LOIS CONSTITUTIONNELLES, LEGISLATION, SUFFRAGE UNIVERSEL, REGLEMENT ET ADMINISTRATION GENERALE

Table des matières


- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Droit civil - Adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et signature électronique - Examen des amendements

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des amendements au projet de loi n° 488 (1998-1999) portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique.

A l'article 2 (force probante équivalente à celle de l'acte sous seing privé), la commission a émis un avis favorable au sous-amendement n° 14 à l'amendement n° 3 de la commission, présenté par le Gouvernement.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a indiqué que l'amendement n° 3 de la commission avait l'avantage de préciser que les conditions de validité des actes n'étaient pas modifiées par le projet de loi, et qu'il n'avait pas pour objet d'imposer à l'écrit électronique des conditions de validité supplémentaires par rapport à l'écrit papier, la commission ayant accepté le principe d'une équivalence juridique complète entre support électronique et support papier.

M. Luc Dejoie a craint que le sous-amendement du Gouvernement ne laisse à penser que les actes authentiques sur support électronique ne devaient pas remplir les mêmes conditions de forme que pour les actes authentiques sur support papier.

M. Charles Jolibois, rapporteur, a précisé que ni le projet de loi ni les propositions de la commission ne modifiaient le régime des écrits requis " ad validitatem ", c'est-à-dire à peine de nullité.

La commission a constaté que l'amendement n° 12 présenté par M. Alain Lambert était identique à l'amendement n° 3 de la commission.

A l'article 3 (définition de la signature et de la signature électronique), la commission a constaté que l'amendement n° 13 présenté par M. Alain Lambert était identique à l'amendement n° 4 de la commission.

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 6 présenté par MM. Pierre Laffitte, Guy Cabanel et René Trégouët tendant à insérer un article additionnel après l'article 4. M. Charles Jolibois, rapporteur, a indiqué que cet amendement tendait à généraliser les échanges de données entre administrations sur support électronique, au détriment des échanges sur support papier. Il a estimé que l'utilisation du support électronique devait rester une faculté pour les administrations. Il a enfin souligné que cet amendement était un cavalier législatif qui ne présentait pas de lien avec le texte en discussion.

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 7 présenté par MM. Pierre Laffitte, Guy Cabanel et René Trégouët tendant à insérer un article additionnel après l'article 4, imposant aux collectivités publiques de répondre aux appels d'offres par voie électronique. M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur le caractère législatif de cet amendement.

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 8 présenté par MM. Pierre Laffitte, Guy Cabanel et René Trégouët tendant à insérer un article additionnel après l'article 4, afin d'imposer aux administrations l'utilisation de logiciels dits " libres ". M. Jacques Larché, président, s'est préoccupé de la libre administration des collectivités territoriales et il a estimé que cet amendement était de nature réglementaire.

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 10 présenté par MM. René Trégouët, Pierre Laffitte et Guy Cabanel tendant à insérer un article additionnel après l'article 4 afin de créer une " Agence du logiciel libre ".

Par coordination, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 9 présenté par MM. Pierre Laffitte, Guy Cabanel et René Trégouët, tendant à modifier l'intitulé du projet de loi.

Collectivités locales - Dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Jarlier sur la proposition de loi n° 325 (1998-1999), présentée par M. Bernard Joly, tendant à permettre la dévolution directe de tous les biens vacants et sans maître à la commune en lieu et place de l'Etat.

M. Pierre Jarlier, rapporteur, a indiqué que cette proposition de loi tendait à substituer les communes à l'Etat pour la dévolution des biens vacants et sans maître.

Exposant les différentes procédures relatives à la dévolution des biens vacants et sans maître, M. Pierre Jarlier, rapporteur, a fait observer que le domaine des successions vacantes ou en déshérence constituait l'illustration la plus courante des cas où l'Etat recueillait les biens sans maître. Relevant que l'Etat pouvait solliciter l'envoi en possession d'une succession en déshérence, il a souligné qu'il lui appartenait de gérer l'actif et de liquider le passif de la succession. Il a également noté que l'Etat se trouvait dans une situation précaire à l'égard de celle-ci, puisque la restitution de la succession pouvait être réclamée pendant une période de trente ans.

M. Pierre Jarlier, rapporteur, a fait observer que les différents aspects de la procédure applicable aux successions en déshérence mettaient ainsi en évidence qu'il s'agissait pour l'Etat d'une procédure lourde et marquée par une assez forte précarité tenant tout à la fois aux charges qui pouvaient affecter la succession et à la durée pendant laquelle celle-ci pouvait être réclamée.

Puis après avoir précisé qu'en dehors des cas de successions vacantes, il était plus rare qu'un immeuble n'ait pas de maître, M. Pierre Jarlier, rapporteur, a indiqué que l'article L. 27 bis du code du domaine de l'Etat établissait néanmoins que, lorsqu'un immeuble n'avait pas de propriétaire connu et que les contributions foncières y afférentes n'avaient pas été acquittées pendant plus de cinq ans, un arrêté constatait la situation après avis de la Commission communale des impôts directs.

Décrivant les différentes étapes de cette procédure, le rapporteur a souligné que l'Etat pouvait aliéner ou utiliser le bien ainsi appréhendé, mais que son droit de propriété ne se trouvait consolidé que passé trente ans.

M. Pierre Jarlier, rapporteur, a rappelé que des réflexions interministérielles menées à la suite de la décentralisation sur la possibilité de prévoir une dévolution aux communes des biens vacants et sans maître avaient mis à jour plusieurs difficultés, notamment le risque de mettre en cause un droit souverain de l'Etat et le problème du transfert de charges qui en résulterait au détriment des communes.

M. Pierre Jarlier, rapporteur, a néanmoins souligné que les communes qui avaient des biens vacants sur leur territoire rencontraient des difficultés objectives tenant, en particulier, à l'inertie de l'Etat pour diligenter les procédures, aux délais souvent excessifs de mise en oeuvre de ces dernières et, enfin, aux frais que les communes devaient engager pour réhabiliter les biens en question.

Relevant que la proposition de loi prévoyait des dispositions de portée générale substituant la commune à l'Etat pour la dévolution des biens vacants, que la commune ait accepté ou non cette dévolution, le rapporteur a jugé nécessaire de prendre en compte, tout à la fois, les conséquences de ce dispositif sur le régime des successions et l'intérêt des communes à se voir attribuer des biens vacants.

S'agissant du régime des successions, M. Pierre Jarlier, rapporteur, a fait valoir que la proposition de loi aurait nécessairement un impact sur les règles en vigueur et sur les caractéristiques mêmes des successions, en mettant notamment en cause le principe de l'universalité du patrimoine.

Il a en outre relevé que la dévolution des biens vacants aux communes aurait pour effet de leur transférer la gestion de procédures lourdes et complexes dont elles devraient supporter le coût. Il a également fait observer que les communes devraient, le cas échéant, subir le poids sur la succession de la liquidation du passif et qu'elles seraient exposées au risque d'une réclamation du bien pendant la période de prescription trentenaire. Il s'est enfin inquiété du transfert de responsabilité qui en résulterait.

Considérant que pour tous ces motifs, une dévolution directe des biens vacants aux communes sans que celles-ci aient pu faire connaître, le cas échéant, leur opposition devait être écartée, M. Pierre Jarlier, rapporteur, a néanmoins jugé qu'il était possible de répondre aux préoccupations légitimement exprimées par certains élus en renforçant l'intervention des communes dans le déroulement des procédures. A cette fin, il a suggéré que la procédure d'appréhension des biens vacants puisse être diligentée sur la demande des communes, que le maire soit directement informé à chaque étape de la procédure et qu'enfin, la commune se voie reconnaître un droit de priorité pour l'acquisition d'un bien dont l'Etat aurait décidé l'aliénation.

En outre, rappelant que les communes pouvaient utiliser directement la procédure de déclaration d'état d'abandon manifeste qui aboutissait à une expropriation, M. Pierre Jarlier, rapporteur, a estimé qu'il était envisageable de simplifier les conditions posées par le code général des collectivités territoriales pour cette expropriation.

Précisant qu'il était actuellement exigé que l'expropriation ait pour but soit la construction de logements, soit tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement, il a estimé que ces conditions supplémentaires pourraient être soit abrogées, les conditions du droit commun de l'expropriation demeurant applicables, soit, à tout le moins, complétées, afin de prendre en compte d'autres motifs d'intérêt général, tels que la cessation d'un péril ou de nuisances causées à l'environnement.

Après avoir remercié le rapporteur des propositions équilibrées qu'il avait présentées, M. Jean-Pierre Schosteck a fait observer que beaucoup de communes étaient confrontées à des difficultés réelles face aux nuisances causées par des biens vacants, et qu'elles devaient bien souvent pallier l'inertie de l'Etat.

