M. Jean-François HUSSON, rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE : LES POLITIQUES SECTORIELLES PORTÉES PAR LA MISSION

I. UN MANQUE DE STRATÉGIE ET UNE INADAPTATION DE MOYENS CONSACRÉS À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

1. Une politique de transition énergétique et de lutte contre la pollution de l'air et contre le changement climatique peu cohérente et sous-budgétée

Deux programmes portent des financements relatifs à la transition énergétique et à la lutte contre la pollution de l'air et le changement climatique :

- le programme 174 « Énergie, climat, après-mines » , qui finance à ce titre principalement les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), le laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA) le centre interprofessionnel technique d'étude de la pollution atmosphérique (CITEPA) et la mise en oeuvre des mesures décidées pour la prévention et la réduction atmosphérique dont les plans de protection de l'atmosphère ;

- le programme 345 « Service public de l'énergie » , qui finance principalement la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (ZNI), le soutien aux projets de cogénération, les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz ainsi que le budget du Médiateur de l'énergie.

Par ailleurs, les soutiens apportés par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » à la production d'électricité à partir de sources renouvelables et à l'injection de bio-méthane dans les réseaux de gaz et par le CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres » au renouvellement du parc automobile sont détaillés plus loin.

a) La lutte contre la pollution de l'air et contre le changement climatique : une absence regrettable de vision stratégique et de cohérence

Les crédits dédiés à la politique de lutte contre la pollution de l'air et contre le changement climatique , retracés par l'action 05 du programme 174, s'élèvent à 27,5 millions d'euros en 2017, en baisse de 1 % par rapport à 2016. Ils permettent notamment de financer la participation de l'État au budget des AASQA, pour un montant de 18,7 millions d'euros en 2017, du LCSQA, pour un montant de 4,6 millions d'euros et du CITEPA, pour un montant de 1,2 million d'euros.

S'agissant des AASQA, les subventions de l'État ont représenté 28 % de leur budget total en 2014 . Ces associations sont par ailleurs financées par des dons des entreprises émettant des substances polluantes dans l'atmosphère, qui bénéficient en compensation d'une déduction fiscale de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et, parfois, par une participation financière des collectivités territoriales. Le montant de la subvention de l'État est relativement stable en 2017, après une baisse de 3,4 % en 2016.

Toutefois, la situation financière des AASQA est fragile . En effet, la politique péréquatrice de rééquilibrage des subventions entre les différentes AASQA menée depuis 2015 a conduit à des baisses de dotation pour 11 AASQA sur 18 en 2016 7 ( * ) , ce qui renforce les difficultés de certaines associations ; cette politique sera poursuivie en 2017. Par ailleurs, les AASQA font face à un désengagement financier de certaines collectivités. D'après le réseau Atmo France, une vingtaine de départements aurait cessé de subventionner des AASQA ces dernières années compte tenu des difficultés financières auxquelles ils font face par ailleurs

Dans ce contexte, il est impératif que l'État consolide sa participation financière auprès des AASQA , et que ces dernières poursuivent leurs démarches auprès des industriels afin de les sensibiliser à la possibilité de faire des dons déductibles de la TGAP.

La politique de lutte contre pollution passe plus largement par un ensemble de mesures de règlementation et des mesures fiscales non retracées par la mission « Écologie ». Or, la politique du Gouvernement est largement incohérente et insuffisante en la matière.

S'agissant des mesures de planification, on peut tout d'abord déplorer le retard pris dans l'adoption du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) , prévu par l'article 64 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), et qui devait être adopté au plus tard le 30 juin 2016. Ce plan vise à réduire les émissions de polluants atmosphériques et doit notamment être composé d'un décret fixant des objectifs chiffrés de réduction des émissions des principaux polluants à horizon 2020, 2025 et 2030, ainsi que de mesures dans les quatre secteurs d'activité principalement émetteurs de polluants (industrie, transport, résidentiel tertiaire, agriculture). D'après le ministère de l'environnement, il pourrait être adopté au début de l'année 2017.

