MM. Gérard LONGUET et Thierry FOUCAUD, rapporteurs spéciaux
II. UN SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS QUI SE SINGULARISE PAR LE POIDS DE SON SECOND DEGRÉ
Comme le montre le tableau ci-après, en 2012, la dépense d'éducation par élève du premier degré ne représentait que 65 % de celle par élève du second degré.
Évolution de la dépense intérieure d'éducation par niveau d'éducation
(au prix 2013)
Primaire |
Secondaire |
|||
Total
|
Par élève
|
Total
|
Par élève
|
|
1980 |
21,5 |
3 050 |
33,4 |
6 090 |
2012* |
41,4 |
6 100 |
56,6 |
9 490 |
2013p** |
42,3 |
6 220 |
56,3 |
9 440 |
* En 2012, le passage à la nouvelle base de la
comptabilité nationale modifie les montants.
** Données
provisoires.
Champ : France métropolitaine + DOM y compris Mayotte
Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
A. UN TIMIDE RÉÉQUILIBRAGE EN FAVEUR DU PREMIER DEGRÉ
Le programme 140 « Enseignement public du premier degré » sera doté en 2016 de 20,2 milliards d'euros en AE comme en CP, soit une augmentation de ses crédits de 370,6 millions d'euros par rapport à 2015 (+ 1,87 %). La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 fixe en outre un objectif de 14 000 créations de postes dans le premier degré public et privé.
Différentes mesures ont également été prises en faveur du premier degré, en particulier le dispositif « plus de maîtres que de classes » mis en place par une circulaire du 18 décembre 2012 et déployé dans les établissements de l'éducation prioritaire.
Or, comme le rappelait avec justesse notre collègue Jean-Claude Carle 5 ( * ) dans son rapport pour avis sur les crédits 2015 de la mission « Enseignement scolaire », « il existe en effet un risque non négligeable que le maître surnuméraire se voie chargé de la "sous-traitance" des élèves en difficulté scolaire à la place du maître titulaire, ou qu'il soit cantonné dans des tâches annexes . Pourtant, le cadrage pédagogique nécessaire pour éviter ces écueils est difficile à mettre en oeuvre et va à l'encontre de l'autonomie des équipes pédagogiques ».
Par ailleurs, cette augmentation des moyens destinés au premier degré ne s'est pas accompagnée d'une modération significative de ceux consacrés au second degré . Ainsi, les crédits du programme 141 « Enseignement public du second degré » s'élèveront en 2016 à 31,3 milliards d'euros (+ 303,4 millions d'euros, soit une augmentation de près de 1 % par rapport à 2015). Sur la période 2012-2017, 7 000 postes devraient en outre être créés au bénéfice des établissements du second degré .
B. L'EXEMPLE DU LYCÉE : UNE OFFRE SURABONDANTE D'OPTIONS, UN MAILLAGE TERRITORIAL TROP DENSE
Dans un rapport thématique de septembre 2015 sur le coût du lycée 6 ( * ) , la Cour des comptes rappelle que le coût d'un lycéen français est 38 % plus élevé que le coût moyen d'un lycéen dans les autres pays de l'OCDE .
Les facteurs de ce surcoût sont multiples : temps d'instruction plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE (1 108 heures en France contre 964 heures en moyenne dans l'OCDE), forte proportion de cours ayant lieu devant des groupes à faible effectif, complexité et rigidité des offres de formation 7 ( * ) , surcoût du lycée professionnel en raison, notamment, de la multitude de classes à effectifs réduits et maillage territorial particulièrement dense.
C'est pourquoi la Cour des comptes recommande d'agir sur différents leviers : la réduction du volume des enseignements et l'extension de l'année scolaire, la réduction et la rationalisation de l'offre de formation, l'annualisation des obligations règlementaires de service des enseignants, la simplification du format du baccalauréat ou encore la redéfinition du réseau des établissements.
Si les effets de ces différentes mesures ne seront perceptibles qu'à moyen terme, votre rapporteur spécial estime que le ministère devrait rapidement envisager la mise en oeuvre de certaines d'entre elles, en particulier la rationalisation de l'offre de formation ou encore la simplification du format du baccalauréat .
C. UNE POLITIQUE D'INTERNAT À DÉVELOPPER
L'un des axes permettant de lutter, d'une part, contre les forts déterminismes économiques, sociaux et culturels pesant sur le système éducatif français et, d'autre part, contre la multiplication de l'offre scolaire dans le second degré, consisterait à développer l'internat .
Comme le rappelait la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2014, « depuis plus de quarante ans, la part des élèves internes décline dans le second degré du secteur public, passant de 11 % en 1970 à 3 % aujourd'hui, ce qui représente 169 000 places d'internat occupées sur un parc existant de 215 000 places. Les raisons de ce déclin sont multiples et connues : amélioration du maillage territorial en établissements scolaires et des services de transports scolaires, image ternie de l'internat et du mode de scolarisation qu'il représente, modifications des relations entre les parents et les enfants ». En 2015, on comptait 244 000 internes dont 180 415 dans le public et 63 221 dans le privé.
La politique de développement de l'internat a été initiée en 2008 dans le cadre du dispositif des « internats d'excellence » devenus, en 2013, « internats de la réussite ». Le premier programme d'investissements d'avenir (PIA) a permis le financement de 45 internats en quatre ans, correspondant à 5 028 places. Par ailleurs, 6 000 places devraient être financées d'ici 2020.
Le nouveau programme des investissements d'avenir (PIA2) prévoit une enveloppe de 138 millions d'euros supplémentaires permettant le financement de 5 500 places. Un appel à projets a été lancé le 11 mars 2015 pour une durée de 18 mois.
Cette politique doit désormais être poursuivie et amplifiée. Elle doit en outre s'accompagner d'une rationalisation de l'offre scolaire dans le second degré. Dans un rapport de mai 2015 8 ( * ) , Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l'éducation nationale, estimait que « la scolarité en internat, notamment dans le cadre de l'éducation prioritaire ou dans les zones rurales isolées, est un puissant levier pour la réduction des inégalités et doit figurer parmi les modalités de scolarité offerte au choix des élèves et de leurs parents. L'internat peut en effet offrir aux élèves un espace de liberté, de développement de leur personnalité et de réussite scolaire dans lequel ils pourront s'épanouir ».
D. UN EFFORT SUR LE PRÉÉLÉMENTAIRE À POURSUIVRE
Entre 2001 et 2012, le taux de scolarisation des enfants de 2 ans n'a cessé de décroître, passant de 34 % à 11 %.
Évolution des effectifs d'élèves de deux ans et de l'ensemble des élèves de l'enseignement préélémentaire
Rentrées scolaires |
Élèves de 2 ans |
Élèves de 2 ans |
Taux de scolarisation à 2 ans |
Élèves de 2 à 5 ans |
|||
Secteur public |
Secteur privé |
Secteurs public et privé |
Secteur public |
Secteur privé |
Secteurs public et privé |
||
2001 |
218 531 |
41 102 |
259 633 |
34,0 % |
2 238 206 |
316 214 |
2 554 420 |
2002 |
210 537 |
41 610 |
252 147 |
31,7 % |
2 248 370 |
317 643 |
2 566 013 |
2003 |
189 270 |
40 980 |
230 250 |
29,2 % |
2 273 355 |
324 350 |
2 597 705 |
2004 |
168 041 |
37 333 |
205 374 |
25,9 % |
2 285 097 |
324 371 |
2 609 468 |
2005 |
157 050 |
36 495 |
193 545 |
24,5 % |
2 288 253 |
323 792 |
2 612 045 |
2006 |
147 128 |
34 840 |
181 968 |
22,9 % |
2 257 731 |
320 714 |
2 578 445 |
2007 |
133 807 |
33 752 |
167 559 |
20,9 % |
2 232 020 |
319 032 |
2 551 052 |
2008 |
116 948 |
31 957 |
148 905 |
18,1 % |
2 219 281 |
316 071 |
2 535 352 |
2009 |
94 240 |
29 031 |
123 271 |
15,2 % |
2 218 816 |
314 020 |
2 532 836 |
2010 |
84 852 |
26 806 |
111 658 |
13,6 % |
2 226 155 |
312 979 |
2 539 134 |
2011 |
72 107 |
22 464 |
94 571 |
11,6 % |
2 230 960 |
314 071 |
2 545 031 |
2012 |
69 186 |
21 771 |
90 957 |
11,0 % |
2 227 589 |
312 065 |
2 539 654 |
2013 |
75 092 |
21 891 |
96 956 |
11,9 % |
2 250 403 |
312 618 |
2 563 021 |
2014 |
74 212 |
21 973 |
96 185 |
11,8 % |
2 241 913 |
315 419 |
2 557 332 |
Source : direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance
Or, comme l'indique le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, « en stimulant les capacités linguistiques, physiques et intellectuelles des enfants, et en les initiant à la vie en commun, elle constitue un levier important pour restaurer l'égalité des chances, tout particulièrement au bénéfice des enfants évoluant dans un environnement social défavorisé ». À cet égard, votre rapporteur spécial estime que l'objectif du Gouvernement de scolariser 30 % des enfants de moins de trois ans dans les zones défavorisées et 50 % ans les réseaux REP+ (réseaux d'éducation prioritaire renforcés) d'ici 2017 va dans le bon sens .
La tendance constatée ces dernières années d'augmentation du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui est passé de 11 % à la rentrée 2012 à près de 12 % à la rentrée 2014, doit être poursuivie afin de retrouver les taux du début des années 2000 (34,5 % à la rentrée 2000).
* 5 Avis n° 112 (2014-2015) de Jean-Claude Carle et Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 20 novembre 2014.
* 6 Cour des comptes, « Le Coût du lycée », rapport thématique, septembre 2015.
* 7 S'agissant de la voie professionnelle, on dénombre ainsi deux filières comportant près de 90 spécialités. La voie générale comporte quant à elle trois séries générales, 15 possibilités d'enseignements d'exploration différentes en secondes, 11 enseignements facultatifs en première et 15 en terminale sans compter les enseignements de spécialités et les multiples options en langues vivantes. Enfin, il existe huit séries technologiques.
* 8 « Grande pauvreté et réussite scolaire », mai 2015.