M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial

TROISIÈME PARTIE
« REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
D'IMPÔTS LOCAUX »

En 2017, les crédits demandés au titre des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux s'élèvent à 15 milliards d'euros, en hausse de 3,2 milliards d'euros (+ 27 %), à périmètre courant, par rapport à la loi de finances pour 2017. À périmètre constant, en revanche, cette hausse est ramenée à 7,4 % et même à 3,2 % par rapport à la prévision actualisée 2017.

Évolution à périmètre courant des crédits du programme 201
« Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux »

(en millions d'euros)

Exécution 2016

LFI 2017

2017 (prévision actualisée)

PLF 2018

Variation PLF 2018 / LFI 2017

Variation PLF 2018 / prévision 2017 actualisée

01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale

6 724,5

6 599,4

6 998,0

6 490,0

- 109,4

- 1,7 %

- 508,0

- 7,3 %

02 - Taxes foncières

1 474,7

1 076,0

1 128,0

1 161,0

+ 85,0

+ 7,9 %

+ 33,0

+ 2,9 %

03 - Taxe d'habitation

3 977,5

3 717,2

3 703,0

6 864,0

+ 3 146,8

+ 84,7 %

+ 3 161,0

+ 85,4 %

04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux

531,2

481,0

531,0

531,0

+ 50,0

+ 10,4 %

-

-

TOTAL

12 707,9

11 873,5

12 360,0

15 046,0

+ 3 172,5

+ 26,7 %

2 686,0

+ 21,7 %

Évolution à périmètre constant des crédits du programme 201
« Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux »

Exécution 2016

LFI 2017

2017 (prévision actualisée)

PLF 2018

Variation PLF 2018 / LFI 2017

Variation PLF 2018 / prévision 2017 actualisée

01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale

6 724,5

6 599,4

6 998,0

7 240,0 6 ( * )

+ 640,6

+ 9,7%

+ 242,0

+ 3,5%

02 - Taxes foncières

1 474,7

1 076,0

1 128,0

1 161,0

+ 85,0

+ 7,9 %

+ 33,0

+ 2,9 %

03 - Taxe d'habitation

3 977,5

3 717,2

3 703

3 824,0 7 ( * )

+ 106,8

+ 2,9 %

+ 121,0

+ 3,3 %

04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux

531,2

481,0

531,0

531,0

+ 50,0

+ 10,4 %

-

-

TOTAL

12 707,9

11 873,5

12 360,0

12 756,0

+ 882,5

+ 7,4%

+ 396,0

+ 3,2%

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

L'évolution des crédits inscrits s'explique notamment par la mise en place de la première tranche du dégrèvement de taxe d'habitation prévu à l'article 7 du présent projet de loi de finances (+ 3 milliards d'euros) et par le fait que les restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sont retracés, à compter de 2018, sur le programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes » (- 750 millions d'euros).

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, cette augmentation significative des crédits conduit à s'approcher du montant record de 2009 (17,3 milliards d'euros), alors que les années suivant la réforme de la taxe professionnelle avaient vu ces crédits diminuer sensiblement (11 milliards d'euros entre 2011 et 2015). Ce montant continuera à croître compte tenu des deux tranches suivantes de dégrèvement de taxe d'habitation annoncées pour 2019 et 2020, qui représenteront au total 7 milliards d'euros par an supplémentaires.

Évolution depuis 2007 des montants de dégrèvements
des différents impôts locaux

Taxes foncières

Fiscalité économique locale

Taxe d'habitation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Ainsi, moins de dix ans après la réforme de la taxe professionnelle, le débat sur l'État « premier contribuable local » pourrait être relancé , alors que la part des recettes fiscales des collectivités territoriales qu'il prenait en charge avait fortement décru après 2010.

Part des recettes des impôts locaux prise en charge par l'État
(dégrèvements et compensations)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Impôts économiques

42,2%

43,5%

-

29,6%

25,4%

23,7%

22,8%

21,7%

22,1%

Impôts « ménages »

15,1%

13,9%

13,6%

12,8%

12,2%

11,9%

11,7%

12,0%

12,4%

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'Observatoire des finances et de la gestion publique locale (OFGPL)

I. LES DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS ÉCONOMIQUES LOCAUX : UN CHANGEMENT DE PÉRIMÈTRE ET LES CONSÉQUENCES D'UNE DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR LE COÛT DES CONTENTIEUX

En 2018, les dégrèvements en matière d'impôts économiques locaux devraient diminuer de 7,3 % par rapport à la prévision 2017 actualisée ( - 508 millions d'euros ).

Évolution des dégrèvements de fiscalité économique locale

(en millions d'euros)

2014 (exécution)

2015 (exécution)

2016 (exécution)

2017
(prévision)

2018 (prévision)

Plafonnement TP/VA

12

12

3

0

0

Plafonnement CET/VA

1 068

1 041

1 171

1 216

1 190

Crédit impôt zones de restructuration défense

3

3

0

0

0

Dégrèvement barémique CVAE

3 962

3 953

4 368

4 282

4 680

Restitution CVAE

807

763

711

750

0

Dégrèvement transitoire

92

28

20

0

0

Autres motifs

536

507

452

750

620

TOTAL

6 480

6 307

6 725

6 998

6 490

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Cette évolution est due :

- au fait que la présente mission ne retracera plus les restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à compter de 2018 (- 750 millions d'euros) ;

- à la hausse exceptionnelle en 2017 des dépenses dues aux contentieux en matière de CVAE , à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 19 mai 2017 ; en 2018 ce montant baisse de façon importante (- 150 millions d'euros), sans pour autant revenir à son niveau des années 2014-2016 ;

- à la croissance des dépenses au titre du dégrèvement barémique (+ 400 millions d'euros).

A. UN TRANSFERT DES RESTITUTIONS DE CVAE SUR LE PROGRAMME 833 QUI ÉVITE UN EXCÉDENT STRUCTUREL DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS

Comme l'a régulièrement 8 ( * ) souligné notre ancienne collègue Marie-France Beaufils, alors rapporteure spéciale de la présente mission « Remboursements et dégrèvements », les modalités comptables d'inscription des restitutions d'acomptes de CVAE ne sont pas pertinentes .

Le produit des impôts directs locaux sont versés par l'État aux collectivités territoriales à travers le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » : ses recettes sont égales au produit de ces impositions recouvrées par l'État et ses dépenses aux versements mensuels aux collectivités. Il en est de même pour la CVAE, à une exception près. Cet impôt étant auto-liquidé par les entreprises, les acomptes qu'elles versent peuvent se révéler supérieurs à la cotisation due, ce qui leur ouvre le droit à restitutions. Or, ces restitutions ne sont pas retracées sur compte de concours financiers précité mais sur la présente mission « Remboursements et dégrèvements ». Il en résulte un excédent structurel du compte, puisque ces restitutions ne viennent jamais minorer ses recettes, et parallèlement une charge pour le budget général de l'État . C'est pourquoi le rapport précité de Marie-France Beaufils proposait 9 ( * ) que ces restitutions de CVAE soient retracées sur le compte de concours financiers.

À compter de 2018, les restitutions de CVAE seront effectivement retracées sur le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » , en minoration des recettes du programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes ». Dès lors, le montant 2018 sur la présente mission est nul .

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES LIÉE AUX CONTENTIEUX DUE À LA CENSURE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DES MODALITÉS DE CALCUL DU DÉGRÈVEMENT BARÉMIQUE POUR LES GROUPES FISCALEMENT INTÉGRÉS

Le dégrèvement barémique de CVAE est le dispositif fiscal par lequel l'État prend en charge la différence entre le produit perçu par les collectivités territoriales, correspondant à un taux théorique de 1,5 %, et le montant effectivement acquitté par les entreprises, dont le taux d'imposition varie de 0 % à 1,5 % en fonction de leur chiffre d'affaires 10 ( * ) .

Dès lors que le taux effectif de CVAE dépend du chiffre d'affaires, certaines entreprises pourraient avoir des comportements d'optimisation fiscale en multipliant les filiales , ce qui leur permettrait de réduire artificiellement leur chiffre d'affaires et donc de bénéficier d'un taux effectif de CVAE moins élevé. Afin d'éviter cela, l'article 1586 quater du code général des impôts prévoit que le chiffre d'affaires des groupes de sociétés fiscalement intégrés - c'est-à-dire une société mère et ses filiales détenues à 95 % au moins ayant opté pour ce régime fiscal - est consolidé au niveau du groupe .