Par ailleurs, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), nouvel outil de programmation prévu par l'article 176 de la LTECV se substituant aux anciennes programmations pluriannuelles d'investissements (PPI), doit fixer la trajectoire d'évolution du mix énergétique français, et notamment les objectifs quantitatifs de développement de chaque filière renouvelable.

Or le décret relatif à la PPE publié le 27 octobre 2016 8 ( * ) ne comporte aucune indication relative à l'évolution de la production électrique nucléaire française , hormis le rappel de l'objectif fixé par l'article 1 er de la LETCV de réduction à 50 % la part du nucléaire dans la production d'électricité à l'horizon 2025 9 ( * ) . Aucune indication sur l'évolution du parc nucléaire et le nombre de réacteurs qui devront être fermés progressivement n'est fournie.

Les instances consultatives sollicitées pour donner leur avis sur le projet de PPE ont d'ailleurs déploré cette absence d'information . Le commissariat général au développement durable a ainsi indiqué que « le volet nucléaire est extrêmement et étonnamment court (deux pages) et traite très brièvement de questions et d'enjeux particulièrement complexes » et a recommandé « de compléter le volet nucléaire, et notamment d'expliciter le calendrier de mise en service de l'EPR de Flamanville et du réacteur à neutrons rapides expérimental Astrid » 10 ( * ) . De même, certains membres du comité d'experts pour la transition énergétique ont considéré que « la PPE devrait comprendre un objectif précis de nombre de réacteurs nucléaires à fermer d'ici 2023 et que la réduction de la production nucléaire affichée dans la PPE n'est pas suffisante pour atteindre l'objectif fixé par la loi d'une part de nucléaire de 50 % dans la production d'électricité à l'horizon 2025 » 11 ( * ) .

Il y a donc une absence de cadre stratégique et de vision claire quant à l'évolution du mix énergétique français dans les prochaines années , ce qui est dommageable tant pour les industriels que pour les investisseurs et les consommateurs.

En ce qui concerne les mesures de fiscalité énergétique, la politique du Gouvernement est là encore peu claire . Le rapprochement de la fiscalité du gazole et de l'essence a ainsi été décidée précipitamment suite au « dieselgate » et inscrite dans la loi de finances rectificative pour 2015 s'agissant des années 2016 12 ( * ) et 2017 13 ( * ) , à travers l'augmentation du tarif de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole de un centime et la baisse à de deux centimes en 2016 et de un centime en 2017 du tarif sur l'essence, sans pour autant qu'un calendrier de rapprochement ne soit défini afin de donner de la visibilité aux constructeurs .

De même, s'agissant de l'ouverture de la possibilité de la déductibilité d'un pourcentage de la TVA due lors des achats d'essence pour des véhicules de société, le Gouvernement, après avoir exprimé son opposition à cette mesure lors du débat budgétaire de l'année dernière, a finalement annoncé vouloir opérer ce rapprochement en deux ans, soit un rythme très rapide qui risquerait de déstabiliser la filière diesel, alors que les députés ont pour leur part proposé un alignement du régime fiscal de l'essence par rapport au gazole sur cinq ans 14 ( * ) , soit une durée qui correspond à ce que votre rapporteur spécial avait proposé en 2016 15 ( * ) . Ce revirement traduit là encore un manque patent de vision stratégique du Gouvernement.

Enfin, le président de la République François Hollande avait annoncé, à l'occasion de la 4 e conférence environnementale du 25 avril 2016 : « Sans attendre, la France doit montrer l'exemple, elle s'engagera donc unilatéralement - je dis bien unilatéralement - à donner un prix plancher au carbone. Ce prix plancher donnera plus de visibilité à tous les investisseurs et privilégiera, pour le secteur spécifique de l'électricité, l'utilisation du gaz par rapport au charbon. Le Gouvernement proposera les modalités de sa mise en oeuvre dès cette année. Le prix du carbone pourra donc permettre, dès cette année, de changer les comportements » 16 ( * ) .