Soulignant que les procédures applicables se poursuivaient pendant une période de deux ans, M. Jean-Pierre Schosteck a relevé qu'au terme de ces procédures, l'expropriation était elle-même difficile à mettre en oeuvre. Il a néanmoins reconnu que le principe d'universalité de la succession et le respect nécessaire des droits des propriétaires constituaient de vrais difficultés.

M. Jean-Jacques Hyest a fait observer que, le plus souvent, les communes étaient confrontées aux difficultés causées par des biens en état d'abandon manifeste pour lesquels elles pouvaient mettre en oeuvre différentes procédures, notamment la procédure de péril.

Relevant à son tour que la proposition de loi aurait des conséquences sur les successions en déshérence, M. Jean-Jacques Hyest a souligné qu'il n'était pas possible de scinder les successions. Il a néanmoins fait valoir que les communes étaient souvent mal informées et que l'Etat ne gérait pas correctement les successions en déshérence. Il a estimé que le dispositif proposé par le rapporteur permettrait aux communes d'être mieux informées et, en outre, de faire jouer un droit de priorité, dès lors que l'Etat aurait décidé d'aliéner le bien.

Il s'est en outre prononcé en faveur de la suppression des conditions posées par le code général des collectivités territoriales pour une expropriation au terme de la procédure de déclaration d'abandon manifeste, considérant qu'il serait difficile de compléter les conditions existantes sans compliquer à l'excès le dispositif.

M. Pierre Fauchon a estimé que deux préoccupations devaient être prises en compte, d'une part, la recherche de la gestion la plus efficace des biens vacants et sans maître, d'autre part, la question du droit souverain de l'Etat sur ces biens. Il s'est néanmoins demandé si leur dévolution aux communes n'était pas envisageable, notamment pour permettre une gestion plus efficace.

M. Charles Jolibois a fait valoir qu'une dévolution automatique aux communes pourrait avoir des conséquences très lourdes pour ces dernières.

Souscrivant à cette observation, M. Pierre Jarlier, rapporteur, a souligné que l'éventualité de devoir gérer l'actif et le passif d'une succession serait une charge excessive, notamment pour les communes de petite taille. Il a précisé que ce motif fondait en particulier sa proposition de privilégier la reconnaissance aux communes d'un droit de priorité pour l'acquisition d'un bien que l'Etat avait décidé d'aliéner. Il a en outre rappelé que le texte qu'il proposait permettrait de remédier à l'inertie de l'Etat en habilitant la commune à déclencher la procédure d'appréhension des biens vacants.

Après avoir à son tour considéré que la dévolution directe des biens vacants directement aux communes poserait des difficultés, M. Luc Dejoie s'est demandé s'il ne convenait pas de permettre à la commune de déclencher la procédure d'aliénation du bien vacant par l'Etat.

En réponse, M. Pierre Jarlier, rapporteur, a estimé que la rédaction qu'il soumettait à la commission permettrait à la commune de déclencher la procédure en amont.

M. Robert Badinter a fait valoir qu'en l'absence de propriétaire, l'Etat disposait d'un droit souverain sur les biens vacants et qu'il ne paraissait pas possible de remettre en cause ce droit au profit des communes.

Après avoir remercié le rapporteur de ces analyses et propositions, M. Guy Cabanel a estimé que ces dernières étaient de nature à répondre aux préoccupations exprimées par l'auteur de la proposition de loi.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté la proposition de loi dans les conclusions proposées par le rapporteur.

Commission d'enquête - Condition de détention dans les maisons d'arrêt et situation des établissements pénitentiaires en France

La commission a enfin procédé à l'examen du rapport de M. Georges Othily sur les propositions de résolution n° 165 (1999-2000) de M. Robert Badinter et des membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt et n° 183 (1999-2000) de MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel, tendant à créer une commission d'enquête sur la situation des établissements pénitentiaires en France.

M. Georges Othily, rapporteur, a tout d'abord souligné que les deux propositions de résolution étaient juridiquement recevables. Il a rappelé que l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoyait que les commissions d'enquête étaient formées pour recueillir des éléments d'information, soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a créées.

Il a indiqué que les propositions de résolution tendaient à créer des commissions d'enquête respectivement sur les conditions de détention des détenus dans les maisons d'arrêt et sur la situation des établissements pénitentiaires en France. Il en a déduit que les propositions de résolution avaient pour objet de contrôler le fonctionnement d'une partie du service public de la justice, à savoir l'administration pénitentiaire.

Il a ajouté que les deux propositions de résolution prévoyaient que la commission d'enquête comprendrait vingt-et-un membres, conformément aux dispositions de l'article 11 du règlement du Sénat.

Le rapporteur a ensuite souligné que les propositions de résolution étaient pleinement justifiées sur le fond. Il a indiqué que la situation des établissements pénitentiaires français était très préoccupante et nécessitait un examen approfondi, afin de dégager des solutions pour que la France se dote d'un système pénitentiaire plus digne d'un Etat de droit.

M. Georges Othily, rapporteur, a rappelé que la commission des lois se souciait depuis longtemps de l'évolution de l'administration pénitentiaire, et qu'elle avait donné un avis défavorable sur les crédits de l'administration pénitentiaire pour 2000, malgré l'augmentation de leur montant, pour manifester son inquiétude face à la situation actuelle. Il a indiqué que certains problèmes étaient particulièrement inquiétants en particulier la surpopulation carcérale, le nombre élevé de suicides en détention, l'insuffisance des contrôles exercés par les autorités judiciaires et administratives dans les établissements pénitentiaires, la situation préoccupante en matière d'alternatives à l'incarcération, enfin la vétusté d'un grand nombre d'établissements.

Le rapporteur a souligné que les deux propositions de résolution différaient légèrement sur l'étendue de la mission qui pourrait être confiée à la commission d'enquête. Il a fait valoir que la proposition de résolution présentée par MM. Jean Arthuis, Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Guy-Pierre Cabanel prévoyait que la commission d'enquête serait " chargée de recueillir des informations sur la situation des établissements pénitentiaires en France ". Il a observé que la proposition de résolution présentée par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés prévoyait que les travaux de la commission d'enquête porteraient sur " les conditions de détention des détenus dans les maisons d'arrêt, ainsi que sur l'étendue et l'effectivité des contrôles relevant des autorités judiciaires et administratives ".

M. Georges Othily, rapporteur, a estimé que les maisons d'arrêt connaissaient assurément la situation la plus préoccupante en raison notamment de leur taux d'occupation et de la grande vétusté de certaines d'entre elles. Il a souligné qu'il était paradoxal que les conditions de détention les moins favorables soient réservées aux personnes en détention provisoire, c'est-à-dire présumées innocentes.

Il a toutefois estimé qu'il n'était pas souhaitable de restreindre les investigations de la commission d'enquête aux seules maisons d'arrêt, jugeant préférable que des comparaisons puissent être effectuées entre les établissements pénitentiaires, notamment en fonction des populations qu'ils sont appelés à accueillir. Il a ajouté qu'il était peut-être imprudent de limiter le champ d'action de la commission d'enquête aux conditions de détention et aux contrôles effectués par les autorités administratives et judiciaires. Il a proposé que la commission d'enquête soit chargée de recueillir des informations sur la situation des établissements pénitentiaires en France.

M. Jacques Larché, président, s'est demandé s'il était opportun que la commission d'enquête s'intéresse à l'ensemble des établissements pénitentiaires, observant que le Parlement débattait du projet de loi sur la présomption d'innocence et qu'il était peut-être préférable de mettre l'accent, dans ce contexte, sur la situation dans les maisons d'arrêt, observant qu'elles seraient moins surpeuplées si la détention provisoire n'était pas aussi généralisée.

M. Robert Badinter a souligné que le placement en détention provisoire était très certainement la pire des atteintes à la présomption d'innocence. Il a rappelé que le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants avait effectué plusieurs visites dans des maisons d'arrêt françaises et que ses conclusions avaient été très critiques. Il a admis que des sujets tels que les alternatives à l'incarcération étaient importants, mais a plaidé pour que la commission d'enquête qui ne disposerait que d'un délai maximal de six mois pour statuer, concentre ses efforts sur les conditions de détention dans les maisons d'arrêt ainsi que sur les contrôles effectués par les autorités judiciaires et administratives.

M. Robert Badinter a estimé qu'il serait envisageable de mettre en place par la suite une autre commission d'enquête qui pourrait s'intéresser à d'autres problèmes de l'administration pénitentiaire. Concluant son propos, il a fait valoir que l'un des problèmes essentiels était celui de la surpopulation pénale. Il a estimé que trop de personnes étaient en détention provisoire et qu'il y avait peut-être également trop de détenus purgeant une peine dans les maisons d'arrêt.