Cependant, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution en mai dernier 11 ( * ) , en considérant qu'elles créaient une inégalité devant la loi entre les groupes satisfaisant les conditions précitées selon qu'elles avaient opté ou non pour le régime de l'intégration fiscale, dans la mesure où leur taux d'imposition global serait différent. Si le Conseil constitutionnel reconnaissait le motif d'intérêt général (empêcher l'optimisation fiscale), il considérait que le critère retenu (l'option pour ce régime fiscal) n'était pas en adéquation avec l'objet de la loi, puisque les groupes non intégrés peuvent également avoir des comportements d'optimisation 12 ( * ) .

La censure du Conseil constitutionnel étant d'application immédiate, il en résulte un coût pour l'État, correspondant aux montants réclamés par les entreprises au titre des exercices passés du fait de l'application de la consolidation du chiffre d'affaires. D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, ce coût devrait s'élever à 300 millions d'euros en 2017 et à 150 millions d'euros en 2018. Les montants inscrits en 2017 (prévision révisée) et 2018 au titre des « autres dégrèvements » (qui comprennent le coût des contentieux) correspondent donc au montant de 2016 (450 millions d'euros) majoré de ce coût.

L'article 7 du présent projet de loi de finances propose qu' à compter de 2018, le chiffre d'affaires soit consolidé pour les groupes, qu'ils aient ou non opté pour le régime de l'intégration fiscale.

C. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DU DÉGRÈVEMENT BARÉMIQUE

Le montant du dégrèvement barémique augmente de 400 millions d'euros environ, passant de 4,3 milliards d'euros à 4,7 milliards.

Cette hausse s'explique à hauteur de 100 millions d'euros par la dynamique spontanée du dégrèvement, elle-même liée à la dynamique du produit de CVAE. Les 300 millions d'euros restant sont pour leur part une conséquence de la décision précitée du Conseil constitutionnel . En effet, la CVAE versée aux collectivités territoriales en 2018 correspond à celle collectée en 2017 auprès des entreprises, années au cours de laquelle les entreprises qui devaient jusque-là consolider leur chiffre d'affaires ont pu ne pas le faire. Ceci se retrouve d'ailleurs dans la diminution que constate l'administration fiscale dans les acomptes de CVAE de juin et de septembre. En 2019 en revanche, d'après les chiffres du Gouvernement, si l'article 7 du présent projet de loi de finances était adopté (cf. supra ), le coût du dégrèvement barémique diminuerait de 300 millions d'euros (les entreprises dont le chiffre d'affaires était consolidé en 2016 devant à nouveau le consolider) et même de 40 millions d'euros supplémentaires , dans la mesure où les groupes qui n'avaient pas opté pour la consolidation seront d'office consolidés à compter de la CVAE acquittée en 2018.

*

Enfin, depuis l'an dernier, le programme 201 ne retrace plus de dégrèvement relatif à la taxe professionnelle . Pourtant, l'action 01 de ce programme continue à s'appeler « Taxe professionnelle et contribution économique territoriale et autres impôts économiques créés ou modifiés dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle ». Aussi, votre rapporteur spécial propose que cette action soit renommée « Fiscalité économique locale » . Il note cependant que le produit fiscal découlant de la contribution économique territoriale est bien inférieur à celui de la taxe professionnelle avant sa suppression.


* 6 Le montant 2018 est majoré des restitutions de CVAE 2017 (750 millions d'euros) désormais comptabilisées sur le programme 833.

* 7 Le montant 2018 est minoré du coût de la première tranche de dégrèvement de la taxe d'habitation mis en place par l'article 7 du présent projet de loi de finances (3,04 milliards d'euros).

* 8 Voir notamment Marie-France Beaufils, « Remboursements et dégrèvements : la machine fiscale à la recherche d'un pilote », rapport d'information n° 625 (2016-2017) du 12 juillet 2017.

* 9 Recommandation n° 10.

* 10 Les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros bénéficient d'un dégrèvement complémentaire de 1 000 euros.

* 11 Décision n° 2017-629 QPC, Société FB Finance, Conseil constitutionnel, 19 mai 2017.

* 12 Le régime de l'intégration fiscale résulte d'une option librement souscrite par un groupe, lui permettant, pour le calcul de son impôt sur les bénéfices, de consolider les résultats de ses différentes entités.