M. Marc Laménie, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s'établit à 2,55 milliards d'euros en crédits de paiement.

2. Les dotations baissent de 2,6 % en crédits de paiement (67,3 millions d'euros) contre 4,9 % l'an dernier, cette réduction étant attribuable en quasi-totalité au programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

3. La tendance à la baisse du nombre de bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (- 4,9 %) et de la retraite du combattant (- 4,8 %) se prolongerait en 2017. Mais des mesures nouvelles, directes et indirectes, atténueraient les économies traditionnellement fortes sur les dépenses de la mission.

4. Il s'agit, d'abord, mais marginalement, des mesures comprises dans trois articles rattachés à la mission (supplément de pension pour les conjoints ou partenaires survivants âgés de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge : 130 000 euros ; revalorisation de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère des conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives : 570 000 euros et amélioration de la pension des ayants cause du militaire tué dans l'exercice de ses fonctions sur le territoire national : 100 000 euros).

5. Il s'agit aussi, et surtout, de la revalorisation progressive de deux fois 2 points de la retraite du combattant pour 27,4 millions d'euros en 2017 dont les effets s'amplifieront en 2018.

6. De son côté, enfin, le « rapport constant » se traduirait par un alourdissement des dépenses de la mission dans le contexte de l'augmentation de la valeur du point d'indice annoncée en cours d'année (0,6 % en juillet 2016 suivi de 0,6 % en février 2017) tandis que l'application en année pleine des mesures nouvelles votées l'an dernier en alourdirait la charge par rapport à l'exercice précédent.

7. Les différentes prestations versées au monde combattant font l'objet de revalorisations inégales, les pensions militaires d'invalidité se trouvant moins favorisées que d'autres allocations (la retraite du combattant, les allocations versées aux supplétifs), ce qui peut être considéré diversement sous l'angle de l'équité.

8. Les revalorisations prévues cette année sont comparativement importantes , au regard des pratiques passées et de celles prévalant pour les pensions du régime général, et elles pèseront plus en 2018 quand elles joueront toutes en année pleine. Cependant, elles n'effaceront pas les pertes de pouvoir d'achat observées ces dernières années du fait des pratiques d'indexation suivies.

9. L'effort de la Nation vis-à-vis de ses anciens combattants peut être évalué à 3,16 milliards d'euros , hors soutiens en provenance des programmes de la mission « Défense » principalement destinés à la journée « défense et citoyenneté » mais en intégrant les transferts liés à certaines dépenses fiscales dont bénéficient les anciens combattants.

10. En dépit des observations de la Cour des comptes et du rapport sur l'exécution budgétaire en 2015 présenté par le rapporteur général de la commission des finances du Sénat , le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017 continue de ne pas recenser la totalité des dépenses fiscales (et sociales) résultant de dispositifs au bénéfice de certaines catégories d'anciens combattants.

11. Les recommandations formulées par votre commission des finances dans son rapport sur la journée défense et citoyenneté doivent recevoir une application plus complète.

12. La restructuration des deux opérateurs de la mission (l'Institution nationale des Invalides et l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre) doit être vigoureusement engagée .

13. L'activité d'indemnisation des spoliations mérite des moyens, et sans doute quelques réaménagements, afin que la commission d'indemnisation des victimes de spoliations puisse pleinement agir en vue de la restitution des oeuvres.

14. Au total , tout en bénéficiant du « dividende démographique », la mission, qui ne respecte pas la programmation pluriannuelle, en recycle une partie pour financer des mesures nouvelles qui atténuent sensiblement la baisse spontanée des besoins de la mission et les gains associés pour le rééquilibrage du solde budgétaire général.

À la date limite du 10 octobre, prévue par l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), 100 % des questions posées par votre rapporteur spécial avaient reçu une réponse.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est une mission interministérielle qui regroupe trois programmes :

• le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » , dont l'objectif est de promouvoir l'esprit de défense et de citoyenneté au sein de la population ;

• le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » , dont l'objectif est de témoigner la reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens combattants et des victimes de guerre ;

Ces deux programmes sont placés sous la responsabilité du ministre de la défense .

• le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » , qui porte les trois dispositifs d'indemnisation en faveur les victimes de la Seconde Guerre mondiale et leurs ayants-cause, et relève du Premier ministre .

A. LE PÉRIMÈTRE DE LA MISSION EST STABILISÉ APRÈS DES ANNÉES DE RESTRUCTURATION

Le périmètre de la mission serait quasiment inchangé à l'exception d'un transfert de 41 000 euros motivé, de façon sibylline, par l'intégration de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) dans le champ de l'action sociale interministérielle.

Cette stabilité contraste avec les modifications importantes apportées à la mission dans les années récentes, qu'il convient de rappeler, certaines d'entre elles ayant pour effet d'induire un décalage important entre les crédits de la mission et les coûts complets des actions publiques auxquelles elle concourt tandis que d'autres marquent une préoccupation de mettre en valeur certaines mesures destinées aux anciens combattants.

De fait, en 2014 et 2015, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » avait connu des changements qui ont modifié de manière notable son périmètre :

• un élargissement en 2014, avec la création d'une nouvelle action destinée à couvrir le paiement des prestations en faveur des rapatriés et des harkis 1 ( * ) , au sein du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » 2 ( * ) ;

• puis un resserrement en 2015, avec le transfert de tous les crédits de personnel (titre 2) du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » vers le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense » 3 ( * ) et de l'action 06 « Réparation des conséquences des essais nucléaires français » du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » vers le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » 4 ( * ) .

L'an dernier, en 2016, le périmètre de la mission avait encore connu des évolutions pour des conséquences moins sensibles (6 millions d'euros en transfert entrant) :

• sur le programme 167, un transfert sortant de 4,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en faveur du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense », correspondant au financement du système d'information PRESAje utilisé pour la dématérialisation des démarches administratives de la Journée « défense et citoyenneté » et aux dépenses de communication externe de la direction du service national (DSN) ;

• sur le programme 169, un transfert entrant de 10,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, en provenance du programme 178 « Préparation et emploi des forces » correspondant aux dépenses du régime des affections présumées imputables au service (« APIAS ») des militaires rattachées aux dépenses de soins médicaux gratuits du programme 169.