Ce prix plancher du carbone , limité à la production électrique à partir de charbon, aurait eu pour objet de compenser le faible prix de la tonne de CO 2 échangé dans le cadre du système d'échange de quotas d'émissions (SEQE). Cette taxe, annoncée sans concertation avec les industriels du secteur, aurait conduit à rendre non rentable l'exploitation des centrales à charbon dès 2017 et à leur fermeture rapide ; elle aurait eu des conséquences sociales importantes. Le Gouvernement a finalement décidé de renoncer à cette mesure. Votre rapporteur spécial considère, comme d'ailleurs certains industriels du secteur, que l'objectif visant à cesser de produite de l'électricité à partir du charbon doit être poursuivi, mais de manière progressive et raisonnée, et avec un accompagnement des industriels concernés .

b) Une politique de transition énergétique insuffisamment financée

La mission « Écologie » ne porte que peu de crédits directement dédiés au financement de la transition énergétique . C'est surtout le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » portant les dépenses de soutien à la production électrique renouvelable, les dépenses fiscales comme le crédit d'impôt pour la transition énergétique ou l'éco-prêt à taux zéro ou encore les aides versées par certains opérateurs comme l'ADEME (détaillés ci-dessous) qui assurent ce financement.

Afin de soutenir financièrement des mesures relatives à la mobilité durable, aux démarches engagées dans le cadre des territoires à énergie positive pour la croissance verste (TEPCV) ou des territoires « zéro gaspillage, zéro déchet », le président de la République avait annoncé, à l'occasion de la 3 e conférence environnementale du 11 décembre 2014, la création d'un « fonds de financement de la transition énergétique [...] doté de 1,5 milliard d'euros sur trois ans, alimenté par le programme des investissements d'avenir, les certificats d'économies d'énergie et par les dividendes que l'État reçoit du secteur de l'énergie » 17 ( * ) . La création d'une « enveloppe spéciale transition énergétique » (ESTE) , dont les ressources sont définies en loi de finances, a été actée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte 18 ( * ) .

Or, après avoir été dotée de 250 millions d'euros en 2016 19 ( * ) , le projet de loi de finances pour 2017 ne prévoit aucun crédit supplémentaire, confirmant les craintes exprimées par votre rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte que cette enveloppe ne soit qu'une « coquille vide » 20 ( * ) . Par ailleurs, le Parlement ne dispose d'aucune information quant aux actions financées par cette enveloppe. Le document budgétaire « Rapport sur le financement de la transition énergétique » annexé au projet de loi de finances pour 2017 est lacunaire et se borne à indiquer que « l'ESTE consacre la majeure partie de ses moyens aux initiatives des territoires en matière de transition énergétique : elle soutient notamment les projets des territoires à énergie positive pour la croissance verste - TEPCV » 21 ( * ) .

Il convient en revanche de noter avec satisfaction la rebudgétisation d'une partie des dépenses auparavant financées par la contribution au service public de l'électricité (CSPE) effectuée à l'occasion de la loi de finances rectificative pour 2015, qui répond aux critiques énoncées par le Sénat à l'occasion du débat relatif à la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte.

Le nouveau programme 345 « Service public de l'énergie » créé à cette occasion porte les dépenses qui concernent :

- le péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (ZNI) 22 ( * ) , pour un montant de 1,4 milliard d'euros en 2017 ;

- les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, ainsi que l'expérimentation du chèque énergie, pour un montant de 497 millions d'euros en 2017 23 ( * ) ;

- le soutien à la cogénération, par la compensation des coûts supportés par les opérateurs obligés dans le cadre de la mise en oeuvre de dispositifs de soutien à la cogénération au gaz naturel (contrats d'obligation d'achat ou complément de rémunération), pour un montant de 565,6 millions d'euros en 2017 ;

- les intérêts versés à Électricité de France (EDF) sur la dette contractée à son égard relative à la non-compensation d'une partie des charges de service public supportées au titre du soutien à la production d'électricité à partir de sources renouvelables, pour un montant d'environ 100 millions d'euros ;

- le budget du Médiateur de l'énergie, autorité administrative indépendante (AAI) chargée de recommander des solutions aux litiges avec les entreprises du secteur de l'énergie et d'informer les consommateurs sur leurs droits, pour un montant de 5,3 millions d'euros.

