Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Nomination de rapporteurs

La commission a tout d'abord procédé à la nomination de rapporteurs pour les textes suivants :

- M. Jean-Paul Amoudry pour le projet de loi n° 153 (1998-1999), relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- M. Jean-Paul Delevoye pour la proposition de loi n° 131 (1998-1999), de M. Philippe François, relative à l'organisation d'une police intercommunale.

Projet de loi constitutionnelle " Egalité entre les femmes et les hommes " - Examen des amendements

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Guy Cabanel, à l'examen des amendements au projet de loi constitutionnelle n° 130 (1998-1999), relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Sur l'amendement n° 5, présenté par M. Michel Charasse, tendant à insérer un article additionnel avant l'article unique du projet de loi constitutionnelle pour que la Déclaration de 1789 se réfère explicitement aux hommes et aux femmes, M. Guy Cabanel, rapporteur, a indiqué que le terme " homme " devait être entendu comme signifiant " espèce humaine " et qu'il ne lui paraissait pas concevable de modifier la Déclaration.

Après que M. Robert Badinter eut fait valoir que le pouvoir souverain du Constituant lui permettait de prévoir des dérogations à la Déclaration de 1789, mais non de modifier son texte même, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 5.

Sur l'article unique du projet de loi constitutionnelle, la commission a d'abord examiné le sous-amendement n° 2 de M. Christian Bonnet à l'amendement n° 1 de la commission, tendant à supprimer le second alinéa du texte proposé par cet amendement pour compléter l'article 4 de la Constitution.

Après que M. Guy Cabanel, rapporteur, eut rappelé que ce sous-amendement était évidemment contraire à la position de la commission, M. Christian Bonnet a exposé qu'il ne lui paraissait pas convenable au sens large du terme d'introduire le financement public des partis politiques dans la Constitution.

M. Patrice Gélard
s'est demandé s'il ne serait pas préférable de prévoir que la modulation du financement public des partis politiques soit possible, en fonction non seulement du respect du principe de l'égal accès mais aussi des autres principes auxquels l'article 4 de la Constitution soumet les partis politiques.

La commission a émis un avis défavorable au sous-amendement n° 2.

Après un large débat, la commission a décidé de rectifier son amendement n° 1, afin de faire en sorte que la modulation du financement public des partis politiques puisse contribuer au respect de tous les principes énoncés à l'article 4 de la Constitution.

La commission a ensuite examiné le sous-amendement n° 3 à l'amendement n° 1 de la commission, présenté par M. Pierre Fauchon, tendant à prévoir qu'une loi organique détermine les modalités d'application du principe d'égal accès aux mandats et fonctions.

La commission a décidé, sur la proposition de M. Jacques Larché, président, de réserver sa position sur ce sous-amendement jusqu'après le vote du Sénat sur le sous-amendement n° 2.

Enfin, la commission a examiné l'amendement n° 4 rectifié de M. Michel Charasse, tendant à prévoir, dans l'article 3 de la Constitution, que la loi fixerait les modalités permettant d'assurer l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions publiques électives ou non, sous réserve du principe du libre choix des électeurs.

M. Guy Cabanel, rapporteur, ayant fait valoir que cet amendement était contraire à la position de la commission, puisqu'elle avait décidé de modifier l'article 4 de la Constitution, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mercredi 27 janvier 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Droit civil - Pacte civil de solidarité - Auditions

La commission a procédé à une journée d'auditions publiques sur la proposition de loi n° 108 (1998-1999) relative au pacte civil de solidarité.

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, M. Jacques Larché, président, a indiqué, en préambule, que la tenue de ces auditions publiques marquait la volonté du Sénat d'aborder ce texte dans un climat différent de celui qui avait prévalu à l'Assemblée nationale. Il a exprimé le souhait de la commission des lois de se livrer à un examen juridique préalable approfondi des conséquences du texte proposé, afin d'en mesurer pleinement les implications.

La commission a ensuite entendu Mme Irène Théry, sociologue, auteur du rapport " couple, filiation et parenté aujourd'hui ", et M. Jean Hauser, professeur de droit, auteur du rapport sur le pacte d'intérêt commun.

Mme Irène Théry
a tout d'abord soulevé quelques grandes alternatives posées à propos du débat sur le pacte civil de solidarité (PACS) : créer des droits à partir de la réalité des situations de fait ou créer un contrat d'un nouveau type ; mettre en place, par la voie du contrat, une nouvelle forme d'union juridique ou un pacte d'entraide englobant toutes les formes de la solidarité ; désinstituer ou non la différence des sexes en apportant une reconnaissance légale aux couples homosexuels.

Elle a constaté que la proposition de loi présentée en octobre à l'Assemblée nationale n'apportait pas de réponse évidente à ces différentes questions. Elle a cependant estimé qu'une certaine clarification résultant des débats parlementaires permettait désormais de définir le PACS comme un contrat, une nouvelle forme d'union alternative au mariage, réservée aux couples mais indifférente au sexe, ouvrant de nouveaux droits sociaux et fiscaux.

Puis elle a annoncé qu'elle avait choisi d'évoquer trois problèmes posés par cette nouvelle forme juridique d'union du couple, à savoir le problème de l'union libre, celui de l'égalité et, enfin, celui de la différence des sexes.

A propos du problème de l'union libre, Mme Irène Théry a considéré que la polarisation du débat sur les rapports entre PACS et mariage avait conduit à ignorer la réalité du développement des unions de fait qui concerne aujourd'hui cinq millions de personnes vivant en union libre, 40 % des naissances ayant désormais lieu hors mariage. Elle a jugé qu'ainsi était laissée pour compte la signification profonde du concubinage contemporain, caractérisé dans l'immense majorité des cas par un choix positif, revendiqué comme tel, d'un lien de couple strictement privé, les couples hétérosexuels n'ayant jamais demandé la création d'une nouvelle forme d'union juridique et les couples homosexuels souhaitant que leur union reste un engagement purement privé étant probablement très nombreux.

Mme Irène Théry a déclaré que l'invention du PACS avait donc pour effet de renvoyer l'union libre hors du droit et qu'il s'agissait paradoxalement d'une victoire inattendue des partisans de l'" engagement " au sein du couple, conduisant à disqualifier les concubins au détriment desquels on pouvait craindre un recul des droits reconnus par la jurisprudence.

Elle a rappelé que les adversaires des concubins s'étaient rassemblés autour de la formule " pas de droits sans devoirs " mais elle s'est interrogée sur la signification de cette formule s'agissant des rapports des couples avec l'Etat et notamment des droits sociaux et fiscaux. Elle a relevé que le droit social se fondait en revanche sur la réalité des situations concrètes, la prise en considération de la simple communauté de vie pouvant entraîner, par exemple, la suppression du bénéfice de certaines prestations sociales.

Elle a considéré que l'approche retenue pénaliserait les concubins préférant l'union libre au PACS, qui resteraient, en particulier, des étrangers l'un à l'autre au regard de la fiscalité des successions, quelle qu'ait été la durée de leur union.

Abordant ensuite la question de l'égalité, Mme Irène Théry a regretté que l'on ait souhaité mêler deux situations différentes, celle des couples hétérosexuels et celle des couples homosexuels, en une formule définissant le PACS comme une union s'adressant aux couples qui " ne peuvent ou ne veulent se marier ". Elle a en effet estimé que cette formule avait finalement conduit à une inévitable inégalité remettant en cause l'unicité du mariage civil. Constatant l'infériorité des engagements et des droits ouverts par le PACS comparativement au mariage, notamment en matière de successions, elle s'est interrogée sur l'intérêt pour la société d'instituer un PACS limité à un contenu strictement matériel. Elle a fait observer qu'une formule paraissant séduisante avait ainsi pour conséquence de prendre en otage ceux qui ne veulent pas se marier par le désir d'union de ceux qui n'ont pas accès au mariage, et ceux qui ne peuvent pas se marier par le mariage possible des autres. Elle a, en outre, constaté qu'une inégalité fondamentale subsisterait, les couples homosexuels, à la différence des autres couples, n'ayant accès qu'au seul PACS.

Elle a noté qu'en revanche le choix de certains pays d'organiser un partenariat homosexuel spécifique permettait d'ouvrir aux homosexuels l'égalité totale concernant la protection juridique du lien institué de couple, sans toutefois ouvrir l'adoption, ni la procréation médicalement assistée.

Enfin, à propos de la différence des sexes, Mme Irène Théry, se référant à un universalisme à la française, a jugé paradoxal, au moment où une réforme sur la parité proposait d'instituer la différence des sexes au coeur de la citoyenneté là où elle n'avait pas lieu d'être, que le PACS propose de la nier là où elle avait lieu d'être.

Elle a rappelé que le problème de la différence des sexes concernait tant les hétérosexuels que les homosexuels car toute relation sexuelle ou amoureuse s'inscrivait à sa façon dans la symbolique du masculin et du féminin.

En conclusion, elle s'est demandée si les conséquences du déni du masculin et du féminin à travers un PACS limité à une union juridique entre deux personnes avaient été suffisamment pesées.

En réponse à une interrogation de M. Jacques Larché, président, Mme Irène Théry a précisé que si les naissances hors mariage représentaient plus de la moitié des premières naissances, elles ne concernaient en revanche que le quart des secondes naissances.

Répondant ensuite aux questions de M. Patrice Gélard, rapporteur, elle a estimé qu'il n'était pas possible de définir le concubinage, situation de fait, dans le code civil mais qu'en revanche il était possible d'y introduire un article tendant à préciser que le concubinage s'appréhende par la possession d'état de couple, que les concubins soient ou non de sexe différent.

A propos de l'idée d'un " mariage " homosexuel, elle a rappelé que de nombreux pays avaient institué des contrats de partenariat, mais que certaines associations homosexuelles ne s'y étaient pas déclarées favorables, préférant l'union libre à l'union instituée. Elle a considéré qu'une législation sur le concubinage n'interdirait pas d'envisager à l'avenir une évolution vers le mariage homosexuel alors que l'instauration du PACS l'exclurait.

M. Jean Hauser, professeur de droit, auteur du rapport sur le pacte d'intérêt commun, a tout d'abord indiqué qu'il était favorable à une intervention du législateur dans ce domaine, compte tenu de l'accroissement constant du contentieux du concubinage.

Il a ensuite commenté article par article le texte de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

S'agissant du texte proposé pour l'article 515-1 du code civil, il s'est interrogé sur la nécessité de préciser que le PACS pouvait être conclu par des personnes de sexe différent ou de même sexe dans la mesure où l'on s'inscrivait dans une logique contractuelle.

Il a en outre souligné que la notion de " vie commune " pouvait avoir trois significations : une communauté de résidence, une communauté de lit ou encore une simple communauté patrimoniale.

A propos du texte proposé pour l'article 515-2 du code civil, il s'est demandé pourquoi étaient reproduits des empêchements calqués sur le mariage pour organiser une simple " vie commune ". Il a considéré que l'on créait ainsi des empêchements sociaux que l'on avait justement cherché à écarter du droit du mariage au profit des seuls empêchements biologiques liés à la procréation.

M. Jean Hauser s'est par ailleurs interrogé sur la nature juridique de la déclaration écrite prévue par le texte proposé pour l'article 515-3 du code civil. Il s'est notamment demandé si les règles de droit civil relatives au contrat seraient applicables en cas de contentieux et s'il serait possible d'introduire des clauses interdites dans le droit du mariage comme une clause de non-responsabilité ou une clause pénale.

Concernant le texte proposé pour l'article 515-4 du code civil, il a évoqué le problème de la portée de l'obligation d'aide mutuelle et matérielle imposée aux partenaires liés par un PACS.

Au sujet des modalités de la déclaration et de ses modifications ultérieures, il a regretté la complication du dispositif prévu, s'interrogeant notamment sur le juge compétent en cas de contentieux.

A propos du texte proposé pour l'article 515-5 du code civil, il a considéré qu'il n'y avait pas lieu de créer un régime d'indivision automatique et forcée qui serait plus contraignant que le régime matrimonial de la communauté réduite aux acquêts, et qu'il serait préférable de prévoir une simple présomption d'indivision sauf preuve contraire.

Il a jugé inadaptée l'extension sans précaution des articles 832 et suivants du code civil au PACS.

Au sujet du texte proposé pour l'article 515-8 du code civil, il a estimé qu'était organisée une sorte d'état civil parallèle apparentant l'acte de déclaration à un acte de mariage et s'est interrogé sur l'absence de sanction du défaut de déclaration.

M. Jean Hauser a enfin recensé un certain nombre de lacunes du texte proposé. Il a en effet constaté que celui-ci ne traitait ni les incapacités, ni les libéralités, ni les obligations alimentaires, ni les dommages et intérêts éventuels. Il a en outre évoqué le devenir de ceux qui ne signeraient pas un PACS, soulignant que si la jurisprudence continuait à appliquer les règles actuelles du concubinage, il pourrait être plus intéressant de rester en dehors du PACS.

En conclusion, il a déploré que le texte ne se soit pas libéré d'un positionnement négatif par rapport au mariage et n'ait pas donné de sens positif à la démarche, " tout restant à faire" alors que les concubins auraient mérité mieux.

En réponse à une question de M. Patrice Gélard, rapporteur, sur l'interdiction du PACS entre alliés, M. Jean Hauser a réaffirmé que la reprise par l'Assemblée nationale d'empêchements démodés posait problème comme d'ailleurs l'ensemble des interdictions prévues.

Il a également précisé qu'en l'absence d'opposabilité du PACS aux tiers, il appartiendrait, le cas échéant, à ceux-ci de se prémunir en demandant aux intéressés l'acte de déclaration.

Il a en outre souligné le manque de précision de la disposition prévoyant que les partenaires régleraient eux-mêmes les modalités de leur séparation ou, qu'à défaut, celle-ci serait réglée par le juge, le problème étant de savoir quel serait le juge compétent et quelles règles il serait chargé d'appliquer. Il a considéré qu'il serait révolutionnaire d'appliquer les règles contractuelles qui n'ont jusqu'ici jamais été appliquées au concubinage par la jurisprudence.

Après avoir rappelé que le tribunal de grande instance avait une compétence générale d'attribution, M. Robert Badinter a souhaité, au regard des risques d'inflation contentieuse, que la commission puisse entendre un magistrat et un avocat spécialisés dans le contentieux du droit de la famille.

M. Jacques Larché, président, a alors précisé que les auditions publiques seraient complétées par d'autres auditions du rapporteur ou de la commission.

Faisant observer que la liberté des moeurs était désormais reconnue par le code pénal, M. Guy Allouche a souligné la nécessité de prendre en compte une situation nouvelle, fait de société indéniable, et a rappelé qu'il ne s'agissait encore que de l'ouverture du chantier législatif sur ce sujet. Tout en souhaitant que l'on parvienne au meilleur texte possible nonobstant les nombreuses difficultés énoncées par les deux premiers intervenants, il s'est demandé si le mariage pouvait être décrit comme une solution parfaite.

En réponse, M. Jean Hauser, constatant que les conditions d'élaboration du texte n'avaient pas été entièrement satisfaisantes, s'est déclaré convaincu qu'il fallait agir sans présupposé idéologique mais que ce sujet méritait un traitement plus sérieux.

