Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Justice - Réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale - Examen des amendements

La commission a procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 490 (1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, portant réforme du code de justice militaire et du code de procédure pénale.

M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a tout d'abord souligné la convergence de vues entre les deux commissions saisies au fond et pour avis. Il a indiqué que les amendements n°s 42 à 49 adoptés par la commission des affaires étrangères étaient semblables aux amendements adoptés par la commission des lois et tendaient à prévoir un avis du ministre de la défense en cas de mise en mouvement de l'action publique par la partie lésée, à supprimer toute référence au tribunal aux armées des forces stationnées en Allemagne dans le code de justice militaire pour tenir compte de sa suppression prochaine, à prévoir une refonte du code de justice militaire avant le 31 décembre 2002, enfin à supprimer les articles du projet relatifs aux tribunaux prévôtaux, dans la mesure où de tels tribunaux ne pourront plus être établis en temps de paix après l'adoption du texte en discussion.

Après que M. René Garrec eut indiqué que ces amendements étaient identiques à des amendements qu'il avait lui-même déposés au nom de la commission des lois, la commission a donné un avis favorable aux amendements n° 42, tendant à supprimer l'article 3 bis du projet de loi, n° 43 tendant à modifier l'article 6 du projet pour prévoir l'abrogation de l'article 5 du code de justice militaire, n°s 44, 45 et 46, tendant à supprimer les articles 38, 39 et 40 du projet, n° 47 rectifié, tendant à rétablir l'article 46 du projet de loi et n° 49, tendant à modifier l'article 52 bis.

M. René Garrec, rapporteur, a observé que l'amendement n° 48 de M. Serge Vinçon, tendant à insérer un article additionnel après l'article 51 pour tenir compte du maintien provisoire du tribunal de Baden-Baden, était quasiment identique à l'amendement n° 39 de la commission, mais qu'il comportait une différence rédactionnelle. Il a proposé de retirer en séance publique l'amendement n° 39 au bénéfice de l'amendement n° 48, auquel la commission a alors donné un avis favorable.

Mercredi 3 mars 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Sécurité civile - Polices municipales - Désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire

La commission a tout d'abord procédé à la désignation de candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi relatif aux polices municipales.

Elle a désigné comme candidats titulaires : MM. Jacques Larché, Jean-Paul Delevoye, Jacques Peyrat, Daniel Hoeffel, Paul Girod, Marcel Charmant, Michel Duffour et comme candidats suppléants : MM. Jean-Paul Amoudry, José Balarello, Luc Dejoie, Mme Dinah Derycke, MM. Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Jean-Pierre Schosteck.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a procédé à la nomination de M. Paul Girod, comme rapporteur sur les textes suivants :

- proposition de loi organique n° 231 (1998-1999) de M. Henri de Raincourt et plusieurs de ses collègues, abaissant l'âge d'éligibilité au Sénat ;

- proposition de loi organique n° 496 (1997-1998) de Mme Hélène Luc et plusieurs de ses collègues, tendant à abaisser l'âge d'éligibilité des sénateurs ;

- proposition de loi organique n° 459 (1997-1998) de M. Guy Allouche et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier le nombre de sénateurs élus dans les départements et à abaisser l'âge d'éligibilité des sénateurs ;

- proposition de loi organique n° 54 (1997-1998) de Mme Hélène Luc et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier le nombre de sénateurs élus dans les départements ;

- proposition de loi n° 230 (1998-1999) ) de M. Henri de Raincourt et plusieurs de ses collègues, modifiant le mode d'élection des sénateurs ;

- proposition de loi n° 460 (1997-1998) de M. Guy Allouche et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier le tableau n° 6 annexé à l'article L. 279 du code électoral fixant le nombre de sénateurs représentant les départements, ainsi que le tableau n° 5 annexé à l'article L.O 276 du code électoral relatif à la répartition des sièges de sénateurs entre les séries ;

- proposition de loi n° 458 (1997-1998) de M. Guy Allouche et plusieurs de ses collègues, modifiant des dispositions du code électoral relatives à l'élection des sénateurs ;

- proposition de loi n° 209 (1997-1998) de M. Jean-Michel Baylet et Mme Joëlle Dusseau, relative au mode d'élection des sénateurs ;

- proposition de loi n° 152 (1997-1998) de Mme Hélène Luc et plusieurs de ses collègues, relative à l'élection sénatoriale.

