Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jacques Larché, président.

PJLF pour 1999 - Examen des crédits de la justice consacrés aux services généraux

La commission a tout d'abord procédé, sur le rapport pour avis de Mme Dinah Derycke, à l'examen des crédits de la justice pour 1999 relatifs aux services généraux.

Après avoir rendu hommage à M. Germain Authié, le précédent rapporteur de cet avis, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a souligné la progression de 5,6 % des crédits du ministère de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999, nettement supérieure à celle de l'ensemble du budget de l'Etat. Elle a précisé que la hausse des crédits était particulièrement marquée pour les juridictions administratives et pour les services judiciaires, mais que certains chapitres, comme les frais de justice et l'aide juridique, absorbaient une large part de cette augmentation.

Elle a constaté que l'exécution de la loi de programme de 1995 était désormais quasiment achevée, mais qu'il convenait néanmoins de relativiser la progression des crédits prévue pour 1999 dans le cadre d'une évolution sur longue période.

Dressant ensuite un bilan de la situation des juridictions, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a fait valoir que malgré le renforcement des moyens affectés à la justice, les délais moyens de jugement et les stocks d'affaires en instance continuaient de s'accroître. Elle a évoqué la situation particulière des conseils de prud'hommes, caractérisée par des délais moyens de jugement supérieurs à neuf mois, auxquels s'ajoutaient fréquemment de longs délais devant les cours d'appel, estimant que ces juridictions trop souvent oubliées jouaient un rôle important dans la justice au quotidien. Après avoir constaté que l'activité pénale était toujours marquée par un nombre très élevé de classements sans suite, le rapporteur pour avis a insisté sur l'engorgement préoccupant des juridictions administratives, en dépit des gains de productivité et du renforcement des effectifs.

Puis, s'agissant des efforts de recrutement, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a souligné que le nombre de créations d'emplois de magistrats prévues pour 1999 était le plus élevé des quinze dernières années et que des concours exceptionnels étaient organisés pour accélérer les recrutements. Elle a cependant regretté que le renfort des conseillers de cours d'appel en service extraordinaire et des magistrats à titre temporaire soit encore très limité. Elle a par ailleurs indiqué que l'accroissement du nombre de magistrats " placés " permettrait de répondre aux problèmes posés par les vacances de postes.

Après avoir fait observer que les nombreuses créations d'emplois de magistrats prévues par le projet de loi de finances seraient en partie affectées à la mise en oeuvre des réformes envisagées, en particulier celle concernant le régime de la détention provisoire, le rapporteur pour avis a expliqué que le renforcement des effectifs de magistrats judiciaires s'accompagnait également d'un renforcement des effectifs de greffiers et des effectifs des juridictions administratives. Elle a par ailleurs évoqué les efforts du ministère de la justice en faveur du développement du parc de logements sociaux à l'attention des fonctionnaires.

Après avoir relevé le bilan très positif du recrutement des assistants de justice, ainsi que les perspectives de recrutement d'assistants spécialisés dans le cadre des nouveaux " pôles économiques et financiers ", elle a considéré que les emplois-jeunes n'avaient pas été dévoyés comme on aurait pu le craindre dans le secteur de la justice, même s'ils restaient encore peu nombreux.

Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a ensuite abordé les efforts accomplis pour l'amélioration de l'équipement et de la gestion des juridictions.

Elle a noté la poursuite du programme pluriannuel d'équipement immobilier et la priorité accordée aux opérations de mise en sécurité des locaux, ainsi que la généralisation progressive de l'informatisation des juridictions.

Elle a précisé que des actions étaient également menées en vue d'une rationalisation de la gestion des juridictions, évoquant la mise en place de services administratifs régionaux au sein des cours d'appel, les expérimentations de réforme de la procédure d'exécution de la dépense à l'échelon déconcentré et les améliorations apportées à l'outil statistique. Elle a par ailleurs indiqué que des mesures législatives et réglementaires avaient été prévues afin de parvenir à une meilleure maîtrise de l'accroissement des frais de justice, ces mesures étant en outre complétées par un système de bonifications des crédits de fonctionnement accordées aux juridictions réalisant des économies sur ces frais.

Enfin, après avoir rappelé que Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, avait annoncé devant la commission une réforme de la carte des tribunaux de commerce en 1999, elle a déclaré que les travaux d'évaluation étaient développés pour permettre une meilleure utilisation des ressources budgétaires.

