MM. François Patriat et Jean-Claude Requier, rapporteurs spéciaux

PREMIÈRE PARTIE
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION
« TRAVAIL ET EMPLOI »

I. ANALYSE DES CRÉDITS 2017 DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI »

A. UN NIVEAU DE CRÉDITS HISTORIQUEMENT ÉLEVÉ

Hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », la mission « Travail et emploi » sera dotée de 16,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 15,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en 2017, en progression de près de 3 milliards d'euros en AE (+ 22,3 %) et de 1,8 milliard d'euros en CP (+ 13,6 %) .

Crédits de la mission « Travail et emploi »
hors contribution au CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

LFI 2015

LFI 2016

PLF 2017

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

Plafond des autorisations d'engagement

13 943

13 317

16 289

22,3%

2 972

Plafond des crédits de paiement

13 361

13 474

15 305

13,6%

1 831

Source : projet annuel de performances pour 2017

La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 1 ( * ) fixait un plafond de CP s'élevant à 9,84 milliards d'euros pour 2017. L'écart à la prévision atteindra donc près de 5,5 milliards d'euros. Une part importante de cet écart est liée à des mesures de périmètre (cf. infra ).

Au total, les dépenses de la mission atteindront 16,5 milliards d'euros en AE et 15,5 milliards d'euros en CP , soit une hausse significative de près de 5 milliards d'euros en AE (+ 42,8 %) et de 3,8 milliards d'euros en CP (+ 32,4 %). Cette hausse sera exclusivement portée par le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » en AE (+ 5,2 milliards d'euros) et très majoritairement en CP (+ 3,77 milliards d'euros).

Hors programme 103, les crédits de la mission diminueront à hauteur de près de 274 millions d'euros en AE et progresseront de 22,2 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi »
par programme

(en millions d'euros)

AE

CP

Ouvertes en LFI pour 2016

Demandées pour 2017

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC et ADP

Ouverts en LFI pour 2016

Demandés pour 2017

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC et ADP

attendus en 2017

attendus en 2017

102 - Accès et retour à l'emploi

7 278,6

7 049,6

- 3,1 %

- 229,0

54,9

7 535,7

7 601,8

0,9 %

66,2

54,9

103 - Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

3 456,7

8 666,9

150,7 %

5 210,2

350,0

3 309,6

7 082,1

114,0 %

3 772,5

350,0

111 - Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

56,9

40,9

- 28,2 %

- 16,0

0,0

91,8

78,5

- 14,5 %

- 13,3

0,0

155 - Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

751,8

722,9

- 3,8 %

- 28,8

4,1

764,3

733,6

- 4,0 %

- 30,7

4,1

Total

11 544,0

16 480,3

42,8 %

4 936,3

409,0

11 701,3

15 496,1

32,4 %

3 794,7

409,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2017, la mission « Travail et emploi » représentera 3,63 % des CP du budget général, contre 2,85 % en 2016 et 2,69 % en 2012.

Entre 2012 et 2017, les CP de la mission « Travail et emploi » auront augmenté de plus de 50 % à périmètre courant, contre une évolution de 15 % pour les CP du budget général.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Travail et emploi » et du budget de l'État (hors fonds de concours)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE MISSION MAJORITAIREMENT COMPOSÉE DE DÉPENSES D'INTERVENTION

L'augmentation des crédits de la mission « Travail et emploi » en 2017 résulte pour l'essentiel d'une hausse des crédits d'intervention (titre 6), qui passeront de 9,1 milliards d'euros à 14,1 milliards d'euros en AE (+ 4,96 milliards d'euros, soit une augmentation de 54,3 %) et de 9,3 milliards d'euros à 13,1 milliards d'euros en CP (+ 3,8 milliards d'euros, soit une hausse de 41,2 %) entre 2016 et 2017 .

Évolution des crédits de la mission « Travail et emploi »
par nature

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits de titre 6 représenteront près de 84,5 % du total des CP de la mission , contre 4 % pour les dépenses de personnel (titre 2), et 11,4 % pour les dépenses de fonctionnement (titre 3).

Répartition des crédits de paiement de la mission « Travail et emploi »
par nature

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

C. UNE MISSION MARQUÉE PAR D'IMPORTANTES MESURES DE PÉRIMÈTRE EN 2017

En 2017, la mission « Travail et emploi » portera des crédits destinés à compenser les exonérations de charges patronales dont bénéficient les associations intermédiaires et les chantiers d'insertion, l'aide à domicile employée par un particulier fragile, l'aide à domicile employée par une association ou une entreprise auprès d'une personne fragile (prestataire) et l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (cf. infra ). Au total, près de deux milliards d'euros seront consacrés à ces dispositifs de compensation aux organismes de sécurité sociale.

Hors mesures de périmètre (+ 2,02 milliards d'euros) et transferts sortants (- 35,6 millions d'euros), les crédits de la mission augmenteront à hauteur de 3 milliards d'euros en AE et de 1,86 milliard d'euros en CP .

Principales mesures de périmètre
affectant la mission « Travail et emploi » en 2017

AE et CP

(en millions d'euros)

Mesure

P. 102

177

Compensation de l'exonération de cotisations sociales des associations intermédiaires et des chantiers d'insertion

P. 103

835

Compensation de l'exonération de cotisations sociales pour l'aide à domicile employée par une association auprès d'une personne fragile

804

Compensation de l'exonération de cotisations sociales pour l'aide à domicile employée par un particulier fragile

204

Compensation de l'exonération de cotisations sociales pour l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises

P. 155

- 1,2

Transferts divers sur la masse salariale

- 30,6

Mutualisation des moyens de fonctionnement courant des DIRECCTE

- 3,8

Reprise des activités du centre d'études pour l'emploi au CNAM

Total

1 984,4

Source : ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

D. UNE PRÉVISION DE DÉPENSE RÉGULIÈREMENT DÉPASSÉE

Depuis 2009, le taux de consommation moyen des AE, y compris attributions de produits et fonds de concours, s'est élevé à 106,7 %.

En 2015, l'augmentation des crédits de la mission hors mesure de périmètre (non-reconduction du programme 412 « Formation et mutations économiques » du programme d'investissement d'avenir) n'a pas empêché un dépassement de près de sept points (+ 827 millions d'euros).

Autorisations d'engagement prévues en lois de finances et consommées*

(en millions d'euros et en pourcentage)


* Y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Une surconsommation des crédits peut également être constatée s'agissant des CP. Entre 2009 et 2015, le taux de consommation des crédits de paiement, y compris attributions de produits et fonds de concours, s'est élevé à 106,5 % en moyenne.

En 2015, l'écart aux prévisions a atteint 728,7 millions d'euros (+ 6,4 points).

Crédits de paiement prévus en lois de finances et consommés*

(en millions d'euros et en pourcentage)


* Y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces écarts s'expliquent principalement par un nombre de contrats aidés significativement supérieur aux prévisions.

La loi de finances pour 2015 prévoyait ainsi la prescription de 300 000 nouveaux contrats aidés dans le secteur non-marchand (CUI-CAE), 80 000 contrats aidés dans le secteur marchand (CUI-CIE) et 65 000 emplois d'avenir, pour un montant de 3,4 milliards d'euros en AE et 3,1 milliards d'euros en CP .

Au cours du second semestre 2015 , le Gouvernement a cependant décidé d'augmenter ces enveloppes. La circulaire DGEFP/MIP/2015/215 du 19 juin 2015 relative à la programmation des contrats uniques d'insertion et emplois d'avenir au deuxième semestre 2015 a ainsi prévu l'augmentation des enveloppes de contrats aidés à hauteur de 100 000 contrats supplémentaires (dont 70 000 CUI-CAE et 30 000 emplois d'avenir).

Au total, 289 234 CUI-CAE ont été conclus en 2015 . Hors mesure de périmètre (100 000 contrats ayant été transformés en cours d'exercice en aides au poste dans le cadre de la réforme du financement de l'insertion par l'activité économique), l'enveloppe initiale de 200 000 CUI-CAE a connu un dépassement de plus de 89 000 contrats .

S'agissant des emplois d'avenir , 87 180 contrats ont été prescrits en 2015, soit un écart aux prévisions de + 22 180 contrats .

Nombre de prescriptions et coût des principaux dispositifs d'emplois aidés

Prévision

Exécution

Nombre de prescriptions

AE

(en millions d'euros)

CP

(en millions d'euros)

Nombre de prescriptions

AE

(en millions d'euros)

CP

(en millions d'euros)

CIE

80 000

332,01

206,92

91 895

336,84

178,67

CAE*

300 000

1 634,27

1 577,73

289 234

1 974,28

1 714,45

Emplois d'avenir

65 000

1 411,64

1 300,03

87 180

1 534,08

1 347,80

* 100 000 CAE ont été transformés en aides au poste en cours d'exercice.

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annuel de performances 2015

Enfin, la dépense consacrée aux CUI-CIE a été supérieure de près de 5 millions d'euros en AE aux prévisions. Cet écart s'explique notamment par la mise en oeuvre du CIE « starter » dans le cadre du Comité interministériel égalité et citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015. 15 608 CIE « starter » ont été prescrits en 2015 .

Au total, la dépense relative aux contrats aidés s'est élevée à 3,85 milliards d'euros en AE et à 3,24 milliards d'euros en CP , soit un écart de plus de 450 millions d'euros en AE et de plus de 140 millions d'euros en CP par rapport aux prévisions .

E. UNE DIMINUTION DE 37 % DES DÉPENSES FISCALES DEPUIS 2012 PRINCIPALEMENT LIÉE À LA CRÉATION DE LA PRIME D'ACTIVITÉ ET DE LA SUPPRESSION DE LA DÉFISCALISATION DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

Le coût des dépenses fiscales rattachées à la mission « Travail et emploi » est passé de 11,1 milliards d'euros en 2012 à 7 milliards d'euros en 2017, soit une diminution de 4,1 milliards (- 37 %).

Évolution du coût des dépenses fiscales sur impôts d'État contribuant aux programmes de la mission « Travail et emploi » de manière principale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette baisse est principalement liée à la suppression du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires issu de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) par la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012. La dépense consacrée à ce dispositif s'élevait ainsi à 1,7 milliard d'euros en 2012.

Cette diminution est également liée à une mesure de périmètre, la prime pour l'emploi, dont le coût s'élevait à 2,9 milliards d'euros en 2012, ayant été remplacée par la prime d'activité par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi, portée par la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Les principales dépenses fiscales qui contribueront aux programmes de la mission de manière principale en 2017 seront :

- le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis au moins trois mois, à hauteur de 2 milliards d'euros ;

- la réduction d'impôt au titre de l'emploi, par les particuliers, d'un salarié à domicile pour les contribuables n'exerçant pas une activité professionnelle ou demandeurs d'emplois depuis moins de trois mois, à hauteur de 1,5 milliard d'euros ;

- le taux de TVA à 10 % pour les recettes provenant de la fourniture des repas par les cantines d'entreprises ou d'administrations, et le taux de 5,5 % pour la fourniture de repas sur les prestataires dans les établissements publics ou privés d'enseignement du premier et du second degré ainsi que pour les repas livrés par des fournisseurs extérieurs aux cantines, scolaires et universitaires notamment, qui restent exonérées de TVA, à hauteur de 800 millions d'euros.


* 1 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.