M. Jacques Larché, président, a alors souligné que l'Assemblée nationale avait choisi de mettre en place une commission d'enquête dotée d'une compétence extrêmement étendue.

M. Pierre Fauchon a estimé souhaitable que la commission d'enquête s'intéresse prioritairement aux conditions de détention, ainsi qu'aux contrôles exercés par les autorités judiciaires et administratives. Il a fait valoir qu'il serait peut-être effectivement plus raisonnable de limiter ses investigations aux seules maisons d'arrêt.

M. Jean-Jacques Hyest a observé qu'il pourrait être imprudent d'exclure purement et simplement des missions de la commission d'enquête le contrôle des établissements pour peines. Il a noté que certains incidents révélés au cours des derniers mois s'étaient déroulés dans des centres de détention, et non dans des maisons d'arrêt.

Après un débat auquel ont participé MM. Jacques Larché, président, Georges Othily, rapporteur, Pierre Fauchon et Robert Badinter, la commission a adopté une proposition de résolution prévoyant la création d'une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier, au regard de la présomption d'innocence, dans les maisons d'arrêt. Elle a décidé que la commission d'enquête devrait s'assurer de l'étendue et de l'effectivité des contrôles relevant des autorités judiciaires et administratives.

Mercredi 9 février 2000

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Justice - Référé devant les juridictions administratives - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport, en deuxième lecture, de M. René Garrec sur le projet de loi n° 136 (1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, relatif au référé devant les juridictions administratives.

M. René Garrec, rapporteur,
a indiqué que l'Assemblée nationale, saisie en second lieu, avait adopté treize articles sans modification, qu'elle avait accepté le principe de l'appel du référé-injonction en matière de libertés fondamentales, mais qu'elle l'avait confié aux cours administratives d'appel, alors que le Sénat avait prévu la compétence du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.

Il a remarqué que l'Assemblée nationale avait supprimé la mention introduite par le Sénat obligeant le juge du fond à statuer en un an dès lors que la suspension de la décision administrative était prononcée. Il a noté en outre que l'Assemblée nationale avait précisé que le juge des référés se prononce dans les meilleurs délais.

M. René Garrec, rapporteur, a noté que l'Assemblée nationale avait prévu la possibilité, pour le juge des référés, de prononcer la suspension des décisions administratives de rejet, afin de mettre fin à la solution de la jurisprudence " Amoros ", et de tenir compte des pouvoirs d'injonction reconnus au juge par la loi du 8 février 1995.

M. René Garrec, rapporteur, a proposé de rétablir la compétence du Conseil d'Etat pour l'appel du référé-injonction, les cours administratives d'appel n'étant actuellement pas en mesure de juger dans les délais impartis. Il a noté que la solution proposée par l'Assemblée nationale introduisait un niveau de juridiction supplémentaire et que la dispersion entre les sept cours administratives d'appel retarderait l'unification de la jurisprudence. Il a proposé de rétablir la position du Sénat de première lecture tendant à supprimer la possibilité, pour le préfet, de demander au juge l'application du référé-injonction à l'encontre d'une collectivité territoriale.

Puis il a proposé d'accepter le " cavalier " introduit par l'Assemblée nationale, tendant à obliger les fonctionnaires à déposer un recours administratif préalable avant tout recours contentieux, sauf en matière disciplinaire et de recrutement, ajoutant qu'il proposerait d'inclure les militaires.

Afin d'inciter le juge administratif à juger plus rapidement, le rapporteur a proposé de préciser que le juge du fond statue dans les meilleurs délais et que le référé-injonction est prononcé en quarante-huit heures en première instance, par comparaison avec le " déféré-liberté " à l'encontre des actes des collectivités locales.

M. Jacques Larché, président, a approuvé la suppression de l'intérêt à agir du préfet en matière de référé-injonction à l'encontre des collectivités locales. Il s'est interrogé sur la procédure de fixation de la date du référé administratif.

M. René Garrec, rapporteur, a rappelé la procédure de tri des requêtes organisée par l'article 9 du projet de loi et l'engagement du Gouvernement de prévoir un calendrier de procédure par décret en Conseil d'État. M. Jacques Larché, président, a souligné que tant que le juge serait libre de déterminer seul la date du référé, l'urgence ne serait pas bien prise en compte. Il a souhaité obtenir un engagement précis de la part du Gouvernement sur ce point, soulignant que le référé avait sauvé la juridiction civile, mais qu'il convenait pour cela de prévoir un mécanisme suffisamment contraignant.

A l'article 3 (référé-suspension de l'exécution d'une décision administrative), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que le juge du fond se prononce dans les meilleurs délais. M. René Garrec, rapporteur, a indiqué qu'il s'agissait de se rapprocher de la position de l'Assemblée nationale, qui avait supprimé l'ajout du Sénat, selon lequel le juge statue dans le délai d'un an sur les demandes d'annulation lorsque la suspension a été accordée.

A l'article 4 (référé-injonction), la commission a adopté un amendement reprenant la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, mais sans mentionner dans la loi la théorie jurisprudentielle de la voie de fait. M. René Garrec, rapporteur, a indiqué que cet amendement supprimait le second alinéa donnant intérêt à agir au préfet, et ajoutait que le juge du référé-injonction statuait en quarante-huit heures en première instance, par analogie avec le " sursis d'extrême urgence " demandé par le préfet contre les actes des collectivités locales susceptibles de compromettre une liberté publique ou individuelle.

M. Pierre Fauchon a tenu à rappeler que le référé-injonction ne faisait pas obstacle à l'application, par les juridictions judiciaires, de la théorie de la voie de fait et ne remettait pas en cause leur compétence en matière de protection de la liberté individuelle.

M. René Garrec, rapporteur, a répondu que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale avait le mérite de ne pas faire référence à une qualification jurisprudentielle dans la loi et répondait à cette préoccupation, dans la mesure où le référé-injonction ne pouvait être prononcé que dans les cas où l'administration agirait dans l'exercice d'un des pouvoirs qui lui sont légalement reconnus.

M. Jacques Larché, président, a considéré que l'article 4 ne modifiait pas la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction et que la qualification de " voie de fait " n'avait aucune portée normative en elle-même, le juge devant vérifier si l'administration avait porté atteinte à une liberté fondamentale et si la décision en cause était manifestement insusceptible de se rattacher à l'exercice d'un pouvoir qui lui est légalement reconnu.

A l'article 7 (procédure contradictoire, audience publique, juge unique), la commission a adopté un amendement tendant à obliger le juge administratif à organiser un référé à date fixe, calqué sur l'article 485 du nouveau code de procédure civile, l'assignation à comparaître à heure indiquée pouvant être accordée par le juge à la demande des parties. M. Jacques Larché, président, a indiqué qu'il ne se contenterait pas d'une réponse du Gouvernement tendant à affirmer que la création d'un référé à heure indiquée serait de nature réglementaire.

La commission a de plus adopté un amendement rétablissant la position adoptée par le Sénat en première lecture, confiant l'appel du référé-injonction au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, alors que l'Assemblée nationale avait préféré la compétence des cours administratives d'appel.

A l'article 16 (suspensions de droit dans le domaine de la protection de l'environnement), la commission a adopté un amendement rétablissant la position adoptée par le Sénat en première lecture. MM. Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Schosteck n'ont en effet pas jugé souhaitable de prévoir la suspension automatique de la décision d'urbanisme en cas d'insuffisance simple de l'étude d'impact requise.

A l'article 17 (suspension des actes des fédérations sportives), la commission a adopté un amendement rétablissant la position adoptée par le Sénat en première lecture tendant à maintenir la procédure spécifique en vigueur.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 17 bis (appel des décisions du juge des référés devant le président de la cour administrative d'appel), par coordination avec la solution adoptée à l'article 7.

A l'article 17 ter (recours administratif préalable pour les fonctionnaires), la commission a adopté un amendement tendant à inclure les militaires dans le champ d'application de cet article.

A l'article 18 (abrogations) et à l'article 19 (application outre-mer), la commission a adopté deux amendements de coordination avec la solution retenue à l'article 17.

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

Ventes publiques - Ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques - Examen du rapport en deuxième lecture

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport, en deuxième lecture, de M. Luc Dejoie sur le projet de loi n° 156 (1999-2000), modifié par l'Assemblée nationale, portant réglementation des ventes volontaires de meubles par nature aux enchères publiques.

