MM. Gérard LONGUET et Thierry FOUCAUD, rapporteurs spéciaux

IV. UNE RÉFORME DES RYTHMES SCOLAIRES COÛTEUSE POUR LES COLLECTIVITÉS ET DONT LES EFFETS SUR LES APPRENTISSAGES DOIVENT ENCORE ÊTRE ÉVALUÉS

La réforme des rythmes scolaires

Inscrite dans la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, la réforme des rythmes scolaires vise « à revenir à neuf demi-journées de classe, pour instaurer une continuité dans la semaine scolaire et pour mieux organiser les apprentissages. La matinée d'enseignement supplémentaire prendra place le mercredi, sauf dérogation sollicitée auprès des autorités académiques. Elle permettra d'alléger les journées de classe et, en répartissant mieux le temps scolaire, d'améliorer l'efficacité des apprentissages ».

Le décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 pris en application de la loi du 8 juillet 2013 précitée prévoit ainsi :

- 24 heures d'enseignement réparties sur une semaine de 9 demi-journées incluant le mercredi matin ;

- une durée d'enseignement de 5h30 au maximum par jour ;

- une demi-journée n'excédant pas 3h30 ;

- une pause méridienne d'1h30 au minimum ;

- des activités pédagogiques complémentaires.

Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale peuvent déroger à certains de ces principes fixés par le cadre national si les dérogations sont justifiées par les particularités du projet éducatif territorial (PEDT) et présentent des garanties pédagogiques suffisantes. Les dérogations peuvent concerner la mise en place d'une demi-journée d'enseignement le samedi matin au lieu du mercredi matin et l'amplitude de la journée d'enseignement. Le principe des 24 heures d'enseignement hebdomadaire réparties sur neuf demi-journées ne peut faire l'objet d'aucune dérogation.

Ces dispositions ont été précisées par le décret n°2014-457 du 7 mai 2014 :

- les aménagements peuvent porter sur le regroupement des activités périscolaires sur un après-midi ou sur un allégement de la semaine d'enseignement, compensé par un raccourcissement des vacances d'été ;

- ces adaptations ne peuvent avoir pour effet d'organiser les enseignements sur moins de huit demi-journées par semaine comprenant au moins cinq matinées, ni sur plus de 24 heures hebdomadaires, de 6 heures par jour et de trois heures trente par demi-journée.

Le projet d'expérimentation, qui peut porter sur une, deux ou trois années scolaires doit être proposé conjointement par le ou les conseils d'écoles concernés et la commune ou l'EPCI à l'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'éducation nationale qui l'expertise pour le recteur.

Mise en place par les communes volontaires dès la rentrée 2013, la réforme des rythmes scolaires a été généralisée à l'ensemble des communes à la rentrée 2014.

A. UNE RÉFORME DONT LES RÉSULTATS DOIVENT ENCORE ÊTRE ÉVALUÉS, MAIS DONT CERTAINES LIMITES ONT DÉJÀ ÉTÉ MISES EN AVANT PAR LE COMITÉ DE SUIVI

Généralisée à compter de la rentrée 2014, la réforme des rythmes scolaires n'a, à l'heure actuelle, pas encore fait l'objet d'une évaluation.

Pour autant, dans son rapport d'activités remis en janvier 2015, le comité de suivi national de la réforme des rythmes scolaires, rappelle que les enseignants ont noté des « signes d'énervement, voire de fatigue l'après-midi, notamment en maternelle ». Par ailleurs, il souligne que « les enseignants trouvent que le rôle assigné aux activités pédagogiques complémentaires (APC) est brouillé, en raison notamment de l'utilisation d'une même plage horaire pour APC et temps d'activités périscolaires (TAP) reléguant ainsi au second plan l'utilité pédagogique ; voire remettent en cause l'utilité pour les élèves alors que le temps de travail des enseignants s'alourdit ».

Des évaluations devraient être menées à compter de la rentrée 2015, en particulier :

- une étude 2015-2017 portera sur le panel des élèves entrés au CP en 2011 en intégrant des évaluations cognitives en français et en mathématiques en in de CM2 ;

- une étude comparée 2015-2017 permettant, en neutralisant toutes les autres variables, de mesurer l'impact sur les apprentissages des différences d'organisation dans les rythmes.

Par ailleurs, votre rapporteur spécial prend acte de la mission confiée le 19 octobre 2015 par le Premier ministre à notre collègue Françoise Cartron sur les rythmes scolaires .

B. UNE CHARGE MAJEURE POUR LES COLLECTIVITÉS INSUFFISAMMENT COMPENSÉE PAR L'ÉTAT

La réforme des rythmes scolaires s'est traduite par un coût financier pour les communes évalué par l'Association des maires de France (AMF) à un montant compris entre 600 millions d'euros et un milliard d'euros.

Ce coût a été en partie compensé par la création d'un fonds d'amorçage à la réforme des rythmes scolaires (FARRS). Les concours apportés par ce fonds comportent deux volets :

- une aide forfaitaire d'un montant de 50 euros par élève versée à l'ensemble des communes ayant mis en oeuvre la réforme des rythmes scolaires ;

- une majoration forfaitaire de 40 euros par élève pour les communes des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficiant de la quote-part de la dotation d'aménagement, pour la collectivité de Saint-Martin ainsi que pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) « cible » 17 ( * ) ou à la dotation de solidarité rurale (DSR) « cible » 18 ( * ) en 2012 ou en 2013.

À la suite d'une mobilisation des élus locaux et de nombreux parlementaires, le fonds d'amorçage, initialement prévu pour une année seulement, a été pérennisé dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, sous réserve de la conclusion par les communes d' un projet éducatif territorial (PEDT).

Ce fonds, renommé fonds de soutien au développement des activités périscolaires, sera doté en 2016 de 319 millions d'euros, soit une diminution de 91 millions d'euros par rapport 2015 .

Le montant de la dotation reposait sur une hypothèse de 80 % des communes couvertes par un PEDT. Or, à la rentrée 2015, 82 % des communes avaient déjà signé un tel document, l'objectif étant d'atteindre un taux de couverture de 100 % d'ici la fin de l'année 2015.

L'atteinte probable de cet objectif nécessitera un abondement d'environ 70 millions d'euros en cours d'exercice.

Votre rapporteur spécial estime par conséquent nécessaire que le Gouvernement procède, dès le stade de la discussion budgétaire, à une augmentation des crédits du fonds de soutien aux activités périscolaires à hauteur de 70 millions d'euros au minimum .

Par ailleurs, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion signée entre l'État et la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour la période 2013-2017, il a été convenu que les aides du fonds d'amorçage seraient complétées par un versement des caisses d'allocations familiales correspondant à un montant maximum de 54 euros par an et par élève accueilli en périscolaire . Pourtant, dans les faits, le montant maximal de l'aide est rarement atteint compte tenu de la complexité des conditions et des modalités d'éligibilité de l'aide versée par les CAF . Selon le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, l'aide des CAF s'est élevée en 2014 à 430 millions d'euros.

Aussi, votre rapporteur spécial estime que, dans le cadre de l'évaluation de la réforme qui sera réalisée par notre collègue Françoise Cartron, il apparaît indispensable qu'un bilan de son coût pour les collectivités territoriales soit également prévu .


* 17 Soit les 250 premières communes de 10 000 habitants et plus et les 30 premières communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants classées selon leur indice synthétique de ressources et de charges.

* 18 Soit les 10 000 premières communes de moins de 10 000 habitants classées en fonction décroissante d'un indice synthétique.