Par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2016 au titre des actions du programme 345, l'année 2017 est marquée par une hausse de 24 % (soit 2 548 millions d'euros demandés contre 2 049 millions d'euros ouverts en 2016) qui s'explique par plusieurs mouvements, dont :

- une augmentation des crédits liée à la budgétisation des charges en année pleine , alors que seules 80 % des charges de l'année 2016 avaient été budgétisées 24 ( * ) , qui représente une mesure de périmètre de 527 millions d'euros ;

- une augmentation de 60 millions d'euros pour les dispositifs de soutien à la cogénération ;

- une baisse de 93 millions d'euros due à une mesure de transfert de la « compensation carbone » du programme 345 vers la mission « Économie » prévue par le présent projet de loi de finances. La compensation carbone, qui permet à l'État de compenser la répercussion des coûts des quotas d'émissions de gaz à effet de serre dans les prix de l'électricité imputables au SEQE au profit des entreprises électro-intensives des secteurs considérés comme exposés à un risque significatif de fuite de carbone, constitue un effet à titre principal une mesure de soutien aux industriels.

Le montant du budget du Médiateur de l'énergie reste connaît une baisse sensible par rapport à l'année dernière, de 6,5 %, ce qui traduit la contribution importante demandé de cette AAI au titre de la maîtrise des dépenses publiques.

Le chèque énergie , créée par l'article 201 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte pour remplacer les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz et permettre aux ménages, sous condition de ressources, de régler leurs factures d'énergie, fait actuellement l'objet d'une expérimentation dans quatre départements : l'Ardèche, l'Aveyron, les Côtes d'Armor et le Pas-de-Calais. Le nombre de chèques énergie distribués dans ces départements est sensiblement plus important que le nombre de bénéficiaires actuels des tarifs sociaux de l'énergie (173 226 chèques distribués contre 126 200 bénéficiaires des tarifs sociaux au début de l'année 2016) ; le montant moyen de l'aide est proche de 150 euros, modulé en fonction de la composition familiale, du nombre d'unités de consommation et du revenu fiscal de référence.

La loi prévoit la généralisation de ce dispositif au plus tard au 1 er janvier 2018 ; il est impératif que le rapport d'évaluation préalable prévu par la loi pour être remis trois mois avant le terme de l' expérimentation soit effectivement transmis au Parlement en temps utile pour qu'il dispose de toute l'information nécessaire quant aux effets de ce dispositif.

2. La politique de prévention des risques : vers l'adoption de la quasi-totalité des PPRT, quinze ans après la catastrophe « AZF »

La politique de prévention des risques portée par le programme 181 « Prévention des risques » concerne principalement la prévention des risques technologiques, des risques naturels et hydrauliques, des risques miniers et des risques liés à l'énergie nucléaire.

La prévention des risques technologiques et des pollutions s'articule autour de la mise en oeuvre des plans de prévention des risques technologiques (PPRT ) en application de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Ces PPRT prévoient des mesures visant à réduire les risques associés à la présence de sites industriels Seveso pour les riverains. En 2015, 343 PPRT ont été approuvés sur les 395 PPRT à réaliser, soit un taux d'approbation de 87 %. Au 31 août 2016, 348 PPRT étaient approuvés. Après des difficultés les années précédentes à consommer l'ensemble des crédits 25 ( * ) , les années 2016 et 2017 devraient être marquées par une meilleure consommation des crédits d'après le ministère.

Ainsi, quinze ans après la catastrophe de l'usine AZF et l'adoption de la loi « risques » de 2003, la première phase d'adoption des PPRT est en voie de s'achever . Les prochaines années seront donc dédiées à la poursuite de la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans avec notamment des travaux de renforcement du bâti des riverains et, le cas échéant, des mesures foncières d'expropriation ou de délaissement.

