M. Francis DELATTRE, rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE
LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DE LA MISSION SANTÉ EN 2017

I. LES OPÉRATEURS SANITAIRES : UN PAYSAGE REMANIÉ, MAIS UNE BAISSE DES SUBVENTIONS QUI SE POURSUIT

A. LE LEVIER D'ÉCONOMIES PAR PILOTAGE RESSERRÉ DES OPÉRATEURS S'ÉPUISE...

1. Une nouvelle baisse de 2 % des subventions pour charges de service public en 2017

En raison de la création de l'Agence nationale de santé publique, instituée le 1 er mai 2016 et fusionnant trois opérateurs préexistants (cf. infra ), le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » finance six opérateurs de l'État participant à la mise en oeuvre des politiques nationales de prévention et de sécurité sanitaire en 2017, contre huit lors de l'exercice précédent 8 ( * ) . Le montant total des subventions pour charges de service public porté par le programme s'élève à 345 millions d'euros à périmètre courant, en intégrant le transfert de la part de l'assurance maladie dans le financement de l'ANSP (65 millions d'euros).

À périmètre constant toutefois, les subventions pour charges de service public diminuent de 2 % par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2016. Cette baisse participe d'un mouvement visant à prélever sur les réserves des opérateurs ; aussi les subventions versées ont-elles diminué de 2,4 % en 2014, 4,4 % en 2015 et de 3,1 % en 2016, et de 12 % depuis 2013.

Parmi les six opérateurs, cinq sont concernés par la diminution de leur subvention (cf. tableau infra ) : l'Agence de biomédecine, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l'École des hautes études en santé publique (EHESP), l'Institut national du cancer (INCa) et la nouvelle Agence nationale de santé publique (ANSP). Seule l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés) enregistre une progression modérée de sa subvention.

Subventions pour charges de service public versées aux opérateurs

(en millions d'euros)

Opérateur

Exécution 2014

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Variation 2017/2016

Agence de biomédecine (ABM)

12,8

12,7

13,9

13,8

-0,7 %

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

102,4

113,2

113,7

112,7

-0,9 %

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés)

12,3

14,5

13,4

14,3

6,7 %

École des hautes études en santé publique (EHESP)

9,4

9,7

9,5

9,2

-1,1 %

Institut national du cancer (INCa)

42,1

38,8

45,0

44,5

-1,1 %

Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus)

ANSP

16,2

8,4

10,6

150,5

67 %

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes)

21,2

22,3

23,8

Périmètre constant :

-5,5 %

Institut de veille sanitaire (INVS)

49,5

53,3

55,7

Total

265,9

272,9

285,6

345,0

20,8 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances de la mission Santé pour 2017)

2. Des fonds de roulement fortement réduits depuis 2013

La diminution du montant global de subventions pour charges de service public d'une moins grande ampleur que lors des exercices précédents souligne toutefois l'érosion de ce levier d'économie , dans la mesure où les fonds de roulement des opérateurs se stabilisent , pour la plupart d'entre eux, au niveau prudentiel . Ils ont diminué de près de 39 % entre 2015 et 2016 et de 44,4 % depuis 2013 . Le graphique présenté ci-dessous illustre l'effet des prélèvements successifs sur les fonds de roulement des opérateurs sanitaires.

Évolution des fonds de roulement de l'ensemble

des opérateurs du programme 204 depuis 2013 (base 100)

Source : commission des finances du Sénat, à partir du questionnaire budgétaire

Niveaux des fonds de roulement des opérateurs du programme 204

(en euros)

Opérateurs

Au 31/12/2015

Au 31/12/2016

Estimation du nombre de mois de fonctionnement

Variation 2016/2015

Agence de biomédecine (ABM)

12 258

8 308

1,2

- 32,2 %

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés)

28 574

21 524

1,8

- 24,7 %

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

27 112

10 892

1,1

- 60 %

École des hautes études en santé publique (EHESP)