Mme Irène Théry, après avoir expliqué qu'elle avait retenu une approche différente de celle de M. Jean Hauser, s'est déclarée en accord avec lui sur l'impossibilité de séparer les grandes questions posées du détail du droit.

M. Robert Badinter a demandé à M. Jean Hauser si, à partir d'un choix initial qui pourrait être la définition d'un statut de l'union libre, il serait possible de parvenir à une cohérence juridique.

En réponse, celui-ci a estimé que l'on pourrait commencer par traiter la réalité strictement patrimoniale du concubinage mise en évidence par le contentieux actuel, tout en reconnaissant que cette démarche ne permettait pas de répondre à une demande d'ordre symbolique et philosophique dont il était cependant difficile d'assumer les conséquences.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Guy Coq, philosophe et de M. Eric Fassin, sociologue, professeur à l'école normale supérieure.

M. Guy Coq
a tout d'abord indiqué que son intervention se situerait essentiellement sur un plan philosophique et qu'il s'efforcerait de démontrer l'illégitimité sociale du projet de loi.

Il a considéré que la société devait s'intéresser au couple et au mariage parce que le couple avait potentiellement vocation à procréer, qu'il convenait de se préoccuper de l'éducation des enfants à naître et que dans ces conditions l'existence des enfants apparaissait comme le seul motif légitime de l'intervention du législateur.

M. Guy Coq a ensuite dénoncé les perversions que subiraient le principe d'égalité et les droits de l'homme en général, relevant que le principe d'égalité ne devait pas impliquer un régime juridique identique pour toute relation entre deux personnes, citant en exemple l'impossibilité de considérer de la même manière la relation établie par le mariage et celle résultant d'un contrat de commerce.

Constatant l'absence de prise en compte par la loi des relations d'amitié, M. Guy Coq a souligné que la non-reconnaissance dans le code civil des couples homosexuels ne traduisait pas un jugement moral.

Il a estimé que le vote de la proposition de loi sur le PACS déboucherait nécessairement sur la reconnaissance du droit à l'adoption par les couples homosexuels.

M. Guy Coq a considéré qu'une loi privilégiant la commodité individuelle et favorisant l'instabilité des couples serait préjudiciable aux enfants.

Il a estimé que le projet de loi serait de nature communautariste et anti-républicaine car il s'agirait d'un texte dont seuls les homosexuels pourraient tirer avantage. Il a ajouté que le texte impliquerait un droit à la répudiation.

M. Guy Coq, constatant que 6 millions de personnes vivaient seules, a considéré que le progrès dans la justice consisterait non pas à privilégier la minorité homosexuelle, mais à faciliter par exemple l'extension d'un contrat de bail à deux personnes vivant ensemble, celui de faire bénéficier une autre personne de sa propre protection sociale ou celui de pouvoir faire une donation à fiscalité réduite à une personne déterminée.

M. Guy Coq considérant que les conséquences du texte proposé avaient été mal étudiées et que le débat était faussé par une " diabolisation " des opposants à la proposition de loi, a invité les parlementaires à voter en conscience à l'issue d'un débat serein.

Enfin, il a relevé que si la Constitution concernait la sphère politique de la société, il n'y avait pas de garanties juridiques pour protéger les principes non écrits de toute société humaine.

Puis, la commission a entendu M. Eric Fassin, sociologue, professeur à l'école normale supérieure.

Indiquant qu'il intervenait en faveur du principe du PACS en dépit des incohérences et des insuffisances du texte proposé, M. Eric Fassin a d'abord considéré que dans le débat sur la proposition de loi, la ligne de partage ne se situait plus entre ceux qui se déclaraient favorables au texte et ceux qui y étaient hostiles, mais plutôt entre ceux pour qui le PACS permettrait ensuite d'aller au-delà et ceux pour qui il convenait de maintenir les principes de base sur lesquels notre vie sociale est fondée.

M. Eric Fassin a exposé que dans les années 1980 le législateur avait avancé vers l'égalité en effaçant toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle d'une personne tandis que dans les années 1990, il ne s'agissait plus seulement de considérer les individus mais également les couples.

Il a jugé que le refus de reconnaissance des couples de même sexe constituait une discrimination et que les familles homoparentales étaient de véritables familles.

M. Eric Fassin a considéré que s'il existait un accord pour respecter les droits des homosexuels et récuser la discrimination à leur égard, un consensus devrait se dessiner pour donner une place à l'homosexualité.

M. Eric Fassin a protesté contre un recours abusif aux sciences dans ce débat, considérant que la définition du couple, de la famille et de la parenté ne devait pas être soustraite à la délibération démocratique car les lois de la science n'étaient pas les lois de la République.

Il a considéré que les sciences sociales ne nous permettaient pas de donner des définitions intemporelles du couple, de la famille et de la parenté et a relevé que les sociétés au cours de leur histoire remodelaient les institutions qui les structuraient, précisant que ce qui nous apparaissait inimaginable aujourd'hui n'était que ce à quoi nous n'avions pas encore pensé, comme par exemple les familles homoparentales.

Pour illustrer son propos, M. Eric Fassin a cité les exemples de sociétés africaines où la femme riche et puissante était considérée socialement comme un homme et pouvait être un " père ".

Il a relevé le paradoxe tenant à ce qu'une tolérance relative face à l'homosexualité s'accompagne d'un refus de reconnaissance juridique.

M. Eric Fassin a constaté que le droit en vigueur permettait aux célibataires d'adopter un enfant ou aux mères d'avoir des enfants sans père légitime, ce que le respect strict de la biologie ne devrait pas autoriser.

Il s'est interrogé sur le coût social et humain qui pourrait résulter d'une volonté politique d'exclure les homosexuels du mariage et de la filiation.

En conclusion, M. Eric Fassin a récusé un modèle qui ne prendrait en compte que la reproduction biologique en la confondant avec la filiation sociale.

Il a souligné qu'il convenait de redéfinir la citoyenneté indépendamment de la sexualité comme elle avait été redéfinie aux Etats-Unis indépendamment de la couleur de la peau.

Enfin, il a fait valoir que les fortes préventions à l'égard de la législation sur la contraception en 1967 nous paraissaient aujourd'hui assez difficiles à comprendre et que, dans trente ans, les réticences à l'égard du PACS pourraient paraître aussi peu concevables.

A M. Jacques Mahéas qui l'interrogeait sur le lien qui pouvait exister entre le débat actuel et celui sur l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, M. Guy Coq a répondu que l'égalité ne s'opposait pas à une différenciation et que la distinction entre les hommes et les femmes était, en l'occurrence, indispensable au renouvellement des générations.

En réponse à une question de M. Patrice Gélard, rapporteur, s'inquiétant des limites dans lesquelles il convenait que le législateur traite de la vie privée des personnes, M. Eric Fassin a estimé que le droit avait pour objet d'assurer l'égalité entre toutes les personnes et M. Guy Coq a affirmé qu'une société devait faciliter le renouvellement des générations et donc ne pas remplacer le couple hétérosexuel par un couple asexué.

La commission a ensuite procédé à l'audition de Monseigneur Vingt-Trois, évêque auxiliaire de Paris, président de la commission épiscopale de la famille, M. Olivier Abel, théologien, président de la commission éthique de la fédération protestante de France, M. le rabbin Senior, membre du cabinet de M. Joseph Sitruk, grand rabbin de France, et M. Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris.

Monseigneur Vingt-Trois
a tout d'abord précisé que la proposition de loi tendant à instituer le pacte civil de solidarité heurtait les convictions catholiques sur la sexualité. Il a rappelé que, dans la foi chrétienne, l'union de l'homme et de la femme était en quelque sorte une parabole et une illustration de l'alliance entre Dieu et l'humanité. Il a souligné que la fidélité, qui est à la base du mariage catholique, avait imprégné les moeurs jusqu'à être reconnue par le code civil comme une valeur laïque du mariage.

Monseigneur Vingt-Trois a observé que la proposition de loi avait pour ambition apparente de développer la solidarité au sein de notre société et de résoudre quelques problèmes patrimoniaux, sociaux, fiscaux ou financiers. Il a estimé que des adaptations ponctuelles des dispositions réglementaires ou législatives existantes auraient permis de résoudre ces difficultés et que le choix consistant à définir un nouveau statut ouvert à des couples constitués en dehors du mariage était un premier pas vers la reconnaissance d'un mariage homosexuel. Il a fait valoir que les critères de définition du PACS calquaient les caractéristiques principales du mariage. Il s'est inquiété de la possibilité ouverte par le PACS d'une répudiation qui pénaliserait le conjoint le plus faible et a remarqué qu'une telle disposition laissait mal augurer de la prochaine réforme du divorce.

Evoquant les conséquences du PACS pour la société, Monseigneur Vingt-Trois a rappelé que l'article 16 de la déclaration universelle des droits de l'homme affirmait que la famille était l'élément naturel et fondamental de la société et qu'elle avait droit à la protection de la société et de l'Etat. Il a en outre souligné qu'au moment où l'on assistait à une détérioration du tissu social et à une montée de la violence, il était nécessaire de mettre l'accent sur le développement de relations sociales denses et régulées, mais que l'on ne pouvait à la fois faire appel à la responsabilité des parents et affaiblir les familles par la mise en place de modèles alternatifs.

Monseigneur Vingt-Trois a alors souligné que le respect dû aux personnes homosexuelles ne pouvait suffire à justifier la reconnaissance de leur situation dans la loi, celle-ci ayant une fonction légitimante. Il a estimé que la relation homosexuelle n'avait pas la même capacité structurante pour la société que la relation entre l'homme et la femme et a rappelé que l'évolution ayant conduit à l'établissement juridique du mariage dans notre société avait été un progrès sur les unions forcées, sur l'exploitation des faibles dans des relations sexuelles sans engagement, sur la fragilité de l'éducation des enfants hors d'une famille stable.

Concluant son propos, Monseigneur Vingt-Trois a indiqué que les considérations qu'il développait ne s'inspiraient pas d'une théorie du mariage particulière aux catholiques, mais constituaient au contraire des réflexions générales sur ce que l'Eglise estimait utile pour l'ensemble de la société. Il a invité le législateur à rechercher des solutions imaginatives aux problèmes rencontrés par certains couples sans prendre le risque d'une déstructuration de la société.

M. Olivier Abel, théologien, président de la commission éthique de la fédération protestante de France, a tout d'abord exprimé sa satisfaction que les principales confessions religieuses soient entendues dans le cadre du débat au Sénat. Il a remarqué que des positions tranchées prévalaient sur ce sujet, consistant d'un côté à rejeter le PACS en tant qu'attaque contre la filiation, de l'autre à justifier le PACS en insistant sur l'absence de rapport avec la filiation. Il a observé que, dans ce débat, était négligée la possibilité d'une conjugalité sans filiation, alors qu'il conviendrait d'articuler ces deux notions pour que l'une ne soit plus subordonnée à l'autre.

M. Olivier Abel a indiqué que la commission éthique de la fédération protestante de France avait souhaité mieux distinguer la conjugalité de la filiation. Il a estimé à l'honneur des homosexuels d'avoir posé la question de la conjugalité dans une société libérale et a fait valoir qu'il s'était prononcé à titre personnel pour le contrat d'union civile lorsque cette proposition avait été formulée. Il s'est déclaré convaincu de la nécessité de faire progressivement une place à la conjugalité homosexuelle.

Evoquant la relation conjugale, M. Olivier Abel a estimé qu'elle était une alliance, un contrat politique marqué par l'acceptation de la possibilité du désaccord. Il a rappelé que le mariage n'était pas un sacrement dans la théologie protestante et qu'il était indispensable de ne pas nier les effets du temps et la possibilité des conflits conjugaux y compris jusqu'au divorce. Il s'est alors interrogé sur la possibilité de créer une institution spécifique pour les homosexuels soulignant que cette évolution serait préférable au statu quo. Observant que l'on avait nié dans ce débat la nécessité de prendre en compte l'anthropologie, M. Olivier Abel a estimé qu'on ne pouvait en déduire que tout était permis. Il a considéré que certaines questions devaient faire l'objet d'un débat politique en particulier celle de la place des enfants dans les nouvelles formes de conjugalité.

A propos de la filiation, M. Olivier Abel a souligné que la famille avait longtemps obligé la conjugalité à se soumettre à la filiation, avant que la conjugalité ne s'émancipe, notamment par la dissociation de la sexualité et de la procréation. Il a estimé que l'on assistait à un retour de la filiation, sous la figure du retour aux traditions, à la loi, à la place du père. Il a fait valoir que, dans une société où tout est précaire, flexible et jetable, tout le poids du désir de stabilité et de durabilité s'était investi dans le désir d'enfants et a remarqué que si nous trouvions le sens d'une conjugalité qui sache faire place au temps et au désaccord, nous aurions moins besoin de la filiation.

Concluant son propos, M. Olivier Abel a souligné que l'institution de la filiation supposait deux parents de sexes différents et que cela n'excluait pas qu'il existe des situations où la garde d'un enfant ou son adoption puisse être dévolue à une personne seule ou à un couple du même sexe, ces situations devant rester de l'ordre du choix singulier.

Il s'est interrogé sur la possibilité de penser une institution spécifiquement homosexuelle. Tout en reconnaissant que beaucoup de protestants ne partageraient pas cet avis, il a estimé que ce serait préférable à une absence totale de réponse. Il a enfin rappelé que la Bible disait : " Dieu peut faire naître de n'importe quelle pierre une descendance à Abraham ".

M. le rabbin Senior, membre du cabinet de M. Joseph Sitruk, grand rabbin de France, a tout d'abord rappelé que la société était faite d'individus vivant, pensant, évoluant avec leurs moeurs et que le législateur devait répondre aux demandes de cette société. Il a estimé que le législateur, dans son action, devait rechercher le bien et la permanence de cette société. Il a alors fait valoir que l'introduction dans la loi de nouveaux modèles de couples impliquait de s'interroger sur les conséquences de cette évolution pour la société.

M. le rabbin Senior a alors observé qu'en hébreu la création de l'homme et de la femme était désignée par le même terme que celui utilisé pour désigner l'homme, mais avec l'ajout de l'article défini. Il en a déduit que l'individu se réalisait dans la réunion de la différence et que cette différence permettait la permanence, fondement de la famille. Il a ensuite évoqué l'épisode du déluge pour remarquer que, dans la tradition juive, la société à laquelle appartenait Noé avait été condamnée pour avoir voulu mélanger les espèces. Il a estimé que le projet de Noé, à travers la construction de son arche, avait permis un retour au respect de la différence et que nous étions les descendants de Noé.

M. le rabbin Senior s'est inquiété du fait que l'on veuille donner une reconnaissance législative à un modèle nouveau de la famille. Il s'est interrogé sur les chances de pérennité de ce modèle et a souhaité que le législateur mesure ses responsabilités en présence de cette proposition de loi. Il a formé le voeu que l'on rebâtisse l'arche de Noé pour permettre la pérennité de l'humanité.

M. Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris, a indiqué que le PACS soulevait de nombreuses objections et questions. Il a rappelé que l'Islam ne reconnaissait aucun statut du couple en dehors du mariage devant Dieu et les hommes, lequel impliquait des droits et des devoirs pour chaque membre de la famille. Il a souligné que la loi de la famille était une loi naturelle et éternelle, que la famille était une micro-cellule communautaire, qu'elle constituait le berceau de perpétuation des valeurs éthiques, sociales et spirituelles.

Observant que les partisans du PACS souhaitaient que soit établi un cadre légal pour le concubinage et l'homosexualité, M. Dalil Boubakeur a souligné que le Coran mettait fortement l'accent sur le fait que les hommes étaient créés d'un homme et d'une femme. Il a exprimé la crainte qu'à un moment où l'on constatait un éclatement de la famille, la légitimation d'unions non inscrites dans l'ordre religieux, social et naturel ne conduise à un développement de l'égoïsme, traduisant une évolution du stoïcisme à l'hédonisme.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a alors interrogé les intervenants sur la place dans les religions de l'homosexualité.

M. Dalil Boubakeur a indiqué que le Coran désignait l'homosexualité comme " ce que faisait le peuple de Loth " et que celle-ci était condamnée dans l'ancien Testament, Dieu punissant Sodome et Gomorrhe.

M. le rabbin Senior a souligné qu'il convenait de distinguer l'accueil et l'écoute des personnes homosexuelles de la reconnaissance légale de cette situation. Il a indiqué qu'en tant que rabbin, il était appelé à écouter et parfois à réconforter des personnes homosexuelles qu'il convenait de ne pas rejeter, mais s'est opposé à la reconnaissance de cette situation dans un projet de société.

Monseigneur Vingt-Trois a tout d'abord observé que l'homosexualité n'était pas une abstraction, mais concernait des personnes vivant leur sexualité dans des situations différentes. Il a indiqué que certaines personnes avaient des tendances homosexuelles sans jamais passer à l'acte, que d'autres vivaient des relations épisodiques, que d'autres encore vivaient durablement en couple homosexuel. Il a alors fait valoir qu'il convenait de partir de situations individuelles pour tenter de mettre fin à des injustices scandaleuses, mais s'est demandé si toutes les ressources du droit actuel avaient été utilisées pour ce faire. Il a estimé que la question de fond consistait à se demander si l'homosexualité ou l'hétérosexualité étaient indifférentes par rapport à la structure de la société et a pour sa part conclu que cela avait une influence sur le fonctionnement de la société.

M. Olivier Abel a fait valoir qu'il fallait effectivement distinguer des situations différentes et que ce n'était pas la même chose que de dire son amour d'une personne du même sexe et de constater son homosexualité. Il a souhaité que l'on encourage tout ce qui pouvait favoriser la permanence, la durée des relations, qu'elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles.

Répondant à une question de M. Patrice Gélard sur la place du mariage dans la théologie protestante, M. Olivier Abel a indiqué que dans l'éthique puritaine, le mariage était un accord résiliable. Il a rappelé que Calvin acceptait le divorce et que John Milton avait même fait son éloge. Il a en outre souligné que la conquête du mariage en tant qu'acte civil par l'Edit de tolérance avait été pour les protestants un acte de libération.

M. Dalil Boubakeur a alors précisé que dans l'Islam également le mariage était un contrat mais un contrat social, structurant la place de chacun dans la famille.

M. le rabbin Senior a souligné au contraire qu'en hébreu le mot mariage signifiait sanctification. Il a indiqué que, dans le Talmud, un homme ou une femme non marié était considéré comme inachevé.

Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Geneviève Delaisi, psychanalyste, et de M. Samuel Lepastier, pédopsychiatre et psychanalyste.

Mme Geneviève Delaisi
a tout d'abord estimé que la montagne des débats à l'Assemblée nationale sur le PACS avait accouché d'une souris transgénique, hybride entre le mariage et l'union libre. Elle a souligné le courage de la définition du couple figurant dans la proposition de loi, à savoir " deux personnes majeures de sexe différent ou de même sexe ". Elle a cependant estimé que la disposition relative aux fratries était très contestable, dans la mesure où elle confinait à l'inceste et invalidait le reste du texte.

Mme Geneviève Delaisi a observé que la discussion sur le PACS avait été l'occasion d'un débat sur l'existence éventuelle d'un critère objectif de la bonne parentalité. Elle a souligné que la proposition de loi permettrait aux couples hétérosexuels ayant conclu un PACS d'avoir accès à la filiation et peut-être bientôt à l'adoption, mais que ces droits n'étaient pas prévus pour les homosexuels ayant conclu un PACS. Elle en a déduit que pour avoir accès à la parentalité, il fallait avoir une sexualité hétérosexuelle ou en donner l'apparence.

Mme Geneviève Delaisi a alors estimé qu'il n'appartenait pas au législateur de déterminer si le fait d'être élevé par un couple homosexuel était une source de difficultés pour la construction psychologique d'un enfant. Elle a considéré qu'il était naïf de penser que l'hétérosexualité des parents garantissait un bon développement des enfants. Elle a ensuite observé que si l'on souhaitait s'interroger sur les conséquences sur le développement de l'enfant de son éducation dans le cadre d'un couple homosexuel, il conviendrait également de se poser la même question en ce qui concerne l'adoption par une personne seule, aujourd'hui autorisée par la loi, ou la pratique de la procréation médicalement assistée avec donneur anonyme. Elle a donc souhaité que l'on fasse preuve d'humilité face aux configurations sociales évolutives. Elle a estimé qu'il convenait d'étudier de près tous les nouveaux types de familles, familles de concubins, familles monoparentales, familles adoptives, familles d'accueil, familles homoparentales, familles multicomposées (du fait du recours à la procréation médicalement assistée), sans adopter un texte législatif qui bloquerait toute évolution.

M. Samuel Lepastier, pédopsychiatre et psychanaliste, a tout d'abord marqué son étonnement sur la notion d'enfants de couples d'homosexuels, observant que tout enfant naissait d'un père et d'une mère malgré les artifices de la procréation médicalement assistée.

Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles l'homosexualité était encore souvent rejetée. Il a estimé que celle-ci n'était ni une maladie, ni une perversion, mais plutôt une particularité du choix d'objet. Il a observé que, de toutes les déviations sexuelles, l'homosexualité était la seule qui permettait dans certains cas une relation d'objet stable avec amour. Il a rappelé que les travaux de Freud, en particulier ses trois essais sur la théorie sexuelle, avaient permis de montrer que les homosexuels étaient capables de mouvements éthiques très élevés. Il a souligné que de grands artistes, notamment écrivains, étaient homosexuels et a cité André Gide, Marcel Proust, Henri de Montherlant, Louis Aragon, Julien Green, Colette et Marguerite Yourcenar.

M. Samuel Lepastier a observé que les associations américaines de psychologie tendaient à placer les pratiques homosexuelles et hétérosexuelles sur un plan d'égalité. Il a souligné que cela conduisait même l'association américaine de psychologie à recommander aux personnes rédigeant des thèses de ne pas indiquer, dans les comptes rendus d'entretiens, le sexe des personnes interrogées.

M. Samuel Lepastier a estimé que la paranoïa à l'égard de l'homosexualité procédait d'une crainte inconsciente de cette homosexualité. Il a souligné que Freud avait montré que le rejet violent de l'homosexualité procédait en fait d'une attirance non admise pour une personne du même sexe. Il a qualifié cette situation d'homosexualité psychique. Il a alors indiqué que des travaux avaient été accomplis afin de déterminer si les homosexuels assumés étaient moins paranoïaques que les autres. Il a fait valoir que le fait d'agir sur l'homosexualité ne supprimait pas la crainte de l'être et que certains homosexuels projetaient leur culpabilité sur l'ensemble de la société, demandant constamment des comptes à celle-ci. Il en a conclu que cela expliquait que certains homosexuels ne cessent d'estimer qu'il existait un problème de l'homosexualité en France, alors que cette dernière a une tradition de tolérance reconnue envers l'homosexualité.

M. Samuel Lepastier a alors estimé que l'affirmation de l'homosexualité comme affection génétique visait en fait à considérer celle-ci comme un défaut de naissance qu'il est indispensable d'assumer. Il a souligné que cette thèse était aujourd'hui rejetée et n'était plus défendue que par certaines associations d'homosexuels.

Evoquant la situation des enfants élevés par des personnes homosexuelles, M. Samuel Lepastier a souligné que des travaux américains tendaient à montrer qu'il n'existait guère de différences entre les enfants élevés par des parents hétérosexuels et ceux élevés par des couples homosexuels. Il a toutefois indiqué que ces travaux étaient contestés, compte tenu de la taille réduite des échantillons observés, du caractère non aléatoire de l'échantillonnage, enfin de la possibilité de réponses biaisées.

A propos d'une éventuelle loi sur l'adoption par les couples homosexuels, M. Samuel Lepastier a indiqué qu'elle ne pourrait être comparée aux lois sur l'avortement ou la contraception qui visaient à mettre en conformité le fait et le droit. Il a observé qu'en l'occurrence, il s'agirait de légitimer une situation qui n'existait pas. Indiquant n'avoir aucun doute sur la capacité d'amour des homosexuels, il a estimé que les enfants d'un couple de même sexe constitueraient une fiction légale sans équivalent et s'est interrogé sur les raisons conduisant à une telle demande.

M. Samuel Lepastier a alors souligné que la pensée se construisait à partir de repères anatomiques et a observé qu'un enfant élevé par des parents homosexuels ne pourrait avoir accès à la pensée dans les mêmes conditions que les autres enfants, la réalité duale ne pouvant être prise en compte. Il a indiqué que pouvait être observé chez certains enfants élevés par des homosexuels, soit une grande passivité, soit des réactions de type paranoïaque, mais a souligné que l'on manquait en tout état de cause de recul pour pouvoir porter un jugement sur le développement des enfants élevés par des couples homosexuels.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a demandé comment Freud et Lacan interprétaient l'homosexualité. Il a en outre souhaité savoir si de nombreux homosexuels éprouvaient le désir d'être parent.

M. Samuel Lepastier a indiqué que, pour Freud, l'homosexualité masculine résultait d'une fixation vis-à-vis de la mère, le désir ne se portant que sur elle et étant donc impossible à l'égard de toute autre femme. Il a souligné que Freud s'intéressait surtout aux aspects corporels, à la pulsion, tandis que Lacan s'était placé dans une perspective plus symbolique et structuraliste.

M. Samuel Lepastier a ensuite fait valoir que l'homosexualité féminine pouvait résulter d'une fixation à l'égard de la mère ou bien d'une déception à l'égard du père. Il a enfin souligné que de nombreux homosexuels souhaitaient élever des enfants et étaient probablement tout à fait à même de leur donner de l'amour.

Mme Geneviève Delaisi a estimé que réfléchir à l'adoption d'enfants par des homosexuels ne revenait pas à s'interroger sur une situation inédite. Elle a souligné que des hommes et des femmes avaient une vie homosexuelle après avoir eu des enfants, que certaines femmes homosexuelles avaient adopté des enfants en tant que célibataire sans révéler leur homosexualité, que des femmes homosexuelles avaient bénéficié de la procréation artificielle, en se rendant par exemple en Belgique, qu'enfin un couple d'hommes homosexuels pouvait avoir un projet d'enfant avec un couple de femmes homosexuelles. Elle a enfin indiqué que le célèbre rapport Kinsey sur la sexualité avait montré que nombre de personnes alternaient au cours de leur vie des périodes homosexuelles et des périodes hétérosexuelles.

M. Samuel Lepastier a alors déclaré que ce qui le choquait était la fiction tendant à désigner un enfant comme l'enfant de deux personnes de même sexe. Il a rappelé que, dans les cas cités par Mme Delaisi, subsistait pour l'enfant un repère féminin et un repère masculin. Il a enfin contesté les conclusions du rapport Kinsey relatives à l'homosexualité, observant qu'il avait été montré que les échantillons retenus n'étaient pas pertinents. Il a observé que le rapport Kinsey concluait à l'homosexualité de 10 % de la population environ, alors que cette proportion était plutôt estimée aujourd'hui à 2,5 %.

M. Patrice Gélard a souhaité savoir s'il existait de nombreux cas d'hommes homosexuels élevant des enfants.

M. Samuel Lepastier a indiqué que, dans le cadre de son activité de praticien, il n'avait rencontré qu'un cas d'enfant psychotique élevé par un couple d'hommes homosexuels.

Mme Geneviève Delaisi a fait valoir qu'une équipe belge accueillait depuis 1981 des demandes de procréation artificielle de la part de lesbiennes. Elle a observé que cette équipe n'accueillait pratiquement plus de demandes de mères célibataires, ayant constaté que les enfants élevés par une mère célibataire lesbienne connaissaient des difficultés dans leur développement, contrairement à ceux élevés par un couple de lesbiennes.

M. Samuel Lepastier a alors souhaité insister sur le fait que l'absence de recul ne permettait guère d'avoir une idée des conséquences pour un enfant d'être élevé par un couple homosexuel. Observant qu'était souvent souligné le fait que ces enfants n'étaient pas rejetés par les autres, il a estimé que ce critère n'était pas pertinent. De même, il a considéré que le fait que ces enfants ne devenaient pas à leur tour homosexuels ne suffisait pas à tirer des conclusions concernant leur développement psychologique et la structuration de leur personnalité. Il a conclu en soulignant que si les fonctions paternelles et maternelles évoluaient, l'anatomie, elle, ne changeait pas.

Mme Geneviève Delaisi a alors rappelé que nombre de situations autres que l'éducation d'enfants par des couples homosexuels posaient des difficultés. Elle a cité la possibilité ouverte par la loi sur la bioéthique de faire naître des enfants issus de donneurs anonymes, observant qu'il était également difficile de savoir comment les enfants issus de cette procréation assumeraient cette situation.

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé tout d'abord à l'audition de M. Denis Quinqueton, secrétaire général du collectif pour le contrat d'union sociale et le pacte civil de solidarité, de Mme Marguerite Delvolvé , présidente de l'association pour la promotion de la famille, représentante du collectif pour le mariage et contre le PACS, de M. Xavier Tracol, président du collectif pour l'union libre, et de Mme Renée Labbat, présidente de l'union nationale des groupes d'action des personnes qui vivent seules (UNAGRAPS).

M. Denis Quinqueton, secrétaire général du collectif pour le contrat d'union sociale et le pacte civil de solidarité,
a tout d'abord regretté que l'on reproche au PACS ce qu'il n'est pas, sans s'attarder sur ce qu'il est, à savoir un lien social de nature à renforcer la cohésion sociale.

Il a expliqué que la réflexion sur le PACS était née des évolutions de la société contemporaine, à savoir l'extension du concubinage hétérosexuel, la demande de reconnaissance des couples homosexuels, l'existence de duos de solidarité entre cohabitants. Il a précisé qu'il était apparu qu'il n'était pas possible de régler les problèmes posés par cette situation par quelques mesures éparses, comme la délivrance de certificats de vie commune, mais qu'il fallait trouver un véritable statut unifiant qui permette de répondre sur le plan juridique aux problèmes communs se présentant pour toutes les personnes concernées.