B. LA BAISSE TENDANCIELLE DES CRÉDITS SE POURSUIT MAIS EST AMORTIE PAR DES MESURES DIRECTES OU INDIRECTES

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » connaît une diminution régulière de ses crédits , dégageant ainsi des économies spontanées, qu'on pourrait aussi qualifier de passives, sur les dépenses publiques de l'État.

En 2015, cette baisse avait été particulièrement marquée puisque les crédits consommés avaient été réduits de 152,5 millions d'euros par rapport à l'année précédente, à périmètre constant. Il s'agissait d'un repli de l'ordre de 5 % qui aurait été plus ample si une dépense exceptionnelle, celle correspondant au règlement de l'accord entre la République française et les États-Unis sur l'indemnisation des victimes de la Shoah, n'avait pas alourdi les dépenses effectives au cours de l'exercice. De fait, en ce cas, la baisse des dépenses aurait atteint plus de 200 millions d'euros (soit un repli de plus de 7 %) sous l'effet de la diminution considérable des dépenses effectuées à partir du programme 169. En 2015, ses dépenses ont accusé un repli de 210 millions d'euros.

En 2016, les crédits votés s'inscrivaient en repli de 4 % par rapport à l'exécution de 2015 (- 106,8 millions d'euros), baisse atténuée par rapport à celle enregistrée en 2015, et, en partie, apparente. En effet, la dépense exceptionnelle ci-dessus évoquée cessait ses effets, permettant de dégager une économie mécanique de 54,5 millions d'euros. Au total, en dehors de cet « événement budgétaire », plutôt qu'à une diminution des crédits de 106,8 millions d'euros, il fallait se référer, pour apprécier la dynamique de la dépense dans le budget 2016, à une baisse des moyens, plus limitée, de 52,3 millions d'euros.

Le projet de budget pour 2017 poursuit donc la tendance du précédent en l'amplifiant légèrement malgré des mesures nouvelles qui limitent la réduction spontanée des crédits demandés pour 2017 et pèseront encore en 2018 sur la trajectoire de dépense de la mission.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la quasi-totalité de ses dépenses sont des dépenses d'intervention, les dépenses de personnel étant très marginales, sauf à prendre en considération, au sein des dépenses des autres titres, les dotations nécessaires à la couverture des charges de personnel des deux opérateurs de la mission qui s'élèvent à 117,4 millions d'euros.

Évolution des crédits de la mission par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour les années 2014 et 2015 et du projet annuel de performances pour 2017

Les dépenses d'intervention sont principalement portées par le programme 169 qui totalise près de 95 % des dotations de la mission et exerce ainsi une influence décisive sur l'évolution de ses crédits. Ceux-ci s'inscrivent en baisse de 2,6 % en crédits de paiement. Pour les autorisations d'engagement, la diminution, un peu plus réduite, est du même ordre de grandeur (2,4 %).

Évolution des autorisations d'engagement et crédits de paiement
à périmètre constant

(en euros, à structure 2015, avant transferts
et hors fonds de concours et attributions de produits)

Programmes et actions

Autorisations d'engagement

Exécution 2015

Ouvertes en LFI pour 2016

Demandées pour 2017

Évolution 2016/2017

%

167 - Liens entre la Nation et son armée

40 263 572

37 718 892

37 703 766

-15 126

0,0%

01 - Journée défense et citoyenneté

16 454 591

15 099 200

15 503 766

404 566

2,7%

02 - Politique de mémoire

23 808 981

22 619 692

22 200 000

-419 692

-1,9%

169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 523 282 674

2 473 991 357

2 411 980 632

-62 010 725

-2,5%

01 - Administration de la dette viagère

2 011 359 130

1 946 320 000

1 895 850 000

-50 470 00

-2,6%

02 - Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

147 967 235

153 050 000

144 700 000

-8 350 000

-5,5%

03 - Solidarité

346 774 184

357 121 357

354 160 632

-2 960 725

-0,8%

07 - Actions en faveur des rapatriés

17 182 125

17 500 000

17 270 000

-230 000

-1,3%

158 - Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

154 883 564

100 754 898

100 800 472

45 574

0,0%

01 - Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

102 328 611

46 171 278

46 444 098

272 820

0,6%

02 - Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

52 554 953

54 583 620

54 356 374

-227 246

-0,4%

Total mission

2 718 429 810

2 612 465 147

2 550 484 870

-61 980 277

-2,4%

Programmes et actions

Crédits de paiement

Exécution 2015

Ouverts en
LFI pour 2016

Demandés pour 2017

Évolution 2016/2017

%

167 - Liens entre la Nation et son armée

41 551 093

37 918 892

37 910 000

-8 892

0,0%

01 - Journée défense et citoyenneté

21 982 753

15 299 200

15 710 000

410 800

2,7%

02 - Politique de mémoire

19 568 340

23 619 692

22 200 000

-1 419 692

-6,0%

169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 523 301 497

2 473 991 357

2 406 980 632

-67 010 72

-2,7%

01 - Administration de la dette viagère

2 011 359 130

1 946 320 000

1 895 850 000

-50 470 000

-2,6%

02 - Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

147 966 983

153 050 000

144 700 000

-8 350 000

-5,5%

03 - Solidarité

346 774 384

357 121 357

349 160 632

-7 960 725

-2,2%

07 - Actions en faveur des rapatriés

17 201 000

17 500 000

17 270 000

-230 000

-1,3%

158 - Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

154 849 162

101 053 148

100 800 472

-252 676

-0,3%

01 - Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

102 294 209

46 469 528

46 444 098

-25 430

-0,1%

02 - Indemnisation des victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

52 554 953

54 583 620

54 356 374

-227 246

-0,4%

Total mission

2 719 701 752

2 612 963 397

2 545 691 104

-67 272 293

-2,6%

Source : commission des finances sur la base du rapport annuel de performances pour 2015 et du projet annuel de performances pour 2017.

