MM. Gérard LONGUET et Thierry FOUCAUD, rapporteurs spéciaux

DEUXIÈME PARTIE
OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
GÉRARD LONGUET

I. UNE AUGMENTATION CONSTANTE DE LA DÉPENSE EN FAVEUR DE L'ÉDUCATION DEPUIS PLUS DE TRENTE ANS QUI NE S'EST PAS TRADUITE PAR UNE AMÉLIORATION DES PERFORMANCES DU SYSTÈME ÉDUCATIF FRANÇAIS

A. UNE DÉPENSE INTÉRIEURE D'ÉDUCATION EN PROGRESSION CONSTANTE DEPUIS 1980

1. Une dépense qui a près de doublé en euros constants

Comme le montre le tableau ci-dessous, en 1980, la dépense intérieure d'éducation (hors dépenses pour les formations de type extrascolaire), qui agrège l'ensemble des dépenses consacrées à l'éducation tous financeurs confondus (État, collectivités territoriales, familles, secteur privé), est passée de 25,7 milliards d'euros en 1980 à près de 129 milliards d'euros en 2014. En euros constants, cette dépense a près de doublé, passant de 66 milliards d'euros en 1980 à 129 milliards d'euros en 2014 .

Évolution de la dépense d'éducation totale*

Dépense intérieure d'éducation (DIE)*

1980

2000

2012

2013

2014p**

- aux prix courants (en milliards d'euros)

25,7

94,5

123,8

126,9

128,9

- aux prix 2014 (en milliards d'euros)

66,0

116,7

125,5

127,6

128,9

DIE*/PIB en %

5,7 %

6,4 %

5,9 %

6,0 %

6,0 %

Champ : France métropolitaine + DOM (y compris Mayotte).

* hors dépenses pour les formations de type extrascolaire.

** données provisoires.

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

2. Un coût par élève supérieur à la moyenne des pays de l'OCDE

La dépense d'éducation par élève a été multipliée par 4,6 en euros courants entre 1980 et 2014, passant de 1 810 euros à 8 360 euros. En euros constants, cette dépense a été multipliée par 1,8, passant de 4 650 euros à 8 360 euros.

Évolution de la dépense d'éducation par élève*

Dépense moyenne par élève

1980

2000

2012

2013

2014p**

- aux prix courants (en euros)

1 810

6 250

8 120

8 290

8 360

- aux prix 2014 (en euros)

4 650

7 710

8 230

8 330

8 360

Champ : France métropolitaine + DOM (y compris Mayotte).

* hors dépenses pour les formations de type extrascolaire.

** données provisoires.

Source : ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

L'indicateur de l'OCDE « dépense de l'éducation en pourcentage du PIB » issu du document « Regards sur l'éducation - Les indicateurs de l'OCDE 2014 » permet une comparaison des niveaux de dépense en faveur de l'éducation au niveau international.

En 2011, les pays de l'OCDE consacraient en moyenne 6,1 % de leur PIB aux établissements d'enseignement, tous niveaux confondus. Ce pourcentage varie de 4,2 % (Turquie) à 7,9 % (Danemark). Avec 6,1 % de son PIB consacré à l'enseignement, la France se situe donc dans la moyenne des pays de l'OCDE. Elle se place cependant devant l'Italie (4,6 %), l'Allemagne (5,1 %), l'Australie (5,8 %), mais derrière la Corée du Sud (7,6 %), les États-Unis (6,9 %) et la Suède (6,3 %).

En parité de pouvoir d'achat (PPA), le coût par élève en France (10 454 dollars) est plus élevé que la moyenne des pays de l'OCDE (9 531 dollars) et de l'Union européenne (9 487 dollars) . Si, s'agissant de l'enseignement primaire, la France se situe au-dessous de la moyenne de l'OCDE en 2011 (6 917 dollars contre 8 296 pour la moyenne des pays de l'OCDE), en revanche, la dépense par élève du second degré est supérieure en France (11 109 dollars contre 9 280 dollars).

Ces écarts résultent de trois facteurs principaux :

- un temps horaire d'instruction obligatoire significativement plus élevé en France (864 heures pour le primaire, 1 090 heures pour le collège et 1 144 heures pour le lycée en 2014) que dans la moyenne des pays de l'OCDE (respectivement 821, 919 et 947 heures en 2014) ;

- une durée de la scolarisation supérieure en France (14 années) par rapport à la moyenne des pays de l'Union européenne (13 années) ;

- un taux d'encadrement plus favorable dans le second degré en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE (18,9 élèves par enseignant dans le premier degré en France contre 15,3 en moyenne dans les pays de l'OCDE, mais 12,5 élèves par enseignant en France dans le second degré contre 13,5 en moyenne dans l'OCDE).