En préambule, M. Jacques Larché, président, a indiqué que ce projet de loi, de retour au Sénat pour une seconde lecture, avait pour objet de supprimer le monopole des commissaires-priseurs qui deviendraient des commerçants, et d'instaurer une liberté d'installation pour l'exercice de l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, ce qui aurait dû conduire, dans son esprit, à une réglementation réduite au strict nécessaire.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a également rappelé que ce projet de loi tendait à la suppression du monopole des commissaires-priseurs, afin de mettre la réglementation française en conformité avec le droit communautaire. Il a cependant souligné que le projet de loi initial prévoyait une réglementation contraignante, qui apparaissait incompatible avec la nécessité de permettre aux commissaires-priseurs de s'adapter dans des conditions satisfaisantes à la concurrence européenne, ce qui avait amené le Sénat à rechercher une plus grande libéralisation et une simplification de la future organisation des ventes.

Le rapporteur a ensuite constaté que l'Assemblée nationale était revenue à la rédaction initiale du projet de loi sur les dispositions les plus importantes modifiées par le Sénat.

Il a enfin annoncé qu'il proposerait le retour au texte adopté par le Sénat en première lecture pour l'essentiel des dispositions restant en navette.

M. Jacques Larché, président, a fait observer que le projet de loi ne permettrait pas de régler les problèmes posés par les distorsions de concurrence résultant de l'existence d'une fiscalité plus lourde sur le marché de l'art français que sur les principaux marchés de l'art concurrents.

M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, a déclaré qu'il avait travaillé en étroite liaison avec le rapporteur de la commission des lois, et qu'en accord avec ce dernier, il proposerait de rétablir les amendements adoptés par le Sénat en première lecture au sujet du fondement de l'indemnisation des commissaires-priseurs, et de la fixation du montant de l'indemnité qui leur serait versée.

S'agissant des dispositions fiscales introduites par le Sénat en première lecture à l'initiative de la commission des finances, il a expliqué que le problème de la neutralité fiscale des restructurations imposées par la réforme avait pour l'essentiel été réglé par la loi de finances rectificative pour 1999, la question particulière de la neutralité fiscale de la transformation de Drouot ayant par ailleurs fait l'objet d'un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat en première lecture. Il a précisé qu'en conséquence restait seul en suspens le régime fiscal applicable aux indemnités versées aux commissaires-priseurs, et qu'il proposerait à la commission des finances d'adopter un amendement sur ce point.

Enfin, le rapporteur pour avis a évoqué l'éventualité d'un recours au Conseil constitutionnel sur les dispositions relatives à l'indemnisation des commissaires-priseurs si l'Assemblée nationale n'acceptait pas de modifier la rédaction initiale du projet de loi sur ces dispositions.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a par ailleurs relevé que l'Assemblée nationale avait accepté la suppression de la taxe sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques prévue par le projet de loi initial pour financer l'indemnisation des commissaires-priseurs.

Puis la commission a examiné les amendements proposés par le rapporteur.

Elle a tout d'abord adopté un amendement tendant à rétablir l'intitulé initial du projet de loi en supprimant la mention selon laquelle celui-ci s'appliquerait aux ventes de meubles " par nature ". M. Luc Dejoie, rapporteur, a en effet fait valoir que cette mention alourdissait inutilement l'intitulé du projet de loi.

La commission a de même rétabli l'intitulé initial du chapitre premier en y supprimant une mention identique.

Elle a rétabli l'article 2 bis (ventes réalisées à distance par voie électronique) introduit par le Sénat en première lecture afin de soumettre explicitement les ventes aux enchères réalisées à distance par voie électronique aux dispositions du présent projet de loi.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a expliqué que l'Assemblée nationale avait supprimé cet article, préférant renvoyer cette question à une réflexion ultérieure. Il a cependant estimé qu'il n'était pas souhaitable de laisser perdurer l'incertitude relative au régime juridique applicable à ces ventes, qui serait susceptible d'entraîner des dérives de toute nature. Il a néanmoins ajouté que des adaptations aux spécificités des ventes sur Internet pourraient le cas échéant être mises au point ultérieurement dans le cadre d'un texte spécifique sur ce sujet.

M. Jacques Larché, président, a constaté que l'amendement proposé par le rapporteur aboutirait à réserver la possibilité de réaliser des ventes aux enchères sur Internet aux sociétés de ventes appelées à se substituer aux commissaires-priseurs. Il s'est interrogé sur les moyens de constater les infractions à cette réglementation.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a estimé que les professionnels saisiraient les juridictions afin de faire respecter la réglementation.

M. René-Georges Laurin a souligné que les ventes sur Internet poseraient des problèmes de garanties et de preuve.

M. Jacques Larché, président, a considéré que l'adoption de l'amendement constituerait un " coup de semonce " d'efficacité limitée, s'interrogeant notamment sur le caractère public des ventes aux enchères sur Internet et sur l'applicabilité, à ces ventes, du principe de l'interdiction d'achat pour revente posé par le projet de loi. Il a souhaité que le rapporteur questionne le Gouvernement sur les problèmes posés par les ventes aux enchères sur Internet au cours du débat en séance publique.

M. Guy Allouche s'est demandé comment on pourrait authentifier l'existence d'un bien mis en vente sur un site Internet.

Après avoir précisé que les ventes sur Internet étaient accessibles à tous et devaient donc être considérées comme publiques, M. Luc Dejoie, rapporteur, a souligné que si l'on ne prévoyait aucune disposition spécifique dans la loi, aucune règle ne pourrait être appliquée aux ventes aux enchères sur Internet.

A l'article 6 (locaux de ventes), la commission a adopté un amendement de coordination tendant à préciser qu'une société de ventes devrait aviser le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques avant de réaliser une vente aux enchères sur Internet.

A l'article 8 (vente de gré à gré d'un bien déclaré non adjugé à l'issue des enchères), elle a adopté un amendement tendant à rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture en prévoyant, d'une part, que le dernier enchérisseur devrait être informé s'il était connu afin d'éviter qu'il ne soit lésé et, d'autre part, qu'en l'absence totale d'enchère le bien déclaré non adjugé ne pourrait être ensuite vendu à l'amiable à un prix inférieur à la mise à prix.

A l'article 11 (prix garanti), après les observations de MM. Luc Dejoie, rapporteur, Pierre Fauchon, Lucien Lanier et René-Georges Laurin, elle a adopté un amendement tendant à rétablir le dispositif adopté par le Sénat en première lecture, afin de prévoir que la société de ventes serait déclarée adjudicataire au prix garanti si ce prix n'était pas atteint au cours de la vente aux enchères et qu'elle pourrait ensuite revendre ce bien aux enchères publiques, en précisant toutefois qu'il faudrait alors faire mention de l'appartenance du bien à la société dans la publicité. Le rapporteur a expliqué que cet amendement tendait à supprimer l'intervention d'un organisme d'assurance ou d'un établissement de crédit lorsque la société de ventes souhaite garantir un prix d'adjudication minimal au vendeur, cette disposition prévue par le projet de loi initial et rétablie par l'Assemblée nationale risquant de se révéler difficile à appliquer dans la pratique.

A l'article 12 (avances consenties au vendeur), la commission a également rétabli le texte adopté par le Sénat en première lecture, en supprimant l'exigence d'une garantie des avances par un organisme d'assurance ou un établissement de crédit.

A l'article 14 (sanctions pénales de l'organisation de ventes aux enchères sans agrément), elle a adopté un amendement tendant à étendre les sanctions pénales prévues par cet article aux ressortissants européens qui ne respecteraient pas la réglementation applicable à l'exercice occasionnel de l'activité de ventes aux enchères publiques au titre de la libre prestation de services. M. Luc Dejoie, rapporteur, a en effet estimé que les ressortissants européens devraient encourir les mêmes sanctions que les ressortissants nationaux.

Par ailleurs, il a précisé à l'attention de M. Lucien Lanier que le projet de loi ne s'appliquerait pas aux braderies, car celles-ci ne constituaient pas des ventes aux enchères.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 16, afin de prévoir que le conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques et la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires assureraient conjointement l'organisation de la formation professionnelle en vue de l'obtention de la qualification requise pour diriger les ventes.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a précisé que cet amendement avait pour objet d'assurer le maintien de la formation professionnelle actuellement assurée par la chambre nationale des commissaires-priseurs.

M. Jacques Larché, président, a fait observer que nonobstant la suppression du monopole, le projet de loi ne prévoyait pas une véritable liberté d'établissement, puisque l'exigence d'une qualification professionnelle était maintenue. Il a fait part de ses préoccupations quant à la possibilité pour les professionnels français de lutter efficacement contre la concurrence de Sotheby's et de Christie's.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a rappelé que la réforme du régime juridique des ventes aux enchères prévue par le projet de loi avait justement pour origine une plainte déposée par la société Sotheby's à l'encontre de la France devant la Commission européenne. Il a néanmoins estimé que le Gouvernement français aurait pu argumenter en faveur du maintien du régime actuel, dans la mesure où les commissaires-priseurs réalisaient des actes authentiques et détenaient une parcelle de l'autorité publique.

M. René-Georges Laurin a souligné que les professionnels français seraient handicapés, face à la concurrence des maisons de ventes anglo-saxonnes, par une fiscalité plus lourde et par une réglementation et des contrôles plus stricts qu'à l'étranger.

M. Yann Gaillard, rapporteur pour avis, a rappelé que ce projet de loi -que l'on pourrait baptiser loi " Sotheby's "- avait été imposé aux autorités françaises par la Commission européenne, car le monopole des commissaires-priseurs n'était pas conforme au droit communautaire. Il a par ailleurs évoqué la position de certains professionnels, pour qui il faudrait être moins réglementariste pour permettre aux professionnels français d'affronter la concurrence des pratiques commerciales de Sotheby's et Christie's.

M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur l'opportunité de maintenir le principe de l'interdiction de l'achat pour revente posé par l'article 3, se déclarant partisan d'une plus grande libéralisation de l'organisation des ventes et soulignant l'attitude peu constructive de l'Assemblée nationale, qui avait rejeté la plupart des assouplissements proposés par le Sénat.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a considéré qu'il fallait garantir la neutralité des sociétés de ventes, rappelant que les professionnels étaient eux-mêmes réservés sur une éventuelle autorisation de l'achat pour revente, et que l'article 3 admettait déjà, à certaines conditions, des exceptions à l'interdiction faite aux sociétés de ventes de vendre des biens leur appartenant.

M. René-Georges Laurin a en outre rappelé qu'une autorisation de l'achat pour revente serait contraire aux traditions de la profession.

A l'article 18 (composition du conseil des ventes), la commission a adopté un amendement tendant à revenir à la composition retenue par le Sénat en première lecture, à savoir cinq personnes qualifiées nommées par le garde des sceaux et six représentants élus des professionnels dont deux experts. M. Luc Dejoie, rapporteur, a indiqué que cet amendement avait pour objet d'assurer une majorité au profit des représentants des professionnels.

M. Jacques Larché, président, s'est cependant interrogé sur la présence de personnes nommées par le Gouvernement ainsi que, plus généralement, sur le rôle du conseil des ventes.

M. René-Georges Laurin a fait observer qu'il serait appelé à assurer les missions actuellement remplies par les chambres de discipline des commissaires-priseurs.

A l'article 29 (spécialités des experts agréés), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer le plafonnement du nombre des spécialités pour l'inscription des experts agréés. M. Luc Dejoie, rapporteur, a en effet estimé qu'une telle réglementation serait inutile car il appartenait au conseil des ventes d'apprécier au cas par cas la compétence de chaque expert.

Approuvant ce propos, M. Jean-Jacques Hyest s'est interrogé sur la définition du champ d'une spécialité.

M. Jacques Larché, président, a déclaré que la limitation du nombre de spécialités prévue par le projet de loi pourrait être comparée à l'interdiction faite à un interprète de parler plus de deux langues.

M. René-Georges Laurin a considéré que cette réglementation pourrait conduire à écarter de l'agrément certains experts.

En revanche, Mme Dinah Derycke a estimé qu'un véritable spécialiste ne pouvait pas être compétent dans de nombreuses spécialités.

A l'article 33 (radiation d'un expert agréé), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer une précision introduite par l'Assemblée nationale selon laquelle le conseil des ventes ne pourrait prononcer le retrait de l'agrément d'un expert qu'après avoir mis l'intéressé en demeure de présenter ses observations. M. Luc Dejoie, rapporteur, a expliqué que cette précision, certes opportune sur le fond, apparaissait néanmoins redondante, car déjà prévue à l'article 19.

A l'article 35 (principe et fondement de l'indemnisation des commissaires-priseurs), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les commissaires-priseurs seraient indemnisés en raison de la perte du droit de présentation de leur successeur et de la suppression de leur monopole en matière de vente volontaire de meubles aux enchères publiques.

Précisant que cet amendement tendait à rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture, M. Luc Dejoie, rapporteur, a estimé que les commissaires-priseurs devaient être indemnisés sur le fondement de l'expropriation, et non d'une rupture d'égalité devant les charges publiques. A ce sujet, il a réfuté l'argumentation du Gouvernement, selon laquelle le droit de présentation ne constituerait pas un droit de propriété, car sa cession était soumise à l'agrément du garde des sceaux. Il a en effet précisé d'une part, que l'agrément du garde des sceaux portait en fait sur le choix du successeur du commissaire-priseur et d'autre part, que dans de nombreux cas, la vente d'un bien était soumise à un agrément ou à des conditions indépendantes de la volonté du propriétaire, sans que soit contestée la nature du droit de propriété.

Le rapporteur a admis la possibilité pour le Gouvernement de décider la suppression du monopole, à condition toutefois d'indemniser les commissaires-priseurs conformément aux principes constitutionnels. A cet égard, il a émis des doutes sur la constitutionnalité du dispositif d'indemnisation forfaitaire proposé par le Gouvernement.

MM. Lucien Lanier et Pierre Fauchon ont approuvé l'analyse du rapporteur sur la valeur patrimoniale du droit de présentation, M. Jacques Larché, président, ayant rappelé qu'il s'agissait d'un droit de présentation du successeur.

A l'article 36 (estimation de la valeur de l'office liée à l'activité de ventes volontaires), la commission a adopté un amendement tendant à retenir les cinq derniers exercices connus comme période de référence pour le calcul de la valeur des offices servant de base à l'indemnisation.

A l'article 37 (fixation du montant de l'indemnité), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que le préjudice indemnisé serait évalué sur la base de la valeur de l'office déterminée à l'article 36, en tenant compte de la valeur des éléments d'actifs incorporels de nature à être cédés par le titulaire de l'office en cas de cessation de son activité de ventes volontaires, tout en laissant aux commissaires-priseurs la faculté d'opter pour une indemnisation forfaitaire fixée à 50 % de la valeur déterminée à l'article 36.

M. Luc Dejoie, rapporteur, a expliqué que cet amendement tendait à rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture et qu'il offrait aux commissaires-priseurs le choix entre une indemnisation forfaitaire et une indemnisation de la valeur réelle du préjudice, ce qui permettait, à ses yeux, d'écarter le risque d'inconstitutionnalité.

A l'article 43 (commission nationale d'indemnisation), la commission a adopté un amendement tendant à rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture afin de préciser que la commission d'indemnisation serait présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire, et comprendrait, en nombre égal, des représentants des commissaires-priseurs et des personnes qualifiées désignées par le garde des sceaux. Elle a en outre adopté un amendement précisant que les décisions de la commission pourraient faire l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris.

M. Jacques Larché, président, a souligné que ce dernier amendement se situait dans la logique de la position prise par la commission sur le fondement de l'indemnisation en confiant son contentieux au juge judiciaire, traditionnellement compétent en matière d'expropriation, et qu'il permettrait d'assurer une unité de jurisprudence sur ce sujet.

Puis la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 48 afin de prévoir que pour la constitution initiale du conseil des ventes, les représentants des professionnels seraient désignés par le garde des sceaux sur proposition de la chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires. M. Luc Dejoie, rapporteur, a expliqué que les difficultés d'organisation d'une élection des représentants des professionnels pour la constitution initiale du conseil des ventes rendaient nécessaire une disposition transitoire.

A l'article 52 (maintien de certains régimes particuliers de ventes aux enchères publiques), la commission a adopté un amendement tendant à permettre aux services des douanes de faire appel à des sociétés de ventes pour réaliser des ventes aux enchères, à l'instar du dispositif déjà prévu par cet article s'agissant des ventes domaniales.

Par ailleurs, M. René-Georges Laurin a rappelé le régime spécifique applicable aux ventes du Crédit municipal.

Enfin, à l'article 56 (abrogations), M. Luc Dejoie, rapporteur, a proposé d'abroger des dispositions tombées en désuétude relatives au costume des commissaires-priseurs figurant à l'article 8 de l'ordonnance du 26 juin 1816. Après un débat auquel ont participé M. Patrice Gélard, M. Luc Dejoie, rapporteur et M. Jacques Larché, président, la commission n'a pas retenu l'amendement proposé par le rapporteur.

La commission a ensuite adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

Mission d'information - Marée noire provoquée par le naufrage du navire " Erika "

Puis la commission a décidé le principe de la création d'une mission d'information à la suite de la récente marée noire provoquée par le naufrage du navire " Erika ".

