M. Jean-Claude Boulard, rapporteur spécial

PREMIÈRE PARTIE
MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »

La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions d'équilibre versées par l'État à dix régimes spéciaux de retraite . Aucune modification du périmètre et de la maquette budgétaire n'est prévue pour l'exercice 2016. La mission est donc composée de trois programmes :

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », qui comporte principalement les crédits destinés à assurer l'équilibre des caisses autonomes de retraite de la société nationale des chemins de fer français (SNCF) et de la régie autonome des transports parisiens (RATP) ;

- le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins », qui vise à financer, via l'établissement national des invalides de la marine (ENIM), le régime spécial de sécurité sociale des marins ;

- le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes ( SEITA ) et divers », qui regroupe plusieurs régimes en rapide déclin démographique (caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, régimes de retraite de la SEITA, des régies ferroviaires d'outre-mer et de l'Office de radiodiffusion et télévision française (ORTF)).

Répartition des crédits de la mission en 2016

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2016)

I. LE RECUL DES DOTATIONS AUX RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE : UNE TENDANCE CONFIRMÉE EN 2016

A. DES CRÉDITS GLOBALEMENT EN DIMINUTION (- 1,5 %) POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE

Pour l'année 2016, le projet de loi de finances initiale fixe le montant global des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » à 6,32 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiements (CP).

Les crédits de la mission diminuent ainsi de 1,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2015 et de 2,9 % par rapport aux crédits effectivement consommés en 2014 .

Hors contributions exceptionnelles au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » en 2011 et 2012, les dépenses de la mission avaient fortement augmenté entre 2006 et 2012 (+ 41 %). La budgétisation pour 2016 confirme en revanche la tendance à la baisse, déjà prévue en 2015, des subventions d'équilibre versées par l'État aux régimes de retraite en déséquilibre démographique, et devant faire appel à la solidarité nationale.

Évolution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite »
(hors contributions au CAS « Pensions »)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports et projets annuels de performances pour 2006 à 2016)

Répartition des crédits (1) par programme et action en 2016

(en millions d'euros)

Intitulé du programme et de l'action

Crédits de paiement

Variation

Exécution 2014

Ouverts en LFI pour 2015

Demandés pour 2016

PLF 2016 / Exécution 2014

PLF 2016 / LFI 2015

Programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres »

4 129

4 036

4 039

-2,2%

0,1%

03 - Régime de retraite du personnel de la SNCF

3 311

3 196

3 216

-2,9%

0,6%

04 - Régime de retraite du personnel de la RATP

619

643

653

5,4%

1,5%

05 - Autres régimes (2)

199

197

171

-14,5%

-13,2%

Programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins »

820

853

825

0,6%

-3,3%

01 - Pensions de retraite des marins

820

853

825

0,6%

-3,3%

Programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers »

1 557

1 525

1 457

-6,4%

-4,5%

01 - Versements au Fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

1 386

1 357

1 293

-6,7%

-4,7%

02 - Régime de retraite de la SEITA

168

165

161

-4,2%

-2,8%

03 - Caisse des retraites de l'imprimerie nationale

0

0

0

0,0%

0,0%

04 - Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer

3

3

2

-16,5%

-10,3%

07 - Versements liés à la liquidation de l'ORTF

0

0

0

-20,0%

-12,5%

TOTAL

6 506

6 414

6 320

-2,9%

-1,5%

(1) Les montants des crédits en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) sont identiques.

(2) Congés de fin d'activité et compléments de retraite dans le secteur du transport routier et pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer et des anciens agents de certains chemins de fer secondaires.

Source : commission des finances du Sénat (à partir du rapport annuel de performances pour 2014 et du projet annuel de performances pour 2016)

La revalorisation des pensions en 2014 et 2015
et la réforme prévue à partir de 2016

Aux termes de la loi du 21 août 2003, le coefficient de revalorisation des pensions est égal à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N , corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances de l'année N.

Entre 2009 et 2013 , la revalorisation de l'ensemble des pensions est intervenue au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier. La revalorisation pour l'année N est égale à la prévision d'inflation établie par la Commission économique de la Nation, ajustée sur la base de l'inflation définitive constatée pour N-1 (qui est connue en avril N de manière définitive). En application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, la revalorisation de l'ensemble des pensions (hors minimum vieillesse et majoration pour tierce personne) doit désormais intervenir au 1 er octobre de chaque année . L'absence de revalorisation en 2014 résulte de l'hypothèse d'inflation de 0,5 % retenue initialement (0,5 %), minorée de l'écart d'inflation (-0,5 %) entre l'inflation réalisée en 2012 (0,7 %) et la prévision qui avait été retenue en avril 2013 (1,2 %).

Compte tenu des prévisions d'inflation, les pensions de retraite devraient être revalorisées de 0,1 % au 1 er octobre 2015 , soit la prévision d'inflation pour 2015 telle que figurant dans le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2016, car le gel initialement prévu lors de l'élaboration de la loi de financement rectificative pour la sécurité sociale de juillet 2014 conduit à ne pas retenir de correctif entre l'inflation prévisionnelle de 2014 et l'inflation définitive constatée.

En moyenne annuelle, la revalorisation des pensions serait de 0,03 % en 2015 et de 0,33 % en 2016, avant entrée en vigueur de la réforme prévue par les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016.

Détail du calcul de la revalorisation des pensions avant réforme

Les articles 33 du projet de loi de finances et 57 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient d'harmoniser et de simplifier les règles de revalorisation de l'ensemble des prestations sociales, y compris des pensions de retraite. Ainsi, les pensions de retraite demeureront revalorisées au 1 er octobre de chaque année mais cette revalorisation se fondera désormais sur l'évolution des prix hors tabac constatée en moyenne annuelle sur les douze derniers mois disponibles . En cas d'évolution négative des prix, une règle de « bouclier » garantira le maintien des prestations à leur niveau antérieur. Compte tenu de ces nouvelles règles et de l'hypothèse d'inflation retenue dans le présent projet de loi de finances, les pensions de retraite devraient être revalorisées de 0,6 % au 1 er octobre 2016 .

Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2015) et évaluation préalable de l'article 33 annexée au projet de loi de finances pour 2016

La révision à la baisse des crédits demandés pour 2016, par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2015, s'explique par trois facteurs principaux :

- la faible revalorisation du montant des pensions de retraite prévue en 2016 (+ 0,6 %) , compte tenu de la révision à la baisse de la prévision d'inflation (+ 1,0 %). Cette prévision tient compte de la réforme des modalités de revalorisation des prestations sociales, dont les retraites, inscrite dans les projets de loi de finances et de financements de la sécurité sociale pour 2016. À compter de 2016, la revalorisation des prestations de retraite s'effectuera en effet sur la base de l'évolution des prix hors tabac constatée sur les douze derniers mois, et non plus sur celle de l'inflation prévisionnelle à laquelle pouvait être appliqué un mécanisme correctif au titre de l'année précédente (cf. encadré supra ) ;

- la baisse du volume des prestations servies par les régimes dits « fermés » 1 ( * ) - tels que les régimes des mines, de la SEITA et des régies ferroviaires d'outre-mer - sous l'effet de la décroissance de leurs effectifs de pensionnés. Le régime des mines devrait notamment perdre environ 10 000 pensionnés entre 2015 et 2016. Le total des subventions aux régimes du programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » prévues en 2016 baisse ainsi de 68 millions d'euros par rapport à la prévision pour 2015 et de 100 millions d'euros par rapport à l'exécution 2014.

- les effets de la réforme des retraites de janvier 2014 2 ( * ) , en particulier de la hausse progressive des parts salariale et patronale des cotisations d'assurance vieillesse de 0,30 point chacune entre 2014 et 2017, transposée aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP 3 ( * ) .

Par ailleurs, la réserve de précaution pour 2016 représente 8 % des crédits de la mission, soit 505 millions d'euros . Ce niveau est supérieur à celui fixé en 2015 (7 % soit 448,5 millions d'euros) et correspond au niveau maximal autorisé par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2014-2019 4 ( * ) .

Observation n° 1 : après avoir fortement augmenté entre 2006 et 2012, la tendance à la baisse, des concours de l'État au financement de la mission « Régimes sociaux et de retraite », déjà observée en 2015, se confirme en 2016 . Sous l'effet de la faible inflation et de la baisse du nombre de pensionnés dans les régimes « fermés », les subventions d'équilibre versées par l'État diminueraient de 1,5 % en 2016 par rapport à 2015 et de 2,9 % par rapport à l'exécution 2014, pour s'établir à 6,32 milliards d'euros .

B. UN EFFORT DE 6,3 MILLIARDS D'EUROS PERMETTANT DE FINANCER LES DEUX TIERS DES PRESTATIONS DE RETRAITE PRÉVUES EN 2016

Malgré le léger recul de la participation de l'État en 2015 et en 2016, ses dotations continuent de représenter une part prépondérante des ressources des régimes spéciaux de la présente mission.

Au total, les subventions d'équilibre de l'État permettront de couvrir en moyenne 67 % des prestations de retraite versées par les principaux régimes spéciaux de la mission en 2016. Le poids de la subvention de l'État diffère cependant d'un régime à l'autre : il couvre quasiment la totalité des pensions versées par le régime de la SEITA - qui comptait seulement 64 cotisants actifs au 1 er janvier 2015 - et environ 60 % de celles versées par les caisses de retraite de la SNCF et de la RATP. Le régime de retraite des marins connaissant quant à lui une lente érosion du nombre de ses cotisants, le poids de la subvention de l'État se situe entre 75 % et 80 % depuis 2012.

Pour mémoire, l'État a l' obligation juridique d'équilibrer financièrement les régimes de retraite de la SNCF, de la RATP et de la SEITA. En revanche, les subventions d'équilibre aux régimes des mines et des marins sont versées au titre de la solidarité nationale et n'ont pas de caractère obligatoire.

Taux de couverture des prestations de retraite des principaux régimes spéciaux
par la subvention d'équilibre de l'État

(en millions d'euros)

Réalisé 2014

PLF 2015

PLF 2016

Régime des mines

Prestations vieillesse

1 646,6

1 590,7

1 528,2

Subvention de l'État

1 385,8

1 347,1

1 293,5

Ratio subvention / prestations

84,2%

84,7%

84,6%

Régime de la SEITA

Prestations vieillesse

170,6

165,6

161,3

Subvention de l'État

168,0

165,3

160,6

Ratio subvention / prestations

98,5%

99,8%

99,6%

Régime des marins

Prestations vieillesse

1 086,50

1 075,90

1 063,50

Subvention de l'État

825,50

853,00

824,80

Ratio subvention / prestations

76,0%

79,3%

77,6%

Régime de la SNCF

Prestations vieillesse

5 359,4

5 284,0

5 265,0

Subvention de l'État

3 341,6

3 196,0

3 216,0

Ratio subvention / prestations

62,4%

60,5%

61,1%

Régime de la RATP

Prestations vieillesse

1 063,9

1 082,0

1 099,0

Subvention de l'État

618,5

643,0

653,0

Ratio subvention / prestations

58,1%

59,4%

59,4%

Total

68%

67%

67%

Source : réponse de la direction du budget au questionnaire de votre rapporteur spécial

Les régimes spéciaux financés par la présente mission ont une situation démographique dégradée , qui se manifeste par un ratio entre cotisants et retraités plus faible que dans le régime général d'assurance vieillesse. Parmi les régimes encore ouverts, le régime des marins comptait en 2014 seulement 0,27 cotisant pour un retraité, le régime de la SNCF 0,68 5 ( * ) cotisant pour un pensionné et le régime de la RATP 0,88 tandis que le ratio démographique est de 1,30 dans le régime général.

Évolution du rapport démographique * dans les principaux régimes de retraite

* Rapport cotisants / bénéficiaires vieillesse. Pour la SNCF, le ratio est pondéré des pensions de réversion.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2016, du rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2015, du recueil statistiques de la Caisse nationale d'assurance vieillesse 2013 et du rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2015)

Observation n° 2 : les subventions versées par l'État représentent 67 % des ressources des régimes spéciaux financés par la présente mission, soit une part qui demeure stable entre 2015 et 2016 . Même si le ratio démographique des régimes spéciaux est plus faible que dans les autres régimes, la situation tend à se stabiliser dans les régimes de la RATP et des marins tandis que les effectifs de cotisants diminuent de façon plus importante dans le régime de la SNCF.

Néanmoins, le besoin de financement de ces régimes ne s'explique pas uniquement par leur situation démographique . Comme votre rapporteur spécial s'était attaché à le montrer l'année passée, le fait que les régimes de retraite de la RATP et de la SNCF ait la qualité de contributeurs au mécanisme de « compensation généralisée vieillesse » indique que leur déséquilibre provient également pour une large part de leurs règles spécifiques . La compensation généralisée vieillesse est en effet calculée de façon à apprécier la situation démographique comparée des régimes et leurs disparités de capacité contributive, en neutralisant l'impact de la diversité des règles de liquidation des pensions. Or depuis 2013, le régime de la SNCF est devenu contributeur au titre de ce mécanisme : il devrait ainsi verser 9,6 millions d'euros de compensation en 2015 et près de 11 millions d'euros en 2016. Le montant de compensation généralisée vieillesse versée par le régime de la RATP tend par ailleurs à s'accroître : elle devrait passer de 24,6 millions d'euros en 2013 à 28,5 millions d'euros en 2016. Les principaux régimes bénéficiaires de la compensation généralisée vieillesse sont les régimes de retraite des salariés et des exploitants agricoles (Mutualité sociale agricole), le régime social des indépendants, le régime des mines et le régime des marins.

Les principales règles dérogatoires applicables aux régimes spéciaux de retraite

Les trois principaux régimes de retraite « ouverts » subventionnés par la mission, à savoir les régimes des retraites des personnels de la SNCF, de la RATP et des marins se caractérisent par des règles plus avantageuses que celles du régime général en matière d'âge de départ à la retraite et de liquidation.

Parmi les règles dérogatoires applicables au régime des marins , on peut citer :

- l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite fixé à 55 ans (contre 62 ans pour le régime général) ;

- la liquidation de la pension de retraite sur la base des trois dernières années (en fonction du salaire forfaitaire) ;

- l' absence de mécanisme de décote et de surcote .

Les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se distinguent quant à eux du régime général par :

- un âge légal d'ouverture des droits de 52 ans progressivement porté à 57 ans pour le personnel roulant des deux entreprises. L'âge légal d'ouverture des droits est de 57 ans pour les autres catégories de personnels de la SNCF et de 60 ans (progressivement porté à 62 ans) pour ceux de la RATP ;

- un mécanisme de bonifications (validations gratuites de trimestres) pour les personnels recrutés avant la réforme de 2008 ;

- une liquidation de la pension sur la base des six derniers mois de salaires .


* 1 Un régime de retraite est dit « fermé » lorsqu'il n'accueille plus aucun nouvel affilié.

* 2 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 3 Décrets n° 2014-668 du 23 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite de la RATP et n° 2014-772 du 27 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la SNCF.

* 4 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 5 Ratio pondéré des pensions de réversion.