16 870

15 322

3,1

- 9,2 %

Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS)

60 747

18 286

4,35

- 69,9 %

Institut national du cancer (INCa)

32 107

28 137

3,6

- 12,4 %

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES)

17 146

17 573

2,7

2,5 %

Institut de veille sanitaire (InVS)

15 446

9 491

1,81

- 38,6 %

Total

210 260

128 503

-

- 38,9 %

Source : réponse du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

3. Un schéma d'emploi de - 40 ETPT, désormais réparti sur tous les opérateurs

Dans le sillage des exercices précédents, la baisse des subventions pour charges de service public se conjugue à une baisse globale du plafond d'autorisation d'emplois et du nombre d'équivalents temps pleins travaillés. Le schéma d'emploi pour 2017 est établi sur la base d'une diminution de 40 équivalents temps pleins travaillés (ETPT), contre 25 ETPT en 2016 .

À périmètre courant, le plafond d'emploi global des opérateurs de la mission s'établit toutefois à 2 253 équivalents temps plein travaillé (ETPT), contre 2 259 en 2016. Alors que les trois opérateurs concernés par la fusion avaient été exonérés de la réduction du schéma d'emploi en 2016, la nouvelle ANSP connaît une réduction de 20 ETPT en 2017 au titre de la réduction des effectifs de 10 % sur trois ans prévue par les lettres plafond de 2016 et 2017.

Emplois des opérateurs rémunérés par le programme 204

(en ETPT)

Opérateurs

Réalisation 2015

LFI 2016

PLF 2017

Variation 2017/2016

Agence de biomédecine (ABM)

Emplois sous plafond

249

247

243

-1,6 %

Emplois hors plafond

12

16

16

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

Emplois sous plafond

991

970

955

-1,5 %

Emplois hors plafond

5

6

19

École des hautes études en santé publique (EHESP)

Emplois sous plafond

325

325

313

-3,7 %

Emplois hors plafond

33

71

32

Institut national du cancer (INCa)

Emplois sous plafond

150

149

145

-2,7 %

Emplois hors plafond

8

12

12

Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS)

Emplois sous plafond

30

30

Emplois hors plafond

ANSP

0

0

597

5,1 %

Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES)

Emplois sous plafond

127

127

14

Emplois hors plafond

5

5

Institut de veille sanitaire (INVS)

Emplois sous plafond

392

411

Emplois hors plafond

9

9

Total sous plafond

2 264

2 259

2 253

-0,3 %

Total emplois hors plafond

72

117

93

Source : projet annuel de performances de la mission « Santé » pour 2017

Observation n° 4 : Les subventions pour charges de service public des opérateurs sanitaires diminuent de 2 % par rapport à 2016, soit une baisse de 12 % depuis 2013. Cet effort s'étend désormais à la nouvelle Agence nationale de santé publique, instituée le 1 er mai 2016. En regard, les fonds de roulement des agences se rapprochent de leur niveau prudentiel.

B. ... RENFORÇANT L'ENJEU DE LA RÉORGANISATION ET DES MUTUALISATIONS AU SEIN DES AGENCES SANITAIRES

1. L'Agence nationale de santé publique : une fusion effective, des économies en attente

Prévue par la loi de modernisation de notre système de santé du 21 janvier 2016, l'Agence nationale de santé publique (ANSP) a été instituée le 1 er mai 2016. L'ordonnance du 14 avril 2016 prévoyant sa création fait l'objet d'un projet de loi de ratification 9 ( * ) en cours d'adoption.

Elle fusionne trois opérateurs portés par le programme 204 : l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'Institut national de veille sanitaire (InVS). L'ANSP regroupe en ce sens l'ensemble des compétences sanitaires de la veille sanitaire à l'action d'urgence, en passant par la prévention.