Constitution - Égalité entre les femmes et les hommes - Examen du rapport en deuxième lecture

Puis la commission a procédé, sur le rapport de M. Guy Cabanel, à l'examen du projet de loi constitutionnelle n° 228 (1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

M. Guy Cabanel, rapporteur, a déploré la présentation caricaturale faite par certains organes de presse de la démarche du Sénat en première lecture et a souligné que la Haute Assemblée avait entendu permettre au législateur d'adopter des dispositions incitatives en modifiant l'article 4 de la Constitution relatif aux partis et groupements politiques.

Il a rappelé qu'en deuxième lecture comme en première lecture l'Assemblée nationale avait décidé de compléter l'article 3 de la Constitution afin que la loi détermine les conditions dans lesquelles serait organisé l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

M. Guy Cabanel, rapporteur, faisant valoir la nécessité d'un accord entre les deux assemblées sur le projet de loi constitutionnelle, a indiqué que ses propositions tendaient à réduire l'écart entre les positions du Sénat et celles de l'Assemblée nationale.

Rappelant la déclaration de Mme Catherine Tasca, rapporteur du projet à l'Assemblée nationale, selon laquelle l'Assemblée nationale avait l'habitude de chercher un accord avec le Sénat chaque fois que cela paraissait souhaitable et possible, M. Guy Cabanel, rapporteur, a précisé que telle était aussi la méthode de travail de la commission des lois du Sénat.

Il a proposé de compléter l'article 3 de la Constitution en reprenant le texte initial du projet sur lequel existait un accord entre le Président de la République et le Premier ministre, en ajoutant la précision que les mandats et fonctions dont il s'agirait seraient respectivement " électoraux " et " électives ". Ainsi, la loi favoriserait l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

M. Jacques Larché, président, a observé que le texte proposé n'indiquait pas expressément que l'égal accès portait sur les candidatures.

M. Paul Girod a confirmé son hostilité à toute modification de l'article 3 de la Constitution qui introduirait des divisions au sein du peuple souverain et pourrait conduire à d'autres discriminations positives.

Il a précisé qu'il ne voterait pas une modification de l'article 3 de la Constitution faisant expressément référence aux femmes et aux hommes.

En ce qui concerne une éventuelle modification de l'article 4 de la Constitution, il a estimé préférable de renvoyer à une loi pour la définition du cadre juridique des partis politiques sans constitutionnaliser leur financement public, précisant que cette loi pourrait ensuite moduler ce financement.

En réponse à Mme Dinah Derycke, M. Guy Cabanel, rapporteur, a indiqué qu'il proposait aussi une modification de l'article 4 de la Constitution inspirée de celle adoptée par le Sénat en première lecture, permettant la modulation du financement public des partis politiques, en fonction de la proportion de femmes présentées aux élections.

M. Henri de Richemont a demandé si la proposition du rapporteur pour l'article 3 de la Constitution permettrait les quotas.

M. Pierre Fauchon s'est indigné de l'analyse déformée faite par certains organes de presse de la position prise par le Sénat en première lecture et s'est étonné de ce que Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, ait considéré inadéquat de confier aux partis politiques la responsabilité de remédier à une situation dont ils étaient responsables alors que précisément le Sénat avait prévu une disposition législative pour inciter les partis à une présentation équilibrée de candidatures féminines et masculines.

Rappelant que l'égalité en droit de la femme et de l'homme dans tous les domaines était établie par le troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, M. Pierre Fauchon a considéré qu'il était regrettable de modifier l'article 3, et que la rédaction proposée, faute d'établir une norme claire, laisserait une trop grande marge d'appréciation au Conseil constitutionnel.