Après un échange de vues auquel ont participé MM. Jacques Larché, président, Pierre Fauchon, Guy Allouche, Jean-Pierre Schosteck, Luc Dejoie et Patrice Gélard, elle a souhaité que cette mission, éventuellement commune avec d'autres commissions, ait pour objet d'examiner l'ensemble des questions liées à ce type d'accident, tant sur le plan de la sécurité que sur celui de la responsabilité, et de proposer les améliorations concernant la réglementation applicable au niveau national, européen et international.

Parité - Audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur

Au cours d'une deuxième séance, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur les textes de la parité :

- projet de loi organique n° 193 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats de membre des assemblées de province et du congrès de la Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;

- projet de loi n° 192 (1999-2000), adopté par l'Assemblée nationale en première lecture après déclaration d'urgence, tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, après avoir rappelé que les Françaises, qui disposaient du droit de vote depuis 55 ans et représentaient 53% du corps électoral et 44% de la population active, ne constituaient que 10% des députés, 6% des sénateurs, 8% des maires et 6% des conseillers généraux, a déclaré que les projets de loi avaient pour but d'ancrer dans la réalité le principe de parité, dans le prolongement de la réforme constitutionnelle du 28 juin 1999.

Il a indiqué que la parité serait mise en oeuvre dès le prochain renouvellement pour tous les scrutins de liste. S'agissant des élections législatives, dont le mode de scrutin, conformément aux engagements du Premier ministre, ne serait pas modifié, il a déclaré que des pénalités financières seraient appliquées, dans le cadre de l'aide publique, aux partis qui ne présenteraient pas un nombre égal de candidats et de candidates.

Soulignant que les projets de loi avaient été adoptés à la quasi-unanimité à l'Assemblée nationale, il a indiqué qu'ils participaient à la démarche de renforcement et de refondation de notre démocratie, au même titre que les projets de loi sur le cumul des mandats, le scrutin sénatorial ou la modification du nombre des sénateurs.

Estimant que des assemblées comportant si peu de femmes ne pouvaient être considérées comme légitimes, il a jugé nécessaire d'en renouveler la composition.

Il a souligné que la mise en oeuvre de la parité ne remettait pas en cause les principes républicains de l'universalisme et de l'égalité, ne pouvant s'analyser ni comme la mise en oeuvre de quotas, à laquelle la commission des lois du Sénat s'était d'ailleurs montrée opposée, ni comme une ouverture vers une représentation obligatoire des minorités, les femmes, complémentaires des hommes au sein de l'humanité, ne pouvant être considérées comme une catégorie.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a noté que, conformément aux principes constitutionnels, la responsabilité première de la mise en oeuvre de la parité reviendrait aux partis.

S'agissant des élections législatives, il a souligné qu'un dispositif de pénalisation avait été préféré à un dispositif d'incitation, indiquant que lorsque, pour un parti, l'écart entre le pourcentage de ses candidats de chaque sexe dépasserait 2%, la première fraction de l'aide publique lui revenant serait diminuée d'un pourcentage égal à la moitié de cet écart.

Insistant sur la volonté de simplicité, de pragmatisme et de souplesse du Gouvernement pour mettre en oeuvre une réforme qu'il a qualifiée de révolution, M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que le texte initial imposait un nombre de candidats masculins et féminins pour tous les scrutins de liste, laissant le soin au corps électoral de sanctionner lui-même, le cas échéant, les formations qui inscriraient délibérément les candidates en fin de liste.

Se montrant persuadé qu'il fallait faire confiance aux partis, il a observé que l'Assemblée nationale avait préféré, quant à elle, instaurer la parité par tranche de 6 candidats pour les scrutins à deux tours et une stricte alternance des candidats et candidates pour les scrutins à un tour. Il s'est déclaré réservé sur l'institution de telles listes qualifiées de listes " chabada " ou, selon ses propres termes, de listes " tic-tac ", mais il a néanmoins pris acte de dispositions adoptées par l'Assemblée nationale à une très large majorité.

Il a également considéré que l'abaissement opéré par l'Assemblée nationale aux communes de plus de 2.000 habitants du seuil d'application du texte engendrerait un alourdissement des conditions d'organisation du scrutin municipal dans les quelque 2.000 communes concernées, représentant près de 9% de la population.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a souligné en conclusion son souci d'équilibre, de souplesse et de pragmatisme, dans l'intérêt même du succès d'une réforme approuvée par delà des clivages politiques traditionnels.

M. Jacques Larché, président, après avoir rappelé que la loi constitutionnelle adoptée par le Congrès dans la rédaction du Sénat prévoyait que la loi devait favoriser l'égal accès des hommes et des femmes à la vie politique, s'est demandé si le texte transmis par l'Assemblée nationale n'allait pas au-delà du cadre ainsi fixé, en imposant plus qu'en favorisant la parité, le Conseil constitutionnel pouvant être amené à se prononcer sur la question.

M. Guy Cabanel, rapporteur, a considéré que, si le projet de loi initial respectait l'esprit de la révision constitutionnelle, il n'en était pas de même du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, sur lequel le ministre de l'intérieur avait d'ailleurs paru manifester une certaine réserve.

Après avoir rappelé que le Premier ministre et le ministre de l'intérieur s'étaient engagés lors des débats sur la révision constitutionnelle à ne pas modifier les modes de scrutin, il a indiqué que l'abaissement opéré par l'Assemblée nationale du seuil d'application du scrutin proportionnel pour les élections municipales pourrait avoir d'importantes conséquences, notamment sur le scrutin sénatorial.

M. Guy Cabanel, rapporteur, a en outre regretté le caractère très contraignant du dispositif adopté par l'Assemblée nationale concernant l'élection des sénateurs.

M. Patrice Gélard a considéré que le projet de loi initial était acceptable. Soulignant néanmoins que le mal à guérir résidait en fait dans une absence d'égalité des chances entre les hommes et les femmes, il a estimé qu'il aurait été plus approprié de prendre en amont des mesures économiques et sociales permettant un meilleur accès des femmes à la vie politique.

Il a en revanche jugé que le texte transmis par l'Assemblée nationale constituait une dérive au regard des dispositions constitutionnelles.

Il a fait part de sa crainte que la loi sur la parité ne renforce l'abstentionnisme d'électeurs qui se verraient imposer des choix, observant au demeurant que seul le scrutin majoritaire permettait à l'électeur d'exercer un libre choix.

Afin de ne pas perpétuer un dispositif quelque peu contraire aux grands principes républicains, il s'est interrogé sur la possibilité de donner un caractère temporaire à la loi en prévoyant sa caducité au 31 décembre 2009, une fois intervenues deux élections de chaque type et un renouvellement complet du Sénat.

M. Patrice Gélard a souligné que les députés n'étaient pas directement concernés par le texte, le rattachement de candidats à un parti politique pouvant intervenir sans aucune pénalité à l'issue des élections.

Il s'est enfin demandé si, sous peine de porter atteinte à la liberté de choix des élus, il convenait d'appliquer le principe de la parité à des élections indirectes quand le premier degré était déjà concerné.

M. Jean-Jacques Hyest a souligné que l'abaissement de 3.500 à 2.000 habitants du seuil d'application de la proportionnelle pour les élections municipales était contraire à l'engagement pris par le Premier ministre de ne pas modifier les modes de scrutin. Insistant sur la difficulté de renouveler brutalement les personnels politiques en place, il a au demeurant critiqué cette mesure décidée à Paris en méconnaissance des réalités du terrain.

Mme Dinah Derycke s'est félicitée de la rapidité de mise en oeuvre concrète de la réforme constitutionnelle.

Elle a indiqué que l'engagement pris par le Premier ministre de ne pas modifier les modes de scrutin visait, dans son esprit, les élections législatives et cantonales.

Regrettant que la parité ne s'applique pas aux élections cantonales et aux structures intercommunales, elle s'est déclarée satisfaite du dispositif de sanction financière proposé pour les élections législatives.

S'agissant de la liberté de choix des électeurs, elle a indiqué qu'en l'absence de système préférentiel tel qu'appliqué dans d'autres pays européens, cette liberté était de toute façon très limitée, le choix étant en fait imposé par les appareils politiques.

Considérant qu'il convenait de mettre fin à la distorsion constatée entre les principes et la réalité, Mme Dinah Derycke s'est déclarée favorable à la détermination sur les listes électorales de tranches imposant la parité ou à la stricte alternance des candidats masculins et féminins, estimant, qu'en l'absence d'un tel dispositif, les partis, même sans cantonner systématiquement les femmes en fin de liste, ne leur accorderaient pas suffisamment de places en rang utile pour aboutir à une véritable parité.

Se félicitant de ce qu'il permettrait à une plus grande partie de la population de bénéficier de l'application de la parité, elle s'est également déclarée favorable à l'abaissement du seuil d'application de la proportionnelle pour les élections municipales.

Estimant en conclusion que la parité était un élément important de modernisation de la vie politique, elle a en outre appelé de ses voeux un statut de l'élu favorisant l'accès de tous à la vie politique.

M. Henri de Richemont, après s'être déclaré surpris des propos du ministre concernant l'absence de légitimité actuelle des élus, a insisté sur l'extrême difficulté qu'il y aurait dans les petites communes pour inscrire un nombre suffisant de femmes sur les listes. Il a en outre estimé que les contraintes engendrées par le texte transmis par l'Assemblée nationale dépassaient le cadre de la révision constitutionnelle.

M. Lucien Lanier a considéré que ce texte serait difficilement applicable outre mer, notamment au regard du droit coutumier.

En réponse aux orateurs, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a considéré que le projet de loi initial présentait une certaine souplesse, de manière à favoriser l'accès des femmes à la vie politique.

Il a convenu que l'abaissement du seuil d'application de la proportionnelle aux élections municipales opéré par l'Assemblée nationale engendrerait une certaine lourdeur, notamment l'obligation de la commission de propagande pour les communes de 2.000 à 2.500 habitants. Il s'est déclaré de ce fait ouvert à un relèvement du seuil à 2.500 habitants, après avoir rappelé que les 1.042 communes de 2.000 à 2.500 habitants représentaient 5,2% de la population et celles de 2.000 à 3.500 habitants, 8,6 %.

En réponse à M. Patrice Gélard, M. Jean-Pierre Chevènement a considéré qu'il ne convenait pas de donner un caractère temporaire à la loi, estimant que le législateur ne pouvait pas se contraindre lui-même.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest et à M. Henri de Richemont, il a reconnu que le nécessaire remplacement des hommes en place par des femmes ne se ferait pas sans difficultés.

En réponse à Mme Dinah Derycke, il a rappelé que le statut de l'élu faisait actuellement partie des travaux de la commission présidée par M. Pierre Mauroy. Il a confirmé que l'engagement du Premier ministre de ne pas modifier les modes de scrutin s'appliquait, dans l'esprit, aux élections législatives et cantonales. Il a enfin estimé qu'il convenait de développer les structures intercommunales avant d'envisager l'application de la parité à leur instances.

En réponse à M. Lucien Lanier, il a convenu qu'il pourrait être souhaitable de tenir compte des spécificités des territoires d'outre-mer.

En conclusion, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a estimé que, tout en gardant une certaine souplesse, il apparaissait nécessaire de mettre en place un dispositif coercitif pour obtenir un renouvellement de la classe politique permettant d'aboutir à une parité réelle.

M. Jacques Larché, président, ayant souligné la différence existant entre un dispositif de nature à favoriser la parité et un dispositif coercitif, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a précisé que la loi, par nature, était coercitive.

Parité - Audition de M. Jacques Pélissard et de Mme Catherine Guy-Quint, membre de l'Association des maires de France

Au cours d'une troisième séance tenue l'après-midi, la commission a procédé à l'audition des personnes suivantes sur la parité :

- M. Jacques Pélissard et Mme Catherine Guy-Quint, membres du bureau de l'Association des Maires de France ;

- Mme Nicole Ameline, représentante de l'Association des Régions de France ;

- M. René Vacquier, Président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

M. Jacques Pélissard a tout d'abord indiqué qu'il était député et vice-président de l'Association des Maires de France (AMF). Il a souligné que l'AMF n'avait pas de position univoque à propos de la parité, mais qu'elle était globalement favorable à une augmentation de la présence féminine au sein des conseils municipaux. Il a fait valoir, qu'à titre personnel, il était favorable au principe de la parité entre hommes et femmes.

M. Jacques Pélissard a ensuite souligné que le Bureau de l'AMF était majoritairement opposé à l'abaissement de 3.500 à 2.000  du seuil de population à partir duquel les élections municipales se déroulent à la proportionnelle. Il a rappelé que le Premier ministre s'était engagé, à l'occasion de la révision constitutionnelle sur la parité, à ce que cette réforme ne soit pas un prétexte à une modification du mode de scrutin. Il a indiqué que cette position avait été défendue par tous les juristes entendus par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale. Il a enfin souligné que l'abaissement du seuil, décidé par l'Assemblée nationale, aurait pour conséquence que 1.700 communes supplémentaires seraient contraintes d'appliquer strictement la parité sur les listes présentées.

M. Jacques Larché, président, a demandé si la position du Bureau de l'AMF relative à la question du seuil à partir duquel les élections municipales se déroulent à la proportionnelle avait donné lieu à une délibération.

M. Jacques Pélissard a alors indiqué qu'il n'existait pas de délibération du Bureau, mais que celui-ci était majoritairement hostile à l'abaissement du seuil. Il a souligné que les communes comptant entre 2.000 et 3.500 habitants se voyaient actuellement appliquer un mode de scrutin permettant en particulier la radiation de certains noms sur les listes.

M. Patrice Gélard a souhaité savoir s'il existait une position de l'AMF à propos de la décision de l'Assemblée nationale de prévoir que les listes présentées aux élections municipales et régionales devraient respecter la parité par tranches de six noms.

M. Jacques Pélissard a estimé que la parité par tranches de six n'avait aucune justification juridique. Il a estimé que ce choix avait été fait pour des raisons politiciennes, dans la mesure où le principe de l'alternance pure et simple entre un homme et une femme sur les listes aurait pu soulever des difficultés au moment des fusions pour le second tour.

M. Guy Allouche a fait valoir que l'obligation de parité par tranches de six candidats permettrait d'éviter que tous les candidats d'un même sexe se trouvent cantonnés en fin de liste.

M. Michel Duffour a souligné que les propos du Premier ministre concernant l'absence de modification des modes de scrutin étaient de portée générale. Il a toutefois estimé que l'abaissement du seuil à partir duquel les élections municipales se déroulent à la proportionnelle était une mesure d'importance limitée n'ayant de conséquence que pour un nombre réduit de communes.

M. Jacques Pélissard a alors indiqué que l'abaissement du seuil était à l'évidence une modification du mode de scrutin et a plaidé pour que le seuil actuel à partir duquel les élections se déroulent à la proportionnelle soit maintenu.

M. Bernard Murat a noté que l'abaissement du seuil procédait d'une méconnaissance de la situation des communes rurales. Il a fait valoir que le mode de scrutin actuel appliqué dans les petites communes, qui permet la radiation de certains noms, s'expliquait par le fait que la plupart des gens se connaissaient très bien. Il a estimé que dans ces communes, il serait très difficile de trouver suffisamment de femmes pour appliquer l'obligation de respecter la parité sur chaque liste.

Mme Dinah Derycke a indiqué que les communes comprenant entre 2.000 et 3.500 habitants n'étaient pas toutes des communes rurales mais qu'il en existait également à proximité immédiate de grandes agglomérations. Elle a estimé que ces communes étaient parfois des villes-dortoirs où les gens ne se connaissaient pas entre centre ancien et ensembles immobiliers nouveaux.

Mme Catherine Guy-Quint a tout d'abord indiqué qu'elle était maire de Cournon et députée européenne. Elle a souligné que la parité ne pouvait être réduite à une question de seuil et que la difficulté de trouver des femmes candidates aux élections serait aussi grande dans les communes de 3.500 habitants que dans les communes de 2.000. Elle a estimé que la loi sur la parité permettrait de mettre fin à certaines pratiques ancestrales et favoriserait l'accès des femmes aux mandats, jusqu'alors limité, notamment à cause de l'attitude négative des hommes. Elle a fait valoir que le Bureau de l'AMF s'était certes prononcé contre l'abaissement du seuil à partir duquel les élections municipales se déroulent à la proportionnelle, mais que ce Bureau comportait 3 femmes sur 30 membres. Elle a enfin observé que la pratique politique était profondément améliorée dans les conseils municipaux comportant un nombre élevé de femmes.

M. Bernard Murat a indiqué que le conseil municipal de sa commune de Brive-la-Gaillarde était composé pour moitié de femmes sans qu'il ait observé une modification de la pratique politique. Il a estimé que l'obligation de respecter la parité poserait des problèmes insolubles dans les communes comptant entre 2.000 et 3.500 habitants.

M. Jacques Pélissard s'est à nouveau déclaré hostile à l'abaissement du seuil et a indiqué qu'il était en revanche favorable à une alternance pure et simple entre hommes et femmes sur les listes dans les communes comportant plus de 3.500 habitants.

M. Patrice Gélard a demandé si une étude d'impact avait été établie sur les conséquences que pourrait avoir le projet de loi, notamment en ce qui concerne les difficultés de constitution des listes dans les petites communes.

M. Guy Cabanel, rapporteur, a observé que la question du seuil de population à partir duquel les élections municipales se déroulent à la proportionnelle avait donné lieu à de nombreuses réflexions. Il a estimé difficile de modifier brusquement ce seuil à l'occasion de l'examen d'un texte traitant d'un autre sujet. Il s'est demandé si cette modification ne méritait pas une réflexion beaucoup plus approfondie.

Parité - Audition de M. René Vacquier, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

La commission a ensuite entendu M. René Vacquier, président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

M. Jacques Larché, président,
a demandé à M. René Vacquier quelles seraient les incidences du projet de loi relatif à la parité d'une part, sur le fonctionnement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, d'autre part, sur les règles que celle-ci était chargée d'appliquer.

M. René Vacquier a tout d'abord déclaré que le projet de loi sur la parité n'aurait pas d'incidence directe sur le travail de la Commission nationale des comptes de campagne, qui consistait à apprécier la validité des comptes de campagne. Il a précisé, en effet, qu'il revenait au ministère de l'intérieur de calculer le montant des aides financières publiques attribuées aux partis politiques, la Commission nationale des comptes de campagne se bornant à vérifier la sincérité des comptes et à enregistrer le dépôt des comptes d'un parti.

M. René Vacquier a cependant estimé que le projet de loi pourrait avoir une incidence indirecte sur le travail de la Commission nationale des comptes de campagne en entraînant une multiplication du nombre des candidatures. Faisant observer que rien n'interdisait à un parti de présenter des femmes dans des circonscriptions où il avait peu de chances d'obtenir des élus, il a estimé qu'il aurait été plus pertinent de calculer la pénalisation financière résultant de l'écart entre le nombre d'hommes et le nombre de femmes sur la base du nombre d'élus, plutôt que sur celle du nombre de candidats.

Rappelant qu'on avait déjà constaté un accroissement du nombre de candidatures destiné à permettre aux partis d'obtenir le bénéfice de l'aide financière, M. René Vacquier a évalué à 25 ou 30 % l'accroissement du nombre des candidatures qui serait entraîné par la nouvelle loi sur la parité. Il a précisé qu'il en résulterait un surcroît de travail pour la Commission nationale des comptes de campagne, qui risquait de se trouver placée, de ce fait, dans une situation difficile.

Il a en outre indiqué que la moitié des membres de la commission allait être renouvelée au mois d'avril prochain, alors même que la commission devait faire face à des difficultés techniques liées à la substitution d'un système Intranet à l'actuel système de télétravail informatisé sur Minitel utilisé par une cinquantaine de rapporteurs locaux.

Après avoir précisé que la commission avait vérifié environ quarante mille comptes depuis dix ans, M. René Vacquier a estimé que la nouvelle commission allait se trouver confrontée à une situation ingérable en 2001, face à la masse des comptes à vérifier.

A l'issue de cet exposé, M. Guy Cabanel, rapporteur, a interrogé M. René Vacquier sur la pertinence de l'écart de 2 % entre les candidats de chaque sexe retenu par le projet de loi pour déclencher une pénalisation financière, se demandant s'il ne s'agissait pas là d'un équilibre " trop idéalisé ".

En réponse à cette question, M. René Vacquier a estimé que l'écart retenu était un peu faible, considérant qu'un écart de 2 % n'était pas vraiment significatif alors même qu'il aurait une incidence financière très forte pour les partis. Il a en effet indiqué que si l'on avait appliqué la nouvelle législation lors des élections législatives de 1998, les grands partis auraient perdu un tiers de leurs ressources.

M. Guy Cabanel, rapporteur, a ensuite interrogé M. René Vacquier sur le problème de l'option de rattachement à un parti politique faite par le candidat lors du dépôt de sa candidature, qui lui est apparu comporter des risques d'" accommodements a posteriori ".

Rappelant qu'une partie de l'aide financière était déterminée par le rattachement des élus aux partis politiques, M. René Vacquier a estimé que des difficultés étaient susceptibles d'apparaître en raison du risque de prolifération des candidatures sous des étiquettes " divers ....". Il a par ailleurs précisé que jusqu'ici, il n'était pas obligatoire d'afficher l'appartenance politique retenue in fine dès le stade de la candidature.

M. Patrice Gélard a soulevé le problème posé par les candidats se présentant sur des listes d'union.

M. René Vacquier a alors souligné que les fusions de listes au deuxième tour suscitaient déjà des difficultés pour le calcul du montant des aides financières.

M. Patrice Gélard a par ailleurs demandé comment serait mise en oeuvre la séparation des comptes de campagne pour les candidats se présentant à la fois aux cantonales et aux municipales.

Faisant observer que le système de pénalisation financière n'était prévu que pour les élections législatives, M. Michel Duffour a souligné que les problèmes de calcul des aides financières résultant des fusions de listes n'étaient pas liés au projet de loi relatif à la parité.

M. Guy Cabanel, rapporteur et M. Jacques Larché, président, se sont interrogés sur le calcul de l'aide financière qui bénéficierait aux partis présentant beaucoup de candidats, mais obtenant peu d'élus.

M. Bernard Murat a pronostiqué qu'aux élections législatives de 2002, une multitude de députés sortants se présenteraient " en candidats libres ", ce qui risquait d'introduire un biais privant d'efficacité la nouvelle loi. Il a par ailleurs demandé à M. René Vacquier si le prochain renouvellement de la Commission nationale des comptes de campagne serait paritaire.

M. René Vacquier a alors indiqué que jusqu'ici, deux femmes avaient été membres de la commission et que les services de celle-ci étaient actuellement dirigés par un secrétaire général homme et trois chefs de service femmes.

M. Jacques Larché, président, s'est demandé comment serait appliquée la règle de parité pour les listes constituées par la fusion de deux listes paritaires présentées au premier tour.

Mme Dinah Derycke a précisé que la liste issue de la fusion devrait présenter les mêmes caractéristiques que les listes fusionnées en ce qui concerne le respect de la règle de parité, c'est-à-dire appliquer la parité par groupes de six candidats successifs sur la liste.

M. Robert Badinter ayant souhaité obtenir le détail des projections réalisées à partir des résultats des dernières élections législatives, M. René Vacquier a précisé que le coût de la pénalisation financière lié à l'application des règles prévues par le projet de loi sur la parité aurait été respectivement de 18,4 millions de francs pour le RPR, 15,6 millions de francs pour l'UDF, 15,5 millions de francs pour le Front national, 16,2 millions de francs pour le Parti communiste, 16,2 millions de francs pour le Parti socialiste et 2,3 millions de francs pour les Verts. Il a en outre indiqué que lors de ces élections, s'étaient présentés 6.359 candidats, dont 4.897 hommes ayant obtenu 21.220.000 voix, et 1.462 femmes ayant obtenu 4.088.000 voix.

Parité - Audition de Mme Nicole Ameline, représentante de l'Association des Régions de France

La commission a ensuite entendu Mme Nicole Ameline, représentante de l'Association des Régions de France.

Après avoir indiqué que l'Association des Régions de France n'avait pas formellement adopté de position commune sur le projet de loi tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, Mme Nicole Ameline a cependant observé que le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture n'emportait pas l'adhésion générale des membres de l'association, dans la mesure où il n'était conforme, ni à l'esprit de la réforme constitutionnelle relative à la parité qu'elle approuvait, ni à l'engagement pris par le Premier ministre de ne pas modifier les modes de scrutin.

Elle a souligné que l'utilisation du verbe " favoriser ", dans la Constitution, impliquait l'instauration de mécanismes d'incitation permettant de tendre vers la parité, sans traduire une obligation de réaliser immédiatement une parité stricte et mécanique.

Regrettant que l'Assemblée nationale ait abaissé de 3.500 à 2.000 habitants le seuil d'application du scrutin proportionnel pour les élections municipales, abaissement constitutif d'une modification substantielle, contraire aux engagements gouvernementaux et susceptible de se heurter en pratique à d'importantes difficultés de mise en oeuvre, elle a par ailleurs estimé acceptables le système tendant à distinguer des groupes de six candidats dans l'ordre de présentation de la liste pour les élections régionales ainsi que le dispositif de pénalisation financière sanctionnant le non-respect des règles relatives à la parité. Elle a précisé qu'un mécanisme de prime financière eût en revanche été inacceptable, car dévalorisant pour les candidates.

M. Guy Cabanel, rapporteur, ayant pris acte de l'accord exprimé par Mme Nicole Ameline au nom de l'Association des Régions de France sur les dispositions du texte concernant les élections régionales, Mme Nicole Ameline, rejetant les infléchissements introduits par l'Assemblée nationale non conformes à l'esprit de la réforme, a souhaité que la procédure de constitution des listes de candidats continue à être dominée par des principes de liberté et de responsabilité.