Les mesures pouvant être prévues par les PPRT

Les PPRT, qui sont mis en oeuvre par les services de l'État et les collectivités concernées, peuvent prévoir trois types de mesures :

1) Des mesures foncières (expropriation, délaissements) , dans les zones de dangers les plus importants. Ces mesures bénéficient d'un financement tripartite : soit par convention entre les différents financeurs, soit dans le cadre de la répartition par défaut prévue par la loi : un tiers à la charge des industriels à l'origine du risque, un tiers par l'État, et un tiers par la collectivité territoriale concernée ;

2) Des prescriptions de travaux obligatoires sur les logements, pour résister aux effets d'un éventuel accident, dans les zones de dangers moindres (les particuliers bénéficient d'une aide financière de 90 % 26 ( * ) ) ;

3) Des restrictions de l'urbanisme futur .

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial .

La prévention des risques naturels et hydrauliques est pour sa part principalement mise en oeuvre à travers les plans de prévention des risques naturels (PPRN) et les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI) . Les PPRN ont pour objet de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques et de réduire la vulnérabilité des populations et des biens existants, à travers des mesures d'interdiction ou d'adaptation des constructions nouvelles ou existantes 27 ( * ) . Les PAPI sont des outils de contractualisation entre l'État et les collectivités permettant de promouvoir une gestion des risques d'innovation.

Les études et travaux prescrits par les PAPI et par les PPRN peuvent être financés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM). Ce fonds, dit « fonds Barnier », créé en 1995, est mobilisé pour financer des dépenses relatives aux études de travaux de prévention et de protection contre les risques naturels.

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) a été créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

Le FPRNM est financé par un prélèvement de 12 % sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles, prévues à l'article L. 125-2 du code des assurances. Le montant des primes et cotisations additionnelles est lui-même fixé à 12 % du montant des cotisations de base. Le reste du produit des primes ou cotisations additionnelles alimente le système d'indemnisation des catastrophes naturelles (CATNAT). En outre, le fonds peut recevoir des avances de l'État.

L'utilisation des ressources du FPRNM, initialement affectées aux expropriations a été progressivement élargie. Elle concerne notamment les types de dépenses suivants :

- expropriation de biens exposés à des risques naturels majeurs ;

- acquisitions amiables de biens exposés à des risques naturels majeurs ou gravement sinistrés par une catastrophe naturelle ;

- dépenses d'évacuation temporaire et de relogement ;

- études et travaux de réduction de la vulnérabilité imposés par un plan de prévention des risques naturels approuvé ;

- campagnes d'information sur la garantie catastrophe naturelle ;

- financement des opérations menées dans le cadre des programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI) validées par la commission mixte inondation ;

- études et travaux ou équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels des collectivités territoriales ;

- dépenses afférentes à la préparation et à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels et aux actions d'information préventive ;

Un taux maximal de subvention ou d'indemnité est fixé pour la plupart des mesures. Certaines mesures sont plafonnées dans leur montant global.

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial .

Le FPRNM connaît une situation budgétaire favorable , qui s'explique par la progression du taux de prélèvement sur le produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque naturel, qui était de 2 % entre 1999 et 2006 puis qui a été porté à 4 % entre 2006 et 2008, 8 % à partir de 2008 et enfin 12 % en 2009. En conséquence, les recettes du fonds ont crû fortement sur cette période pour s'établir autour de 200 millions d'euros. Le solde de trésorerie constitué devrait atteindre plus de 300 millions d'euros à la fin de l'année 2016 .

Situation budgétaire du FPRNM entre 2005 et 2015

(en millions d'euros)

Année

Recettes

Dépenses (2)

Reliquat (3)

2005

28,89

37,49

108,6

2006

30,6

85

55

2007

60,3

100,4

24,1

2008

68,03

63,84

25,33

2009

130

79,27

76,06

2010

203,1

253,8

23,59

2011

304,2 (1)

225,8

77,4

2012

190,53

113,4

154,22

2013

196,12

170,37

179,7

2014

196,48

158

217,9

2015

204,86

123,4

299,2

2016

(Prévision)

195

178,06

316,04

2017

(Prévision)

195

207,56

303,48

2018

(Prévision)

195

210,56

287,92

(1) 100 millions d'euros issus du dividende versé par la Caisse centrale de réassurance à l'État ont été reversés au fonds en 2011 pour couvrir les dépenses nécessaires au programme de délocalisation mené suite à la tempête Xynthia ;

(2) hors frais de gestion ;

(3) au 31 décembre de l'année mentionnée. Ce tableau ne prend pas en compte le prélèvement de 70 millions d'euros prévu par le projet de loi de finances pour 2017.

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial .

Pour les prochaines années, les dépenses les plus importantes concerneront le financement des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) et des opérations de restauration de digues (entre 60 et 75 millions d'euros), ainsi que le financement du plan « séisme Antilles » (30 millions d'euros) visant à accompagner les collectivités territoriales pour le confortement des bâtis.

L'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit un prélèvement sur le fonds de roulement du FPRNM de 70 millions d'euros , compte tenu de l'accumulation de ses crédits. D'après le ministère de l'environnement, « pour 2017 et 2018, les besoins de financement relevant des mesures légales permettant l'intervention du FPRNM ne remettent pas en cause la soutenabilité du FPRNM pour faire face aux engagements pris, même après le prélèvement de 70 millions d'euros » 28 ( * ) .

3. Une politique de l'eau et de la biodiversité mal calibrée pour tenir les engagements européens de la France

Les actions menées en matière de protection des ressources en eau et de la biodiversité sont portées par le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ». Ce programme voit ses moyens légèrement augmenter en 2017 (+ 1,3 %) compte tenu du renforcement des moyens alloués à la biodiversité à travers la création de l'Agence française pour la biodiversité (cf. infra ).

La politique portée par le programme s'inscrit donc dans une relative continuité de moyens par rapport aux années antérieures, avec le souci de poursuivre le déploiement des dispositifs portés par le programme. Cette politique est fortement encadrée par le droit européen, et les moyens alloués au programme visent à tenir les engagements européens, par exemple s'agissant des mesures de la directive-cadre sur l'eau (DCE) du 23 octobre 2000 et de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (DCSMM) du 17 juin 2008.

S'agissant du milieu terrestre, le programme est marqué par la poursuite de l'installation du réseau Natura 2000 (qui concerne 1 763 sites terrestres et 209 sites marins), et du déploiement de la trame verte et bleue , outil d'aménagement du territoire visant à faciliter les continuités écologiques. À cet égard, la totalité des schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) ont été adoptés en 2015 qui prévoient plans d'action stratégiques en matière de rétablissement des continuités écologiques. Ces schémas seront à terme intégrés dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ce qui permettra d'ancrer les questions relatives à la biodiversité dans les grands projets régionaux d'aménagement.

S'agissant du milieu marin, les actions menées s'inscrivent dans le cadre de la mise en oeuvre DCSMM, qui suppose des mesures de soutien à la conservation des milieux marins et au rétablissement du bon état de ces milieux. La transposition de cette directive a été réalisée par l'élaboration de quatre plans d'action pour le milieu marin (PAMM) 29 ( * ) , dont le dernier des volets a été notifié en avril 2016 à la commission européenne, et par la création d'aires protégées (parcs naturels marins, aires marines protégées).

Les actions nécessaires à l'atteinte du bon état des milieux marins d'ici 2020 entraînent un besoin de financement croissant : outre le financement de la mise en place et de la gestion des aires protégées, l'application de la DSCMM suppose des efforts supplémentaires dans des programmes de connaissance et de surveillance du milieu marin.

Comme l'indique le ministère de l'environnement 30 ( * ) : « divers travaux, dont le rapport du comité opérationnel du Grenelle de la mer « Droits d'usage des mers, financement, fiscalité », ont établi qu'une augmentation de l'effort financier nécessaire aux actions visant à atteindre le bon état écologique du milieu marin en 20250 est à prévoir ». La trajectoire donnée est la suivante : 55,8 millions d'euros en 2016, 61 millions d'euros en 2017 puis 72, 82 et 86 millions d'euros en 2018, 2019 et 2020.

Or, le présent projet de loi de finances ne prévoit aucun abondement des crédits pour faire face à ce besoin supplémentaire, et donc pour assurer le respect par la France de ses engagements européens au titre de la gestion des milieux marins.


* 7 Par ailleurs, un rééquilibrage des subventions attribuées aux AASQA est mis en place depuis 2015 en fonction de leur situation locale et de leur capacité à mobiliser des dons au titre de la TGAP payée sur leur territoire. Ceci conduit à des variations des montants de subventions, qui ne peuvent dépasser 3 % des montants versés. En 2016, dans le cadre des régions fusionnées, 11 AASQA ont vu leur dotation baisser en raison de cette mesure, 5 ont connu une hausse de leur et 2 AASQA ont connu une stabilité.

* 8 Décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

* 9 L'article 12 du décret se borne à indiquer que « dans un délai maximal de six mois à compter de la publication du présent décret, Électricité de France établit un plan stratégique compatible avec les orientations de la programmation pluriannuelle de l'énergie qui fixe l'objectif de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d'électricité à l'horizon 2025 ».

* 10 Avis délibéré de l'Autorité environnementale sur la programmation pluriannuelle de l'énergie pour la France métropolitaine, 24 août 2016.

* 11 Avis du comité d'experts pour la transition énergétique sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, 31 juillet 2016.

* 12 Article 17 de la loi de finances rectificative pour 2015.

* 13 Article 14 de la loi de finances rectificative pour 2015.

* 14 Article 12 quater du projet de loi de finances pour 2017.

* 15 Amendement n° 273 déposé sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, avec avis favorable de la commission des finances du Sénat.

* 16 Discours de François Hollande lors de la 4 e Conférence environnementale du 25 avril 2016.

* 17 Discours de François Hollande lors de la 3e Conférence environnementale du 11 décembre 2016.

* 18 Article 20 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 19 Article 7 de la loi de finances rectificative pour 2015. Ces crédits ont été inscrits sur le programme 174 de la mission.

* 20 Dans son rapport pour avis n° 491 (2014-2015) fait au nom de la commission des finances du 9 juin 2015, votre rapporteur spécial indiquait : « il conviendra de faire preuve d'une grande vigilance, notamment dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, afin que cette enveloppe spéciale ne constitue pas une « coquille vide » et que le Parlement demeure informé des conséquences budgétaires de ce dispositif ».

* 21 Rapport sur le financement de la transition énergétique, Annexe au projet de loi de finances pour 2017.

* 22 Cette péréquation tarifaire permet aux consommateurs des ZNI de bénéficier de prix de l'électricité comparables avec ceux applicables en métropole continentale, alors même que les coûts de production de l'électricité dans ces zones sont supérieurs à ceux de la métropole

* 23 Le tarif de première nécessité (TPN) pour l'électricité et le tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz.

* 24 À la suite de la réforme de la CSPE, qui finançait ces dépenses « hors budget », et compte tenu de son rythme de collecte, une partie des recettes au titre de l'année 2016 ont été recouvrées début 2017 et ont permis de financer 20 % des dépenses concernées.

* 25 En 2015, 17 millions d'euros sur les 40 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale au titre des PPRT n'ont pas été consommés.

* 26 Les travaux obligatoires sur les logements existants dans le voisinage du site sont financés par les propriétaires dans la limite de 10 % de la valeur vénale du bien et de 20 000 euros. Toutefois, ces travaux ouvrent droit, pour les particuliers, à un crédit d'impôt de 40 % avec un plafond fixé à 20 000 euros et à une contribution minimale des industriels et des collectivités fixée à 25 % chacun en complément du crédit d'impôt, ce qui porte à 90 % au moins l'aide apportée aux particuliers pour la réalisation des travaux de mise en sécurité de leur logement.

* 27 11 012 communes sont couvertes par un PPRN approuvé et un PPRN prescrit est en cours d'élaboration sur le territoire de 2 378 communes. 78 % des communes de plus de 10 000 habitants (679 communes sur 854) exposées à un risque naturel sont couvertes par un PPRN approuvé.

* 28 Réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

* 29 Manche-mer du Nord, Mer Celtique, Golfe de Gascogne et Méditerranée.

* 30 Réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.