Les économies programmées, qui représentent 67,3 millions d'euros en crédits de paiement, résultent quasi-exclusivement de la diminution des crédits du programme 169 (- 67 millions d'euros) dont le profil des crédits est largement déterminé par des mécanismes automatiques de sorte que les économies mentionnées sont de pure constatation.

En effet, les crédits d'intervention de la mission sont essentiellement tributaires de l'évolution des populations de bénéficiaires, naturellement marquée par les tendances de la démographie.

Toutefois, des éléments plus discrétionnaires sont susceptibles de moduler ces effets mécaniques.

Il s'agit, d'une part des mesures nouvelles en faveur de certaines catégories de ressortissants de l'ONAC-VG, d'autre part, de l'application des principes d'indexation aux prestations servies à partir de la mission.

Pour 2017, le montant des mesures nouvelles s'élèverait à 29,2 millions d'euros en dehors des effets de l'indexation des prestations inhabituellement forte cette année.

Trois mesures font l'objet d'articles rattachés qui sont examinés séparément, pour un total de 0,8 million d'euros.

Coût des mesures nouvelles proposées en PLF 2017
(hors dépense fiscale)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base des évaluations préalables annexées aux projets de lois de finances pour 2016 et 2017

Doivent être ajoutés à ces mesures l'augmentation de 1 million d'euros du budget de l'action sociale de l'ONAC-VG 6 ( * ) mais, surtout, l'impact de l'attribution en deux temps de 4 points d'indice à la retraite du combattant et celui des revalorisations indiciaires dont a bénéficié la fonction publique et qui influencent le niveau des dotations de la mission via leurs effets d'indexation.

Sans remettre en cause la légitime préoccupation d'améliorer les dispositifs de reconnaissance existants, votre rapporteur spécial veut faire deux observations :

• dans un contexte général de revalorisation modérée des retraites, qui a également été de règle pendant les années récentes pour la plupart des allocations versées aux anciens combattants, l'ensemble des mesures touchant les prestations servies par la mission conduisent à une dynamique comparativement forte. Semblant partiellement inspirée par certaines circonstances, elle peut être jugée diversement, d'autant que les prestations versées à partir des crédits de la mission sont, elles-mêmes, inégalement touchées par cette dynamique. En particulier, les pensions militaires d'invalidité mais aussi les crédits d'action sociale de l'ONAC-VG ne bénéficient pas autant que d'autres des revalorisations prévues ;

• le Gouvernement qui a créé une nouvelle allocation de reconnaissance en faveur des conjoints et ex-conjoints survivants d'anciens supplétifs, alors qu'il avait institué la forclusion des demandes du bénéfice de l'allocation de reconnaissance au 19 décembre 2014 dans la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 7 ( * ) , procède à nouveau à une revalorisation spécifique des différentes prestations allouées aux supplétifs et à certains ayants droits. Cette mesure s'ajoute aux dispositions générales qui sont dues aux anciens combattants. Elle conduit à une amélioration du sort des supplétifs qui, bien entendu, ne saurait être qu'approuvée au regard notamment des conditions particulières de leur réinsertion étant observé que des anciens combattants ayant servi dans les conflits concernés méritent une égale reconnaissance.

C. LA MISSION RESTE CONCENTRÉE SUR SES DÉPENSES D'INTERVENTION, « DE GUICHET »

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est très majoritairement composée de crédits d'intervention en faveur des ménages . Ce constat demeure quand on considère les coûts complets de la mission qui comprennent le retour des crédits des crédits de titre 2 du programme 167 transférés vers la mission « Défense ». En effet, celle-ci opère un déversement pour financer l'organisation et le déroulement de la journée « défense et citoyenneté ».

Dans le périmètre actuel de la mission, les crédits d'intervention (titre 6) représentent 96,1 % des crédits de paiement (CP) demandés en projet de loi de finances pour 2017.

Composition des crédits de la mission (en CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performance pour 2013, 2014 et 2015 du projet annuel de performances pour 2017

Ces dépenses sont fortement rigides, s'agissant pour l'essentiel de dépenses (pensions, retraites ou rentes versées à vie au titre de dispositifs législatifs et indexées) correspondant à des droits.

Elles dépendent étroitement de l'évolution démographique des populations bénéficiaires. Toutefois, elles sont également sensibles à d'éventuelles modifications législatives ou réglementaires apportées aux dispositifs de réparation et de reconnaissance (revalorisation, forclusion...) ou, plus indirectement, à la situation indiciaire de la fonction publique.

La bonne évaluation de ces dépenses d'intervention est un enjeu essentiel de budgétisation puisqu'elles constituent presque l'intégralité des crédits de la mission.

Ces crédits connaissent depuis de nombreuses années une baisse régulière en raison de l'évolution démographique des populations concernées (anciens combattants, victimes de guerre, invalides de guerre et leurs ayants droit) qui apporte une forme de « manne budgétaire », plus ou moins abondante selon les mesures nouvelles, directes ou indirectes, jouant sur les situations des différentes composantes du monde combattant.

Évolution des dépenses d'intervention et des effectifs
des principaux bénéficiaires de 2006 à 2017

Source : commission des finances, sur la base des rapports annuels de performances des années 2006 à 2015 et du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2017

Pour prendre la mesure, du « dividende démographique » dont bénéficie la mission quelques données suffisent.

Ainsi, en 2006, les crédits d'intervention ont été exécutés à hauteur de 3 578,5 millions d'euros en crédits de paiement. Dix ans plus tard, les crédits d'intervention demandés en projet de loi de finances pour 2017 s'élèvent 2 448,4 millions d'euros .

Cette diminution de plus de 30 % par rapport à l'exécution en 2006 (1 130,1 millions d'euros) est avant tout le résultat de la baisse des effectifs des bénéficiaires.

Pour la pension militaire d'invalidité (PMI) , leur nombre est passé de 380 034 personnes à 218 253, selon les chiffres et prévisions présentés dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017, soit une baisse de 42,6 %. Quant à la baisse des crédits, elle a atteint 990 millions d'euros (- 46,4 %).