A l'issue de cet exposé, M. Jacques Larché, président, rappelant les effets très positifs de la loi de programme de 1995, a regretté que l'effort consenti pour 1999 ne soit pas inscrit dans la perspective d'une nouvelle loi de programmation pluriannuelle.

Evoquant par ailleurs la situation des tribunaux administratifs, il a estimé que l'inflation des recours aboutissait à un véritable blocage de la vie publique compte tenu des délais de jugement et s'est déclaré favorable à une augmentation substantielle du droit de timbre.

Enfin, constatant l'encombrement de la chambre sociale de la Cour de cassation suscité par les recours en matière prud'homale, il a considéré, approuvé par M. Robert Badinter, qu'il conviendrait d'instituer une représentation obligatoire par avocat pour les recours en cassation dans ce domaine.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a alorsémis un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999.

PJLF pour 1999 - Examen des crédits de la justice consacrés à l'administration pénitentiaire

Puis la commission a procédé, sur le rapport pour avis de M. Georges Othily, à l'examen des crédits de la justice pour 1999 relatifs à l'administration pénitentiaire.

M. Georges Othily, rapporteur pour avis, a tout d'abord souligné que le projet de loi de finances pour 1999 fixait à 7,4 milliards de francs le budget de l'administration pénitentiaire, soit une hausse de près de 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. Il a observé que 260 millions de francs de mesures nouvelles étaient prévus au titre des dépenses ordinaires, consacrés en particulier à la création de 344 emplois ainsi qu'à l'abondement des crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire.

Evoquant la situation de cette administration, le rapporteur pour avis a constaté que la surpopulation carcérale demeurait un problème sérieux, malgré une très légère amélioration au cours des deux dernières années. Il a observé que l'on comptait 53.845 personnes détenues au 1er janvier 1998 contre 54.629 au 1er janvier 1997, le taux d'occupation des établissements atteignant 115 % contre 116 % l'année précédente. Il a indiqué que cette diminution du nombre de personnes incarcérées s'expliquait par un moindre recours à l'incarcération, la durée de détention continuant pour sa part à croître.

A propos des personnes en détention provisoire, M. Georges Othily, rapporteur pour avis, a fait valoir que leur nombre avait également légèrement diminué, de 22.521  au 1er janvier 1997 à 21.591 au 1er janvier 1998. Il a rappelé que le Gouvernement avait déposé un projet de loi sur la protection de la présomption d'innocence, contenant plusieurs dispositions relatives à la détention provisoire, en particulier la création d'un juge de la détention provisoire. Il a alors observé que le législateur avait déjà, à trois reprises, tenté de confier la détention provisoire à une collégialité, sans que les réformes puissent entrer en vigueur faute de moyens. Il a ajouté qu'on s'apprêtait à discuter une nouvelle réforme de la détention provisoire, alors que les effets de la précédente réforme de 1996 étaient encore difficiles à mesurer.

Evoquant la prise en charge des détenus, le rapporteur pour avis a indiqué que le garde des sceaux avait annoncé son intention de généraliser le projet d'exécution de peine, qui vise à mieux impliquer le détenu dans le déroulement de sa peine afin de donner à celle-ci une dimension plus constructive en vue d'une réinsertion future. Il a en outre souligné que le Gouvernement avait décidé plusieurs mesures d'amélioration des conditions de vie des détenus et envisageait la possibilité de mettre en place des unités de visites familiales dans certains établissements, afin de permettre aux détenus de recevoir leur famille pendant une période de 12 à 48 heures. Il a enfin fait valoir que l'année 1998 avait été marquée par l'adoption de la loi relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, et qu'une réflexion était en cours sur les conditions de prise en charge des auteurs d'infractions sexuelles.

A propos de la prise en charge en milieu ouvert, M. Georges Othily, rapporteur pour avis, a observé que le nombre de mesures augmentait régulièrement, en particulier le travail d'intérêt général et le sursis avec mise à l'épreuve, mais qu'en revanche, le recours à la libération conditionnelle continuait de diminuer comme les années précédentes. Il a indiqué que le Gouvernement, afin de favoriser l'individualisation des peines privatives de liberté, avait décidé la création, à titre expérimental, de centres pour peines aménagées, ayant pour vocation d'accueillir d'une part les condamnés détenus purgeant une peine ou un reliquat de peine de moins d'un an et qui n'ont pas de projet d'insertion immédiat, d'autre part des détenus bénéficiant de mesures de semi-liberté ou de placement extérieur.

Le rapporteur pour avis a alors évoqué la loi sur le placement sous surveillance électronique, pour souligner qu'un an après son adoption, cette loi n'était toujours pas appliquée. Il a déclaré comprendre que le Gouvernement ait souhaité d'une part consulter les personnels, d'autre part mener une étude des dispositifs offerts sur le marché, mais a rappelé que le placement sous surveillance électronique était un instrument de prévention de la récidive, dans la mesure où il peut permettre d'éviter la rupture des relations familiales ou la perte d'un emploi.

A propos des personnels de l'administration pénitentiaire, M. Georges Othily, rapporteur pour avis, a fait valoir que le projet de budget prévoyait la création de 344 emplois dont 220 de surveillants. Il a souligné l'importance de ces créations de postes, mais a observé que la loi de programmation sur la justice de 1995 prévoyait la création de 3.920 emplois en cinq ans et que, au bout de quatre ans, le nombre de créations atteignait 1.802.

Evoquant les établissements pénitentiaires, le rapporteur pour avis a souligné que l'année 1998 avait été marquée par le lancement d'un programme de construction de six établissements pénitentiaires pour un montant de près de 2 milliards de francs. Il a indiqué que ces nouveaux établissements fonctionneraient en gestion déléguée pour la restauration, la maintenance, l'entretien, le travail et la formation professionnelle, comme ceux du programme 13.000, lancé en 1989. Il a enfin observé que des problèmes sérieux de sécurité se posaient dans plusieurs établissements d'outre-mer et que certaines améliorations architecturales devraient être envisagées dans ces établissements.

Concluant son propos, le rapporteur pour avis a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'administration pénitentiaire.

M. Jacques Larché, président, a rappelé que, dans les statistiques de la détention provisoire, figuraient les personnes ayant formé un recours contre une décision de justice les ayant condamnées en première instance ou en appel. Il a observé que la durée de détention avait tendance à augmenter, du fait notamment de l'augmentation du nombre de personnes condamnées pour infractions sexuelles ou infractions à la législation sur les stupéfiants. Il a enfin souhaité que la commission reprenne l'envoi de missions au sein des établissements pénitentiaires, afin de suivre l'évolution de leur situation.

M. Georges Othily, rapporteur pour avis, a indiqué que 10 % environ des personnes comptabilisées parmi les prévenus attendaient le résultat d'un appel ou d'un pourvoi en cassation.

La commission a alors donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la justice pour 1999 relatifs à l'administration pénitentiaire.

PJLF pour 1999 - Examen des crédits de la justice consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse

Enfin, la commission a procédé, sur le rapport pour avis de M. Patrice Gélard, à l'examen pour avis des crédits de la justice pour 1999 relatifs à la protection judiciaire de la jeunesse.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a tout d'abord détaillé les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) pour 1999, qui représentent 2,77 milliards de francs, soit 10,5 % des crédits du ministère de la justice, et qui augmentent de 6,42 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, les mesures acquises progressant de 70,4 millions de francs et les mesures nouvelles de 70,7 millions de francs. Il a montré que la répartition entre secteurs public et privé était quasiment inchangée par rapport à 1998, 55,5 % des crédits allant au secteur public et 44,5 % au secteur associatif habilité, essentiellement sous forme de subventions.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a ensuite précisé l'affectation de ces mesures nouvelles. Il a jugé que le chiffre de 150 créations d'emplois était important mais risquait de se révéler insuffisant à terme. Il a insisté sur le renforcement du suivi médico-social par le recrutement de psychologues et infirmiers, sur les 30 emplois destinés à réduire le délai de prise en charge des mesures de suivi en milieu ouvert, puis sur la création de 10 classes relais, de 75 places supplémentaires en familles d'accueil, de deux foyers nouveaux et de 7 dispositifs éducatifs renforcés.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a ensuite exposé les dépenses en capital, 84 millions de francs d'autorisations de programme et 97 millions de francs de crédits de paiement devant servir entre autres à la construction de deux nouveaux foyers, à Melun-Sénart et à Mulhouse, et à la rénovation des équipements existants.

Concernant les autres lignes budgétaires du ministère de la justice qui concourent aux missions de la protection judiciaire de la jeunesse, il a indiqué que 42 millions de francs permettraient de financer les alternatives aux poursuites, l'indemnisation des administrateurs ad hoc et le recrutement de 200 délégués du procureur spécialisés en matière de mineurs.