Il a considéré que si le Sénat avait eu raison de souligner qu'il suffisait d'encourager les partis, il convenait cependant, en deuxième lecture, de ne pas prendre le risque d'adopter une rédaction du texte qui ne serait pas acceptable pour l'Assemblée nationale et qui pourrait laisser dire que le Sénat avait voulu bloquer la révision.

M. Pierre Fauchon a indiqué qu'il accepterait, dans ces conditions, les modifications proposées par le rapporteur aux articles 3 et 4 de la Constitution.

Il s'est interrogé sur le dépôt éventuel d'un sous-amendement prévoyant la sauvegarde du droit à la candidature et de la liberté de choix de l'électeur et a indiqué qu'il le soutiendrait, le cas échéant.

M. Patrice Gélard a déploré la tendance du législateur à privilégier la politique plutôt que le droit, ce qui pouvait conduire à des erreurs ou à des aberrations.

Il a regretté que le texte proposé ne comporte pas de normes suffisamment précises et risque de donner au Conseil constitutionnel un rôle d'appréciation sur la proportion dans laquelle les lois favoriseraient l'égal accès des femmes et des hommes.

M. Patrice Gélard a souligné que le Sénat avait mis en lumière les problèmes soulevés par le projet de révision sans pour autant marquer d'hostilité à l'égard de l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions.

Il a envisagé une rédaction du texte proposé pour l'article 3 selon laquelle la République favoriserait l'égal accès.

Précisant néanmoins qu'il se ralliait à la proposition du rapporteur sur l'article 3 de la Constitution, il a marqué son inquiétude sur les futures lois de mise en oeuvre de la révision, en particulier sur le risque d'établissement de quotas et de cloisonnement des élus.

M. Guy Allouche a estimé que la presse n'avait fait que relater les débats du Sénat. Il a déclaré que le droit était au service de la politique et non l'inverse, ajoutant que les candidats se présentaient aux élections sur un programme politique, mis en oeuvre par la suite par des dispositions juridiques.

Il s'est étonné de l'annonce du dépôt d'un sous-amendement, indiquant qu'il aurait souhaité être informé dès à présent de sa teneur.

M. Jacques Larché, président, a précisé que la commission n'était saisie que des deux amendements présentés par le rapporteur et qu'en l'état actuel il ne pouvait pas être procédé à une discussion sur un sous-amendement qui n'existait pas.

En réponse à M. Guy Allouche, M. Robert Badinter a estimé que si la politique se jouait du droit, le droit la rattrapait toujours et que négliger les principes constitutionnels conduisait inévitablement à ruiner peu à peu l'édifice juridique sur lequel était fondée notre société.

Il a considéré que le rétablissement du texte d'origine ne serait pas satisfaisant et a rappelé que le doyen Georges Vedel avait lui-même estimé que ce texte donnerait un pouvoir de contrôle excessif au Conseil constitutionnel sur les lois électorales.

M. Robert Badinter a considéré que le texte proposé par le rapporteur remettrait en cause le principe de l'universalité du suffrage et ouvrirait la voie à des revendications communautaristes.

Soulignant que le projet concernait les candidatures, pour lesquelles le rôle des partis est essentiel, il en a déduit qu'il serait préférable de modifier l'article 4 de la Constitution, lequel concerne leur statut constitutionnel.

Considérant, d'une part, qu'une modification de l'article 3 de la Constitution ne serait pas acceptable au regard des principes constitutionnels et, d'autre part, qu'une révision du seul article 4 ne serait pas admise par l'Assemblée nationale,M. Robert Badinter a suggéré de créer un nouvel article 4-1 de la Constitution, précisant que le texte de cet article devrait aussi permettre une modulation par la loi du financement public des partis politiques.

Il a souligné que l'acceptation résignée du texte proposé par le Président de la République et le Premier ministre pourrait être analysée comme un nouveau signe de la prééminence de l'exécutif sur le législatif, constatée depuis l'origine de la Ve République.

M. Guy Cabanel, rapporteur, a considéré que ses propositions constituaient le seul moyen de parvenir à un accord entre les assemblées. Il a précisé que la révision de l'article 3 de la Constitution permettrait l'adoption de lois électorales d'obligation sous le contrôle du Conseil constitutionnel et que celle de son article 4 était indispensable au maintien du scrutin majoritaire.

En réponse à M. Henri de Richemont, M. Jacques Larché, président, rappelant que Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, avait indiqué que le projet permettrait aussi bien des lois contraignantes que des lois incitatives, a constaté que le texte proposé par le rapporteur permettrait l'instauration de quotas.

M. Guy Cabanel, rapporteur, a considéré que la modification de l'article 3 de la Constitution laisserait une marge d'appréciation au Conseil constitutionnel.

M. Jacques Larché, président, et M. Robert Badinter ont considéré que sur la base de sa jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel, saisi d'une loi de mise en oeuvre d'une révision constitutionnelle, pourrait estimer qu'il appartiendrait au Parlement seul d'apprécier la graduation des mesures à prendre pour favoriser l'égal accès et qu'une loi électorale comportant des quotas ne serait probablement pas déclarée non conforme à la Constitution.

M. Guy Cabanel, rapporteur, en réponse aux intervenants, a précisé que la révision constitutionnelle était sous-tendue par une volonté politique, que les décisions du Sénat devaient être compréhensibles pour l'opinion publique, que la mention de la " République " dans le texte de l'article 3 n'aurait pas facilité un aboutissement de la révision et qu'il convenait de ne pas sous-estimer la déformation par la presse des travaux du Sénat, laquelle n'a pas favorisé un débat serein.

Il a considéré que si la suggestion d'insérer le texte du projet initial dans un nouvel article de la Constitution pouvait apparaître séduisante, elle risquerait cependant de rendre plus difficile la perspective d'un rapprochement entre les positions de l'Assemblée nationale et celles du Sénat.

A l'issue d'une suspension de séance, Mme Dinah Derycke a indiqué qu'à défaut d'informations précises concernant le dépôt éventuel d'un sous-amendement, son groupe ne pourrait participer au vote sur les propositions du rapporteur.

M. Jacques Larché, président, a rappelé qu'il n'était pas possible de délibérer sur un sous-amendement qui n'existait pas et a indiqué que la commission se réunirait à nouveau dans l'hypothèse où un sous-amendement serait déposé après sa réunion sur les amendements extérieurs.

M. Pierre Fauchon a indiqué que le groupe de l'Union centriste voterait pour les propositions du rapporteur, réservant cependant sa position en séance publique en fonction du sort qui serait réservé à un sous-amendement éventuel sur le respect de la liberté de candidature et le libre-choix de l'électeur.

M. Michel Duffour a indiqué qu'il s'abstiendrait sur les propositions du rapporteur, marquant sa préférence pour le texte adopté par l'Assemblée nationale mais enregistrant avec satisfaction la démarche proposée par le rapporteur pour rapprocher les positions du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Il a cependant émis des réserves sur l'opportunité d'inscrire le financement public des partis politiques dans la Constitution.

La commission a adopté les propositions du rapporteur tendant à compléter les articles 3 et 4 de la Constitution.

Administration - Droit des citoyens dans leurs relations avec les administrations - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Paul Amoudry sur le projet de loi n° 153 (1998-1999) relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a constaté que ce projet de loi s'inscrivait dans le prolongement du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, dont l'examen, par le Parlement, avait été interrompu au printemps 1997 par la dissolution de l'Assemblée nationale. Se référant aux circulaires du Premier ministre du 26 juillet 1995 et du 3 juin 1998 et au décret du 8 juillet 1998 créant la Délégation interministérielle à la réforme de l'Etat, il a précisé que l'essentiel des mesures relatives à la réforme de l'Etat relevait du domaine réglementaire. S'agissant des moyens financiers affectés à cette réforme, il a indiqué que le fonds pour la réforme de l'Etat avait été doté de 112 millions de francs en 1998. Enfin, il a souligné que la simplification des relations entre le monde économique et les autorités administratives avait fait l'objet des deux lois du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle et du 2 juillet 1998 portant diverses mesures d'ordre économique et financier.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a observé que près de la moitié des vingt-huit articles proposés reprenaient des dispositions du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public dans leur rédaction, à deux exceptions près, résultant de l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale et le Sénat au printemps 1997.