Il a donc constaté la nécessité de légiférer et s'est félicité que le Parlement se soit saisi de ce projet venu de la société.

A propos du choix du nom retenu pour ce nouveau statut, M. Denis Quinqueton a indiqué que le collectif, après avoir proposé le " contrat d'union civile " ou le " contrat d'union sociale ", avait finalement préféré au " pacte d'intérêt commun " proposé par le professeur Jean Hauser le " pacte civil de solidarité ", et que le " PACS " était déjà entré dans le langage courant.

S'agissant des modalités de la conclusion du PACS, il a rappelé que la mairie constituait un endroit familier et proche des citoyens qui pourrait être choisi pour la signature du PACS mais a convenu que le greffe du tribunal d'instance, retenu par l'Assemblée nationale, présentait les garanties d'indépendance du monde judiciaire.

Il a par ailleurs estimé qu'il n'apparaissait pas opportun d'interdire la conclusion d'un PACS entre d'autres personnes qu'entre ascendants et descendants, certaines fratries ou certaines personnes handicapées pouvant également être intéressées par ce statut.

En ce qui concerne les modalités de la rupture du PACS, il a considéré qu'il fallait trouver un système conciliant la liberté de chacun et la protection du plus faible, en mettant fin à la répudiation actuellement permise par la situation de non-droit des couples non mariés. Le recours au juge en cas de désaccord lui est apparu répondre à ce problème.

M. Denis Quinqueton a ensuite indiqué que le contenu du PACS consistait en un ensemble de droits (imposition commune, droits de succession, droits en matière de sécurité sociale, droit au rapprochement dans la fonction publique, droits du conjoint de chef d'entreprise...) et de devoirs (aide mutuelle et matérielle, solidarité pour les dettes contractées pour les besoins de la vie courante).

Il a par ailleurs considéré qu'il était dans l'intérêt des enfants d'avoir des parents vivant dans un cadre juridique stable plutôt que dans une situation précaire.

Au sujet des délais prévus par la proposition de loi pour l'acquisition de certains droits afférents au PACS, il a estimé qu'ils étaient acceptables dans la mesure où ils étaient levés pour tenir compte des situations de détresse comme les maladies graves.

En conclusion, M. Denis Quinqueton a regretté l'extrême politisation et la radicalisation du débat, rappelant que plusieurs parlementaires de l'opposition avaient à l'origine apporté leur soutien au projet de PACS.

Il a estimé que le PACS ne donnait pas d'avantages mais retirait seulement des inconvénients à une situation de fait en proposant un nouveau cadre juridique à côté d'un autre cadre constitué par le mariage.

Mme Marguerite Delvolvé, présidente de l'association pour la promotion de la famille, représentante du collectif pour le mariage et contre le PACS, a tout d'abord déploré que l'importance de l'opposition à cette proposition de loi, qu'elle a jugée d'une exceptionnelle gravité, ait été minimisée.

Elle a rappelé que 20.000 maires s'étaient déclarés opposés à la célébration d'un contrat de ce genre et que les députés de la majorité eux-mêmes avaient manifesté leur manque d'enthousiasme lors de la discussion à l'Assemblée nationale.

Elle a en outre indiqué que les opposants au PACS avaient constitué un collectif de citoyens de tous horizons dont elle a estimé qu'ils représentaient la " majorité silencieuse ".

Mme Marguerite Delvolvé a estimé que le PACS constituait un projet trompeur car il était faux de le présenter comme un acte de solidarité, tant vis-à-vis des " non pacsés " que pour les " pacsés " eux-mêmes.

S'agissant des " non-pacsés ", elle a souligné que le PACS organisait des privilèges, notamment fiscaux, en faveur des duos, aux dépens des célibataires et des familles. Elle s'est en outre interrogée sur la limitation de la reconnaissance de la solidarité entre personnes ayant un projet commun de vie aux seuls duos alors que des trios ou des groupes plus nombreux pouvaient avoir des intérêts communs n'ouvrant pas droit au PACS.

En ce qui concerne les " pacsés " eux-mêmes, elle a fait observer que les partenaires seraient soumis pendant la durée du PACS au régime de l'indivision qu'elle a jugé le plus mauvais régime qui soit. Elle a également souligné que le PACS pourrait être rompu par la seule volonté unilatérale de l'un des partenaires, ce qui constituait une véritable répudiation.

Mme Marguerite Delvolvé a déclaré qu'au-delà des présentations trompeuses, le PACS cachait une reconnaissance officielle du couple homosexuel et constituait de ce fait à ses yeux un projet destructeur.

Elle a en effet considéré que le PACS serait destructeur du mariage civil républicain, facteur d'unité nationale et d'intégration, et qu'il ouvrirait la voie à une multiplicité de statuts conjugaux propres à chaque communauté.

Elle a également considéré que le PACS serait destructeur de la cellule familiale car il contribuerait à la perte des repères pour une jeunesse déjà désorientée et mettrait en cause la place de l'enfant dans la famille, le PACS étant destiné à évoluer pour s'étendre à la question de l'adoption.

En conclusion, elle a déclaré que le PACS violait les principes fondamentaux de l'organisation sociale et les principes fondamentaux reconnus par les droits de la République en institutionnalisant l'homosexualité.

Rappelant que le droit français avait toujours eu pour objectif de faire de la famille la cellule de base de la société, elle a estimé que la reconnaissance d'un autre contrat de communauté de vie que le mariage remettrait en cause des principes constitutionnels.

M. Xavier Tracol, président du collectif pour l'union libre, a tout d'abord indiqué que ce collectif avait été créé afin de prendre en compte le concubinage en tant que tel. Il a considéré que le droit devait tirer les conséquences d'une évolution sociologique caractérisée par une augmentation considérable du nombre de couples vivant en union libre et des enfants nés hors mariage, mais pas en créant un nouveau contrat se situant entre le concubinage et le mariage.

Il a rappelé que les droits accordés aux couples hétérosexuels non mariés étaient actuellement limités au transfert du bail en cas de décès ou de départ du partenaire, à l'assurance maladie-maternité, au bénéfice du capital-décès de la sécurité sociale, à la déduction des frais réels de transport en droit fiscal, aux avantages sociaux issus du code de travail et des conventions collectives et enfin, depuis le décret du 28 décembre 1998, à la possibilité de représenter une partie devant le tribunal d'instance et le juge de l'exécution au même titre que le conjoint.

Il a estimé que le PACS tendait à instaurer un cadre juridique incohérent et un statut inadapté aux concubins qui risquait de remettre en cause les droits déjà accordés à ceux-ci.

Il a en effet considéré que le PACS était présenté de manière erronée comme un mode de reconnaissance du concubinage octroyant des droits pour les concubins, l'union libre étant en fait renvoyée dans le non-droit.

M. Xavier Tracol a déploré que le PACS hésite continuellement entre une logique de contrat et une logique de simple constat, estimant par exemple que l'instauration de délais de carence auxquels serait subordonné le bénéfice des droits serait concevable dans le cadre d'une union libre de fait mais non dans le cadre d'un contrat. Il a souligné le paradoxe consistant à exiger un engagement formel et en même temps à nier la valeur de cet engagement.

Il a indiqué que le collectif pour l'union libre proposait d'instituer une reconnaissance juridique véritable du concubinage, dans le souci d'un égal accès de chacun à la protection de la loi, en prenant en compte l'évolution sociologique du pays.

Il a cependant fait valoir qu'il ne s'agissait pas de donner par cette réforme un cadre légal contraignant au concubinage qui constituait par essence une union de fait.

M. Xavier Tracol a précisé que le collectif pour l'union libre avait pris position en faveur de l'inscription de l'union libre dans le code civil et souhaitait que le PACS soit conçu comme un certificat légal de concubinage constituant un mode de preuve parmi d'autres de cette situation.

Il a en outre indiqué que le collectif demandait la reconnaissance de droits substantiels au profit de l'ensemble des couples vivant en union libre, du simple fait de la communauté de vie et de la durée de vie commune.

Il a souhaité que la situation juridique des couples de même sexe soit alignée sur le régime actuellement appliqué aux couples hétérosexuels non mariés afin de revenir sur la jurisprudence restrictive de la Cour de cassation refusant de reconnaître le concubinage entre personnes de même sexe.

Il a par ailleurs estimé que l'accès des concubins homosexuels aux mêmes droits que les couples hétérosexuels non mariés impliquait que le même traitement leur soit appliqué en termes de charges financières.

M. Xavier Tracol a considéré que des droits supplémentaires devraient être accordés à l'ensemble des concubins, tant en ce qui concerne leurs rapports privés que leurs relations avec les tiers.

Il a en effet fait valoir que les concubins devraient être libres d'organiser leurs rapports matériels, grâce à la possibilité d'opter pour un régime de biens contractuels et à une présomption d'indivision qui s'attacherait aux biens acquis durant la vie commune.

Il a relevé que le principe d'indivision posé par la proposition de loi risquait de poser des problèmes pratiques, aucune alternative n'étant prévue, ce qui apparaissait en contradiction avec la logique de l'union libre et la liberté de disposer.

Rappelant que la logique du concubinage impliquait une absence d'engagement, il a estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire du concubin un héritier légal mais seulement de lui permettre d'hériter dans les mêmes conditions qu'un conjoint sur le plan fiscal.

Il a contesté la disposition tendant à instaurer un délai de deux ans pour bénéficier d'une imposition réduite entre partenaires sauf en cas de maladie de longue durée, cette exception lui paraissant constituer une discrimination à raison de l'état de santé. Il s'est donc déclaré favorable à une suppression pure et simple du délai de carence s'agissant des droits de mutation à titre gratuit.

Enfin, il a souhaité que soient étendus aux concubins les droits reconnus aux conjoints en matière de sécurité sociale, vis-à-vis des instances médicales, quant à l'organisation des funérailles et enfin pour la délivrance d'un titre de séjour et d'un permis de travail à un partenaire de nationalité étrangère.

Mme Renée Labbat, présidente de l'union nationale des groupes d'action des personnes qui vivent seules (UNAGRAPS), a tout d'abord déclaré que les personnes qui vivaient seules se sentaient très concernées par le projet de PACS.

Elle a rappelé que ce projet avait pour origine le constat des inégalités dont seraient victimes les couples sans enfant vivant en union libre et les homosexuels, soit environ cinq millions de personnes, en raison de leur statut fiscal très pénalisant de célibataire.

Elle a cependant fait observer que cette préoccupation à l'origine du PACS ignorait la réalité sociale de l'accroissement du nombre de personnes vivant seules, au nombre de sept millions aujourd'hui.

Mme Renée Labbat a estimé que sous couvert d'assurer une plus grande justice sociale aux personnes vivant à deux, le PACS conduirait à accroître la pénalisation des personnes seules qui avaient déjà un niveau de vie inférieur de 30 % en moyenne à celles qui vivaient en couples. Elle a en effet expliqué que les avantages fiscaux du PACS accordés aux couples sans enfant viendraient se superposer à un niveau de vie déjà supérieur à celui des personnes seules.

Sans contester la nécessité d'aider les familles à élever leurs enfants, elle a rappelé qu'aux termes de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, l'impôt devait être également réparti entre tous les citoyens selon leurs facultés contributives. Elle s'est donc interrogée sur la justification constitutionnelle d'une situation discriminatoire faite aux personnes seules en avantageant les couples en tant que tels et sur le lien de solidarité qui fonderait cette discrimination.

Mme Renée Labbat a par ailleurs fait part de ses préoccupations devant les propos tenus par M. le professeur Jean Hauser ou par Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, selon lesquels la société aurait intérêt à encourager la vie à deux afin de lutter contre une solitude trop répandue et de favoriser la solidarité plutôt que l'individualisme.

Elle a déclaré que la vie à deux deviendrait dans ces conditions une norme sociale privilégiée quasi-obligatoire tant pour des motifs financiers qu'en raison d'une marginalisation morale des personnes seules et elle a estimé que cette évolution allait à l'encontre des droits de la personne.

En conclusion, Mme Renée Labbat a exposé les propositions de l'UNAGRAPS tendant à " mettre à plat " les différents choix de vie, dont le célibat, et à séparer nettement la situation des couples sans enfant et des couples avec enfant, certaines questions concernant les couples sans enfants, relatives par exemple au logement, pouvant être réglées devant notaire, les autres problèmes tenant à la fiscalité, à la sécurité sociale et aux successions pouvant être réglés par une " dépénalisation " du statut de célibataire, par exemple en réservant la possibilité d'établir une déclaration fiscale commune aux couples mariés avec enfant à charge.

Elle a en effet estimé que les couples sans enfant devaient être solidaires des familles et des personnes seules, et non l'inverse.

En conclusion, elle s'est demandée si le célibat devait encore être considéré comme un " délit ", se déclarant choquée par les propos tenus par Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, sur le célibat au cours du débat sur le PACS à l'Assemblée nationale.

Elle a enfin regretté que les problèmes rencontrés par les homosexuels n'aient pas donné lieu à l'organisation d'un grand débat national sur la personne en tant que telle.

A l'issue de ces différents exposés, M. Patrice Gélard, rapporteur, a considéré que les deux derniers intervenants demandaient en fait une suppression du mariage, le collectif pour l'union libre réclamant les mêmes droits pour les concubins que pour les personnes mariées et l'UNAGRAPS ne reconnaissant que les mariages donnant lieu à la naissance d'enfants.

Il a par ailleurs constaté que, selon Mme Marguerite Delvolvé, il n'était pas question de traiter les problèmes spécifiques des homosexuels.

Enfin, il a estimé, à propos de l'intervention du collectif pour le PACS, que ce contrat ne comportait que des droits et aucun devoir et n'offrait aucune sécurité puisque personne n'était tenu d'y rester.

Il s'est enfin interrogé sur l'interdiction du PACS entre alliés.

En réponse à ces observations, Mme Renée Labbat a précisé qu'il n'était pas question à ses yeux de supprimer le mariage mais simplement de supprimer les privilèges donnés aux personnes vivant à deux sans enfant, la vie en solo entraînant des charges financières plus élevées que celles des couples.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a indiqué que le régime particulier fait au mariage trouvait son fondement constitutionnel dans les dispositions du Préambule de la Constitution de 1946 relatives à la famille.

M. Xavier Tracol a pour sa part précisé qu'il ne demandait pas l'extension aux concubins de tous les droits accordés aux personnes mariées, évoquant les questions liées à la présomption de paternité, à la filiation, à l'adoption ou encore à la nationalité. Il a par ailleurs indiqué qu'il ne proposait pas non plus d'étendre aux concubins le devoir de fidélité s'imposant aux personnes mariées.

Il a en outre rappelé la proposition du collectif pour l'union libre tendant à la matérialisation de cette union par la délivrance d'un certificat de concubinage, soulignant que les communes n'étaient pas tenues de délivrer de tels certificats à l'heure actuelle.

A la suite d'une observation de M. René-Georges Laurin,M. Jacques Mahéas a précisé à ce sujet que la plupart des municipalités délivraient ces certificats aux couples hétérosexuels et que certaines en délivraient aussi aux couples homosexuels.