Puis M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a fait part de plusieurs interrogations. Il a regretté que la pratique des suppressions de crédits en cours d'année se maintienne à 2 %, ce qui lui a paru dommageable concernant une administration de petite taille, et il a estimé que le chiffre de 4 % de vacances d'emplois, bien qu'il ne soit pas excessif, posait des problèmes de fonctionnement. Il a insisté sur le fait que les moyens mis à disposition des services de la protection judiciaire de la jeunesse ne tenaient pas compte du développement de leurs missions et de l'augmentation considérable de la délinquance juvénile. Il a de plus mis en avant les déséquilibres croissants entre départements, malgré l'accent mis sur les 26 départements prioritaires où la délinquance est la plus forte ; il a craint que cette mesure ne suffise pas à empêcher un phénomène de contagion de la délinquance juvénile.

M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis, a fait part de son souci face à l'absence de réflexion pour l'avenir, estimant que ce budget ne répondait pas aux questions essentielles, à savoir quelle serait la délinquance juvénile à l'avenir, comment responsabiliser les parents, et s'il fallait réviser en profondeur la loi pénale et les missions dévolues à la protection judiciaire de la jeunesse. Il a souhaité un renforcement des liens entre le ministère de la justice et les départements, qui dépensent des sommes considérables pour la protection administrative de la jeunesse et la prévention de la délinquance juvénile. Enfin, regrettant que les services de la protection judiciaire de la jeunesse agissent toujours dans l'urgence, il a proposé une démarche prospective regroupant tous les partenaires, afin de penser l'avenir.

M. Jacques Larché, président, a estimé que la délinquance juvénile laissait les différents intervenants désemparés, aucun gouvernement ne sachant comment lutter efficacement contre elle. M. Robert Badinter a jugé que le problème ne venait pas d'un manque de réflexion, les colloques étant nombreux sur le sujet, mais d'un manque de solutions. M. Jacques Larché, président, a souhaité reprendre l'organisation, envisagée début 1998 avec la commission des affaires sociales, d'une journée d'auditions publiques.

Enfin, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la justice pour 1999 relatifs à la protection judiciaire de la jeunesse.

Jeudi 3 décembre 1998

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et fonctionnement des conseils généraux - Examen du rapport en nouvelle lecture

La commission a procédé à l'examen, en nouvelle lecture, du rapport de M. Paul Girod, sur le projet de loi n° 81 (1998-1999) relatif au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux.

M. Paul Girod, rapporteur
, a tout d'abord rappelé que malgré la déclaration d'urgence, singulièrement injustifiée pour les dispositions électorales du texte, puisque les prochaines élections régionales sont prévues en 2004, la commission avait estimé utile de formuler des propositions sur les articles du projet de loi en première lecture.

Il a rappelé que la commission avait supprimé les dispositions du projet de loi concernant le fonctionnement des conseils régionaux, considérant que les blocages constatés dans deux d'entre eux résultaient de la méconnaissance des dispositions légales par deux présidents de conseils régionaux. Il a souligné que la loi du 7 mars 1998 avait pour objet de limiter l'intervention du préfet dans le règlement du budget des régions, et non de dessaisir le conseil régional au profit de son président.

Il a ajouté que la tonalité des débats en séance publique avait permis de constater que la déclaration d'urgence était destinée à l'application des dispositions électorales proposées à des conseils régionaux qui auraient été dissous, ce qui avait conduit au dépôt d'une question préalable sur ce projet de loi.

Il a exposé que sur la plupart des dispositions, l'Assemblée nationale avait repris en nouvelle lecture les dispositions qu'elle avait adoptées en première lecture, maintenant ainsi la circonscription régionale sans aucune assurance quant à la représentation équitable de tous les départements.

Il a souligné que les modifications apportées en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale portaient sur deux seuils : celui pour l'admission à la répartition des sièges qui avait été abaissé de 5 % des suffrages exprimés à 3 % des suffrages exprimés et celui pour le maintien d'une liste au deuxième tour qui avait été réduit de 10 % des suffrages exprimés à 5 % des suffrages exprimés. Il a ajouté que le seuil permettant à une liste de fusionner avec une autre liste au deuxième tour, ramené par l'Assemblée nationale de 5 % des suffrages exprimés à 3 % des suffrages exprimés, en première lecture, avait été maintenu à 3 % des suffrages exprimés en nouvelle lecture.

M. Paul Girod, rapporteur, a indiqué que l'Assemblée nationale avait confirmé la fixation au quart des sièges de la prime attribuée à la liste ayant obtenu la majorité absolue au premier tour ou étant arrivée en tête au deuxième tour.

Il a considéré que les dispositions soumises au Sénat en nouvelle lecture, à l'inverse de l'objectif affiché de constitution de majorités stables, ne pourraient que favoriser les extrêmes.

Il a rappelé qu'aux termes de l'article 45 de la Constitution, si le Gouvernement demandait à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sur le projet de loi, l'Assemblée nationale devrait se prononcer sur le texte voté par elle en nouvelle lecture qu'elle ne pourrait modifier que par des amendements votés par le Sénat, et que dans ces conditions, il importait de permettre à l'Assemblée nationale de revenir sur ces dernières dispositions en particulier, concernant les seuils.

Sur les dispositions du projet de loi concernant le fonctionnement des conseils régionaux, M. Paul Girod, rapporteur, a indiqué qu'il proposait à la commission de maintenir la position qu'elle avait adoptée en première lecture, à savoir leur rejet, faisant observer cependant que l'Assemblée nationale avait assoupli les dispositions qu'elle avait adoptées en première lecture concernant l'obligation de donner des délégations. Il a considéré que la procédure de vote bloqué proposée pour les conseils régionaux était susceptible d'être déclarée non conforme à la Constitution. Il a rappelé que selon l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales étaient administrées par des conseils élus et non par leur président et que la procédure prévue par l'article 49, troisième alinéa de la Constitution, à la disposition du Gouvernement dans le cadre de la procédure législative, n'était pas transposable aux régions par la loi ordinaire.

Revenant aux dispositions électorales du projet de loi, M. Paul Girod, rapporteur, a rappelé que la commission avait opté en première lecture pour un scrutin à deux tours dans le cadre départemental avec des seuils significatifs tandis que l'Assemblée nationale avait choisi la circonscription régionale avec des seuils nettement plus faibles.

Il a indiqué que dans un premier temps et malgré son attachement à la juste représentation du département, il avait été tenté de limiter ses propositions d'amendements à la seule question des seuils dont les dernières modifications lui apparaissaient comme un détournement des buts affichés par les auteurs du projet de loi d'assurer des majorités stables, quitte à retenir la circonscription régionale pour les seuls besoins de la démonstration.

Il a néanmoins souhaité continuer à prendre en considération l'impératif de maintenir un lien de proximité entre l'élu et l'électeur et a donc préféré proposer la circonscription régionale avec des sections départementales, observant qu'un texte trop éloigné de celui adopté par l'Assemblée nationale aurait permis à cette dernière d'occulter le débat sur les seuils.

Il a exposé que la détermination de la liste bénéficiaire de la prime majoritaire se ferait à partir des résultats obtenus sur l'ensemble de la région et que la répartition des sièges attribués au titre de cette prime s'effectuerait en proportion des résultats obtenus par la liste bénéficiaire dans chacun des départements.

Il a précisé que les autres sièges seraient répartis à la représentation proportionnelle entre toutes les listes, section départementale par section départementale.

Il a considéré que ce dispositif permettrait tout à la fois une expression régionaliste et la sauvegarde de la représentation équitable de chaque département.

A M. Lucien Lanier qui s'interrogeait sur les raisons, pour la commission, de ne pas reprendre ses positions de première lecture, M. Paul Girod, rapporteur, a indiqué qu'il s'agissait de permettre que l'Assemblée nationale prenne en considération les préoccupations de la commission sur le niveau des seuils, observant que l'institution des sections départementales maintiendrait la représentation actuelle de chaque département au sein des régions.

M. Guy Allouche, considérant que les propositions du rapporteur étaient la conséquence de l'adoption d'une question préalable en première lecture, a considéré que si le Sénat avait formulé des contre-propositions en première lecture, l'Assemblée nationale aurait peut-être adopté des positions différentes en nouvelle lecture.

Admettant que l'abaissement des seuils pouvait peut-être prêter à critique, il a cité une analyse publiée dans la presse selon laquelle cette modulation ne ferait pas obstacle à l'apparition de majorités stables dans les régions, considérant que l'existence d'une majorité pouvait se concilier avec la représentation des minorités.