Après avoir énuméré les articles issus du précédent projet de loi en rappelant brièvement leur objet, M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a indiqué que plusieurs mesures nouvelles allaient dans le sens d'une meilleure transparence administrative (article 4 : généralisation de la levée de l'anonymat des agents des services publics ; articles 6 à 9 : mise en cohérence des trois lois de 1978 et 1979 relatives à l'informatique et aux libertés, à l'accès aux documents administratifs et aux archives ; articles 11 à 13 : extension du contrôle de la Cour des comptes et amélioration de la procédure d'échanges de pièces entre les juridictions financières et judiciaires ; article 14 : certification de la date d'envoi d'une demande, du dépôt d'une déclaration, de l'exécution d'un paiement ou de la production d'un document).

Il a indiqué que d'autres mesures proposées étaient en revanche contestables, soit du fait de leur absence de portée normative, soit parce que leurs conséquences n'avaient fait l'objet d'aucune évaluation.

Il a ainsi regretté qu'à l'article 2 le Gouvernement ait éprouvé la nécessité de rappeler que les autorités administratives devaient organiser un " accès simple " aux règles de droit qu'elles édictent, ce principe directeur devant naturellement constituer une préoccupation constante et quotidienne de l'administration, sans pour autant revêtir une portée normative, dès lors que la notion d' " accès simple " n'était pas définie.

Tout en soulignant l'importance de la codification des textes dans un Etat de droit, il a observé que l'article 3, fixant un programme légal d'adoption d'une série de codes avant le terme de la présente législature, était lui aussi dénué de portée normative. Il a estimé que cet article, de pur affichage, n'était pas de nature à lever le blocage affectant depuis deux ans le processus de codification, seule la volonté politique du Gouvernement, maître de l'ordre du jour, étant susceptible d'y remédier.

A l'article 5, rendant systématique la consultation du public sur toutes les opérations de travaux publics, il a regretté l'absence d'évaluation du coût et des conséquences sur le processus de décision d'une telle mesure.

Enfin, à l'article10, imposant aux organismes aidés ou subventionnés sur fonds publics de tenir leurs comptes à disposition du public, il a souhaité délimiter plus précisément le champ d'application de cette obligation dont la portée n'avait, là encore, fait l'objet d'aucune évaluation.

M. Robert Bret a estimé que le projet de loi, marquant dans son ensemble de réels progrès, restait perfectible, en particulier sur la question du financement des maisons des services publics et des charges induites pour les collectivités territoriales.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article premier (définition des autorités administratives) afin d'en transférer le contenu dans un article additionnel placé en tête du titre II, M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, ayant estimé que le choix de faire figurer la définition des autorités administratives en tête du projet de loi n'était pas pertinent puisque seuls onze articles sur les vingt-huit du projet de loi faisaient référence à cette définition, huit d'entre eux figurant au titre II.

A l'article 2 (accès simple aux règles de droit édictées par les autorités administratives), le rapporteur a regretté l'absence de portée normative de cette disposition. M. Patrice Gélard a souhaité le maintien de cet article, considérant que beaucoup d'administrations faisaient obstacle à l'accès des citoyens aux règles de droit. M. Jacques Larché, président, ayant estimé que cet article, en l'absence de définition de la notion d' " accès simple ", risquait d'engendrer un contentieux important, la commission a adopté un amendement de suppression de l'article 2.

A l'article 3 (codification des textes législatifs avant la fin de la présente législature), M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a rappelé que le Sénat, et en particulier sa commission des lois, attachaient une grande importance à la codification, comme en avaient témoigné les travaux menés lors du débat sur le code général des collectivités territoriales ou sur le code de commerce. En regrettant que ce processus ait été interrompu depuis février 1996, le rapporteur a observé que l'article 3 n'apportait aucune solution. Il a souligné que, seule, la volonté politique du Gouvernement d'inscrire les projets de loi de codification à l'ordre du jour des assemblées était susceptible de remédier à ce blocage. Après avoir estimé que l'affichage d'un objectif n'était pas du ressort de la loi, il s'est en outre interrogé sur la constitutionnalité du dispositif proposé, contraire au principe selon lequel le Parlement ne peut se lier lui-même par une injonction à légiférer.

Approuvé par M. Lucien Lanier, M. Patrice Gélard a souhaité le maintien de cet article, confirmant que le blocage du processus de codification était imputable au Gouvernement qui n'inscrivait pas à l'ordre du jour les nombreux projets préparés par la Commission supérieure de codification, malgré l'engagement pris sur ce point par le Premier ministre dans son programme de politique générale. Tout en soulignant la nécessité d'inscrire dans la loi un programme de codification, il a proposé de corriger la rédaction de l'article 3 afin de supprimer la mention selon laquelle la codification s'effectue " en principe " à droit constant. M. Guy Allouche a jugé présomptueux de prévoir l'adoption de la série de codes annexée au projet de loi avant la fin de la présente législature, cette échéance ne constituant pas une date certaine.

M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, soulignant le consensus sur la nécessité de reprendre le processus de codification, a confirmé que cet objectif, dénué de portée normative, ne pouvait être inscrit dans la loi. Il a proposé de demander en séance publique un engagement politique ferme du Gouvernement sur ce point. M. Patrice Gélard ayant reconnu le caractère peu réaliste du programme défini eu égard au délai imparti dès lors que, de son point de vue, il n'était guère envisageable d'examiner plus de quatre projets de code par an, M. Jacques Larché, président, a estimé inopportun de surcharger la loi de dispositions dénuées de portée normative. La commission a donc adopté un amendement de suppression de l'article 3, ainsi qu'un amendement de coordination pour supprimer la division chapitre Ier du titre Ier.

A l'article 4 (levée de l'anonymat des agents des autorités administratives), la commission a adopté un amendement pour étendre l'application du principe de personnalisation des relations avec le public à tout organisme chargé d'une mission de service public au lieu de le limiter aux seuls services publics administratifs.

A l'article 5 (consultation systématique du public sur une opération de travaux publics), M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a indiqué que les conséquences concrètes de cette obligation générale de consultation n'avaient pas été évaluées et qu'une telle disposition comportait un risque de paralysie de l'administration. Il a rappelé que cette obligation se superposait au droit actuellement en vigueur en matière d'enquête publique ou de consultation du public et a estimé cette réforme prématurée, dans la mesure où une expertise technique était en cours sur l'ensemble des procédures spéciales existantes dans ce domaine. La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 5.

Après que M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, eut précisé, en réponse à M. Jacques Larché, président, que les articles 6 à 9 avaient pour objet d'opérer une harmonisation entre les trois lois de 1978 et 1979 relatives à l'informatique et aux libertés, à l'accès aux documents administratifs et aux archives, la commission a adopté trois amendements rédactionnels à l'article 6 (modification de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés). M. Yves Fréville s'est interrogé sur l'opportunité de modifier dès à présent la loi " informatique et libertés " alors que la directive européenne du 24 octobre 1995 n'avait pas encore été transposée. M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, ayant précisé que les modifications proposées n'étaient pas en contradiction avec cette directive, M. Jacques Larché, président, a souhaité que le Gouvernement soit interrogé sur ce point.

A l'article 7 (sanctions pénales de la conservation et du traitement illicites d'informations nominatives), la commission a adopté un amendement formel pour en harmoniser le libellé avec la rédaction du nouveau code pénal.

A l'article 8 (modification de la loi du 17 juillet 1978 concernant la liberté d'accès aux documents administratifs), la commission a adopté trois amendements rédactionnels, ainsi qu'un amendement tendant à supprimer la disposition selon laquelle les documents non communicables au sens de la loi du 17 juillet 1978 pourraient être communiqués dans les conditions prévues par la loi du 3 janvier 1979 sur les archives. M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a en effet estimé que cette précision était de nature à introduire une confusion, puisque les deux lois ne faisaient pas référence aux mêmes notions (droit à communication pour l'une, droit à consultation pour l'autre). M. Robert Bret etM. Pierre Fauchon ont obtenu du rapporteur la confirmation que ces articles avaient recueilli l'avis favorable de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA).

A l'article 10 (obligation pour les autorités administratives et les organismes aidés ou subventionnés sur fonds publics de tenir leurs comptes à disposition du public), M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a souligné que la rédaction proposée ne définissait ni les comptes devant être mis à la disposition du public, ni les organismes visés par cette obligation, ni les conséquences concrètes de celle-ci. Après avoir rappelé que la publicité des comptes de l'Etat, des collectivités locales, de la Sécurité sociale et de la plupart des entreprises privées était déjà prévue par le droit existant, il a proposé de mieux délimiter le champ d'application de cet article en visant expressément les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, comme le suggérait le rapport du Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics de mars 1998. Après que M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, eut rappelé, en réponse à M. Pierre Fauchon, que le seuil à partir duquel s'exerçait l'obligation de produire ces comptes était fixé par voie réglementaire à un million de francs de subvention, la commission a adopté un amendement de réécriture de l'article 10, modifiant l'article 29 bis de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises, pour prévoir que le bilan et le compte de résultat de l'association devraient être déposés à la préfecture.

A l'article 12 (procédure d'échanges de pièces entre les juridictions financières et judiciaires), la commission a adopté trois amendements rédactionnels.

A l'article 13 (application de l'article 12 dans les territoires d'outre-mer), la commission a adopté cinq amendements rédactionnels.

La commission a adopté un amendement créant un article additionnel avant la division chapitre Ier du titre II transférant en tête du titre II les dispositions figurant initialement à l'article 1er.

A l'article 14 (certification de la date d'envoi d'une demande, du dépôt d'une déclaration, de l'exécution d'un paiement ou de la production d'un document), la commission a adopté un amendement de réécriture de cet article, de portée rédactionnelle.

La commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 16 (identification de l'auteur d'une décision), afin de transférer le dernier alinéa de l'article 4 dans le chapitre II du titre II relatif aux décisions des autorités administratives.

Aux articles 16 (définition des demandes adressées aux autorités administratives) et 17 (accusé de réception des demandes), la commission a adopté deux amendements de coordination. A l'article 17, elle a adopté un amendement prévoyant une sanction similaire, à savoir l'inopposabilité des délais de recours à l'auteur de la demande, lorsque l'administration n'a pas délivré d'accusé de réception et lorsqu'elle a bien délivré l'accusé de réception, mais sans respecter les prescriptions légales permettant au demandeur de faire valoir ses droits.

A l'article 21 (retrait pour illégalité des décisions implicites d'acceptation), la commission a adopté un amendement reprenant le dispositif adopté en 1997 par l'Assemblée nationale et le Sénat lors de l'examen du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public, tendant à distinguer selon que les mesures de publicité de la décision ont été ou non effectivement prises et à permettre le retrait d'une décision implicite d'acceptation illégale en cours d'instance contentieuse.

A l'article 23 (délégués du Médiateur et extension des compétences du Médiateur de la République), la commission a adopté un amendement permettant au Médiateur européen et aux médiateurs étrangers, saisis d'une réclamation relevant de la compétence du Médiateur de la République, de saisir celui-ci directement sans l'intermédiaire d'un parlementaire français. Elle a également adopté un amendement de clarification précisant que les délégués du Médiateur ne pouvait saisir ce dernier que si un député ou un sénateur avait transmis la réclamation.