Votre rapporteur spécial relève qu'à ce stade, les conséquences financières réelles demeurent incertaines . Si les schémas de réduction des subventions pour charges de service publique et de réduction des plafonds d'emplois s'appliquent à l'ANSP pour 2017, plusieurs éléments restent à définir :

- le contrat d'objectifs et de performances sera élaboré en 2017 ; or, c'est sur cette base que seront définies les économies attendues sur les fonctions supports ;

- selon les informations transmises par la direction générale de la santé, les gains d'efficience ne produiront leur effet qu'à moyen terme , après une progression temporaire des charges de l'agence. Ainsi, le regroupement sur un même site, à Saint-Maurice (94), de l'ensemble des services des trois agences fusionnées, impliquera la construction d'un nouveau bâtiment dont la livraison n'est prévue qu'au troisième trimestre 2018. En attendant, les personnels seront hébergés dans des locaux temporaires.

2. Les mutualisations entre agences sanitaires doivent encore être accentuées
a) Un pilotage à renforcer

Depuis 2008, la direction générale de la santé (DGS) a développé le concept de « système d'agences » en vue d'assurer un déploiement coordonné de la politique de prévention et de sécurité sanitaire qu'elle mène avec l'appui des opérateurs sanitaires placés sous sa tutelle. Dans ce cadre, un comité d'animation du système d'agences (CASA), regroupant de façon régulière le directeur général de la santé et les directeurs généraux des agences, avait été institué. Rénové en 2014, le CASA réunit actuellement l'ABM, l'ANSM, l'Ansés, l'ASN l'EFS, la HAS, l'INCa, l'INSERM, l'IRSN ainsi que l'ANSP.

La loi de modernisation de notre système de santé habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures visant à renforcer les possibilités de mutualisation entre opérateurs sous la tutelle unique du ministère de la santé ainsi que la Haute Autorité de santé (HAS), en leur donnant une base juridique 10 ( * ) . Il s'agit notamment de consacrer dans la loi le CASA. Selon les informations communiquées, l'ordonnance serait en cours d'élaboration ; l'habilitation prend échéance le 27 janvier 2017.

b) Des mutualisations encore limitées

Parallèlement à l'exercice d'une tutelle coordonnée par la direction générale de la santé, une optimisation des fonctions supports des agences sanitaires a été recherchée tardivement dans le cadre du comité des secrétaires généraux (CSG), en lien avec les diminutions des subventions pour charges de service public et des plafonds d'emplois programmées.

C'est dans ce cadre qu'une opération de mutualisation des fonctions financières et comptables a été lancée en 2014 : le projet SIFAS 11 ( * ) , agrégeant cinq opérateurs 12 ( * ) , dans la perspective de la mise en oeuvre de la nouvelle gestion budgétaire et comptable publique (GBCP 13 ( * ) ) à partir du 1 er janvier 2016. Il s'agit du premier exemple de mutualisation entre agences sanitaires.

La recherche d'une rationalisation au sein des opérateurs du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », par le biais de rapprochements ou de mutualisations, a été mise en oeuvre tardivement par le Gouvernement, préférant opérer par rabots successifs sur les subventions pour charges de service public , au risque de compromettre l'exercice des fonctions métiers des agences sanitaires. Toutefois, si cette recherche doit être poursuivie et approfondie, seule une réflexion appréhendant les déterminants de la dépense du programme 183 « Protection maladie », qui n'a pas été conduite par le Gouvernement, sera à même d'assurer la soutenabilité de la mission « Santé ».


* 8 Le mouvement de réduction du nombre d'opérateurs sanitaires financés par le programme 204 se poursuit : en 2015, le programme finançait dix opérateurs, puis huit en 2016 à la suite du transfert du financement intégral du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) et de l'agence technique de l'information et de l'hospitalisation (Atih) par l'assurance maladie.

* 9 Projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l'agence nationale de santé publique.

* 10 Article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 11 Système d'information finance des agences sanitaires

* 12 ANSM, INCa, EPRUS, INPES et InVS

* 13 Décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique