Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Patrice Gélard, secrétaire, puis de M. Jacques Larché, président.

Demande de saisine pour avis et nomination de rapporteur pour avis

La commission a tout d'abord décidé de demander à se saisir pour avis et désigné M. Paul Girod comme rapporteur du projet de loi n° 56 (1999-2000), modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la prise en compte du recensement général de population de 1999 pour la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Médiateur - Médiateur des enfants et inéligibilité du Médiateur des enfants - Examen des amendements

La commission a procédé à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 76 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, instituant un Médiateur des enfants, et sur la proposition de loi organique n° 77 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'inéligibilité du Médiateur des enfants.

A l'article premier (statut du Médiateur des enfants - champ de compétences - saisine directe - autosaisine), la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 19 présenté par Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi, selon laquelle le Médiateur des enfants serait une autorité indépendante. M. Christian Bonnet, rapporteur, a indiqué que cet amendement était en partie contraire à la position de la commission, plaçant le Médiateur des enfants auprès du Médiateur de la République, et en partie satisfait, la commission ayant admis que les stipulations de droit international dépourvues d'effet direct soient invoquées devant le Médiateur des enfants. Il a ajouté que la position de la commission garantissait la mise en oeuvre rapide, souhaitée par le Président de l'Assemblée nationale, des dispositions des présentes propositions de loi. Mme Dinah Derycke a indiqué que son groupe, qui avait réservé sa position la semaine passée, se prononçait en faveur de la création d'une autorité indépendante, facilement identifiable par les demandeurs.

A l'article premier, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 20 présenté par Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à étendre les compétences du Médiateur des enfants aux litiges d'ordre privé, cet amendement étant contraire à la position de la commission, à l'intention des rédacteurs de la proposition de loi et à la position de l'Assemblée nationale. M. Christian Bonnet, rapporteur, a estimé que la médiation concernant les litiges d'ordre privé existait déjà, notamment en matière civile et pénale. Il a ajouté que ces questions devaient être réglées au plus près du terrain, et non par une autorité nationale. Mme Dinah Derycke a cité l'exemple des enfants qui, en raison de certaines pratiques de clubs sportifs, ne pouvaient exercer le sport de leur choix.

La commission a émis un avis défavorable aux amendements n°s 16 et 17 présentés par M. Robert Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à permettre au Médiateur des enfants de recevoir des réclamations collectives, ou remises par des associations de défense des droits de l'enfant. Le rapporteur a rappelé que la commission avait tenu à ce que la médiation soit demandée par un mineur y ayant directement intérêt, ou son représentant légal.

A l'article 3 (recommandations du Médiateur des enfants), la commission a estimé que l'amendement n° 21 présenté par Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à transformer en obligation la faculté pour le Médiateur des enfants de porter à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative, était satisfait par l'amendement n° 7 de la commission créant un article additionnel après l'article 3.

La commission a émis un avis favorable à l'amendement n° 22 présenté par Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à ce que le Médiateur des enfants informe le président du conseil général des affaires susceptibles de justifier une intervention du service d'aide sociale, sous réserve de le transformer en un sous-amendement à l'amendement n° 7 de la commission créant un article additionnel après l'article 3. M. Luc Dejoie a fait préciser que cette disposition ne modifiait en rien la responsabilité reconnue au président du conseil général dans l'action sociale en faveur de l'enfance par le code de la famille et de l'aide sociale.

A l'article 3, la commission a émis un avis défavorable aux amendements n°s 23 et 24 présentés par Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à ce que le Médiateur des enfants puisse formuler des propositions nouvelles, et pas seulement correctrices, de modifications législatives ou réglementaires, et puisse suggérer la transposition en droit interne de stipulations de droit international dépourvues d'effet direct. M. Christian Bonnet, rapporteur, a estimé que l'initiative législative, en particulier en matière de transposition en droit interne de normes internationales, revenait au Parlement et au Gouvernement. Mme Dinah Derycke a indiqué que le Médiateur des enfants se contentait de formuler des suggestions, qui ne privaient pas le Parlement de son pouvoir d'initiative législative. M. Nicolas About a estimé que cet amendement était satisfait par l'article additionnel après l'article 4 proposé par la commission, le Médiateur des enfants pouvant faire, dans le rapport annuel, toutes les observations et propositions qu'il jugerait utiles.

La commission a émis un avis défavorable, par coordination, aux amendements n°s 25 et 26 présentés par Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à insérer deux articles additionnels après l'article 3 afin que les organismes de droit privé soient tenus de répondre aux convocations du Médiateur des enfants et lui communiquent tous documents utiles.

A l'article 4 (promotion des droits de l'enfant - rapport annuel du Médiateur des enfants), la commission a estimé que l'amendement n° 27, présenté par Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés, tendant à ce que le rapport soit publié, était satisfait par l'amendement n° 10 de la commission, le bilan d'activité du Médiateur des enfants s'inscrivant dans le rapport public annuel du Médiateur de la République.

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 28 présenté par Mme Dinah Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés tendant à insérer un article additionnel après l'article 4 afin que les observations du Médiateur des enfants soient incluses dans le rapport que le Gouvernement, depuis 1993, doit remettre chaque année au Parlement sur l'application des droits de l'enfant. Après avoir souligné la complexité de la procédure proposée, M. Christian Bonnet, rapporteur, a souhaité interroger le Gouvernement sur le nombre de rapports remis selon cette procédure.

A l'article 7 (délégués départementaux du Médiateur des enfants), la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 18 présenté par M. Robert Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à ce que le Médiateur des enfants soit assisté de délégués départementaux. Après avoir rappelé l'existence des délégués départementaux du Médiateur de la République, M. Christian Bonnet, rapporteur, a signalé que cet amendement était contraire à la position de l'Assemblée nationale et à celle de la commission.

Professions libérales - Professions relevant du ministère de la justice, de la procédure civile et le droit comptable - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Nicolas About sur la proposition de loi n° 416 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, de la procédure civile et le droit comptable.

M. Nicolas About, rapporteur,
a tout d'abord indiqué que le texte aujourd'hui soumis au Sénat n'avait plus qu'un lointain rapport avec la proposition de loi présentée à l'origine par M. Gérard Gouzes à l'Assemblée nationale, dont les dispositions initiales, relatives à l'exercice sous forme de société unipersonnelle des professions libérales, ont été intégrées au sein de la loi du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale.

Il a ajouté que cette proposition de loi avait été considérablement enrichie au cours de son examen par l'Assemblée nationale, qui y a notamment inséré un article 2 tendant à permettre le rétablissement de la possibilité, pour les huissiers, de percevoir un droit proportionnel de recouvrement mis à la charge du créancier, par exception au principe général de mise à la charge du débiteur des frais d'exécution forcée. Il a précisé que ce droit proportionnel de recouvrement à la charge du créancier avait été instauré par les articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers mais que ceux-ci avaient été récemment annulés par un arrêt du Conseil d'Etat du 5 mai 1999.

Présentant brièvement le régime de rémunération des huissiers de justice résultant du décret du 12 décembre 1996, le rapporteur a expliqué que ce dernier avait prévu un partage des frais relatifs au recouvrement forcé des créances entre le débiteur et le créancier afin d'alléger les charges pesant sur le débiteur.

Il a précisé qu'en application de ce décret, la rémunération de l'huissier en matière d'exécution forcée comportait deux éléments principaux, à savoir d'une part, des droits fixes afférents à chaque acte, acquittés par le débiteur, et d'autre part, des droits proportionnels calculés sur les sommes recouvrées qui sont répartis entre le débiteur et le créancier, suivant des barèmes dégressifs distincts, comportant chacun un plafonnement, le droit mis à la charge du créancier étant d'un montant plus élevé que celui grevant le débiteur.

M. Nicolas About, rapporteur, a néanmoins indiqué que la contestation de la légalité des dispositions instaurant un droit de recouvrement à la charge des créanciers en matière d'exécution forcée avait conduit à l'annulation par le Conseil d'Etat des articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996, qui étaient apparus contraires au principe posé par l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, selon lequel les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur.

Il a constaté que cette annulation avait entraîné une baisse substantielle de la rémunération des huissiers, d'une ampleur difficile à estimer mais pouvant atteindre, selon la Chambre nationale des huissiers de justice, 10 à 20 % selon les études.

Le rapporteur a déclaré que l'article 2 de la proposition de loi avait pour objet de donner un fondement légal au rétablissement d'un droit proportionnel de recouvrement à la charge des créanciers et que le Gouvernement avait d'ores et déjà préparé un avant-projet de décret précisant les modalités de ce rétablissement qui comporterait trois modifications par rapport au régime antérieurement prévu par le décret de 1996, à savoir une limitation de la perception de ce droit aux hypothèses où l'huissier a reçu un mandat exprès d'effectuer un recouvrement, une diminution de moitié du plafond du droit susceptible d'être perçu et une extension des exonérations précédemment prévues en faveur des personnes morales de droit public au profit des organismes de droit privé habilités à délivrer des titres exécutoires, ainsi que des personnes agissant en vertu d'un titre exécutoire relatif à un litige prud'homal ou à une créance alimentaire.

Après avoir noté que ces nouvelles modalités tendraient à limiter sensiblement la portée du droit proportionnel mis à la charge du créancier, le rapporteur a enfin précisé qu'afin d'éviter le développement d'un important contentieux, l'article 7 de la proposition de loi prévoyait la validation des droits perçus entre décembre 1996 et mai 1999, sur le fondement des dispositions annulées par le Conseil d'Etat.

En conclusion, M. Nicolas About, rapporteur, a estimé que trois possibilités s'offraient à la commission :

- s'en tenir au principe selon lequel les frais de justice sont à la charge de la partie qui succombe, et donc, supprimer l'article 2 de la proposition de loi ;

- à l'inverse, accepter le système envisagé par le Gouvernement, et adopter l'article 2 sans modification ;

- ou encore, adopter un amendement tendant à subordonner la mise à la charge du créancier d'une partie des frais de recouvrement forcé à une appréciation, au cas par cas, du juge, lorsque celui-ci est appelé à délivrer le titre exécutoire.

Le rapporteur a en outre précisé que dans cette dernière éventualité, deux voies pouvaient être envisagées dans les hypothèses où le titre exécutoire n'aurait pas pour origine l'intervention d'un juge, à savoir soit la mise à la charge du débiteur de la totalité des frais de l'exécution forcée, soit le renvoi à un barème fixé par décret en Conseil d'Etat pour déterminer la part des frais mise à la charge du créancier.

A l'issue de cet exposé, M. Jacques Larché, président, a estimé que la solution tendant à confier au juge le soin de fixer au cas par cas l'opportunité de mettre ou non une partie des frais de l'exécution forcée à la charge du créancier apparaissait intellectuellement satisfaisante mais risquait néanmoins d'être à l'origine du développement d'un nouveau contentieux.

Après avoir souligné que la lenteur de la justice administrative avait eu pour conséquence la mise en place d'une situation de fait résultant de l'application du tarif des huissiers fixé par le décret de 1996, il s'est déclaré favorable à l'adoption sans modification de la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale.

M. Patrice Gélard a constaté que les huissiers devaient faire face à de lourdes charges financières liées au remboursement des emprunts contractés dans le cadre de l'acquisition de leurs études. Il a cependant souligné que la mission des huissiers relevait du fonctionnement général du service public de la justice et a considéré que le ministère de la justice avait choisi une solution de facilité en 1996 en faisant peser sur une catégorie particulière, en l'espèce les créanciers, une charge financière qui aurait dû incomber à la collectivité nationale.

Il a reconnu qu'il existait déjà des régimes de rémunération comparables à celui des huissiers, évoquant l'exemple des commissaires-priseurs rémunérés à la fois par l'acheteur et par le vendeur.

Il a néanmoins considéré que la perception d'un droit de recouvrement mis à la charge du créancier, d'ailleurs plus élevé que celui pesant sur le débiteur, posait des problèmes de principe et comportait des risques de dérives ultérieures. Il a évoqué, à cet égard, la situation de créanciers modestes confrontés à des débiteurs de mauvaise foi.

Il a insisté sur la responsabilité du Gouvernement dans cette affaire et a finalement annoncé qu'il ne prendrait pas part au vote sur ces dispositions.

Après avoir précisé à l'intention de M. Patrice Gélard le montant moyen des transactions relatives aux offices d'huissiers de justice, M. Luc Dejoie a estimé que le principe selon lequel il incombait au débiteur de payer les frais de l'exécution forcée pouvait être justifié par des considérations éthiques, mais que sa mise en oeuvre pratique n'était guère réaliste. Par ailleurs, il a considéré que la solution tendant à laisser au juge le soin d'apprécier au cas par cas l'opportunité de mettre une partie des frais de l'exécution forcée à la charge du créancier risquait de conduire à un alourdissement des procédures et au développement d'un nouveau contentieux.

Il a estimé que le constat de la nécessité de valider les droits perçus par le passé devait logiquement conduire à leur donner un fondement légal dans l'avenir.

En conclusion, après avoir souligné que la fixation des tarifs des officiers ministériels relevait de la responsabilité du Gouvernement et que leur élaboration dans le cadre de la commission supérieure des tarifs donnait généralement des résultats satisfaisants, il s'est déclaré favorable à une adoption sans modification des dispositions de la proposition de loi.

Mme Dinah Derycke a rappelé que la proposition de loi tendait à régulariser la situation de fait créée par l'application du tarif des huissiers résultant du décret de 1996.

Elle a estimé qu'il était préférable de faire en sorte que les créanciers recourent à des huissiers de justice, plutôt qu'à des sociétés de recouvrement privées aux méthodes contestables. Elle a par ailleurs considéré que le renvoi à une décision du juge pour fixer la part des frais de l'exécution forcée mise à la charge du créancier donnerait lieu à un nouveau contentieux.

En conclusion, elle s'est déclarée favorable, sans enthousiasme, à un vote conforme de la proposition de loi.

M. Pierre Fauchon a rappelé que la question de la rémunération des huissiers avait déjà été examinée par le Sénat à l'occasion d'un amendement déposé par le Gouvernement dans le cadre de la discussion du projet de loi tendant à renforcer l'efficacité de la procédure pénale. Il a considéré qu'il était choquant de faire payer systématiquement une partie des frais d'huissier au créancier, alors que le recouvrement avait pour origine le manquement du débiteur à ses obligations. Il a par ailleurs estimé que les huissiers ne semblaient pas se trouver actuellement dans une situation financière particulièrement difficile.

Considérant qu'une décision du juge relative à la répartition des frais de l'exécution forcée entre le créancier et le débiteur n'entraînerait pas d'alourdissement de la procédure, il s'est déclaré favorable à un amendement qui tendrait à subordonner la mise à la charge du créancier d'une part des frais de l'exécution forcée à une décision du juge lorsqu'il est à l'origine du titre exécutoire, la fixation des droits mis à la charge du créancier étant renvoyée à un barème défini par décret en Conseil d'Etat dans les autres cas.

Après avoir précisé que sa préférence personnelle irait à un système suivant lequel les frais de l'exécution forcée mis à la charge du créancier seraient fixés par une décision du juge lorsque celui-ci est à l'origine du titre exécutoire et par un barème défini en Conseil d'Etat dans les autres cas, M. Nicolas About, rapporteur, s'en est remis à la sagesse de la commission sur l'article 2 de la proposition de loi.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté l'article 2 sans modification, de même du l'article 7 qui lui est lié, M. Pierre Fauchon ayant précisé qu'il ne participait pas au vote.

Puis elle a également adopté sans modification l'article 3 prévoyant la fixation par le comité de la réglementation comptable des prescriptions comptables spécifiques aux comptes consolidés, l'article 4 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux avocats dans les grands barreaux, l'article 5 tendant à conférer force exécutoire aux transactions homologuées par le juge et enfin l'article 6 qui constitue une mesure de validation d'un concours de surveillant des services pénitentiaires, rendue nécessaire par la désignation malencontreuse d'examinateurs en dehors des membres du jury.

Sur ce dernier point, M. Jacques Larché, président, a regretté que des validations répétées de résultats de concours annulés par la juridiction administrative soient rendues inévitables par la lenteur de la justice administrative.

M. Jean-Pierre Schosteck a également déploré le recours à des mesures de validation.

Par ailleurs, M. Nicolas About, rapporteur, a précisé que dans le souci de permettre une adoption conforme de l'ensemble de la proposition de loi afin d'éviter une poursuite de la navette, il ne proposerait pas de corriger une erreur qui s'était glissée dans le texte adopté par l'Assemblée nationale à l'article 4.

La commission a alors adopté sans modifications l'ensemble de la proposition de loi.

Projet de loi de finances pour 2000 - Audition de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation

La commission a procédé à l'audition de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur les crédits de son ministère pour 2000.

En matière de réforme de l'Etat, M. Emile Zuccarelli a estimé que cette priorité du Gouvernement nécessitait l'implication des fonctionnaires afin de rendre un meilleur service aux citoyens.

Il a exposé les deux axes de la réforme de l'Etat, tendant en premier lieu à mettre le citoyen au centre de la rénovation des services publics. Il a ainsi fait part des orientations du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, des modifications apportées à la composition de la commission de modernisation des services publics, ainsi que du remplacement de la commission de simplification des formalités administratives par la Cosa, (commission de simplification administrative), intéressant les petites et moyennes entreprises. Il a ensuite établi le bilan et les perspectives d'utilisation des nouvelles technologies de l'information par les administrations, un tiers des formulaires administratifs étant déjà chargeables à partir de l'internet.

Le deuxième axe de la réforme de l'Etat consistant en l'adaptation des services à l'évolution des missions de l'Etat, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a estimé que la réforme de l'administration déconcentrée était étroitement liée à la décentralisation. Il a indiqué que les deux décrets du 20 octobre 1999 donnaient au préfet la possibilité d'arrêter l'organisation de l'ensemble des services déconcentrés relevant de son autorité, au moyen de la création d'une délégation inter-services disposant d'une délégation complète de responsabilités. Il a mis en évidence les efforts de réorganisation des administrations centrales. Puis il a remarqué que les programmes pluriannuels de modernisation, élaborés afin d'atténuer la contrainte de l'annualité budgétaire, étaient disponibles sur l'internet. Enfin, il a souligné que le programme interministériel d'évaluation des politiques publiques avait été arrêté en juillet 1999.

Dans le domaine de la fonction publique, M. Emile Zuccarelli a exposé les trois orientations du Gouvernement, à savoir la modernisation de la gestion des ressources humaines, le dialogue social, ainsi que l'aménagement et la réduction du temps de travail.

Le ministre a souhaité une individualisation de la gestion des ressources humaines. Il a insisté sur la rénovation des modes de gestion de l'encadrement supérieur, le développement de la gestion prévisionnelle de la formation continue, la revalorisation des emplois de direction des services déconcentrés, faisant valoir que 96 % des fonctionnaires de l'Etat travaillaient dans les services déconcentrés de l'Etat. Il a indiqué que la réforme de l'ENA consistait en une diversification du recrutement et une meilleure adaptation de la formation. M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a souhaité augmenter la représentation des femmes dans la haute fonction publique. Enfin, il a mis en avant l'impératif de transparence des rémunérations des fonctionnaires, une circulaire du 20 octobre 1999 imposant la publication des textes indiciaires et indemnitaires. A la demande de M. Jacques Larché, président, le ministre a fait savoir qu'il n'avait pas reçu de rapport sur l'Etat complet des indemnités des agents publics.

En matière d'aménagement et de réduction du temps de travail, M. Emile Zuccarelli a indiqué que le Gouvernement avait remis au Parlement, le 22 juin 1999, le rapport prévu par la loi du 13 juin 1998 sur la réduction du temps de travail dans les fonctions publiques. Il a souhaité que le protocole d'accord inter-fonctions publiques aboutisse à la fixation de règles générales valables pour l'ensemble de la fonction publique, afin d'en maintenir l'unité, tout en ménageant la souplesse nécessaire. M. Christian Bonnet s'est demandé si cet objectif d'uniformisation était réaliste, dans la mesure où les temps de travail effectivement constatés dans la fonction publique variaient de 26 à 50 heures hebdomadaires. M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a répondu que le protocole d'accord inter-fonctions publiques devrait contenir des définitions, en particulier celle du temps de travail, intégrer des éléments de droit communautaire, et ne pas procéder à une réduction homothétique du temps de travail.

En matière de décentralisation, le ministre a rappelé que les lois relatives à l'aménagement du territoire et à l'intercommunalité, ainsi que le projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités locales, ou encore l'installation de la commission présidée par M. Pierre Mauroy, témoignaient de l'intérêt du Gouvernement pour la décentralisation. Il a estimé qu'il n'existait, actuellement, aucun consensus sur les évolutions souhaitables du processus de décentralisation.

Puis M. Emile Zuccarelli a présenté les crédits de son ministère pour 2000, s'élevant à 1,3 milliard de francs. Rappelant que les exercices 1998 et 1999 avaient été marqués par un effort exceptionnel en matière d'action sociale interministérielle, il a considéré qu'il était plus pertinent de comparer le budget 2000 au budget 1999 hors enveloppe exceptionnelle, l'augmentation annuelle étant alors de 11 %. Il a indiqué que ces crédits étaient destinés, outre à l'action sociale, aux subventions de fonctionnement attribuées aux établissements de formation et au fonds pour la réforme de l'Etat.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis des crédits consacrés à la décentralisation, a jugé que la dépendance croissante des collectivités territoriales vis-à-vis des dotations de l'Etat entravait la libre administration de celles-ci. Il a cité en exemple la répercussion de la récente réforme de la taxe professionnelle sur les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sans fiscalité propre, la compensation étant versée aux communes, et non à l'EPCI. Il a craint que cet inconvénient ne soit injustement attribué à l'adoption de la loi relative à l'intercommunalité.

M. Daniel Hoeffel a ensuite demandé quel était l'Etat d'avancement du projet de loi relatif aux interventions économiques des collectivités territoriales.

Il a souhaité savoir quel serait le coût, pour les employeurs territoriaux, de la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale et si cette réduction était envisageable sans répercussion sur la fiscalité locale. Il a souhaité connaître les pistes envisagées par le Gouvernement pour réformer les règles relatives au cumul d'emplois dans la fonction publique. Il a interrogé le ministre sur l'impact financier de la création des maisons des services publics pour les collectivités locales. Enfin, il a évoqué la réforme de l'ENA, demandant quel était le bilan du troisième concours, réputé élargir le recrutement en fonction de l'origine sociologique des élèves.

M. Christian Bonnet a souligné que la France perdait des postes de responsabilité dans la fonction publique communautaire, en raison de l'attitude négative de l'administration française vis-à-vis des fonctionnaires effectuant cette mobilité.

M. Jacques Mahéas s'est réjoui de l'augmentation de 11 % des crédits du ministère de la fonction publique. Il a souhaité le développement de la mise à disposition, afin de faciliter la mobilité des fonctionnaires. Il a attiré l'attention du ministre sur la pyramide des âges des fonctionnaires, un grand nombre d'entre eux devant quitter la fonction publique dans les prochaines années. Il a demandé quelles mesures étaient envisagées pour maintenir le niveau des fonctionnaires. Il a salué l'extension aux titulaires " d'emplois-jeunes " des chèques vacances. Enfin, il s'est prononcé en faveur de l'unité de la fonction publique, afin d'éviter une concurrence entre les collectivités territoriales en matière de réduction du temps de travail.

M. Jacques Larché, président, a estimé que la diversification du recrutement des élèves de l'ENA ne devait pas aboutir à remettre en cause la règle fondamentale qui fait du concours la voie normale de recrutement dans la fonction publique, en accréditant l'idée selon laquelle certains concours seraient plus faciles que d'autres, toute discrimination positive présentant des dangers. Enfin, il s'est interrogé sur les réformes à mettre en oeuvre sur la sortie de l'ENA.

S'agissant de la rémunération des fonctionnaires, M. Jacques Larché, président, a jugé qu'il n'existait pas de différence fondamentale entre les rémunérations publiques et privées des cadres moyens ou inférieurs, mais que certains hauts fonctionnaires pouvaient être tentés par le " pantouflage " en raison de l'insuffisance de leur rémunération.

Il a indiqué que la mission menée par la commission dans les départements d'outre-mer (DOM) avait mis en évidence une revendication tendant à la création d'un institut régional d'administration (IRA) dans les DOM, privilégiant le recrutement d'élèves originaires des DOM. Il a de plus attiré l'attention du ministre sur la question de la sur-rémunération des fonctionnaires, ces sommes étant tantôt présentées comme utiles à l'économie locale, tantôt stigmatisées comme la pénalisant.

Enfin, il a estimé que le principal effort en matière de gestion des ressources humaines devait porter sur l'appréciation du travail des fonctionnaires et les conséquences à en tirer pour leur avancement.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a affirmé que l'administration devait encourager la mobilité des fonctionnaires, en particulier des fonctionnaires désirant exercer des fonctions à Bruxelles. Il a souhaité que la charte de la gestion des ressources humaines procède à une telle valorisation.

Le ministre a admis que la notation, ne variant pas en pratique à la baisse, avait perdu sa signification. Il a indiqué que l'évaluation des fonctionnaires, bien qu'astreignante pour la hiérarchie, était la meilleure façon de tenir compte de la manière de servir.

Sur l'équilibre entre les dotations de l'Etat et la fiscalité locale dans les ressources des collectivités locales, M. Emile Zuccarelli a estimé qu'une décentralisation réussie devrait préserver l'égalité des chances au moyen de la péréquation des ressources. M. Jacques Larché, président, et M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis, ont estimé que la péréquation n'encourageait pas les efforts des collectivités.

S'agissant de la compensation de la suppression de la part salariale dans la base de la taxe professionnelle, M. Emile Zuccarelli a souligné les problèmes créés par toute compensation, citant en exemple l'exonération de taxe professionnelle en Corse, les entreprises ne procédant plus aux déclarations fiscales obligatoires, alors que le montant de la compensation versée aux collectivités locales était subordonné à l'inscription au rôle des impôts locaux.

Concernant l'impact pour les EPCI sans fiscalité propre de la réforme de la taxe professionnelle, le ministre a fait savoir que le projet de loi visant à tirer les conséquences du recensement général de la population pour la dotation générale de fonctionnement, qui devrait être examiné en décembre au Sénat, prévoyait une compensation en ce sens.

Il a estimé que le coût, pour les collectivités territoriales, de l'aménagement et de la réduction du temps de travail n'était pas évaluable, et il a remarqué que de nombreuses collectivités territoriales appliquaient déjà les 35 heures. Contrairement au secteur privé, il a indiqué que l'objectif de la réduction du temps de travail dans les fonctions publiques n'était pas la création d'emplois, mais la volonté de faire bénéficier les fonctionnaires d'une avancée sociale.

M. Jacques Larché, président, a souligné que les catégories de fonctionnaires travaillant moins de 35 heures hebdomadaires étaient susceptibles de revendiquer des compensations.

M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a estimé que la réduction du temps de travail et le départ à la retraite de 40 à 45 % des fonctionnaires d'ici à une quinzaine d'années constituaient des moyens de rajeunir la fonction publique.

En matière de cumul d'emplois, il a indiqué que le Gouvernement allait soumettre l'étude remise par le Conseil d'Etat à la concertation interministérielle, et qu'il était nécessaire d'assouplir les règles relatives au cumul d'emplois dans la fonction publique. Il a relevé que les personnes concernées par la jurisprudence du Tribunal des conflits dite " Berkani ", qui cumulaient souvent plusieurs emplois à temps non complet, bénéficiaient, selon les termes du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, d'un droit d'option en faveur du maintien de leur contrat de droit privé.

Il a relevé que l'impact financier de la création des maisons des services publics serait nul pour les collectivités locales, les modalités financières de fonctionnement étant précisées par convention.

M. Emile Zuccarelli a estimé que la réforme du recrutement des élèves de l'ENA ne remettait pas en cause le principe du concours, mais qu'il s'agissait de multiplier les lieux de préparation au concours externe, et d'en diversifier les épreuves.

Le ministre a estimé que le pantouflage était peu important numériquement et que la commission de déontologie fonctionnait correctement.

Réservé quant à la création d'un IRA dans les DOM, il a indiqué qu'il mettrait cette question à l'étude.

Interrogé par M. Jacques Larché, président, sur la rémunération des hauts fonctionnaires, M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, a répondu que la réforme de l'encadrement supérieur était engagée, la priorité étant donnée à la revalorisation de la rémunération des emplois d'encadrement des services déconcentrés et des emplois de haute expertise.

M. Jacques Larché, président, a souligné que le Gouvernement avait une chance considérable, lui permettant de ne pas remplacer les milliers de fonctionnaires qui partiraient à la retraite dans les prochaines années. Il a jugé qu'il s'agissait d'une occasion inespérée de déflation de l'effectif global de la fonction publique. Il a craint que le Gouvernement ne saisisse pas cette chance historique.

Mercredi 10 novembre 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Nomination de rapporteur

La commission a tout d'abord nommé M. Nicolas About rapporteur de la proposition de loi n° 496 (1998-1999), visant à demander une étude préalable par les préfectures pour les projets de permis de construire déposés par certaines associations.

Mission d'information - Etablissements pénitentiaires - Communication

Poursuivant les visites régulièrement effectuées au sein des établissements pénitentiaires, la commission a décidé sur la proposition de M. Jacques Larché, président, d'envoyer des délégations de la commission d'une part à Loos et Bapaume, d'autre part à la maison d'arrêt des Baumettes à Marseille.

Professions libérales - Professions relevant du ministère de la justice, de la procédure civile et le droit comptable - Examen des amendements

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements à la proposition de loi n° 416 (1998-1999), adoptée par l'Assemblée nationale, portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, de la procédure civile et le droit comptable.

Justice - Lutte contre la corruption - Examen des amendements

Puis elle a procédé à l'examen des amendements au projet de loi n° 179 (1998-1999), modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption.

La commission a examiné l'amendement n° 13 présenté par M. Hubert Haenel et les membres du groupe du rassemblement pour la République, tendant à prévoir, dans le texte proposé pour l'article 435-3 du code pénal, que les paiements " qui ont pour but de faciliter ou d'accélérer une diligence administrative de routine " ne sont pas constitutifs de corruption.

M. José Balarello, rapporteur, a rappelé que les commentaires de la convention de l'OCDE prévoyaient effectivement que les paiements " de facilitation " étaient exclus du champ d'application de la convention. Il a toutefois considéré qu'il n'était peut-être pas souhaitable d'inclure une telle disposition dans le code pénal, compte tenu de la difficulté de rédiger brièvement une définition des paiements de facilitation. Il a proposé de demander au garde des sceaux de s'engager à apporter les précisions nécessaires sur cette question dans des orientations générales de politique pénale.

M. Robert Badinter a estimé que les dispositions interprétatives d'une convention internationale ne sauraient trouver place dans le code pénal.

La commission a alors donné un avis défavorable à l'amendement n° 13.

La commission a donné un avis défavorable aux sous-amendements n°s 14 et 15 à l'amendement n° 5 de la commission, respectivement présentés par le Gouvernement et par M. Robert Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à modifier l'amendement de la commission pour porter de cinq à dix ans la peine d'emprisonnement prévue en cas de corruption active de magistrat ou de juré citoyen.

M. Patrice Gélard a souligné que les délits créés par le projet de loi présentaient un caractère international, et qu'il était absolument indispensable que les Etats punissent de manière comparable ces délits, afin d'éviter des distorsions de concurrence. Il a regretté que le Gouvernement ait proposé d'aligner purement et simplement les peines prévues pour ces nouveaux délits sur les peines prévues en matière de corruption de fonctionnaire national.

La commission a donné un avis défavorable au sous-amendement n° 15 à l'amendement n° 5 de la commission, présenté par le Gouvernement, et tendant à rétablir une disposition relative à l'entrée en vigueur de la nouvelle incrimination dans le texte proposé pour l'article 435-4 du code pénal. Le rapporteur a estimé que les dispositions transitoires devaient figurer dans un article non codifié du projet de loi et non dans le code pénal lui-même.

Enfin, la commission a donné un avis défavorable au sous-amendement n° 17 à l'amendement n° 7 de la commission, présenté par M. Robert Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à supprimer la mention " sur le territoire de la République " dans l'amendement prévoyant l'entrée en vigueur du projet de loi en même temps que l'entrée en vigueur des conventions qu'il tend à transposer.

Sur proposition de M. José Balarello, rapporteur, la commission a décidé de rectifier son amendement n° 11 afin de corriger une erreur matérielle dans le texte proposé par le Gouvernement.

Elections - Lois électorales visant l'interdiction de candidatures multiples et les élections municipales, cantonales et législatives - Examen du rapport

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Christian Bonnet, à l'examen des propositions de loi n° 493 (1997-1998) présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, tendant à interdire les candidatures multiples aux élections cantonales, n° 494 (1997-1998) présentée par M. Michel Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, relative àl'élection des députés et à l'élection des conseillers généraux, n° 465 (1997-1998) présentée par M. Bernard Joly, visant à généraliser l'interdiction des candidatures multiples aux élections, n° 482 (1997-1998) présentée par M. Philippe Marini et plusieurs de ses collègues, portant diverses dispositions relatives aux élections municipales, cantonales et législatives et n° 548 (1997-1998) présentée par M. Georges Gruillot et plusieurs de ses collègues, relative aux conditions d'éligibilité des candidats aux élections cantonales et aux déclarations de candidatures au deuxième tour des élections cantonales et législatives.

M. Christian Bonnet, rapporteur,
a exposé que trois propositions de loi concernaient les conditions de présentation des candidatures au premier tour et que les trois autres textes se rapportaient aux conditions fixées pour le second tour.

Evoquant d'abord les textes relatifs au premier tour, il a indiqué que la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt étendrait aux élections cantonales l'interdiction des candidatures multiples, que celle de M. Georges Gruillot ferait de même et renforcerait une condition d'éligibilité au conseil général, en exigeant du candidat d'être domicilié ou inscrit au rôle des contributions directes dans le canton de candidature.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a ajouté que celle de M. Bernard Joly généraliserait cette interdiction à tous les scrutins, y compris pour les élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants, instituerait des peines d'amende en cas d'infraction à cette interdiction et rendrait inéligibles les membres non renouvelables d'une assemblée lors d'un renouvellement partiel de cette assemblée.

Traitant ensuite des propositions de loi concernant les conditions de présentation des candidatures au second tour de scrutin, il a indiqué que la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt tendait à prévoir l'élection au premier tour du candidat arrivé en tête et n'ayant pas recueilli la majorité des suffrages exprimés, lorsque le candidat en deuxième position sans avoir obtenu le seuil de 12,5 % des électeurs inscrits se désiste et que le candidat suivant ne répond pas aux conditions requises pour se présenter au deuxième tour.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a constaté que la proposition de loi de M. Georges Gruillot limiterait aux deux candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour, après retrait éventuel d'un candidat plus favorisé, la possibilité de se maintenir au second tour, le seuil de 10 % des électeurs inscrits actuellement requis pour les élections cantonales étant supprimé et le seuil de 12,5 % des électeurs inscrits pour les élections législatives étant maintenu.

Il a précisé que la proposition de loi de M. Philippe Marini porterait à 15 % du nombre des électeurs inscrits le seuil de recevabilité des candidatures au second tour des élections législatives, cantonales et municipales, et permettrait au candidat arrivé en troisième position, s'il avait recueilli les voix d'au moins 5 % des électeurs inscrits, de se maintenir au second tour lorsqu'un des deux candidats susceptibles d'y figurer se retire.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a indiqué que cette proposition de loi porterait aussi de 5 % des suffrages exprimés à 10 % du nombre des électeurs inscrits le seuil permettant à une liste, aux élections municipales, de fusionner avec d'autres listes.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a observé que les propositions de loi relatives au premier tour de scrutin revêtaient un caractère technique, et qu'elles tendaient, pour une certaine part, à combler des lacunes des textes en vigueur.

Il a relevé que le nombre des candidatures multiples avait légèrement progressé depuis l'entrée en vigueur de la législation sur le financement des campagnes électorales, applicable aux élections cantonales dans les cantons d'au moins 9.000 habitants, précisant que lors du renouvellement de 1998, dans 3.656 cantons renouvelables, 29 candidats s'étaient présentés dans deux cantons, 8 candidats avaient déposé entre trois et cinq candidatures et 6 candidats avaient souscrit au moins douze candidatures, le record s'établissant à vingt-huit candidatures pour une seule personne.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a considéré que l'interdiction des candidatures multiples aux élections cantonales se justifierait, mais que son extension aux élections municipales dans les communes de moins de 3.500 habitants n'était pas praticable, les candidatures n'étant pas enregistrées dans ces communes.

Il a considéré, en revanche, qu'il ne convenait pas de subordonner l'éligibilité au conseil général à la justification d'un domicile ou d'une contribution dans le canton, le conseiller général représentant le département et non seulement le canton dans lequel il a été élu.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a estimé inopportun de rendre un élu inéligible lors d'un renouvellement partiel de l'assemblée dont il est membre et de prévoir des peines d'amendes en cas de candidatures multiples.

Evoquant ensuite les propositions de loi portant sur les conditions de présentation des candidatures au deuxième tour, il a considéré que cette question, essentielle au fonctionnement de la démocratie, était soulevée opportunément mais que son traitement complet, susceptible de bouleverser l'architecture du code électoral, apparaissait prématuré à l'approche d'échéances électorales importantes.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a ajouté que, dans une matière aussi sensible, toute décision devait être précédée d'une réflexion approfondie des formations politiques et du Gouvernement en vue d'aboutir, après concertation, à une solution largement acceptée.

Il a estimé que la pluralité des formules proposées par les différentes propositions de loi, et les interrogations que chacune d'entre elles pouvait susciter, illustraient la difficulté de prendre dès maintenant une décision sur cette question.

Concernant la proposition de loi de M. Michel Dreyfus-Schmidt, M. Christian Bonnet, rapporteur, s'est interrogé sur l'opportunité de légiférer à la marge, puisque lors des dernières élections cantonales, sur les 1.513 cantons dans lesquels un second tour avait été organisé, 32 n'avaient conservé qu'un seul candidat.

Il a considéré que la décision définitive sur une élection au premier tour ou un ballottage ne devait pas être subordonnée à l'attitude de l'un des candidats mais appartenir au corps électoral, et que la formule proposée pouvait se prêter à certains marchandages, voire au maintien de la candidature fictive d'un candidat ne faisant pas campagne, ce qui reviendrait, dans les faits, à une candidature unique.

Traitant ensuite de la proposition de loi de M. Georges Gruillot, M. Christian Bonnet, rapporteur, a considéré inopportun de permettre seulement aux deux candidats de tête, après retrait éventuel de candidats plus favorisés de se maintenir, selon la formule applicable à l'élection présidentielle, dont les caractéristiques sont cependant différentes de celles des élections législatives et cantonales.

En ce qui concerne la proposition de loi de M. Philippe Marini, il a observé que la tendance actuelle était plutôt à l'abaissement des seuils, évoquant les débats récents sur la réforme du mode de scrutin pour les élections régionales au cours desquels le seuil de 10 % des suffrages exprimés, proposé dans le projet de loi initial pour le maintien au second tour, avait été abaissé par l'Assemblée nationale à 5 % des mêmes suffrages et le seuil permettant à une liste de fusionner avec d'autres avait été réduit, lors de la discussion parlementaire, de 5 % des suffrages exprimés à 3 % des suffrages exprimés, le Sénat s'étant toutefois opposé à l'établissement de seuils aussi faibles.

M. Guy Allouche a demandé si, dans le cas de candidatures multiples, toutes les candidatures seraient annulées ou si la première serait néanmoins valable.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a indiqué qu'il proposait qu'aucune déclaration de candidature ne soit alors enregistrée.

M. Jacques Larché, président, a souligné les difficultés d'interprétation qui résulteraient de l'adoption de deux rédactions différentes pour régler une même situation, et a proposé d'aligner la rédaction des dispositions concernant le refus d'enregistrement des candidatures multiples aux élections cantonales sur celles déjà retenues pour l'élection des députés par l'article L. 156 du code électoral, à savoir, le refus d'enregistrement de l'acte de candidature dans plusieurs circonscriptions.

Après un débat auquel ont participé MM. Jacques Larché, président, Nicolas About, Paul Girod, Guy Allouche, Simon Sutour, Jean-Pierre Schosteck, Mme Dinah Derycke, MM. Robert Badinter et Christian Bonnet, rapporteur, la commission a décidé, sur la proposition de M. Jacques Larché, président, approuvée par M. Christian Bonnet, rapporteur, de retenir cette rédaction inspirée des dispositions de l'article L. 156 du code électoral.

M. Jean-Pierre Schosteck a souligné que la possibilité d'organiser un second tour avec un seul candidat ne pouvait qu'encourager les électeurs à l'abstention, et a considéré que l'existence de seuils distincts, pour chaque type d'élection, ne pouvait être bien comprise par les électeurs.

M. Daniel Hoeffel a évoqué les difficultés pratiques, notamment pour les petites communes, résultant de l'obligation d'ouverture des bureaux de vote jusqu'à 22 heures pour les élections européennes, soulignant que cette contrainte n'était pas justifiée au regard de la faiblesse du nombre d'électeurs participant au scrutin après 20 heures, et estimant que cette difficulté devrait être levée avant les élections de 2004.

Après un large débat auquel ont participé MM. Jean-Pierre Schosteck, Daniel Hoeffel, Jacques Larché, président, Jean-Claude Peyronnet, Patrice Gélard, Robert Badinter, Guy Allouche et Christian Bonnet, rapporteur, la commission a décidé de ne pas modifier les conditions de maintien des candidatures au second tour, tout en souhaitant que l'attention du Gouvernement soit attirée sur la nécessité de trouver une solution pour éviter un second tour avec un seul candidat.

Enfin, MM. Guy Allouche et Jacques Larché, président, se sont interrogés sur la perspective d'engager une réflexion sur des difficultés d'application de la législation sur le financement de la vie publique, eu égard au nombre d'organisations en ayant bénéficié sans avoir nécessairement un objet politique.

La commission des lois a adopté le texte proposé par le rapporteur, tendant à interdire les candidatures multiples aux élections cantonales.

Elections - Majeurs sous tutelle : inscription sur les listes électorales et inéligibilité - Examen du rapport

Puis, la commission a procédé, sur le rapport de M. Christian Bonnet, à l'examen de la proposition de loi n° 185 (1998-1999), présentée par M. Jacques Pelletier, permettant au juge des tutelles d'autoriser un majeur sous tutelle à être inscrit sur une liste électorale et sur la proposition de loi organique n° 186 (1998-1999), présentée par M. Jacques Pelletier, relative à l'inéligibilité des majeurs sous tutelle.

M. Christian Bonnet, rapporteur
, a exposé que la proposition de loi tendait à permettre aux majeurs en tutelle, dans certains cas, de voter, l'interdiction absolue qui leur en était faite par le droit en vigueur paraissant, selon l'exposé des motifs de M. Jacques Pelletier, manquer de nuance eu égard à certaines situations individuelles. Il a précisé qu'une proposition de loi comparable de M. Claude Huriet, adoptée par le Sénat en 1994, n'avait pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Il a exposé que l'article 501 du code civil permettait au juge des tutelles, sur l'avis du médecin traitant, d'énumérer certains actes que la personne en tutelle aurait la capacité de faire elle-même, soit seule, soit avec l'assistance du tuteur ou de la personne qui en tient lieu, l'ouverture d'une tutelle ne résultant pas nécessairement d'une altération des facultés mentales.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a considéré que la possibilité pour le juge d'établir ce régime de tutelle allégée en matière civile contrastait avec la rigidité de l'article L. 5 du code électoral, interdisant de manière absolue à ces personnes de s'inscrire sur une liste électorale.

Il a fait valoir que l'article L. 326-3 du code de la santé publique permettait le vote d'une personne qui, bien que non placée en tutelle, souffrirait de troubles mentaux et serait hospitalisée sans son consentement et que, selon l'article L. 223-19 du code rural, la personne en tutelle pouvait être autorisée à chasser après en avoir obtenu l'autorisation par le juge des tutelles.

M. Christian Bonnet, rapporteur, a proposé à la commission de modifier l'article L. 5 du code électoral afin de permettre au juge des tutelles d'autoriser certains majeurs en tutelle à exercer seuls le droit de vote selon la procédure définie à l'article 501 du code civil et de compléter les dispositions relatives aux inéligibilités aux différents scrutins, afin de maintenir, en revanche, l'inéligibilité de tous les majeurs en tutelle, résultant actuellement du fait qu'ils ne peuvent pas être inscrits sur une liste électorale.

En réponse aux interventions de MM. Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Nicolas About et Jacques Larché, président, M. Christian Bonnet, rapporteur, a indiqué qu'il lui paraissait souhaitable de préciser que les majeurs seraient autorisés à exercer seuls ce droit, car l'article 501 du code civil, en application duquel l'autorisation de s'inscrire sur une liste électorale serait donnée, permet au juge d'autoriser le majeur en tutelle à accomplir certains actes, soit seul, soit avec l'assistance du tuteur.

Enfin, il a précisé que les dispositions de l'article L. 64 du code électoral permettant à tout électeur atteint d'infirmités certaines le mettant dans l'impossibilité d'effectuer seul les opérations matérielles de vote de se faire assister par un électeur de son choix seraient applicables, le cas échéant, aux majeurs en tutelle autorisés à voter comme à tous les électeurs actuellement.

La commission des lois a adopté le texte proposé par le rapporteur sur les propositions de loi permettant au juge des tutelles d'autoriser un majeur en tutelle à être inscrit sur une liste électorale et relative à l'inéligibilité des majeurs en tutelle.