF)

L' instrument de flexibilité (IF) permet de dépasser, dans la limite de 510 millions d'euros par an, les plafonds des perspectives financières afin de financer des dépenses identifiées. Son niveau devrait s'élever à 90 millions d'euros en 2014, afin de financer une aide en faveur de Chypre.

5. Le Fonds européen de développement (FED)

Le cadre financier du budget communautaire ne couvre ni les dépenses militaires , ni celles engagées au titre du Fonds européen de développement (FED) . Ces dépenses relèvent en effet d'une logique intergouvernementale, et elles sont financées par les États membres en fonction d'une clé différente de celle du budget de l'UE.

Le FED, instrument le plus important dans l' aide à la coopération avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) de la Convention de Cotonou et avec les pays et territoires d'outre-mer (PTO), représentait 22,6 milliards d'euros sur la période 2007-2013 (10 ème FED). Le 11 ème FED, qui couvre la période 2014-2020, est doté de 30 ,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 15 %.

En France, longtemps premier contributeur du FED, c'est la mission « Aide publique au développement » qui alimente le fonds chaque année 12 ( * ) , avec une part de 17,81 % du total des contributions sur 2014-2020, en baisse par rapport à la précédente programmation (19,55 %). Un tel taux situe la contribution française pour l'ensemble de la période à 5,4 milliards d'euros.

Alors que la Commission européenne a déjà, dans le passé, proposé la budgétisation du FED , ce qui avait été rejeté par le Conseil européen en décembre 2005, une telle proposition était absente de ses propositions pour le cadre financier 2014-2020. La Commission européenne pourrait toutefois proposer de conduire cette réforme à l'horizon 2020 .


* 1 La rubrique 1 « Croissance intelligente et inclusive », subdivisée entre les rubriques 1a « Compétitivité pour la croissance et l'emploi » et 1b « Cohésion économique, sociale et territoriale », la rubrique 2 « Croissance durable : ressources naturelles » ; la rubrique 3 « Sécurité et citoyenneté » ; la rubrique 4 « L'Europe dans le monde » ; la rubrique 5 « Administration » ; et la rubrique 6 « Compensations ». Elles prennent la place à partir de 2014 des rubriques : « Croissance durable », « Conservation et gestion des ressources naturelles », « Liberté, sécurité justice », « L'Union européenne, acteur mondial », « Administration » et « Compensations ».

* 2 Les points de divergence ont principalement concerné le montant global du CFP, le montant des dépenses structurelles et la répartition entre États et entre régions, le niveau des dépenses agricoles et leur répartition entre États membres, et, enfin, le système des ressources propres, notamment les différentes corrections.

* 3 Un déflateur annuel fixe de 2 % est utilisé pour convertir les prix courants en prix constants 2011. D'un point de vue économique, l'utilisation des euros constants permet de comparer le « pouvoir d'achat » des budgets annuels entre eux. Cependant, la méthodologie de la Commission, n'utilisant qu'un seul déflateur, 2 %, ne peut pas prendre en compte l'inflation anticipée ni celle qui sera effectivement constatée. Par conséquent, de telles données doivent être interprétées avec prudence.

* 4 Votre rapporteur spécial précise que ce mécanisme du « dégagement d'office » permet à la Commission européenne l'annulation de crédits, au motif qu'un engagement budgétaire n'aurait pas été utilisée pour un paiement au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de l'engagement budgétaire.

* 5 Votre rapporteur spécial estime que de tels niveaux de restes à payer posent la question de la sincérité des budgets adoptés chaque année par l'Union européenne.

* 6 L'écart entre ce plafond annuel maximal de crédits et le montant voté chaque année par rubrique dans le budget est appelé « marge sous plafond ». Celle-ci ne correspond donc pas à une réserve de crédits mais à un montant de crédits théoriquement mobilisables dans le cadre de l'approbation du budget initial ou d'un budget rectificatif. La mobilisation de la marge sous plafond conduit à ouvrir de nouveaux crédits supplémentaires, ce qui augmente, mécaniquement, la contribution des États membres.

* 7 Cet embargo touche la plupart des produits alimentaires en provenance de l'Union européenne, des États-Unis, de l'Australie, du Canada et de la Norvège. Il s'agit d'une mesure prise en réaction aux sanctions internationales adoptés à l'encontre de la Russie en raison de son rôle dans la crise ukrainienne.

* 8 Jusqu'en 2017, cet ajustement n'est pas limité mais il ne pourra ensuite excéder les montants suivants : 8 milliards d'euros en 2018, 10,5 milliards d'euros en 2019 et 12 milliards d'euros en 2020.

* 9 Le nouveau programme pour la compétitivité des entreprises et des P.M.E porte le nom de son acronyme anglais : competitiveness of enterprises and small and medium-sized enterprises (COSME).

* 10 Les crédits d'engagement peuvent être inscrits au-delà des plafonds des rubriques concernées.

* 11 Il s'agit d'un total d'environ 20 millions d'euros, destinés aux anciens travailleurs de Whirlpool en Italie, de la construction navale en Finlande, de la chaîne de prêt-à-porter Sprider Stores en Grèce, de l'entreprise de fabrication de bijoux Andersen Ireland Limited en Irlande, du constructeur automobile Ford et ses fournisseurs en Belgique, du secteur de la construction aux Pays-Bas et, enfin, de la filière bois en Espagne.

* 12 Ce sont en effet les crédits de l'action 7 « Coopération communautaire » du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement » qui retrace la contribution française au FED.