Faisant part de sa perplexité sur l'absence de dépôt d'une question préalable, il a estimé peu probable que l'Assemblée nationale prenne en considération les propositions du rapporteur lors de la lecture définitive.

M. René Garrec, confirmant sa préférence pour un seul tour de scrutin, a fait observer que les problèmes de seuil étaient essentiellement liés à l'institution de deux tours. Il a néanmoins exprimé son accord sur l'institution de sections départementales.

Redoutant que les dispositions proposées réduisent le rôle de l'électeur, M. Pierre Fauchon a estimé possible d'envisager un mode de scrutin uninominal, permettant de rapprocher l'élu de l'électeur et de dégager des majorités stables.

En réponse à M. Jacques Larché, président, qui s'interrogeait sur le découpage de la région d'Ile-de-France en 209 circonscriptions, M. Pierre Fauchon a convenu que les grandes agglomérations pouvaient impliquer une adaptation.

En réponse à M. Guy Allouche, M. Paul Girod, rapporteur, a observé que la question préalable déposée en première lecture au cours de la discussion générale n'avait été motivée que par l'urgence déclarée et l'insuffisance des réponses apportées par le Gouvernement aux interrogations des sénateurs.

Il a ajouté que la modification des seuils adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture résultait, selon les termes du rapporteur de sa commission des lois, de négociations internes à la majorité.

M. Paul Girod, rapporteur, a souligné qu'à ce stade de la procédure, compte tenu des règles de la procédure législative, il convenait d'adopter une position mettant de manière certaine l'Assemblée nationale devant ses responsabilités.

M. Jean-Paul Amoudry, après avoir souscrit à l'objectif d'apparition de majorités stables dans les régions, a observé que les données n'étaient pas comparables dans toutes les régions, compte tenu de leurs tailles respectives, et s'est réjoui en conséquence de la proposition de création de sections départementales, s'interrogeant toutefois sur la représentation de chaque département.

M. Paul Girod, rapporteur, a confirmé que dans le système qu'il proposait chaque département garderait sa représentation actuelle.

M. Jacques Larché, président, a regretté que le projet de loi soit apparu d'abord destiné au règlement du cas particulier d'une région.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

A l'article 1er (durée du mandat de conseiller régional), la commission a adopté un amendement de suppression.

A l'article 2 (effectifs des conseils régionaux), la commission a adopté un amendement tirant les conséquences de la création de sections départementales sur l'effectif des conseils régionaux et la répartition entre ces sections des sièges à pourvoir.

A l'article 3 (mode de scrutin pour l'élection des conseillers régionaux), la commission a adopté un amendement instituant un scrutin à deux tours dans le cadre de la région avec sections départementales.

Puis la commission a adopté des amendements prévoyant la répartition de la prime majoritaire entre les sections départementales en fonction des résultats obtenus dans chaque département par la liste bénéficiaire de cette prime ainsi que la répartition dans chaque département des sièges restants entre toutes les listes par section départementale à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

La commission a par ailleurs adopté un amendement fixant à 5 % des suffrages exprimés dans la région le seuil requis pour qu'une liste soit admise à la répartition des sièges.

Elle a également adopté deux amendements rétablissant le bénéfice de l'âge pour la liste dont la moyenne d'âge est la plus élevée et pour l'attribution du dernier siège lorsque plusieurs listes ont la même moyenne.

La commission a enfin adopté un amendement de conséquence.

La commission a par ailleurs examiné un amendement présenté par le rapporteur tendant à n'admettre à la répartition des sièges que les seules listes ayant obtenu 5 % des suffrages exprimés dans chaque département.

M. Guy Allouche a fait valoir qu'une telle condition était susceptible de poser un problème d'ordre constitutionnel.

M. Pierre Fauchon a estimé que la fixation d'un seuil au niveau départemental devrait logiquement s'accompagner de l'exigence d'un seuil moins élevé au niveau régional.

M. Jacques Larché, président, a alors rappelé qu'en toute hypothèse les listes devraient être constituées au niveau régional.

M. René Garrec a souligné que l'objet du projet de loi devrait être de dégager des majorités stables au sein des conseils régionaux.

A l'issue de cet échange de vues, le rapporteur a décidé de retirer son amendement.

A l'article 4 (conditions de recevabilité des déclarations de candidature), la commission a tout d'abord adopté deux amendements de conséquence avec sa décision de créer des sections départementales.

Puis elle a adopté un amendement précisant le mode d'établissement du département de rattachement de chaque candidat.