Évolution des crédits consacrés aux pensions militaires d'invalidité PMI
de 2006 à 2017

Source : commission des finances, sur la base des rapports annuels de performance des années 2006 à 2015 et du projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017

Sur la même période, les bénéficiaires de la retraite du combattant (RC) ont également diminué et passeraient de 1 499 211 retraités à 1 008 206, selon les évaluations du projet de loi de finances pour 2017, soit une baisse de plus de 32,8 %. Quant aux crédits consacrés à la retraite du combattant, ils n'ont pas suivi la même tendance puisque les dépenses afférentes progressent de 17,1 % entre 2006 et 2017.

Une hausse sensible les a propulsées jusqu'en 2013 sous l'effet des mesures de décristallisation intervenues en 2004 et 2007 et de l'attribution régulière de points supplémentaires entre 2005 et 2012 8 ( * ) . Les crédits qui lui sont consacrés ont ainsi augmenté, passant de 639,1 millions d'euros pour l'année 2006 à 851,7 millions d'euros en 2013 (exécution en CP) 9 ( * ) .

Évolution des crédits consacrés à la retraite du combattant (RC) 10 ( * )
et des effectifs des bénéficiaires de 2006 à 2017

Source : commission des finances, sur la base des rapports annuels de performance des années 2006 à 2015 et du projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017

Après cette hausse, la tendance s'est inversée à partir de 2014. Du pic de consommation des crédits de 851,7 millions d'euros en 2013, on constate une décroissance continue au-delà. Les ouvertures de crédits s'inscrivent régulièrement en retrait dans les différents projets de loi de finances consécutifs jusqu'à atteindre 748,5 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2017 de sorte qu'en quatre ans, une économie de 103,7 millions d'euros toucherait les prestations versées au titre de la retraite du combattant.

Par ailleurs , les estimations en loi de finances de cette dépense doivent être considérées avec prudence compte tenu des limites d'un exercice à forte dimension statistique. Ainsi en exécution 2015, une sous-exécution très nette de la prévision initiale, de 75 millions d'euros, avait été constatée 11 ( * ) . La plupart des crédits non consommés (66,6 millions d'euros) avaient été annulés en cours de gestion .

D. LA PROGRAMMATION TRIENNALE N'EST PAS RESPECTÉE ALORS MÊME QUE LES CRÉDITS DEMANDÉS N'APPRÉHENDENT PAS L'INTÉGRALITÉ DES MOYENS CONSACRÉS À LA MISSION

1. La programmation triennale n'est pas respectée

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a fixé un plafond de crédits de paiement, hors contribution directe au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », de 2,51 milliards d'euros en 2017 à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit des crédits de paiement d'un montant de 2,546 milliards d'euros , dont environ 351 000 euros de contribution au CAS « Pensions » liée aux 24 emplois équivalents temps plein travaillés (ETPT) portés par la mission 12 ( * ) .

Respect de la programmation triennale

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Triennal 2011-2014

3,17

3,07

Triennal 2013-2015

3,04

2,95

2,83

Triennal 2015-2017

2,74

2,63

2,51

Exécution 2011

Exécution 2012

3,10

Exécution 2013

2,99

Exécution 2014

2,92

Exécution 2015

2,71

LFI 2016

2,61

PLF 2017

2,54

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2014 et du projet annuel de performance pour 2016

Il en résulte que le plafond de la loi de programmation des finances publiques est dépassé d'un peu plus de 35 millions d'euros.

Cette situation regrettable emprunte ses raisons à l'ensemble de mesures nouvelles mentionnées ci-dessus qui tendent à alourdir les charges de la mission, parmi lesquelles l'attribution de points supplémentaires au bénéfice de la retraite du combattant (pour un coût estimé pour 2017 à 27,4 millions d'euros).

Encore faut-il ajouter deux observations : la première, pour faire valoir que les crédits de la mission ne recouvrent pas la totalité des coûts qu'elle engendre, une part importante de l'effort financier consacré à la mission n'étant pas retracée par les crédits budgétaires de la mission, la seconde, pour indiquer qu'en année pleine, les mesures nouvelles directes ou indirectes, exerceront des effets plus amples sur les dotations nécessaires pour financer les droits des anciens combattants.

2. Un quart de l'effort financier consacré aux anciens combattants reste hors mission

Si les crédits budgétaires directs de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » diminuent chaque année, des crédits budgétaires indirects bénéficient à la mission (ils restent à un niveau élevé pour le programme 167) tandis que la dépense fiscale associée à la mission, qui a connu une forte croissance ces dernières années, continue d'augmenter.

En réalité, un quart de l'effort financier consacré aux politiques publiques portées par la mission provient de dispositifs extérieurs à ses crédits budgétaires.

Moyennant les incertitudes entourant l'évaluation des dépenses fiscales (voir infra ), on peut considérer que l'effort financier consenti par la Nation envers les anciens combattants s'établirait en 2017 à 3 395,2 millions d'euros contre 3 474 millions d'euros pour 2016 .

Il se réduirait donc de 78,8 millions d'euros par rapport à 2016, soit davantage que l'écart entre les crédits budgétaires ouverts en 2016 et les crédits demandés pour 2017 en raison d'une moindre sollicitation des autres missions du budget général.

Cependant, exprimée en pourcentage, la décrue de l'effort financier serait un peu inférieure à celle exprimée à partir de la seule considération des crédits budgétaires.

Mission « Défense »
97,7 millions d'euros

Mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la Nation »
2 545,7 millions d'euros

Mission « DAG »
0,76 million d'euros

Effort total
3 395,2 millions d'euros

Dépense fiscale

751 millions d'euros

Les soutiens budgétaires indirects proviennent de la mission « Défense » 13 ( * ) , et de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » 14 ( * ) . Ils complètent les crédits des programmes 167, 169 et 158. En projet de loi de finances pour 2017, ils représentent 98,4 millions d'euros 15 ( * ) .