Mme Marguerite Delvolvé a considéré qu'il n'existait pas de problèmes particuliers des homosexuels justifiant l'intervention du législateur, soulignant par exemple que le bail pouvait être signé par les deux personnes souhaitant vivre ensemble. Elle a de nouveau contesté la légitimité d'une institutionnalisation de l'homosexualité.

Après avoir indiqué qu'il ne prétendait pas prendre la place du législateur, M. Denis Quinqueton a pour sa part déclaré que le PACS n'avait pas pour base le lien sexuel mais le lien de solidarité.

Il a par ailleurs estimé que le recours au juge en cas de désaccord sur la dissolution du PACS permettrait le cas échéant d'obtenir des dommages et intérêts et de régler le problème des dettes.

Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Dominique Blanchon, responsable de la commission mariage et égalité des droits de l'association Act-up Paris, M. Daniel Borrillo, responsable du groupe juridique de la fédération nationale Aides, Mme Martine Gross, vice-présidente de l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens et M. Dominique Touillet, représentant de l'association Lesbian and Gay pride.

Mme Dominique Blanchon
a rappelé que les principales revendications de l'association Act-up en la matière portaient sur l'égalité des droits entre, d'une part, les concubins hétérosexuels et, d'autre part, les couples homosexuels, ainsi que sur la reconnaissance du droit à l'adoption par ces derniers.

Après avoir rappelé le soutien de son association aux projets successifs d'ouverture de droits nouveaux pour les homosexuels, elle a manifesté sa satisfaction devant l'adoption de la proposition de loi par l'Assemblée nationale.

Mme Dominique Blanchon a souligné que l'absence de droits pour les couples homosexuels malades du SIDA provoquait des situations dramatiques.

Elle a relevé toutefois que la proposition de loi n'était pas satisfaisante en raison des délais qui seraient imposés pour bénéficier de certaines dispositions du PACS et de l'incidence du PACS sur l'ouverture du droit aux minima sociaux.

En ce qui concerne le délai de deux ans pour bénéficier d'une imposition commune ou d'une minoration des droits de succession, Mme Dominique Blanchon a souligné que les homosexuels étaient défavorisés dans la mesure où ils ne disposaient pas de la possibilité de se marier.

Elle a considéré que ce délai marquait une certaine conception de la morale et s'est demandé pourquoi les divorcés moins de deux ans après le mariage ne devaient pas restituer les avantages acquis au titre de leur mariage.

Mme Dominique Blanchon a remarqué qu'à l'expiration du délai de deux ans, le traitement fait aux homosexuels demeurait encore inégal par rapport à celui réservé aux personnes mariées.

Elle a fait observer que la dispense de cette condition de délai pour les malades du SIDA entraînerait une inégalité devant la loi, par exemple, par rapport aux victimes d'un accident de la route.

Mme Dominique Blanchon, rappelant que les personnes ayant conclu un PACS verraient pris en compte leurs revenus communs au lieu de leurs ressources individuelles pour l'ouverture du droit aux minima sociaux, a souligné que le PACS pourrait de ce fait provoquer la suppression de l'attribution à certaines personnes de l'allocation de soutien familial, du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé et ce, sans condition de délai.

Elle a regretté que le texte adopté par l'Assemblée nationale ne considère la durée du PACS conclu par un étranger avec un ressortissant français que comme un élément laissé à l'appréciation des préfets pour l'attribution d'un titre de séjour, souhaitant que cette durée puisse ouvrir le droit à ce titre.

Enfin, Mme Dominique Blanchon a indiqué qu'un observatoire du PACS, regroupant diverses associations, avait conclu une charte récapitulant leurs principales revendications communes, et en particulier celles de la signature du PACS à la mairie, de la suppression de tous les délais, de l'individualisation des minima sociaux et de l'accès à l'adoption ou à la procréation médicalement assistée pour les homosexuels vivant en couple.

La commission a ensuite entendu M. Daniel Borrillo, responsable du groupe juridique de la fédération nationale de l'association AIDES.

M. Daniel Borrillo a affirmé qu'il n'était pas possible de se limiter à accorder aux personnes des droits individuels sans tenir compte de leur environnement affectif, estimant que pour parvenir à l'égalité, la prise en compte de l'individu pris isolément ne pouvait pas suffire.

Il a considéré que le droit au mariage devrait être ouvert à tous, indépendamment de l'orientation sexuelle et rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation établie en 1989, les homosexuels étaient écartés des droits reconnus aux concubins.

M. Daniel Borrillo a estimé que la France devrait tirer les conséquences de deux résolutions adoptées par le Parlement européen les 8 février 1994 et 9 octobre 1998 recommandant qu'il soit mis fin à l'interdiction pour les homosexuels de se marier ou de bénéficier de dispositions juridiques équivalentes, y compris pour l'adoption, lesquelles avaient été votées par les membres de divers groupes politiques.

Il a donc jugé que toutes les formes juridiques de partenariat devraient être admises sans distinction de l'orientation sexuelle.

Précisant qu'il était favorable au principe du PACS, M. Daniel Borrillo a enfin indiqué qu'il souhaitait voir apporter plusieurs modifications à ce texte. Il a cité en particulier la signature du PACS devant un officier d'état civil et l'acquisition par les homosexuels de droits civils et sociaux égaux à ceux des personnes mariées.

La commission a ensuite entendu Mme Martine Gross, vice-présidente de l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens.

Mme Martine Gross a considéré que les enfants n'étaient pas exposés à des difficultés de nature différente lorsque les personnes les élevant étaient de même sexe. Elle a estimé que le PACS, en légitimant le couple, apporterait plus de sécurité à l'enfant.

Mme Martine Gross a regretté que le texte adopté par l'Assemblée nationale comporte un délai de deux ans pour le bénéfice de certains droits, un enregistrement auprès du greffe et aucune disposition sur l'homoparentalité, estimant que le rôle de parent ne pouvait constituer un monopole des hétérosexuels.

Mme Martine Gross a considéré qu'en élevant des enfants, des couples de même sexe contribuaient aussi à l'intérêt de la société, mais qu'avec le PACS, ils ne bénéficieraient toujours pas des mêmes droits que les parents biologiques. Elle a estimé que les difficultés rencontrées par certains homosexuels divorcés pour exercer leur droit de visite constituaient un déni de paternité ou de maternité.

Déplorant l'impossibilité pour les couples homosexuels d'adopter un enfant, elle s'est demandé en quoi la sexualité pouvait constituer un critère d'agrément.

Mme Martine Gross, évoquant l'hypothèse d'un enfant élevé par deux personnes de même sexe, a fait valoir que pour parer au cas de décès du parent légal, son compagnon devrait pouvoir procéder à une adoption simple, et a estimé que la procréation médicalement assistée devrait être ouverte à tous les couples, sans aucune distinction.

Enfin, la commission a entendu M. Dominique Touillet, représentant de l'association Lesbian and Gay pride.

M. Dominique Touillet a souligné que le nombre important de personnes participant aux manifestations organisées par l'association Lesbian an Gay pride chaque année témoignait de l'écho dont bénéficiaient les idées pour lesquelles celle-ci militait.

Il a exprimé son approbation globale du texte malgré certaines insuffisances et certaines incohérences. M. Dominique Touillet a souhaité que les dispositions d'application du texte, s'il était voté, soient d'inspiration suffisamment libérale et interviennent dans des délais rapides.

M. Dominique Touillet a considéré que grâce au PACS, le couple deviendrait un référent social indépendamment de toutes perspectives de procréation, se félicitant de la légitimation du couple homosexuel que la proposition de loi apporterait.

Il a observé que, si les opposants au PACS n'étaient pas tous homophobes, tous les homophobes s'opposaient au PACS.

M. Dominique Touillet a souligné que l'homosexualité apparaissait généralement à l'adolescence et qu'il était particulièrement important pour ces jeunes de bénéficier d'une perspective de stabilité pour structurer leur personnalité, eu égard aux nombreux suicides d'adolescents homosexuels.

Il a regretté que le texte proposé accorde aux fratries la possibilité de bénéficier de certaines de ses dispositions, considérant que l'image du couple ayant souscrit un PACS s'en trouverait brouillée et que les problèmes particuliers des fratries devraient plutôt être traités dans le cadre d'un texte concernant la famille.

M. Dominique Touillet a relevé que le PACS entraînerait d'un côté des sujétions applicables immédiatement, comme la prise en compte des revenus communs pour le calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune, et de l'autre des avantages acquis à terme, comme en matière de succession par exemple.

Il a contesté que le PACS puisse provoquer une évasion fiscale, estimant que celui-ci ne serait plus avantageux que si l'un des deux membres du couple percevait des revenus au moins deux fois plus importants que l'autre.

Rappelant que la personne ayant conclu un PACS ne pourrait pas se marier, il en a déduit qu'elle ne serait donc plus célibataire. Il a estimé dans ces conditions que, sauf à s'exposer à de grandes difficultés pratiques, il serait plus justifié de faire enregistrer le PACS par un officier d'état civil, regrettant que la formule choisie à cet égard ne l'ait été que pour satisfaire l'opinion publique.

M. Dominique Touillet, se référant à la pétition signée par vingt mille maires pour s'opposer à l'enregistrement des PACS à la mairie, s'est demandé si le législateur considérerait normal qu'un groupe de citoyens tente de s'opposer le cas échéant à l'application d'une loi.

Il a souhaité que la loi prohibe explicitement toute exploitation commerciale de fichiers de personnes ayant conclu un PACS et demandé qu'un cocontractant puisse, en cas de maladie de l'autre, bénéficier d'un droit spécifique d'information sur sa santé.

Regrettant que le texte soumis au Sénat ne fasse de la durée d'un PACS par un étranger avec un Français qu'un élément à prendre en considération pour l'attribution d'un titre de séjour, il a estimé qu'une telle disposition conférerait une marge d'appréciation excessive à l'administration.

M. Dominique Touillet a enfin souhaité que la France adopte une législation reconnaissant les statuts non maritaux pour les couples homosexuels, en vigueur dans plusieurs pays européens.

S'adressant aux quatre personnes auditionnées par la commission, M. Patrice Gélard, rapporteur, a observé que la condition de délai pour bénéficier de certains droits reconnus par le texte était justifiée par la très grande simplicité des formalités de souscription et de dénonciation du PACS.

Il a considéré que l'enfant d'un homosexuel ou d'un hétérosexuel disposait d'un statut identique et qu'une personne pouvait demander l'adoption simple de l'enfant de son conjoint homosexuel.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a fait observer à M. Dominique Touillet que les dispositions sur le PACS ne concernant pas spécifiquement les homosexuels, la valeur symbolique qu'il attachait aux dispositions proposées devaient être relativisée. Il s'est demandé combien de personnes souscriraient chaque année un PACS et quel pourcentage d'homosexuels le refuserait.

Mme Martine Gross a fait valoir que l'adoption simple ne réglerait pas la question de l'autorité parentale.

Mme Dominique Blanchon a estimé qu'il ne convenait pas d'adopter une législation spécifique pour les homosexuels et a considéré que la jurisprudence de la Cour de cassation n'accordant pas aux couples homosexuels les droits reconnus aux concubins pouvait logiquement s'expliquer par l'impossibilité légale de mariage entre personnes de même sexe.

Elle a considéré que la législation sur la contraception démontrait que le couple n'était pas nécessairement destiné à la procréation.

M. Robert Badinter a demandé quel serait l'apport du PACS dans l'hypothèse où n'existeraient plus de discriminations entre homosexuels et hétérosexuels en matière de concubinage.

M. Daniel Borrillo a considéré qu'à défaut de droit au mariage pour les couples homosexuels, il convenait de prévoir pour ceux-ci un acte juridique de reconnaissance.

Il a admis que le texte sur le PACS ne résoudrait pas la discrimination entre homosexuels et hétérosexuels en matière de concubinage.

A Mme Dominique Blanchon, qui s'étonnait que l'on puisse redouter la conclusion d'un plus grand nombre de " PACS blancs " que de " mariages blancs ", M. Patrice Gélard, rapporteur, a fait observer que cette crainte s'appuyait sur le fait que les procédures de mariage et de divorce étaient à la fois plus longues et plus coûteuses que celles de conclusion et de dissolution d'un PACS.

En réponse à M. Guy Allouche, Mme Dominique Blanchon a affirmé qu'elle ignorait les motifs pour lesquels l'Assemblée nationale n'avait pas pris en compte les critiques formulées par l'association Act-up, hormis des considérations financières.

M. Dominique Touillet a considéré que les députés avaient pu aussi prendre en considération certaines réactions d'hostilité au texte proposé, perceptibles dans l'opinion publique.

A M. Jacques Larché, président, demandant aux quatre personnes auditionnées si, compte tenu des réserves qu'elles avaient exprimées, elles envisageaient après l'adoption éventuelle du texte, une action pour atteindre tous les objectifs qu'elles s'étaient fixées, les quatre intervenants ont répondu par l'affirmative.

Puis la commission a procédé aux auditions de Mme Chantal Lebatard, administrateur de l'union nationale des associations familiales, Mme Dominique Marcilhacy, de Familles de France, M. Jean-Marie Andrès, de la confédération nationale des Associations familiales catholiques, Mme Claudine Remy, vice présidente de l'association Familles rurales, et M. Bernard Teper, chargé de la communication au sein de l'Union des familles laïques.

A titre liminaire, Mme Chantal Lebatard a regretté que les auditions de la commission aient été regroupées au cours d'une même journée et a estimé qu'il aurait été plus raisonnable d'attendre les conclusions du groupe de travail de la Chancellerie sur l'évolution du droit de la famille.

M. Jacques Larché, président, a alors fait observer que le calendrier des travaux de la commission résultait de l'ordre du jour prioritaire fixé par le Gouvernement.

Après avoir souligné que, conformément à sa mission légale, l'Union nationale des associations familiales s'exprimait au nom de l'ensemble des familles françaises et étrangères vivant en France, Mme Chantal Lebatard a indiqué que, lors de son assemblée générale de juin 1998, deux textes avaient été soumis à l'UNAF dont l'un avait été approuvé à près de 90 %.

Exposant les principales orientations retenues dans ce dernier texte, Mme Chantal Lebatard a fait savoir que l'UNAF contestait la confusion créée par la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale avec les dispositions relatives à la famille ainsi que la mise en cause de la famille et de l'enfant qui en résultait.

Mme Chantal Lebatard a fait observer que le PACS maintenait ou ajoutait à la confusion, d'une part, entre les publics bénéficiaires, d'autre part, entre les dispositions proposées et celles relatives au mariage et, enfin, entre les couples homosexuels et hétérosexuels au risque de brouiller les repères fondamentaux de la parentalité.

Elle s'est ensuite interrogée sur l'intérêt et la portée réelle d'un nouveau statut du couple, intermédiaire entre celui du mariage et l'union libre, sans aucune réflexion préalable sur les motifs qui conduisaient les concubins à écarter ou à différer un mariage. Elle a souligné que le pacte civil de solidarité n'apportait pas de réponse au besoin de sécurité et de protection du plus faible des contractants.

Mme Chantal Lebatard a également fait valoir que l'élargissement du dispositif aux fratries risquait d'être plus générateur d'inégalités de droits entre les membres d'une même fratrie dès lors que celle-ci serait composée de plus de deux personnes.