La commission a par ailleurs adopté, en application de l'article 44, alinéa 2, du règlement du sénat, une exception d'irrecevabilité constitutionnelle tendant au rejet des dispositions prévoyant que chaque liste devra assurer la parité entre candidats féminins et masculins.

La commission a enfin adopté deux amendements fixant à 10 % des suffrages exprimés le seuil requis pour le maintien des listes au second tour avec 5 % dans chaque département et à 5 % le seuil pour la fusion des listes.

A l'article 5 (contenu de la déclaration de candidature), la commission a adopté un amendement de conséquence.

Après l'article 5, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin d'étendre aux sections départementales l'interdiction des candidatures multiples.

A l'article 11 (remplacement des conseillers régionaux), la commission a adopté un amendement adaptant le régime de remplacement des conseillers régionaux à l'institution de sections départementales.

A l'article 12 (contentieux des élections régionales), la commission a adopté un amendement de conséquence.

A l'article 15 (durée du mandat des conseillers à l'assemblée de Corse), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article.

A l'article 16 (mode de scrutin pour l'élection de conseillers à l'assemblée de Corse), la commission a adopté un amendement rétablissant le bénéfice de l'âge à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée.

A l'article 16 bis (parité sur les listes pour l'élection des conseillers à l'assemblée de Corse), la commission a adopté, en application de l'article 44, alinéa 2 du règlement du Sénat, une exception d'irrecevabilité constitutionnelle tendant au rejet des dispositions prévoyant que chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins.

A l'article 18 (remplacement des conseillers à l'assemblée de Corse), la commission a adopté un amendement de conséquence.

A l'article 19 (composition du collège électoral des sénateurs), la commission a adopté un amendement prévoyant que les conseillers régionaux de la section départementale participeront de plein droit au collège électoral sénatorial.

A l'article 20 (désignation des délégués des conseils régionaux et de l'assemblée de Corse dans le collège électoral des sénateurs), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article devenu inutile compte tenu de la création des sections départementales.

Au titre III (dispositions relatives au fonctionnement des conseils régionaux), la commission a adopté un amendement de suppression de cette division et de son intitulé.

A l'article 21 (modalités de vote du budget de la région), la commission a adopté, en application de l'article 44, alinéa 2 du règlement du Sénat, une exception d'irrecevabilité constitutionnelle tendant au rejet de cet article.

Aux articles 22 (procédure d'adoption sans vote du budget de la région, 22 bis (déroulement des séances de la commission permanente) et 22 ter (obligation de constituer un bureau), la commission a adopté des amendements de suppression.

A l'article 23 (coordination), la commission a adopté un amendement de conséquence.

A l'article 24 (entrée en vigueur de la loi), la commission a examiné un amendement du rapporteur tendant à préciser que les nouvelles règles électorales issues du projet de loi ne seraient applicables qu'à compter du prochain renouvellement général des conseils régionaux et abrogeant le dispositif d'adoption sans vote du budget de la région à compter de la même date.

M. Paul Girod, rapporteur, a fait valoir qu'il paraissait difficilement envisageable de permettre l'application du nouveau régime électoral en cas de dissolution d'un conseil régional sans mettre en cause l'égalité de traitement entre les régions. Il a relevé qu'en présentant cette réforme électorale, le premier ministre n'avait pas évoqué son éventuelle application avant le prochain renouvellement général des conseils régionaux.

M. Guy Allouche a au contraire estimé qu'une application anticipée du nouveau régime électoral devait être rendue possible. Il a fait valoir que, quand bien même le nouveau régime électoral serait susceptible d'être mis en oeuvre avant le prochain renouvellement général des conseils régionaux, la modification du mode de scrutin régional au lendemain des dernières élections répondant à un engagement du premier ministre pris avant même ces élections, le dispositif proposé ne pouvait être considéré comme une " loi de circonstance ".

S'appuyant sur le précédent de la loi du 13 juillet 1983 relative aux agglomérations nouvelles, M. Nicolas About a considéré qu'il n'était pas possible de permettre l'application de deux régimes électoraux distincts dans les régions.

M. René Garrec a également estimé qu'il n'était pas possible d'appliquer à une région des règles juridiques différentes de celles en vigueur dans les autres régions.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté l'amendement du rapporteur.

Enfin, la commission a adopté un amendement de conséquence pour l'intitulé du projet de loi.

La commission a approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.