B. UN SYSTÈME SCOLAIRE ENREGISTRANT DES RÉSULTATS DÉCEVANTS TANT AU NIVEAU DES CONNAISSANCES QUE DE LA LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS SOCIALES

1. Des performances scolaires médiocres

Les évaluations réalisées tant au niveau national (évaluations standardisées, CEDRE) qu'au niveau international (PISA et PIRLS) mettent en avant les résultats moyens du système scolaire français.

Chaque année, des évaluations standardisées sont menées sur des échantillons d'élèves afin d'apprécier la proportion de ceux qui, en fin d'école primaire et de collège, maîtrisent les compétences du socle commun. En mai 2014, l'évaluation a porté sur la maîtrise par les élèves en fin de CE1 de la compétence 1 (la maîtrise de la langue française) et de la compétence 3 (principaux éléments de mathématiques, de culture scientifique et technologique) du socle commun de connaissances et de compétences.

Il ressort de cette évaluation que seuls 82 % des élèves en fin de CE1 maîtrisent les différents éléments de la compétence 1 et 83 % ceux de la compétence 3 (cf. tableau ci-dessous) .

Proportion d'élèves de CE1 maîtrisant les compétences 1 et 3 du socle commun

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Par ailleurs, l'évaluation CEDRE (cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon) 3 ( * ) réalisée en 2014 montre qu'en fin de collège, le score moyen obtenu par les élèves en matière de connaissances mathématiques a diminué de manière significative par rapport à 2008, passant de 250 à 243 .

Ces résultats recoupent très largement ceux de l'étude réalisée en 2012 par l'OCDE dans le cadre de son programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), qui mettait en avant les résultats moyens du système éducatif français dans tous les champs évalués (compréhension de l'écrit, la culture mathématique et la culture scientifique), ainsi que l'écart croissant entre les élèves obtenant les meilleurs résultats et ceux dont les résultats sont les plus faibles .

2. Un système scolaire reproduisant, voire aggravant, les inégalités sociales

Au-delà de ses performances moyennes en matière de maîtrise des connaissances et des compétences fondamentales, notre système scolaire se caractérise aussi par l'importance des déterminismes sociaux et culturels .

Ainsi, l'enquête PISA menée en 2012 montre que la France est le pays de l'OCDE où le statut économique, social et culturel des familles détermine le plus la performance en culture mathématique des élèves.

Par ailleurs, dans une note d'information d'août 2015 4 ( * ) , la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance rappelait, à partir des résultats en fin de classe de troisième d'un panel d'enfants entrés en sixième en 2007, que les « performances varient selon l'origine sociale et l'environnement culturel ». La DEPP notait en outre qu'un tiers des enfants d'origine sociale défavorisée figuraient parmi le quart des élèves qui réussissaient le moins bien, contre 10 % chez les enfants d'origine sociale favorisée.

Au total, si 57 % des enfants d'ouvriers obtiennent le baccalauréat, ce taux s'élève à 85 % pour les enfants de cadres ou de professions intermédiaires .

C. DES INDICATEURS DE PERFORMANCE QUI NE PERMETTENT PAS D'APPRÉHENDER LES RÉSULTATS DU SYSTÈME SCOLAIRE FRANÇAIS

Dans sa note sur l'exécution budgétaire 2014, la Cour des comptes relève que « le recours à des objectifs généraux, tel que la réussite pour tous, auxquels sont rattachés les finalités et priorités du moment, ne permet pas d'apprécier l'efficacité du système scolaire de manière à la fois holistique et concise tant les objectifs semblent inégaux, dispersés et non hiérarchisés ».

Par ailleurs, ainsi que le relevait votre rapporteur spécial dans son analyse sur l'exécution des crédits de la mission en 2014, « sur les 50 sous-indicateurs que comptent les 9 indicateurs de mission, 32 (64 %) ne sont pas renseignés. Ce faible taux de renseignement résulte en partie des outils d'évaluation retenus (évaluations menées tous les trois ans par exemple), mais aussi d'un grand nombre de sous-indicateurs non pertinents tels que la proportion, dans huit pays européens, de jeunes âgés de 18 à 24 ans ne possédant ni CAP, ni BEP, ni diplôme plus élevé et qui ne poursuivent ni études, ni formation ».

Ce constat continue de se vérifier dans le présent projet de loi de finances. En effet, sur les 31 sous-indicateurs des cinq indicateurs considérés comme les plus représentatifs de la mission, 27 ne sont pas renseignés .


* 3 Cette évaluation permet de mesurer le niveau de connaissance d'un même échantillon en fin d'école primaire et en fin de collège.

* 4 DEPP, Note d'information n° 25, août 2015.