A l'article 24 (création des maisons des services publics), la commission a adopté un amendement de réécriture de cet article. M. Jacques Larché, président, s'est interrogé sur les conséquences financières que pourrait avoir pour les départements la création de maisons des services publics. Tout en confirmant la pertinence de cette question, M. Robert Bret a estimé que de telles initiatives devraient permettre d'éviter l'instauration d'un service public à deux vitesses. M. Pierre Jarlier a souligné l'importance de la présence de maisons des services publics en milieu rural en approuvant la formule juridique du conventionnement. En réponse à M. Jacques Larché, président, M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur, a indiqué que le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire précisait que les maisons des services publics s'inscriraient dans le schéma départemental d'organisation et d'amélioration des services publics. Il a en outre rappelé qu'en 1997 le Sénat avait adopté un dispositif similaire fixant le cadre juridique applicable aux maisons des services publics.

Aux articles 25 (regroupement d'une ou plusieurs maisons des services publics dans un groupement d'intérêt public) et 26 (convention pour le maintien d'un service public de proximité), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

Enfin, à l'article 27 (application dans les territoires d'outre-mer), la commission a adopté un amendement de réécriture pour tenir compte du fait que la Nouvelle-Calédonie n'est plus un territoire d'outre-mer et supprimer la référence aux articles 2, 3 et 5.

La commission a approuvé le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, ainsi modifié.

Jeudi 4 mars 1999

- Présidence de M. Jacques Larché, président.

Constitution - Egalité entre les femmes et les hommes - Examen des amendements

La commission a procédé, sur le rapport de M. Guy Cabanel, à l'examen des amendements au projet de loi constitutionnelle n° 228 (1998-1999), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Présentant son amendement n° 3, tendant à une nouvelle rédaction de l'article unique du projet de loi constitutionnelle, M. Paul Girod a exposé qu'il proposait d'inscrire à l'article 3 de la Constitution que la loi favoriserait l'égal accès aux mandats et fonctions de tous les citoyens, sans mentionner les femmes et les hommes, soulignant qu'il convenait de ne pas retenir une rédaction qui pourrait conduire à une quelconque distinction du corps électoral mais de considérer le peuple dans son ensemble.

Il a ajouté que son amendement tendait aussi à rappeler dans le texte de l'article 3 de la Constitution le respect du droit à la candidature et de la liberté de choix de l'électeur, précisant qu'il attendait du Gouvernement qu'il exprime en séance publique son attachement à ces principes.

M. Guy Cabanel, rapporteur, estimant que l'amendement risquait de soulever des interrogations sur son exacte portée, a proposé à la commission de donner un avis défavorable sur celui-ci.

M. Charles de Cuttoli a considéré qu'il n'existait aucun inconvénient à rappeler dans la Constitution le droit à la candidature et la liberté de choix des électeurs et que l'Assemblée nationale ne pourrait pas s'opposer à un tel rappel.

M. Guy Allouche a considéré que ces principes n'étaient pas mis en cause par la révision, puis MM. Pierre Fauchon et Daniel Hoeffel ont jugé que la nécessité d'adopter un texte acceptable par les deux assemblées les conduisait à ne pas être favorable à cet amendement.

Après que Mme Dinah Derycke eut fait valoir qu'un compromis n'était envisageable que sur le texte proposé par la commission, celle-ci a émis un avis défavorable sur l'amendement.

Sur le sous-amendement n° 2 à l'amendement n° 4 de la commission, tendant à insérer un article additionnel après l'article unique, M. Guy Cabanel, rapporteur, a indiqué qu'il s'agissait de supprimer la mention expresse du financement public des partis politiques dans le texte de la Constitution, la modulation de ce financement en fonction de la proportion de candidates présentées demeurant toujours possible.

M. Pierre Fauchon a estimé que, dans le texte adopté par le Sénat en première lecture, la référence explicite aux règles de financement public s'imposait pour donner au texte une valeur normative, mais que, dès lors que le Sénat avait accepté de compléter l'article 3, cette mention ne s'imposait plus.

M. Charles de Cuttoli a considéré que la notion de financement public n'avait pas sa place dans la Constitution.

A M. Robert Badinter qui demandait quelle serait la portée exacte du texte sous-amendé, M. Guy Cabanel, rapporteur, a répondu que ce texte confirmerait la responsabilité des partis politiques et permettrait à une loi de moduler le financement public ou de comporter toute autre disposition adéquate.

La commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement.