MM. Gérard LONGUET et Thierry FOUCAUD, rapporteurs spéciaux

III. UNE POLITIQUE DE CROISSANCE DES EFFECTIFS QUI LIMITE LES MARGES DE MANoeUVRE EN MATIÈRE SALARIALE

La loi de refondation du 8 juillet 2013 9 ( * ) fixe comme objectif la création de 55 000 postes supplémentaires, dont 54 000 dans l'éducation nationale et 1 000 dans l'enseignement technique agricole sur le quinquennat (cf. tableau infra ).

Répartition des 55 000 créations de postes de la mission
« Enseignement scolaire »
(en ETP)

Réforme de la formation initiale

27 000

dont enseignants stagiaires

26 000

dont enseignants titulaires formateurs

1 000

Enseignants titulaires

21 000

dont premier degré (public et privé)

14 000

Scolarisation des enfants de moins de 3 ans

3 000

Renforcement de l'encadrement pédagogique dans les zones difficiles

7 000

Amélioration de l'équité territoriale interacadémique

4 000

dont second degré (public et privé)

7 000

Collèges en difficultés professionnelles et lycées professionnels : lutte contre le décrochage

4 000

Amélioration de l'équité territoriale interacadémique

3 000

Accompagnement des élèves en situation de handicap, conseillers principaux d'éducation, personnels administratifs, médico-sociaux, vie scolaire

6 000

Enseignement technique agricole

1 000

TOTAL

55 000

Source : rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République

A. UNE PRÉVISION DE 10 851 CRÉATIONS DE POSTES EN 2016

Comme le montre le tableau ci-dessous, le plafond d'emplois demandé pour 2016 au titre de la mission « Enseignement scolaire » s'élève à 1 002 421 équivalents temps plein travaillé (ETPT) contre 989 546 ETPT en 2015 (+ 9 271 ETPT).

Facteurs d'évolution du plafond d'emplois 2016

(en ETPT)

Plafond autorisé 2015

Mesures de transfert 2016

Corrections techniques 2016

Schéma d'emplois

Plafond demandé 2016

(1)

(2)

(3)

(5)=(6)-(1)-(2)-(3)-(4)

(6)

140 - Enseignement public 1 er degré

327 085

- 6

567

4 278

331 924

enseignants 1 er degré

315 570

-6

559

1 678

317 801

enseignants 2nd degré

238

-

238

enseignants stagiaires

9 745

2 600

12 345

encadrement

1 532

8

-

1 540

141 - Enseignement public 2 nd degré

453 543

- 67

-

3 566

457 042

enseignants 1 er degré

10 524

-3

422

-

10 943

enseignants 2 nd degré

374 469

-9

-608

1 804

375 656

enseignants stagiaires

11 313

1 663

12 976

accompagnement

10 253

-

10 253

encadrement

16 510

-5

-502

-

16 003

administratifs

30 474

-50

688

99

31 211

230 - Vie de l'élève

37 781

6

300

457

38 544

enseignants stagiaires

303

7

310

personnels d'accompagnement et de suivi

36 191

6

300

450

36 947

administratifs

1 287

-

1 287

139 - Enseignement privé 1 er et 2 nd degrés

132 390

3

-

834

133 227

enseignants 1 er degré

44 105

3

-1 500

194

42 802

enseignants 2 nd degré

85 751

1 500

195

87 446

enseignants stagiaires

2 534

445

2 979

214 - Soutien

23 760

47

2 754

-

26 561

enseignants 1 er degré

37

-

37

enseignants 2 nd degré

167

3

-

170

chercheurs et assimilés

5

-

5

personnels d'accompagnement et de suivi

879

-

879

encadrement

1 753

2

-

1 755

Administratifs

20 919

42

2 754

-

23 715

bibliothèques et musées

-

-

143 - Enseignement technique agricole

14 987

-

-

136

15 123

A administratifs

607

- 4

603

A techniques

489

- 2

487

B et C administratifs

1 054

- 3

1 051

B et C techniques

383

- 2

381

enseignants

12 454

-

147

12 601

TOTAL

989 546

- 17

3 621

9 271

1 002 421

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

8 701 équivalents temps plein (ETP) devraient ainsi être créés selon la répartition suivante :

- sur le programme 140, 3 411 ETP d'enseignants et 1 000 ETP d'enseignants stagiaires ;

- sur le programme 141, 2 509 ETP d'enseignants second degré, 591 ETP d'enseignants stagiaires et 100 ETP de personnels administratifs, techniques et de service ;

- sur le programme 230, 100 ETP de personnels médico-sociaux, médecins, infirmières, assistantes sociales et 350 assistants d'éducation ;

- sur le programme 139, 250 ETP d'enseignants du premier degré et 250 ETP d'enseignants de second degré ;

- sur le programme 143, 98 ETP d'enseignants dans l'enseignement agricole public et 42 ETP d'enseignants dans l'enseignement agricole privé.

En 2016, 6 560 ETP d'enseignants titulaires devraient être créés contre 1 591 ETP d'enseignants stagiaires. L'année 2016 constitue ainsi la première année depuis la mise en oeuvre de la loi de refondation pour l'école de la République qui connaîtra un nombre de créations de postes de titulaires supérieur aux créations de postes d'enseignants stagiaires .

Par ailleurs, 2 150 assistants d'éducation supplémentaires seront recrutés en 2016 au bénéfice des réseaux d'éducation. Ces créations de postes, prises en compte dans l'objectif des 55 000 postes supplémentaires, ne sont en revanche pas soumises au plafond d'emplois de la mission. Votre rapporteur spécial s'est d'ailleurs exprimé sur ce sujet à plusieurs reprises estimant que ces personnels auraient vocation à faire l'objet d'un plafond d'emplois spécifique compte tenu de leurs fonctions, de leur nombre (49 300 en 2016) et de leur coût (1,3 milliard d'euros en 2016).

Au total, selon les informations communiquées par le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, 43 078 postes auront été créés dans l'enseignement scolaire entre 2012 et 2016 (42 338 postes dans l'éducation nationale et 740 postes dans l'enseignement agricole), selon la répartition ci-dessous.

Créations de postes par année

(en ETP)

2012

2013

2014

2015

2016 (prévision)

Total (hors enseignement agricole)

Total (avec enseignement agricole)

4 326

9 076

8 804

9 421

10 711

42 338

43 078

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

L'atteinte de l'objectif fixé par la loi de refondation, qui nécessitera la création de 10 922 ETP en 2017 , se traduira par un coût budgétaire massif et difficilement soutenable dans un contexte d'augmentation continue de la dette publique et alors que la loi du 28 juillet 2015 10 ( * ) prévoit une diminution des effectifs du ministère de la défense, qui constituaient jusqu'à présent la principale variable d'ajustement de l'augmentation des effectifs des ministères considérés comme « prioritaires », plus faible que celle prévue initialement 11 ( * ) .

Votre rapporteur spécial tient en outre à souligner que ces créations concernent des postes « budgétaires », qui peuvent ne pas tous être pourvus in fine . Ainsi, la sous-exécution du plafond d'emplois constatée en 2014, qui résultait notamment de la sous-consommation cumulée des exercices 2012 et 2013, s'élevait à - 12 784 ETPT .

Décomposition du schéma d'emplois 2016

(en ETP)

Entrées prévues 2016

Dont primo recrutements

Sorties prévues 2016

Dont départs à la retraite 2016

Schéma d'emplois 2016

Programme n° 140 « Enseignement scolaire public du premier degré »

25 144

13 011

20 733

6 360

4 411

Programme n° 141 « Enseignement scolaire public du second degré »

28 439

14 089

25 239

9 370

3 200

Programme n° 230 « Vie de l'élève »

1 652

1 024

1 202

600

450

Programme n° 139« Enseignement privé du premier et du second degrés»

7 663

2 979

7 163

3 650

500

Programme n° 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale »

761

387

761

675

0

Programme n° 143 « Enseignement technique agricole »

655

0

515

259

140

Total mission « Enseignement scolaire »

64 314

31 490

55 613

20 914

8 701

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UN CHOIX DU NOMBRE AU DÉTRIMENT DE L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS MATÉRIELLES DES ENSEIGNANTS

Hors contribution au CAS « Pensions », le schéma d'emplois 2016 et l'impact en 2016 du schéma d'emplois 2015 se traduiront en 2016 par une dépense supplémentaire s'élevant à 264,2 millions d'euros.

Dans ce contexte, un effort significatif en faveur des rémunérations des enseignants apparaît impossible.

Dans une note d'octobre 2015 12 ( * ) , la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), rappelait ainsi qu'en 2013 la rémunération des enseignants avait diminué de 1 % en euros constants et de 0,2 % en euros courants par rapport à 2012, passant de 2 452 euros mensuels nets à 2 448 euros mensuels nets . Cette baisse résulte du maintien du gel du point d'indice depuis 2010, de la hausse des cotisations, d'une diminution de 1,2 % des montants de rémunérations pour heures supplémentaires en euros constants et du renouvellement de la population enseignante.

Certes, des mesures ont été prises depuis, telles que la création par un décret du 30 août 2013 13 ( * ) de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE). D'un montant de 400 euros par an, cette indemnité est versée aux enseignants du premier degré exerçant dans les écoles maternelles et élémentaires ainsi que dans des établissements ou services de santé ou médico-sociaux.

Les indemnités versées aux enseignants de l'éducation prioritaire ont également été revalorisées 14 ( * ) . Ainsi, le montant de la nouvelle indemnité en REP est de 1 734 euros, soit 50 % de plus que l'ancienne indemnité et le montant de la nouvelle indemnité en REP + est de 2 312 euros, soit le double de la précédente.

Votre rapporteur spécial estime que le caractère limité de ces initiatives traduit l'absence de marges de manoeuvre en matière salariale résultant de la politique d'accroissement des effectifs menée par le Gouvernement .

Il considère par conséquent indispensable qu'un travail soit mené sur la rémunération des enseignants . Celui-ci ne pourra s'exonérer d'un questionnement de l'objectif de 55 000 postes créés d'ici 2017 ainsi que d'une réflexion sur le temps de travail, en particulier dans le second degré.

En effet, si le décret n° 2014-940 du 20 août 2014 relatif aux obligations de service et aux missions des personnels enseignants exerçant dans un établissement public d'enseignement du second degré qui remplace le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré a permis une redéfinition et une clarification des obligations règlementaires de service des enseignants du second degré 15 ( * ) , celles-ci pourraient être revues à la hausse, au regard notamment du nombre d'heures effectuées par les enseignants du premier degré 16 ( * ) .

C. UNE DÉGRADATION DE L'ATTRACTIVITÉ DE CERTAINES DISCIPLINES

Lors de la session de recrutement 2015 du concours externe du CAPES, 1 046 postes n'ont pas été pourvus sur les 7 200 postes ouverts (14,53 %). Ce ratio est en outre stable par rapport à 2014.

Or, comme les années précédentes, ces difficultés de recrutement concernent majoritairement les disciplines les plus fondamentales telles que les mathématiques, les lettres classiques et modernes, l'anglais et l'allemand.

Ainsi, malgré un ratio d'admis par candidats présents s'élevant à près de un sur deux (48 %), le nombre de postes non pourvus en mathématiques s'est élevé en 2015 à 343 sur 1 440 postes ouverts (24 %).

En lettres classiques, 61 % des postes n'ont pas été pourvus (141 postes vacants sur 230 postes ouverts), alors que plus de 62 % des candidats présents ont été finalement admis.

Votre rapporteur spécial réitère donc son inquiétude exprimée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015. Les difficultés rencontrées par le Gouvernement à recruter dans les disciplines les plus essentielles interrogent la capacité du Gouvernement à atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République sans que cette politique de recrutement se traduise par une baisse du niveau d'exigence attendu à ces concours.

Données statistiques du concours externe du CAPES 2015

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche


* 9 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

* 10 Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 11 14 925 équivalents temps plein pour la période de programmation 2014-2019 contre 33 675 équivalents temps plein prévus initialement.

* 12 DEPP, Note d'information n° 31, octobre 2015.

* 13 Décret n° 2013-790 du 30 août 2013 instituant une indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves au bénéfice des personnels enseignants du premier degré.

* 14 Décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 portant régime indemnitaire spécifique en faveur des personnels exerçant dans les écoles ou établissements relevant des programmes « Réseau d'éducation prioritaire renforcé » et « Réseau d'éducation prioritaire ».

* 15 Sur l'ensemble de l'année scolaire, les enseignants sont tenus de réaliser un service d'enseignement dont les maxima hebdomadaires sont les suivants :

1° Professeurs agrégés : quinze heures ;

2° Professeurs agrégés de la discipline d'éducation physique et sportive : dix-sept heures ;

3° Professeurs certifiés, adjoints d'enseignement et professeurs de lycée professionnel : dix-huit heures ;

4° Professeurs d'éducation physique et sportive, chargés d'enseignement d'éducation physique et sportive et adjoints d'enseignement d'éducation physique et sportive : vingt heures ;

5° Instituteurs et professeurs des écoles exerçant dans les établissements régionaux d'enseignement adapté, dans les sections d'enseignement général et professionnel adapté des collèges et dans les unités localisées pour l'inclusion scolaire : vingt-et-une heures.

* 16 Vingt-quatre heures hebdomadaires d'enseignement à tous les élèves et trois heures hebdomadaires en moyenne annuelle, soit cent-huit heures annuelles.