S'intéressant aux dispositions fiscales qui prévoyaient une déclaration conjointe et une imposition commune, Mme Chantal Lebatard a souligné que ces dispositions ne concerneraient que ceux qui payaient l'impôt. Dans ces conditions, elle s'est interrogée sur la cohérence de ces mesures fiscales avec les discours sur la solidarité et sur les besoins réels des plus défavorisés.

Puis, Mme Chantal Lebatard a rappelé que l'UNAF avait lancé un appel solennel au Gouvernement le 29 octobre dernier, soulignant qu'un sujet aussi essentiel pour la société ne saurait être traité dans la précipitation. Elle a indiqué que cet appel demandait un vrai débat et une concertation associant toutes les forces vives de la nation et tous les courants de pensée. Elle a considéré que le Sénat devait privilégier le discernement et la réflexion sur les considérations plus politiques. Elle a fait valoir que la législation actuelle offrait des possibilités pour régler les problèmes matériels difficiles qui résultaient de certaines situations.

Mme Chantal Lebatard a estimé qu'à ces conditions pourraient être élaborés des textes qui, dans le respect de l'équité, des choix privés et de l'intérêt de la société, assurent à tous, surtout aux plus faibles, notamment à chaque enfant, protection et garantie des droits fondamentaux.

Pour finir, Mme Chantal Lebatard a fait observer qu'il convenait de s'interroger sur la fonction même de la loi dans la structuration des personnes, laquelle ne devait pas permettre la confusion des genres.

Mme Dominique Marcilhacy, de Familles de France, tout en exprimant des sentiments de respect et de sympathie à l'égard des homosexuels et des concubins, a fait valoir que le pacte civil de solidarité constituait une régression.

Mme Dominique Marcilhacy a considéré que ce pacte était tout d'abord dangereux pour les contractants eux-mêmes qui bénéficieraient de droits beaucoup moins protecteurs que ceux prévus dans le cadre du mariage. Elle a en particulier souligné que le texte ne prévoyait aucune protection contre la rupture brutale du contrat.

Elle a en outre estimé que le pacte civil de solidarité était dangereux pour les enfants dans la mesure où il préparait une future revendication concernant l'adoption d'enfants par les couples homosexuels.

Mme Dominique Marcilhacy a fait valoir que si la tendresse d'un couple homosexuel pour l'enfant n'était pas en cause, en revanche, ce dernier avait besoin d'un père et d'une mère. Elle a estimé que si l'homosexualité était désormais présentée comme une norme, cette situation guiderait les enfants vers ce choix, lequel ne permettrait pas leur véritable épanouissement.

Puis Mme Dominique Marcilhacy a fait observer que le pacte civil de solidarité était dangereux pour la société en général et pour les personnes mariées en particulier. Elle a ainsi relevé que le texte encouragerait des fraudes multiples dont les conséquences seraient finalement supportées par les tiers.

Considérant que l'Etat avait pour mission de favoriser le mariage, Mme Dominique Marcilhacy a relevé que ce dernier assurait la pérennité de la société, laquelle devait encourager la stabilité des couples. Elle a noté que tel était l'objet de l'interdiction de la répudiation et de la présomption de paternité.

En conclusion, Mme Dominique Marcilhacy a considéré que le mariage était un " enfant battu " de la République. Elle a souhaité que le législateur ne contribue pas à brimer cette institution.

M. Jean-Marie Andrès, de la confédération nationale des Associations familiales catholiques, après avoir souscrit aux interventions précédentes, a souligné l'unanimité des associations familiales sur cette question et leur volonté qu'une réflexion approfondie soit engagée.

Considérant que la famille n'était pas une catégorie sociale, toute personne en étant au moins issue, M. Jean-Marie Andrès a estimé que les associations familiales étaient fondées à s'occuper de tout problème de société et donc, à ce titre, à représenter les citoyens.

Après avoir estimé que cette proposition de loi ne reflétait pas la volonté populaire, M. Jean-Marie Andrès a fait valoir qu'elle comportait des ambiguïtés de fond qui ne pourraient pas être levées. Il a ainsi relevé l'ambiguïté entre le traitement du concubinage et le problème du mariage homosexuel, ou encore la confusion des objectifs entre la volonté de trouver un substitut au mariage et la recherche de solutions aux problèmes de solidarité entre les individus. Il a en outre souligné que le texte institutionnalisait la précarité et qu'il évitait d'aborder la question de l'enfant.

Demandant le retrait pur et simple de la proposition de loi, M. Jean-Marie Andrès a fait observer que pas plus l'homosexualité que le concubinage n'étaient mis en cause et que les couples continuaient à se marier. Dans ces conditions, il s'est interrogé sur les motifs justifiant l'élaboration d'un nouveau statut du couple.

En conclusion, il a indiqué que les associations familiales manifesteraient sur la voie publique leur opposition au pacte civil de solidarité afin de sensibiliser les citoyens à la nécessité de traiter la question au fond et de demander le retrait de la proposition de loi.

Mme Claudine Rémy, vice-présidente de l'association Familles rurales, indiquant que son mouvement était défavorable à la proposition de loi, a fait valoir que si les choix de vie de chacun, notamment la préférence sexuelle, devaient être respectés, cela ne signifiait pas que tous les types de relation devaient être mis sur le même plan. Elle a souligné que la différence des sexes était fondamentale pour notre société et que les enfants avaient besoin de ce repère pour trouver leur place et se construire en tant qu'hommes ou femmes.

Mme Claudine Rémy a estimé que le pacte civil de solidarité ne protégeait pas le plus faible, la rupture du contrat pouvant intervenir à n'importe quel moment sur simple demande. Elle a en outre considéré qu'il ouvrait la porte aux abus dans la mesure où, au regard des avantages qu'il pourrait procurer, il revêtait un caractère peu contraignant.

Estimant que ce pacte amputait le couple de sa fonction parentale,Mme Claudine Rémy a rappelé que les avantages accordés au couple hétérosexuel n'étaient pas liés au couple lui-même mais à la présence d'enfants ou au projet d'en avoir. Elle a en outre déploré que les droits de l'enfant à avoir un père et une mère afin de construire son identité soient complètement ignorés, le dispositif se bornant aux droits des personnes dans le couple comme si celui-ci était une fin en soi que la société devait reconnaître en tant que tel.

Après avoir noté que la vie privée n'était pas un sujet de droit, Mme Claudine Rémy a considéré que l'acte civil du mariage serait indirectement mis en cause au moment même où chacun reconnaît la nécessité de renforcer la citoyenneté et de mieux sensibiliser les familles à leurs responsabilités éducatives. Elle s'est étonnée que l'Etat se soucie aussi peu de valoriser les actes d'état civil dont il était pourtant le garant.

Mme Claudine Rémy a par ailleurs relevé qu'à la différence de l'acte civil du mariage qui ménageait des devoirs entre les cocontractants, le pacte civil de solidarité ouvrait des avantages sans attendre quoi que ce soit de l'union des personnes. Elle s'est en conséquence demandé si un célibataire qui s'investissait dans la vie associative ou sous toute autre forme dans la société ne pourrait pas bénéficier des mêmes égards.

En conclusion, considérant que le pacte civil de solidarité ne répondait plus à son objet initial qui était de combler un vide juridique, Mme Claudine Rémy a estimé qu'il remettait en question les fondements mêmes de la société.

Tout en se montrant favorable à l'aménagement de certaines règles afin de répondre aux situations de séparation ou de décès dans lequel le plus faible n'était pas protégé, Mme Claudine Rémy a fait valoir qu'il n'était pas utile de légiférer sur de nouvelles formes d'union.

Faisant observer que la loi devait assurer la paix civile tout en permettant à la société d'être ouverte sur l'avenir, M. Bernard Teper, chargé de la communication au sein de l'Union des familles laïques, a constaté que le pacte civil de solidarité avait plutôt renforcé les hostilités et les outrances.

Estimant que le résultat était navrant, il a considéré que le texte n'avait désormais plus d'intérêt pour les quelque cinq millions de concubins hétérosexuels. Il a relevé que le texte adopté par l'Assemblée nationale instituait des délais de carence incompréhensibles, instaurait un droit de répudiation et refusait la protection du plus faible dans le couple. Il s'est en outre interrogé sur l'avenir des concubins qui n'auraient pas passé un pacte civil de solidarité.

Puis M. Bernard Teper a considéré qu'on ne pouvait pas se contenter du statu quo qui n'était plus acceptable compte tenu des évolutions de la société. Il a ainsi relevé que divers bouleversements appelaient la création de droits nouveaux en zone rurale pour les fratries et les personnes seules, mais aussi en zone urbaine compte tenu du grand développement de l'union libre et du nombre important de personnes seules.

Soulignant que la paix civile justifiait de séparer la sphère publique et la sphère privée, M. Bernard Teper a estimé que l'Etat devait respecter le libre choix des citoyens à l'intérieur de la sphère privée.

Jugeant, en deuxième lieu, qu'il était nécessaire de sérier les problèmes, M. Bernard Teper s'est prononcé pour une grande loi sur les fratries qui soit distincte des lois intéressant le droit des couples et qui ne limite pas le droit des fratries à deux individus. Il s'est également prononcé pour une plus grande reconnaissance légale de l'union libre et pour l'amélioration de ses droits. Il a considéré que ces deux lois différentes permettraient de résoudre les problèmes sociaux qui se posaient dans les zones rurales et dans les zones urbaines.

Puis M. Bernard Teper a estimé qu'il conviendrait de supprimer l'homophobie dans le droit français en reconnaissant une égalité de droits de tous les concubins qu'ils soient hétérosexuels ou homosexuels.

Considérant en outre qu'il fallait faire entrer le droit des couples et le droit familial dans le progrès et la modernité, M. Bernard Teper a proposé de définir les différents modes de preuve permettant de reconnaître le concubinage et d'améliorer le droit des concubins, notamment en matière de succession ou de donation. Il s'est en outre interrogé sur la possibilité de reconnaître aux concubins dans certains domaines des droits identiques à ceux des couples mariés, ce qui leur permettrait de faire un véritable choix entre le mariage et le concubinage.

Enfin, M. Bernard Teper s'est prononcé pour une grande réforme de la fiscalité qui, tenant compte de la diversification des modes de vie, serait fondée sur les individus et non sur les ménages, solution adoptée par de nombreux pays développés. Il a considéré qu'ainsi repensée, la fiscalité permettrait de mettre en oeuvre plus facilement une solidarité horizontale tenant compte des dépenses liées aux enfants et une solidarité verticale en fonction des revenus.

En conclusion, M. Bernard Teper a considéré que le législateur devait à la fois doter la France de lois qui lui permettent de tenir son rang en tant qu'inspiratrice des lumières, du progrès et de la modernité et instaurer la paix civile par des solutions qui satisfassent tous les citoyens.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a fait observer que si le Sénat rejetait purement et simplement la proposition de loi, comme le proposaient certains intervenants, il était vraisemblable que l'Assemblée nationale reprendrait son dispositif de première lecture, lequel comportait de très nombreux défauts.

Il s'est par ailleurs interrogé sur les solutions envisageables pour répondre aux problèmes réels des couples homosexuels et a souhaité savoir si, du point de vue des associations familiales, le mariage homosexuel devait être définitivement écarté.

Enfin, il s'est demandé si des formules contractuelles ne permettraient pas de résoudre les difficultés que rencontraient dans leur vie commune certaines personnes n'ayant pas de liens sexuels.

M. Jacques Larché, président, a confirmé la volonté de la commission d'examiner les différentes dispositions de la proposition de loi dont certaines paraissaient, en l'état, totalement inapplicables juridiquement.

Tout en soulignant que les concubins, les célibataires et les homosexuels bénéficiaient d'un statut en matière de protection sociale et concernant le régime des biens, Mme Dominique Marcilhacy a néanmoins estimé que des améliorations étaient nécessaires, en particulier pour réduire le montant des droits de succession ou encore pour faciliter les transmissions de logement par un aménagement du régime de la tontine.

M. Jacques Larché, président, a alors fait valoir qu'il faudrait relever le plafond beaucoup trop faible prévu dans le cadre de ce régime.

Mme Dominique Marcilhacy a, en revanche, écarté l'idée de mesures fiscales qui aboutiraient, selon elle, à encourager le concubinage, qu'il soit homosexuel ou hétérosexuel. Elle a en outre fait valoir qu'il était d'ores et déjà possible de passer un acte sous seing privé pour régler différents aspects de la vie en commun.

M. Jean-Marie Andrès a souligné que, n'ayant pas d'objectifs clairs, la proposition de loi combinait des dispositions très diverses. Il a souhaité que les problèmes concrets qui pouvaient résulter de certaines situations fassent l'objet d'un examen spécifique et que le problème du mariage entre homosexuels soit traité clairement ainsi que ses conséquences sur la situation des enfants.

Après avoir fait valoir que la procréation n'était pas consubstantielle au mariage, M. Guy Allouche a souligné que toutes les familles n'étaient pas nécessairement heureuses et qu'à l'inverse, certains couples homosexuels ou concubins souhaitaient légitimement voir consacrer le lien affectif réel qui les unissait.

En réponse, M. Jean-Marie Andrès a fait observer que la solidarité entre les individus s'exprimait de façon privée à travers le concubinage et en public par l'intermédiaire du mariage. Il a souligné qu'à la différence du concubinage, le mariage constituait un engagement de solidarité faisant l'objet d'une procédure spécifique de séparation sous la forme du divorce, ce qui justifiait qu'il soit valorisé par l'Etat.

Tout en se montrant favorable à ce que les problèmes de la vie commune entre deux personnes soient réglés par le législateur, M. Bernard Teper s'est néanmoins de nouveau prononcé pour une loi spécifique qui soit différente de celle applicable aux couples mariés et aux familles.

En réponse à M. Jacques Larché, président, il a indiqué que, selon lui, le couple homosexuel devait se situer dans le cadre juridique intéressant les relations affectives.

M. Bernard Teper, soulignant que les relations entre les individus relevaient de la sphère privée, a de nouveau plaidé pour la suppression de l'homophobie dans le droit français.

En réponse à M. Patrice Gélard, rapporteur, il a précisé que les droits applicables aux concubins hétérosexuels devaient être étendus aux couples homosexuels.

M. Jacques Larché, président, a alors fait valoir que cette différence de traitement ne pouvait être assimilée à de l'homophobie, contrairement aux dispositions pénales répressives désormais supprimées du droit français. Il a par ailleurs fait observer que le passage par le concubinage était rarement définitif et que, de même, les naissances hors mariage étaient surtout fréquentes pour le premier enfant.

M. Patrice Gélard, rapporteur, a estimé qu'il existait plusieurs sortes de concubins : ceux, notamment des personnes âgées, qui ne se mariaient pas car la situation de concubinage était plus intéressante pour elles, ceux qui refusaient purement et simplement le mariage et enfin ceux qui, tout en prolongeant une situation de concubinage, n'excluaient pas de se marier.

S'intéressant aux aspects fiscaux, M. Yves Fréville s'est interrogé sur le sujet de droit qui devait être pris en compte, soit l'individu, soit le couple constituant un foyer fiscal. Il s'est demandé s'il convenait de revenir sur l'imposition par foyer.

En réponse, M. Bernard Teper a fait valoir que l'accroissement du nombre de personnes qui divorçaient et ensuite vivaient en concubinage traduisait une complexité plus forte des modes de vie.

Considérant que prendre en compte l'individu au plan fiscal constituerait une réforme de grande ampleur, il a néanmoins estimé qu'il serait alors plus facile de concevoir les solidarités devant être mises en oeuvre.

En conclusion, M. Jacques Larché, président, s'est félicité que ces auditions aient permis aux sénateurs d'entendre des opinions très diverses de nature à éclairer leur réflexion sur la proposition de loi.

Jeudi 28 janvier 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

DOM-TOM - Nouvelle Calédonie - Audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le projet de loi n° 145 (1998-1999)et le projet de loi organique n° 146 (1998-1999) relatifs à la Nouvelle Calédonie.

M. Jacques Larché, président, après avoir indiqué que le Sénat, de façon générale, n'était pas favorable à la déclaration d'urgence, a estimé que celle-ci s'imposait pour les deux textes relatifs à la Nouvelle-Calédonie, compte tenu du calendrier prévisionnel de mise en place des nouvelles institutions calédoniennes.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a souligné l'importance de ces deux textes et leur signification politique et historique. Il a noté que le recours à la procédure d'urgence devrait permettre la mise en place de ces institutions avant le 1er août 1999, l'organisation des élections au congrès et aux assemblées de province étant prévue au mois de mai.

Il a rappelé que la révision constitutionnelle du 6 juillet 1998 avait été adoptée par le Congrès à une large majorité de 96 % des suffrages exprimés, l'accord de Nouméa signé le 5 mai 1998 ayant ensuite été approuvé, lors de la consultation du 8 novembre 1998, par 72 % des suffrages exprimés, avec une participation de 74 % du corps électoral, le " oui " étant majoritaire dans chacune des trente-trois communes de la Nouvelle-Calédonie.

Il a indiqué que les deux projets de loi soumis à l'examen du Parlement étaient le fruit d'un long processus de concertation entre les partenaires, de nombreuses réunions s'étant tenues entre le 17 août et le 20 septembre 1998, et il s'est félicité de l'esprit de concorde et de la volonté d'aboutir à une solution consensuelle qui avait marqué cette période. Il a rappelé que le congrès de la Nouvelle-Calédonie avait émis un avis favorable sur l'avant-projet de loi organique le 12 novembre 1998 et qu'à l'Assemblée nationale la quasi-totalité des amendements avait été adoptée avec l'avis favorable du Gouvernement.

Après avoir indiqué qu'à l'origine le Gouvernement avait proposé un texte unique, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a indiqué que le Conseil d'État avait préféré scinder ce texte pour séparer les dispositions de nature organique, au nombre de deux-cent-vingts environ, de celles relevant de la loi ordinaire.

Puis il a présenté les principales innovations du dispositif statutaire proposé pour la période des quinze à vingt prochaines années :

- la pleine reconnaissance de l'identité kanak, le projet de loi organique organisant l'accès ou le retour au statut civil coutumier sous le contrôle du juge, dotant les terres coutumières d'un statut légal et prévoyant une représentation institutionnelle de la coutume avec la création de conseils coutumiers dans les huit aires coutumières et d'un sénat coutumier consulté sur les projets de texte intéressant l'identité kanak, le dernier mot étant cependant réservé au congrès ;

- l'échelonnement et l'importance des compétences transférées à la Nouvelle-Calédonie et le caractère irréversible de ces transferts, l'Etat conservant les compétences régaliennes et les provinces une compétence de droit commun comme dans le statut de 1988. Il a précisé que certaines compétences resteraient partagées entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie, en particulier dans les domaines des relations internationales, de l'entrée et du séjour de étrangers et de la communication audiovisuelle, et qu'en matière minière, le processus de décision imaginé réservait le dernier mot aux institutions de la Nouvelle-Calédonie. Il a indiqué que ces transferts de compétences s'accompagneraient des transferts de moyens correspondants et que certains établissements publics de l'Etat, tels que l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) ou l'Agence de développement de la culture kanak (ADCK) deviendraient des établissements publics de la Nouvelle-Calédonie.

Il a observé que le projet de loi organique conférait au congrès des compétences en matière d'accès à l'emploi local, les mesures prises devant respecter les avantages individuels et collectifs acquis, le cadre légal proposé s'inspirant du régime juridique d'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) à la Communauté européenne ;

- la mise en place d'institutions désignées et organisées selon des modalités nouvelles. Il a indiqué que si le congrès demeurait une émanation des assemblées de province, les effectifs de ces assemblées étaient étoffés, cette organisation s'inspirant des mécanismes résultant de la loi Paris-Lyon-Marseille (PLM). Il a rappelé les critères retenus pour la définition du corps électoral spécial (condition de résidence en Nouvelle-Calédonie de dix ans et inscription sur le tableau annexe arrêté en 1998), justifié par la reconnaissance d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie devant fonder les mesures restreignant l'accès à l'emploi local.

Il a souligné que le projet de loi organique introduisait une nouvelle norme juridique à valeur législative, la loi du pays, dont le champ d'intervention était strictement délimité et dont l'adoption serait subordonnée à un vote favorable de la majorité des membres du congrès. Il a précisé que le projet ou la proposition de loi du pays devrait être soumis pour avis au Conseil d'État, et non au tribunal administratif de Nouméa comme le prévoyait initialement le texte du Gouvernement et il a indiqué qu'un amendement serait déposé pour rendre obligatoire une seconde lecture préalablement à une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel avant promulgation, cette exigence étant justifiée par la nécessité d'imposer un temps de maturation des mesures proposées dans des matières relevant du domaine de la loi alors que la Nouvelle-Calédonie ne disposait pas d'un système bicaméral ;

- un pouvoir exécutif transféré du haut-commissaire à un gouvernement collégial comprenant cinq à onze membres élus par le congrès au scrutin proportionnel sur des listes établies par les groupes d'élus du congrès et responsable devant ce dernier. Il a précisé que ce gouvernement préparerait et exécuterait les délibérations du congrès, et gérerait collégialement et solidairement les affaires relevant de sa compétence. Il a observé que le haut-commissaire pourrait demander une seconde délibération d'un arrêté du gouvernement, cette faculté répondant à une demande des partenaires calédoniens ;

- trois provinces, collectivités territoriales de la République disposant de la compétence de droit commun. Il a rappelé que si les provinces avaient activement contribué au rééquilibrage économique défini comme un objectif essentiel par les Accords de Matignon, d'importants progrès restaient à accomplir en province nord et dans la province des îles Loyauté.

Revenant sur le dispositif électoral prévu pour les élections aux assemblées de province et au congrès, il a souligné que la définition du corps électoral spécial avait fait l'objet de longues discussions entre les partenaires calédoniens. Il a indiqué qu'aux termes de l'article 177 du projet de loi organique, les personnes inscrites sur le tableau annexe accèderaient à la qualité d'électeur dès lors qu'elles justifieraient de dix années de résidence en Nouvelle-Calédonie et qu'elles pourraient alors voter aux élections aux assemblées de province.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'État à l'outre-mer, a rappelé que le conseil économique et social était maintenu dans une composition élargie et que sa fonction consultative était confirmée.

Il a précisé que les communes demeureraient des collectivités territoriales de la République au moins jusqu'en 2009, date à laquelle il reviendrait au congrès de décider de leur statut.

Concernant la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté, il a indiqué que sa date serait fixée par délibération du congrès ou à défaut par l'État, à partir du mandat du congrès débutant en 2014, et il a rappelé que la consultation porterait sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes. Il a souligné que, bien que l'Accord de Nouméa prévoie trois consultations successives, la loi organique n'en mentionnait expressément que deux, le comité des signataires devant se réunir à l'issue de la deuxième si elle concluait au rejet.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'État à l'outre-mer, a réaffirmé l'engagement de l'Etat à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans sa démarche d'émancipation et de développement économique, social et culturel, de nouveaux contrats pluriannuels devant être conclus.

Sur le projet de loi ordinaire complètant la loi organique, il a rappelé qu'y étaient regroupées les dispositions relatives au haut-commissaire et à l'action de l'Etat, aux communes, au contrôle juridictionnel et financier et au droit électoral général.

Soulignant l'originalité du dispositif statutaire proposé aux termes duquel la Nouvelle-Calédonie n'était plus un territoire d'outre-mer mais une collectivité sui generis, lequel traduisait la volonté d'organiser des relations renouvelées et confiante avec la métropole et le souci de garantir une stabilité institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie au cours de la période de quinze à vingt ans à venir,M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'État à l'outre-mer, s'est félicité que le caractère consensuel du processus suivi ait été reconnu par les Etats du Pacifique qui avaient élu MM. Jacques Lafleur et Roch Wamytan personnalités de l'année. Il a enfin souhaité que la commission mixte paritaire aboutisse à un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a jugé que l'examen des deux textes par l'Assemblée nationale dans le délai très bref qui lui était imparti avait abouti à une lisibilité parfois insuffisante des dispositions adoptées.

Considérant que les lois du pays interviendraient sur des matières sensibles relevant en métropole du domaine de la loi, il a approuvé la modification introduite par l'Assemblée nationale tendant à substituer le Conseil d'Etat au tribunal administratif de Nouméa dans la procédure de consultation en amont sur les projets et propositions de lois du pays. Il s'est par ailleurs déclaré favorable à ce qu'une seconde délibération soit exigée avant toute saisine du Conseil constitutionnel dans la procédure d'examen de tels textes, exigence devant faire l'objet d'un amendement du Gouvernement.

Concernant le contrôle juridictionnel, il a souligné la nécessité de distinguer les deux chambres territoriales des comptes de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, proposition déjà formulée en février 1996 par la commission des lois lors de l'examen du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et qui trouvait aujourd'hui de nouvelles justification avec le transfert de nouvelles compétences à la Nouvelle-Calédonie, et le fait que ces deux collectivités n'appartenaient plus à la même catégorie juridique. Il a estimé que la création d'une chambre territoriale des comptes propre à la Nouvelle-Calédonie serait conforme à l'esprit de l'Accord de Nouméa.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a souligné les difficultés rédactionnelles et les erreurs affectant les dispositions relatives à la définition du corps électoral spécial pour les consultations sur l'accession à la pleine souveraineté et au mécanisme de ces consultations.

Il a indiqué s'être attaché, dans le strict respect de l'Accord de Nouméa, à améliorer le dispositif institutionnel concernant le fonctionnement du congrès et des assemblées de province en transposant, chaque fois que possible, les règles prescrites par le code général des collectivités territoriales.

M. Jacques Larché, président, a confirmé la nécessité d'appliquer l'accord de Nouméa sans ajouter d'innovation qui n'y serait pas directement liée comme l'avait fait l'Assemblée nationale en adoptant des amendements sur la justice en Nouvelle-Calédonie. Il a souhaité que la loi organique applique " tout l'accord de Nouméa mais rien que l'accord de Nouméa ".

M. Guy Allouche s'est interrogé sur l'abstention du FLNKS du vote du congrès de la Nouvelle-Calédonie consulté pour avis sur l'avant-projet de loi organique. Constatant que la nécessité de poursuivre le rééquilibrage économique constituait un point essentiel de l'Accord de Nouméa, il a de plus souhaité savoir si les nouvelles compétences transférées à la Nouvelle-Calédonie permettraient d'atteindre cet objectif. A propos du mode de désignation des membres du sénat coutumier, il s'est interrogé sur la compatibilité entre sa nature coutumière et le principe démocratique de l'élection.

Il a rappelé qu'à la suite de la mission effectuée en Polynésie française, la commission des lois du Sénat avait souhaité renforcer le contrôle des dépenses publiques dans ce territoire en proposant la création de deux chambres territoriales distinctes. Il a souligné l'actualité accrue de cette proposition dès lors que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie relevaient désormais de catégories juridiques différentes. Il a estimé qu'il serait paradoxal que le Gouvernement invoque l'article 40 en séance publique, dès lors qu'il s'agissait de s'assurer de l'emploi régulier des fonds publics.

Concernant l'emploi local, il a souhaité savoir si les mesures adoptées par le congrès seraient compatibles avec les principes du régime d'association des PTOM à la Communauté européenne et les autres engagements internationaux ratifiés par la France, en particulier la Convention européenne des droits de l'Homme et le Pacte de New-York sur les droits civils et politiques.

M. Pierre Fauchon s'est félicité de la souplesse du cadre juridique proposé, susceptible selon lui de faire évoluer favorablement la culture juridique française.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'État à l'outre-mer, a estimé que l'abstention du FLNKS lors de la séance du congrès du 12 novembre 1998 n'était qu'une abstention de précaution, le FLNKS s'étant par la suite félicité du dispositif statutaire soumis au Parlement.

Concernant le rééquilibrage économique, il a signalé la volonté exprimée par les deux partenaires politiques de faire évoluer la Nouvelle-Calédonie et non de prôner le repli sur l'entité provinciale. Il a souligné l'importance de l'effort financier de l'Etat, citant en exemple le budget de la province des Iles Loyauté d'un montant équivalent à celui du Vanuatu alors que la Nouvelle-Calédonie comportait dix fois plus d'habitants.

S'agissant de la coutume, il a rappelé que le sénat coutumier existait déjà sous la forme du conseil consultatif coutumier du territoire et que le projet de loi organique allait dans le sens d'une procédure plus transparente et plus démocratique, l'évolution vers le principe de l'élection étant expressément mentionnée.

Il a confirmé que le Gouvernement serait favorable à ce que la chambre territoriale des comptes de Nouméa se consacre exclusivement à la Nouvelle-Calédonie. Il a en revanche estimé préférable que la publication d'un rapport annuel de la chambre territoriale, proposée par l'Assemblée nationale, soit supprimée.

Abordant la question de l'emploi local, il a indiqué qu'il était déjà possible pour un PTOM de prendre des mesures dérogatoires temporaires, avec l'accord de la Commission européenne. Il a confirmé que la quatrième partie du traité de Rome et la décision d'association des PTOM à la Communauté européenne devraient être révisés, les négociations sur ce point étant en cours et devant en principe aboutir avant la fin de l'année 1999.

S'interrogeant sur la pertinence de la thèse soutenue par un récent article de doctrine sur le problème de la compatibilité des orientations de l'Accord de Nouméa avec les engagements internationaux souscrits par la France, il a observé qu'un récent arrêt du Conseil d'Etat n'avait pas annulé le décret tendant à la convocation d'un corps électoral restreint pour la consultation du 8 novembre 1998 sur l'Accord de Nouméa.

DOM-TOM - Nouvelle-Calédonie - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Hyest, le projet de loi n° 145 (1998-1999) et le projet de loi organique n° 146 (1998-1999) relatifs à la Nouvelle-Calédonie.

Après avoir souligné la difficulté de traduire en termes juridiques un accord politique, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué que le projet de loi organique contenait plus de 220 articles tandis que le statut actuel en comptait seulement 97. Il a rappelé son souci d'appliquer l'Accord de Nouméa et rien que cet accord, ce qui le conduisait à proposer la suppression de plusieurs ajouts de l'Assemblée nationale, en particulier les dispositions du titre 1er bis relatives à la justice en Nouvelle-Calédonie dont la constitutionnalité était contestable, ainsi que plusieurs dispositions figurant dans le projet de loi organique initial, inspirées directement de la loi sur les conseils régionaux ou du projet de loi en cours d'examen relatif aux incompatibilités entre mandats électifs.

Il a souligné que, sans modifier au fond les dispositions concernant le corps électoral spécial et les consultations sur l'accession à la pleine souveraineté, il lui paraissait nécessaire de corriger plusieurs erreurs.

Il a rappelé que pour toutes les dispositions concernant le fonctionnement des assemblées locales, il proposerait à la commission de transposer les dispositions du code général des collectivités territoriales.

La commission a ensuite adopté deux cent trente et un amendements sur le projet de loi organique dont les principaux portent sur les articles suivants :

A l'article premier, concernant la modification par décret en Conseil d'Etat des limites des provinces, M. Simon Loueckhote a souhaité que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ait un droit d'initiative pour demander une modification des limites des provinces. M. Patrice Gélard a souligné la nécessité de distinguer, dans la rédaction proposée, le pouvoir d'initiative et la décision de demander la modification elle-même qui devait rester au congrès. Après un débat auquel ont également participé MM. Jacques Larché, président, etJean-Jacques Hyest, rapporteur, la commission a adopté un amendement en ce sens.

A l'article 2 qui énumère les institutions de la Nouvelle-Calédonie, M. Simon Loueckhote s'est interrogé sur le point de savoir si la Nouvelle-Calédonie était encore une collectivité territoriale de la République. La commission a adopté un amendement supprimant de l'énumération la référence aux assemblées de province, celles-ci n'étant pas à proprement parler des institutions de la Nouvelle-Calédonie.

Aux articles 11 à 13 fixant les conditions d'accès au statut civil coutumier et donnant compétence à la juridiction civile de droit commun pour statuer sur les litiges relatifs à ce statut, la commission a adopté quatre amendements pour améliorer la cohérence du dispositif, pour permettre au juge de rejeter la demande d'accès au statut civil coutumier lorsqu'il aurait pour conséquence de léser gravement les intérêts de la parentèle et pour donner compétence à la juridiction civile de droit commun sur les litiges concernant les terres coutumières.

Sur les articles 17 bis à 17 quater, ajoutés par l'Assemblée nationale, pour généraliser la présence d'assesseurs dans toutes les formations de jugement de droit commun et limiter à cinq ans la durée d'exercice des fonctions de magistrat en Nouvelle-Calédonie, M. Patrice Gélard a estimé que cette limitation était contraire au principe constitutionnel de l'inamovibilité des magistrats ; la commission a adopté trois amendement proposés par le rapporteur supprimant ces articles sans lien avec la mise en oeuvre de l'Accord de Nouméa.

A l'article 19 (6°), qui prévoit la compétence de l'Etat en matière de desserte aérienne entre la Nouvelle-Calédonie et la métropole, la commission a adopté un amendement étendant la compétence de l'Etat à la desserte maritime.

Sur l'article 20 qui inscrit dans la loi organique le principe de spécialité législative appliqué à la Nouvelle-Calédonie, la commission a estimé que ce principe, posé par la jurisprudence pour les territoires d'outre-mer par interprétation de l'article 74 de la Constitution, pouvait se déduire de l'article 77 pour la Nouvelle-Calédonie ; elle a adopté un amendement de suppression de cet article qui se référait en outre à une notion doctrinale, la loi de souveraineté, sans la définir.

A l'article 21 (3°) qui confie à la Nouvelle-Calédonie la compétence en matière de " travail des étrangers ", la commission a adopté un amendement de précision, estimant que la Nouvelle-Calédonie ne devait pas être autorisée à édicter des règles définissant un droit de travail particulier pour les étrangers mais seulement être compétente pour régir l'accès des étrangers à l'emploi local.

A l'article 23 définissant le cadre légal applicable aux lois du pays qui fixeront les mesures relatives à l'accès à l'emploi local, la commission a adopté trois amendements tendant à préciser ce cadre légal en introduisant une notion de proportionnalité applicable à la définition de la condition de durée de résidence.

A l'article 25 aux termes duquel une délibération du congrès adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres précisera les compétences transférées dans une seconde étape et le calendrier des transferts, la commission a adopté un amendement tendant à ce que les transferts soient définis par une loi du pays et non une simple délibération. En réponse à M. Patrice Gélard s'interrogeant sur la signification exacte de la condition de majorité requise, M. Jacques Larché, président, a estimé que la référence au nombre de membres du congrès devait s'entendre comme excluant les sièges vacants.

A l'article 35 définissant la compétence du congrès de la Nouvelle-Calédonie en matière de jeux de hasard, la commission a adopté un amendement tendant à préciser les règles relatives au contrôle exercé par l'Etat.

A l'article 40 fixant la composition et les compétences du comité consultatif des mines, la commission a adopté un amendement imposant à celui-ci un délai de trois mois pour rendre son avis, afin d'éviter que dans le silence de ce comité la procédure de décision en matière minière ne soit bloquée.

A l'article 56 bis concernant la demande d'un fonctionnaire de l'Etat qui a opté pour le maintien de son statut et qui a choisi d'être affecté dans un emploi de l'État, la commission a adopté deux amendements, l'un pour prévoir que la consultation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie soit simplement facultative dans la procédure d'exercice de ce droit d'option, l'autre pour transposer les garanties résultant de la loi du 26 janvier 1984 portant statut de la fonction publique territoriale.

A l'article 59 imposant au président du congrès le dépôt d'une déclaration patrimoniale, la commission a adopté un amendement étendant cette obligation à l'ensemble des membres du congrès.

A l'article 67 donnant compétence au tribunal administratif pour déclarer démissionnaire le membre du congrès qui, sans justification, a refusé de remplir ses fonctions, la commission a adopté un amendement tendant à donner cette compétence au Conseil d'Etat, par cohérence avec les dispositions de l'article 189 qui confient au Conseil d'État le contentieux des élections au congrès et aux assemblées de province.

La commission a adopté un amendement pour insérer un article additionnel après l'article 69 permettant aux membres du congrès d'exposer en séance les questions orales ayant trait aux affaires de Nouvelle-Calédonie.

Sur l'article 75 qui prévoit la publicité des débats de la commission permanente du congrès, la commission a adopté un amendement supprimant ce dispositif, déclaré contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales par une décision du Conseil constitutionnel du 14 janvier 1999.

La commission a adopté un amendement insérant un article additionnel après l'article 87 pour permettre au congrès de la Nouvelle-Calédonie de créer des commissions d'enquête.

A l'article 107 relatif à l'élection du président et du vice-président du gouvernement, la commission a adopté un amendement pour prévoir que ces autorités seraient élues à la majorité des membres du gouvernement.

La commission a adopté un amendement insérant un article additionnel avant l'article 110 pour préciser que le membre du congrès ou le membre d'une assemblée de province élu au gouvernement cesse d'appartenir à l'assemblée dont il était membre.

Sur l'article 110 permettant à un membre du gouvernement qui était précédemment membre du congrès ou d'une assemblée de province de retrouver son siège lorsqu'il quitte le gouvernement sans que soit imposé un délai d'option,M. Jacques Larché, président, a rappelé qu'une proposition de révision constitutionnelle avait été déposée en 1974 pour organiser ce même retour automatique pour les parlementaires quittant les fonctions ministérielles auxquelles ils avaient été nommés. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a précisé que cette garantie bénéficiant aux membres du congrès et de assemblées de province était prévue par l'Accord de Nouméa.

A l'article 115 relatif au secret des réunions du gouvernement, la commission a adopté un amendement pour prévoir que ces réunions pourraient donner lieu à un communiqué.

Sur l'article 128 concernant le renouvellement du sénat coutumier à partir de 2005, M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a interrogé la commission pour savoir si elle souhaitait poser le principe de l'élection obligatoire des membres du sénat coutumier, comme cela était prévu pour les conseils coutumiers en vertu de l'article 140. Après un débat auquel ont participé MM. Jacques Larché, président, Patrice Gélard, Jean-Jacques Hyest, rapporteur, et Simon Loueckhote, la commission a décidé que l'élection des membres du sénat coutumier et des conseils coutumiers à compter de 2005 devait rester facultative et a adopté un amendement modifiant en ce sens l'article 140. La commission a également adopté un amendement pour prévoir que la loi du pays définissant les modalités de l'élection et le collège électoral du sénat coutumier serait, si elle était votée, soumise obligatoirement au contrôle du Conseil constitutionnel.

A l'article 153 relatif aux séances des assemblées de province, la commission a adopté un amendement pour ramener de la moitié au tiers le nombre des membres de l'assemblée de province admis à demander la tenue d'une séance, comme cela est prévu par le code général des collectivités territoriales pour les conseils généraux et régionaux.

A l'article 161 concernant la procédure de dissolution d'une assemblée de province, la commission a adopté un amendement pour supprimer l'obligation de consulter les présidents des deux assemblées de province non concernées par la dissolution.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 173 qui prévoit la possibilité de présenter une motion de renvoi au cours de la procédure d'examen du budget d'une assemblée de province. Elle a estimé que le dispositif proposé était sans lien avec la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa et souffrait de graves incohérences.

A l'article 181 qui prévoit qu'en cas d'égalité des suffrages obtenus par deux listes présentées aux élections aux assemblées de province le candidat le plus jeune serait proclamé élu, la commission a adopté un amendement rétablissant la disposition habituelle en droit électoral selon laquelle le candidat le plus âgé est proclamé élu.

A l'article 183 concernant l'âge d'éligibilité pour les élections aux assemblées de province et au congrès, la commission a adopté un amendement rétablissant la majorité électorale à 21 ans.

A l'article 197 prévoyant la possibilité pour le président du gouvernement, du congrès, du sénat coutumier ou d'une assemblée de province de saisir pour avis le tribunal administratif, la commission a adopté un amendement rétablissant la rédaction initiale du projet de loi organique, pour imposer que les demandes d'avis portant sur des questions touchant à la répartition des compétences soient portées devant le Conseil d'Etat.

La commission a adopté un amendement insérant un article additionnel avant l'article 198, distinguant les deux chambres territoriales des comptes de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. M. Jacques Larché, président, et M. Simon Loueckhote ont souligné l'intérêt d'une telle initiative, conforme à l'esprit de l'Accord de Nouméa. MM. Guy Allouche et Lucien Lanier ont rappelé que la commission avait déjà proposé cet amendement en février 1996 lors de l'examen du projet de statut de la Polynésie française.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 198 bis, introduit par l'Assemblée nationale pour prévoir un rapport public annuel de la chambre territoriale des comptes de Nouméa. M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a souligné qu'il s'agissait d'une innovation dérogatoire au droit commun, sans lien avec l'Accord de Nouméa, et qu'il était préférable que les observations de la chambre territoriale des comptes figurent au rapport public de la Cour des comptes. M. Simon Loueckhote a rappelé que les lettres d'observations définitives étaient déjà accessibles au public par application du code des juridictions financières.

A l'article 207 organisant la procédure de consultation sur l'accession à la pleine souveraineté, la commission a adopté deux amendements corrigeant une erreur du projet de loi initial, pour préciser que devait être prise en considération la majorité des suffrages exprimés et non la majorité des votants. Elle a également adopté deux amendements pour éviter toute interférence entre la campagne relative à la consultation et celle relative au renouvellement général du congrès et des assemblées de province.

La commission a adopté trois amendements insérant autant d'articles additionnels après l'article 216 pour actualiser les lois et ordonnances de nature organique relatives à l'élection du Président de la République au suffrage universel, à l'élection des députés et des sénateurs et à la composition du Conseil économique et social, en tenant compte du fait que la Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer.

La commission a en outre adopté 177 amendements présentant un caractère rédactionnel, de coordination avec des amendements de fond, de précision ou corrigeant des erreurs ou des oublis sur les articles 2 et additionnel après l'article 2, au titre premier (consacré au statut civil coutumier et à la propriété coutumière) sur les articles 15, 17 et additionnel après l'article 17, au titre II (relatif aux compétences) sur les articles 19, 21, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 37, 40, 41, 45, 46, 53, 54, 55, additionnel après l'article 56, 56 bis et 56 ter, au titre III (relatif aux institutions de la Nouvelle-Calédonie) sur les articles 60, 61, 66, 67, 68, 74, 75, 83, 84, 88, 91, 92, 102, 103, 104, 110, 115, 116, additionnel avant l'article 117, 117, 118, 119, 121, 123, 124, 125, 127, 129, 135, 136, 138, 139, 142, 143, 145, 146 et 147, au titre IV (consacré aux provinces) sur les articles 148, additionnel après l'article 149, 153, additionnels après l'article 155, 156, 157, 158, 160, 161, 162, 166 et 171, au titre V (relatif aux élections au congrès et aux assemblées de province) sur les articles 174, 175, 177, 178, 182, 183, 184, 185, 187 et 189, au titre VI (concernant le haut-commissaire de la République et l'action de l'État) sur les articles 193 et 194, au titre VII (relatif au contrôle juridictionnel, financier et budgétaire) sur les articles 195, 196, 198, 198 ter, 199 et 200, au titre VIII (portant sur le rééquilibrage et le développement économique) sur un article additionnel après l'article 201, au titre IX (consacré à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté) sur les articles 207, 208 et 209 et au titre X portant dispositions diverses et transitoires sur les articles 214, 215, 216, 217 et 220.

La commission a ensuite adopté trente deux amendements sur le projet de loi ordinaire.

La commission a adopté un amendement insérant un article additionnel avant l'article 4 pour créer un code des communes de la Nouvelle-Calédonie à valeur législative.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, rappelant que le code général des collectivités territoriales n'était pas applicable en Nouvelle-Calédonie, a souligné les inconvénients de la solution actuelle consistant à viser la loi du 8 juillet 1977 à chaque modification législative concernant les communes de la Nouvelle-Calédonie et la nécessité de rendre plus lisible l'ordonnancement juridique applicable en outre-mer.

En conséquence, la commission a adopté des amendements de codification aux articles 4 relatif à la délivrance par le maire des autorisations de construire et de lotir et des certificats d'urbanisme, 5  traitant de l'exercice par le maire, au nom de la commune, des droits de préemption, 6  consacré à l'aide des communes aux entreprises privées, 7  relatif aux sociétés d'économie mixte, 8  relatif aux syndicats mixtes, ainsi qu'un amendement insérant un article additionnel après l'article 8 consacré au contrôle de légalité des actes des communes.

Elle a ensuite adopté des amendements formels ou de coordination au titre premier relatif au haut-commissaire de la République et à l'action de l'État, sur les articles 1er et 3, au titre III (portant dispositions relatives aux comptes) sur les articles 9 et 10, et au titre V (relatif aux élections au congrès et aux assemblées de province) sur les articles 13, 14, 15 et 19.

La commission a approuvé le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire relatifs à la Nouvelle-Calédonie.