Ces crédits indirects viennent, en particulier, financer la journée « défense et citoyenneté » à hauteur de près de 72 % des moyens nécessités par ce rendez-vous .

Par ailleurs, les dépenses fiscales représentent une part toujours croissante des moyens consacrés aux anciens combattants. En 2017, le montant des recettes fiscales non perçues du fait des dispositifs d'exonération, de déduction et de demi-part fiscale supplémentaire en place, est estimé à 751 millions d'euros, soit l'équivalent d'environ 30 % des crédits directs d'intervention .

Il s'agit d'une évaluation qui sera probablement révisée ultérieurement. C'est ainsi que le chiffrage des dépenses fiscales pour 2015 a été rehaussé de 33 millions d'euros (de 710 à 743 millions d'euros) sous l'effet du dynamisme de la dépense fiscale liée à la demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans (contre 75 ans avant 2016) titulaires de la carte du combattant.

Évolution de la dépense fiscale n° 110103
de 2004 à 2016

(en millions)

Source : commission des finances sur la base du rapport n° 653 (2013-2014) de M. Philippe Marini, complété par le rapport annuel de performances pour 2014 et du projet annuel de performances pour 2016

3. Les dépenses fiscales (et sociales) devraient être mieux justifiées

La Cour des comptes, dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015, avait regretté que certains dispositifs de dépenses fiscales ne soient pas recensés dans les documents budgétaires. Interrogé sur ce point, le ministère a apporté à votre rapporteur spécial un certain nombre de réponses qu'il faut mentionner.

Il s'agissait des dispositifs suivants :

1) Impôt sur le revenu :

- l'exonération d'impôt sur le revenu (IR) des pensions militaires d'invalidité (PMI) reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) ;

- l'exonération des indemnités découlant des dispositifs prévus pour le programme 158, notamment des indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation.

Sur ce point, le ministère fait valoir que « l'exonération des pensions versées en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre est globalisée dans la dépense fiscale 120126 qui regroupe également l'exonération de la retraite du combattant, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l'allocation de reconnaissance aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie, pour un montant de 200 M€ ».

La réponse du ministère paraît conduire à estimer que les éléments de réversion visés par la Cour sont inclus dans l'estimation de la dépense fiscale 120126 ce qui n'apparaît toujours pas clairement dans l'intitulé de ladite dépense tel qu'il figure dans le programme annuel de performances (PAP). Par ailleurs, demeure la question de l'estimation du dispositif d'exonération des indemnités versées dans le cadre de la réparation due aux victimes de spoliation qui en tout état de cause ne fait pas l'objet d'une identification spécifique.

2) Droits de mutation :

Le PAP ne mentionne pas l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158).

Le ministère relève que ce dispositif n'est pas géré par le ministère de la défense, observation exacte mais qui ne résout en rien le problème.

3) Droits de succession :

Le PAP ne mentionne pas que :

- pour les contribuables ayant opté pour le régime réservé viagèrement, la transmission du capital de la rente mutualiste se fait hors droits de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Sur ces points, la réponse du ministère apporte les précisions suivantes. Les droits de succession frappent tous les biens qui composent le patrimoine du défunt au jour du décès et qui, de ce fait, sont transmis à ses héritiers ou légataires. Dès lors que les indemnités versées antérieurement au décès sont inscrites au crédit d'un compte bancaire ou constituent une créance au nom du défunt, elles sont soumises aux droits de mutation à titre gratuit prévus en matière de succession.

En revanche, selon le ministère, les indemnités versées postérieurement au décès du défunt, mais au nom des héritiers (sans constituer une créance certaine du défunt au moment du décès) ne constituent pas le patrimoine taxable en matière de droit de succession du défunt.

4) Prélèvements sociaux :

Le PAP ne mentionne pas que :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et à leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. La Cour rappelait que le coût de l'exonération pour les retraites mutualistes avait été estimé, en 2013, à 80 M€ tandis que pour la retraite du combattant, il avait été estimé à 67 M€ ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

La réponse du ministère souligne que, pour ces différentes exonérations sociales citées en faveur des anciens combattants par la Cour des comptes, celle-ci estime qu'elles doivent relever du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et qu'elles font l'objet d'une évaluation par la direction de la législation fiscale.

Les termes précis de leur compensation restent à déterminer. En toute hypothèse, il serait justifié de les mentionner dans la partie du PAP consacrée à identifier les coûts complets de la mission budgétaire. Or, ceux-ci n'incluent que les crédits en provenance d'autres ministères à l'exclusion de toute estimation des exonérations de charges sociales ou de leur équivalent en compensation versée aux régimes sociaux.

5) Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) :

Le PAP ne fait pas figurer les dispositifs suivant qui sont exonérés d'ISF :

- l'exonération des sommes allouées aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites en vertu de l'article 885 K du code général des impôts (CGI) 16 ( * ) ;

- la rente mutualiste, sa valeur de capitalisation n'est pas imposable ;

- l'ensemble des aides financières versées aux orphelins et aux victimes de spoliations n'entrent pas dans le champ de l'ISF. Lorsque ces indemnités sont versées aux ayants droit des victimes de spoliations, elles sont également exonérées d'ISF.

Le ministère souligne que le fait que la valeur de capitalisation de la rente mutualiste n'entre pas dans l'assiette de l'ISF n'est pas réservé aux cas d'espèce. Dans ces conditions, il est, en effet, douteux que ce régime puisse être considéré comme une dépense fiscale au sens strict.

Il ajoute que, d'une manière générale, l'évaluation des dépenses fiscales au titre des différentes mesures d'exonération d'ISF, qui est du ressort de la direction de la législation fiscale, n'est pas à la portée du ministère de la défense. On peut regretter que celui-ci ne reçoive pas le concours de celle-là pour répondre aux questionnaires budgétaires.

E. LES DEUX OPÉRATEURS SONT EN VOIE DE RESTRUCTURATION

1. L'Institution nationale des Invalides

L'Institution nationale des Invalides (INI), « maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie » 17 ( * ) , est un établissement public sui generis, à forte reconnaissance législative.

Il comprend trois centres : le centre de pensionnaires (83 lits), le centre médico-chirurgical (74 lits) et le centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (le CERAH).

Son contrat d'objectifs et de performance (COP) a pris fin en 2013, et aucun nouveau COP n'a encore été signé à ce jour .

Cette situation s'explique par la redéfinition en cours d'un nouveau projet d'établissement, en coordination avec la direction générale de l'offre de soins, l'agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France et le service de santé des armées.

L'année 2016 a connu des évolutions importantes de ce point de vue qui, pour n'être pas tout à fait achevées à la date de rédaction du présent rapport, devraient permettre de sortir l'INI d'une période incertaine, mais active, et l'engager dans une contribution rationalisée mais encore plus complète au système de soins du pays, tout en lui conservant sa singularité.

Le conseil d'administration de l'établissement a adopté un nouveau projet médical pour l'INI dans sa réunion du 17 juin 2016. Il décrit le schéma général d'organisation des services et est appelé à constituer le socle du nouveau projet d'établissement. Un prochain conseil d'administration (le 25 octobre 2016) devrait examiner le nouveau projet d'établissement que le nouveau COP sera appelé à décliner.

Il s'agirait d'inscrire l'INI 18 ( * ) dans le schéma directeur du service des armées afin de rendre son offre de soins complémentaire à celles des hôpitaux Bégin et Percy. Cette orientation écarte la voie envisageable de supprimer l'INI, établissement entièrement à part pour en faire un élément à part entière de l'offre de soins.

Les anciennes compétences exercées par l'INI dans le domaine des soins seraient revues en profondeur, avec, en particulier, la fermeture du bloc opératoire au profit d'un projet médical reposant notamment sur la prise en charge physique et psychologique des militaires blessés, après la phase aigüe, pour accompagner leur réhabilitation dans la durée.

Une nouvelle priorité, justifiée par l'ampleur des besoins, aujourd'hui peu pris en charge, porterait sur l'accompagnement des syndromes post-traumatiques dont le nombre fait l'objet d'évaluation diverses (entre 460 et 1 500 cas sont évoqués) mais, en toute hypothèse, suivent une tendance, hélas, fortement croissante.

Ce rapprochement avec le service de santé des armées et, plus généralement, avec l'offre de soins, est d'ores et déjà pris en compte par la loi relative à la santé , qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à « adapter les dispositions relatives à l'organisation, au fonctionnement et aux missions du service de santé des armées et de l'Institution nationale des invalides ».

Une fois son projet définitivement adopté l'INI pourra engager des travaux de modernisation et de recomposition de son patrimoine hospitalier , étant précisé que le volet « infrastructures » de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière est suspendu depuis 2014 19 ( * ) . Il devra également adapter ses ressources humaines à son nouveau format.

Votre rapporteur spécial présente des développements plus amples sur l'INI dans le cadre du contrôle budgétaire qu'il a conduit au cours de l'année 2016 et qui l'a conduit à formuler des encouragements pour que l'INI contribue pleinement au parcours de soin des blessés tout en conservant sa vocation historique.

Alors que, ces dernières années, dans l'attente du nouveau COP, les crédits étaient reconduits à l'identique (subvention pour charges de service public versée par le programme 169, et dotation annuelle de financement versé par le ministère de la santé), le budget programmé pour 2017 porte la trace des progrès réalisés dans la redéfinition du rôle de l'INI. Si la subvention pour charges de service public versée par le ministère de la défense est reconduite à l'identique (12,08 millions d'euros), une dotation en fonds propres de 5 millions d'euros est budgétée en autorisations d'engagement afin de financer une première tranche de travaux.

2. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG)

L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) est l'opérateur chargé de l'action sociale en faveur des anciens combattants et des bénéficiaires du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et de l'attribution des cartes et titres.

L'Office est un établissement public administratif de l'État jouissant de l'autonomie financière dont l'une des particularités réside dans son fonctionnement original. La gestion de cet établissement est en effet partagée entre l'État et les grandes associations représentatives du monde combattant selon le principe du paritarisme . Celui-ci se traduit par le fait pour ces associations de siéger au sein du conseil d'administration de l'ONAC-VG 20 ( * ) ainsi qu'au sein des conseils départementaux.

Il participe depuis longtemps à l'exercice de cinq principales missions :

- la mission de solidarité .

Cette mission s'exerce pour l'essentiel au travers de l'action et l'assistance sociale que l'ONAC-VG met en oeuvre auprès de ses ressortissants. Elle se traduit à la fois par des interventions financières et par une assistance administrative . Cette action sociale est essentiellement mise en oeuvre au niveau des services de proximité que sont les services départementaux, les services des collectivités d'outre-mer ainsi que les trois services situés au Maghreb 21 ( * ) dont la gestion a récemment été reprise par l'opérateur.

- la mission de reconnaissance et de réparation .

Il s'agit de la gestion pleine ou partielle de différents dispositifs qui contribuent au droit à réparation , droit fondamental inscrit dès l'article 1 er du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Pour l'essentiel cela touche aux cartes, titres et mentions ainsi qu'à la retraite du combattant et aux autres indemnisations.

- la mission d'hébergement.

Cette mission se traduit par la gestion de huit établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui sont les héritiers des anciens foyers d'anciens combattants nés après la Première Guerre mondiale. Chaque établissement constitue en termes de gestion un budget annexe de l'ONAC-VG .

- la mission de reconversion professionnelle .

Elle est l'héritière, au travers de ses dix établissements, également gérés sous forme de budgets annexes, des écoles des mutilés de guerre nées au coeur de la Grande Guerre.

- la mission de mémoire .

Elle recoupe à la fois la promotion de la mémoire combattante et des conflits passés, l'accompagnement du calendrier commémoratif mais également la préservation et la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire.

Cet ensemble de missions a été enrichi à partir de 2009, l'ONAC-VG devenant un opérateur majeur de l'État dans son action en faveur des anciens combattants.

Concernant le domaine particulièrement important de la gestion des cartes et titres, l'ONAC-VG assure la chaîne complète de l'instruction des demandes relatives à la reconnaissance, que constituent les demandes de carte du combattant et de titre de reconnaissance de la Nation ainsi que l'ensemble des demandes de statuts. Il est également chargé de la certification, de l'instruction et, in fine de la liquidation de la retraite du combattant et exerce un rôle majeur, par ses unités départementales de guichet unique en matière de pensions militaires d'invalidité (PMI), les demandes en la matière devant leur être adressées. Par-là, les services de l'ONAC sont le contact des ressortissants afin de les renseigner sur l'état d'avancement de leur dossier.

L'ONAC-VG exerce également des missions que le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'établissement pour les années 2014-2019 a prévu de réaménager en profondeur.

Votre commission des finances avait analysé la situation des neuf écoles de reconversion professionnelle (ERP) et du centre de pré-orientation professionnelle, ainsi que des huit établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) gérés par l'ONAC dans son rapport de 2013 consacré à l'établissement 22 ( * ) . La grande qualité des ERP dont la mission est de permettre le retour à l'emploi en milieu ordinaire de travail de personnes accidentées de la vie ainsi que l'utilité des EHPAD avaient été soulignées par votre commission. Cependant, outre que leur budget et leur statut ne relèvent que marginalement du ministère de la défense, force était de reconnaître que leurs usagers s'étaient progressivement éloignés du monde combattant, les EHPAD pouvant par ailleurs sembler un peu en-deçà des attentes des nouvelles générations combattantes.

Enfin, la situation financière de ces structures avait eu tendance à se dégrader devant une certaine inflation des charges et la réticence des financeurs à les accompagner.

Devant cette situation, votre commission des finances avait énoncé deux recommandations : celle de procéder à la cession des ERP dans le respect des employés et celle d'assurer l'avenir des EHPAD en les adossant à des structures locales, ce qui devait conduire à les exclure du champ des missions de l'ONAC.

Ces recommandations ont été suivies de décisions qui n'ont pas encore reçu leur pleine traduction pratique.

Dans le cadre du recentrage de l'ONAC-VG sur ses activités de solidarité, coeur de métier, le principe du transfert des 18 établissements à un ou plusieurs repreneurs dûment choisis a été acté dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP). À ce titre, l'article 74 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 a autorisé le transfert à titre gratuit des biens mobiliers et immobiliers des ERP et du centre de pré-orientation à l'EPNAK et des EHPAD à des établissements publics de santé ou médico-sociaux identifiés par les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux.

Afin de s'assurer de la préservation des intérêts du monde combattant et du personnel de ces établissements, un groupe de travail interministériel a été chargé d'expertiser les conditions et modalités de ce transfert dans les domaines de la stratégie générale à mettre en oeuvre (transfert à un acteur public ou privé non lucratif, transfert par bloc ou par établissement, etc.), de l'accompagnement statutaire pour les agents et des implications financières et juridiques de chacun des scénarios.

Les orientations suivantes ont été retenues :

- le principe du transfert des établissements médicaux-sociaux EMS à des repreneurs du secteur public ;

- le principe de l'intégration des professeurs des écoles (PERP) dans le corps des professeurs de lycées professionnels (PLP) de l'éducation nationale ;

- le principe de l'intégration collective des agents non enseignants des ERP et des agents des EHPAD dans les corps homologues de la fonction publique hospitalière (FPH) ;

- le principe du transfert de l'ensemble des écoles de reconversion et du Centre de pré orientation (CPO) à l'Établissement public national médico-social Antoine Koenigswarter (EPNAK) ;

- le principe du transfert des EHPAD à des établissements publics de santé ou médico-sociaux indiqués par les agences régionales de santé et les départements compétents ;

- un calendrier de transfert qui pourrait débuter en 2016 et s'étaler jusqu'en 2017 ;

- un plan d'action placé sous le pilotage du cabinet du secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire et dont la mise en oeuvre associe tous les ministères concernés ainsi que l'ensemble des acteurs.

Les modalités des transferts ont été portées à la connaissance du conseil d'administration le 25 février 2016.

Lors de cette séance :

- une délibération du conseil d'administration a autorisé la directrice générale de l'ONAC-VG à fixer la contribution de l'ONAC-VG au plan de financement de la remise à niveau des bâtiments affectés à l'activité des EMS, pour un montant maximal de 11,7 M€ (soit 7 M€ pour les EHPAD et 4,7 M€ pour les ERP) par prélèvement sur les réserves du budget principal ;

- une délibération du conseil d'administration a autorisé la directrice générale de l'ONAC-VG à mobiliser le budget principal pour, préalablement au transfert, remettre à niveau la trésorerie des établissements en couvrant le fonds de roulement nécessaire pour 30 jours de fonctionnement pour les EHPAD et 45 jours pour les ERP.

Les administrateurs ont également été informés des mesures législatives et réglementaires devant permettre la mise en oeuvre du transfert :

- l'article 90 de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires permet l'intégration du personnel non enseignant des EMS de l'ONAC-VG dans les corps homologues de la fonction publique hospitalière ;

- un décret en Conseil d'État pris en application de l'article 90 de la loi n° 2016-483 précitée fixe les conditions d'intégration du personnel non enseignant des EMS de l'ONAC-VG dans la fonction publique hospitalière ;

- un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'intégration des professeurs des écoles de reconversion professionnelle dans le corps des professeurs de lycée professionnel de l'Éducation nationale ;

- deux décrets de transfert pris en application de l'article 74 de la loi n° 2015-1785 précitée, fixent respectivement les dates et le cadre général du transfert de l'activité, des biens, droits et obligations des ERP et des EHPAD. Ces décrets sont complétés par des conventions qui détaillent les modalités juridiques, patrimoniales et financières des transferts. Elles seront approuvées par arrêté interministériel ;

- un décret de modification du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) prend acte du transfert des ERP et des EHPAD.

En tout état de cause, conformément aux termes de la loi de finances pour 2016, ces transferts doivent prendre effet le 31 décembre 2016 pour les écoles et au plus tard le 31 décembre 2017 pour les EHPAD .

Le projet de loi de finances pour 2017 ne porte pas la trace des décisions prises et il n'apparaît pas tout à fait cohérent avec leur esprit .

En particulier, si une baisse des ETPT sous plafond (- 6) intervient qui est imputée sur la subvention pour charges de service public de l'ONAC-VG, elle s'accompagne d'une forte augmentation des ETPT hors plafond (+ 21 pour 786 emplois) qui correspondent pour l'essentiel aux entités dont s'agit et sera supportée par les budgets annexes correspondants. Ceci revient à consolider la situation de quelques agents des entités appelées à sortir du périmètre de l'établissement, ce qui est heureux, mais dans un contexte d'évolution qui devrait incliner à quelque retenue.

En toute hypothèse, votre rapporteur souhaite que les recommandations formulées dès 2013 par votre commission des finances puissent trouver une traduction effective dans les délais fixés au mieux des intérêts de l'État et de ceux des anciens combattants accueillis dans ces structures.

Évolution des subventions pour charges de service public

(AE=CP, en milliers d'euros)

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2015 et du projet annuel de performances pour 2017

Dans ce contexte, les subventions pour charges de service public de ces deux opérateurs sont presque stables. Avec une légère baisse de 0,348 million d'euros, elles se montent à 68,9 millions d'euros. À cette somme, il faut ajouter en 2017, une dotation en fonds propres de 5 millions d'euros destinée à l'INI de sorte qu'au total le coût des opérateurs atteint pour la mission 73,89 millions d'euros.

La subvention versée à l'ONAC-VG baisse légèrement du fait de la suppression de 6 ETPT indiquée ci-dessus dans un contexte où les objectifs de performance fixés à l'opérateur ne sont pas atteints tandis que l'ONAC-VG demeure chargé de l'importante mission d'exercer une nécessaire action sociale en faveur du monde combattant qui demande un grand discernement.

Évolution des effectifs

(en équivalents temps plein travaillés)

Source : commission des finances sur la base des rapports annuels de performances pour 2012 à 2015 et du projet annuel de performances pour 2017

Dans l'attente de son nouveau COP, le schéma d'emplois de l'INI est maintenu . Il devra évoluer assez sensiblement pour être en mesure de répondre aux attentes nouvelles adressées à l'établissement, du moins dans la composante de l'INI dédiée aux fonctions médicales.

Dans le cadre de son COP, l'ONAC-VG s'est engagé à une maîtrise des effectifs qui peut être évaluée à 43 équivalents temps plein travaillés (ETPT) sur la période 2014-2018 , avec une réduction de 13 ETPT de son plafond d'emploi entre 2014 et 2018, et le transfert des missions en faveur des harkis et rapatriés anciennement assurées par l'ANIFOM (2 ETPT en 2013), la MIR (15 ETPT en 2013) et des préfectures (13 ETPT) dont les effectifs n'ont pas été transférés à l'office.

Comme on l'a vu, l'office procèdera à la suppression de 6 ETPT en 2017 dans un contexte de titularisations nombreuses d'emplois précaires qui concernent des emplois hors plafond, qui ne sont pas financés par la subvention pour charges de service public.


* 1 Action 07 « Actions en faveur des rapatriés ».

* 2 Ce qui a représenté un transfert entrant de 17,8 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2014.

* 3 Ce qui a représenté un transfert sortant de 73,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2015.

* 4 Ce qui a représenté un transfert sortant de 10 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2015.

* 5 Cette dépense est en fait supportée par le programme 741 du CAS « Pensions », mais l'article a été rattaché à la mission.

* 6 Pour mémoire, ce budget avait déjà été augmenté de 1,5 million d'euros en projet de loi de finances pour 2015.

* 7 Article 52 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 8 Le nombre de points est passé de 35 à 48 points entre 2005 et 2012. La retraite est actuellement de 682 euros par an.

* 9 Chiffres extraits du rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement pour 2013.

* 10 Il s'agit des crédits versés par le programme 169 sur le programme 743 du compte d'affectation spéciale « Pensions ». Il existe parfois un décalage avec les crédits effectivement consommés par le programme 743 pour la retraite du combattant.

* 11 Voir la contribution de votre rapporteur spécial au rapport n° 604 (2014-2015) de M. Albéric de Montgolfier, Tome II page 52.

* 12 Il s'agit des emplois au sein de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) dans le programme 158. Ce versement accuse une légère baisse par rapport à la programmation de 2016.

* 13 En provenance des programmes 178 « Préparation et emploi des forces » et 212 « Soutien de la politique de la défense ». En revanche, le déversement en provenance du programme 309 « Soutien de la politique immobilière de l'État » qui atteignait 0,1 million d'euros dans le PAP 2016 ne figure plus dans la comptabilité analytique de la mission en 2017.

* 14 En provenance du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

* 15 À comparer à 114,9 millions d'euros en loi de finances pour 2016.

* 16 Selon l'article 885 K du CGI, « La valeur de capitalisation des rentes ou indemnités perçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie est exclue du patrimoine des personnes bénéficiaires ou, en cas de transmission à titre gratuit par décès, du patrimoine du conjoint survivant ».

* 17 Article L. 529 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

* 18 Créée par ordonnance royale de Louis XVI en 1670 « pour y loger tous les officiers et soldats tant estropiés que vieux et caduques ».

* 19 Certaines opérations de sécurité et de mise en conformité obligatoires ont été effectuées par l'INI en 2014 et 2015 pour garantir la sécurité des usagers et des patients.

* 20 Initialement composé de 70 membres nommés pour quatre ans, le Conseil d'administration a fait l'objet d'une refonte lors du dernier renouvellement de février 2012 en passant de 70 à 40 administrateurs. La composition du deuxième collège, collège des anciens combattants, a également été révisée pour garantir la représentation de l'ensemble des composantes du monde combattant et prendre en compte les nouvelles générations du feu. Il demeure présidé par le ministre chargé des anciens combattants.

* 21 Alger, Casablanca et Tunis.